Détecteur Proportionnel Sphérique 

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La matière noire

Nous n’avons pas l’intention de détailler ici l’ensemble des connaissances de base en cosmologie et physique des particules. Nous allons rappeler brièvement les points théoriques essentiels pour une bonne compréhension du but des détecteurs destinés à la recherche d’événements rares comme SEDINE.
Nous savons aujourd’hui que la matière visible, c’est-à-dire celle directement accessible aux observations par la lumière qu’elle émet aux différentes longueurs d’onde, ne représente que 4 % du contenu de l’Univers. Cette quantité de matière ordinaire est constituée des planètes, des nuages de gaz interstellaires, d’étoiles trop peu lumineuses pour être vues, et enfin, de toutes les formes de matière baryonique. Le reste, la majeure partie de l’Univers (96 %), est sous la forme de composantes non visibles, la « matière noire » et l’« énergie noire ».
La nature, la distribution et l’évolution de la matière noire dans l’Univers sont devenues un sujet de recherche très important et suivi par de nombreux laboratoires de physique et d’astrophysique. L’énigme la plus fascinante de notre temps, soulevée par la cosmologie, est la nature et la quantité de « matière noire » dans l’Univers.

Evidence

L’observation de l’Univers peut être la méthode la plus naturelle pour déterminer la densité de matière. Celle-ci consiste à mesurer directement la quantité de matière observée dans un volume suffisamment grand de l’Univers en comptant le nombre de galaxies. On évalue ensuite le nombre moyen d’étoiles par galaxie et la masse moyenne d’une étoile. Tenant compte de la masse des nuages de gaz interstellaire, on obtient une estimation de la quantité moyenne de matière contenue dans un volume donné. Depuis plusieurs décennies, les observations visant à estimer le contenu en matière de l’Univers, en utilisant cette méthode, montrent que sa fraction observable (déterminée par l’émission X, UV , visible, InfraRouge, …) est insuffisante pour rendre compte des effets observés.
C’est Fritz Zwicky qui en 1933 [1], observe une différence entre la masse totale des objets visibles dans l’amas de Coma et leurs vitesses relatives. En mesurant la distribution des vitesses des galaxies, il trouve des vitesses excessivement élevées compte-tenu de leur masse qu’il avait déterminée par deux méthodes : la masse obtenue par l’addition de celle de tous les objets visibles et celle déduite par l’observation des vitesses relatives des galaxies dans l’amas. Il en a conclu que la vitesse élevée des galaxies ne pouvait être expliquée que si une quantité importante de la masse dans l’amas existait sous forme cachée, sinon, depuis longtemps l’amas se serait dispersé.
Depuis, plusieurs éléments plaident en faveur de l’existence d’une composante de matière sombre.
— Observation du mouvement de rotation des galaxies dans les amas de galaxies qui a montré l’insuffisance de la quantité de matière observée.
— Lentilles gravitationnelles qui se sont avérées être trop importantes comparées à la quantité de matière visible.
— Abondance en Deutérium dans l’Univers qui à montré que la densité baryonique est bien inférieure à la densité critique alors que d’autres mesures tendent à montrer que la densité totale est proche de cette densité critique.
Nous savons aujourd’hui que la quantité de matière observable n’est qu’une faible fraction (4 %) du contenu énergétique de l’Univers. Le reste (96 %), bien que de nature inconnue, est constitué d’environ 26 % de matière noire et 70 % d’énergie noire (figure 1.1 [2]).
Figure 1.1 – Distribution du contenu énergétique de l’Univers.

Les candidats à la matière noire

Les scientifiques ont passé en revue toute les formes de matière telle que les étoiles, les nuages de gaz interstellaires, les planètes, les étoiles trop peu lumineuses pour être vues, et enfin, toute matière baryonique. Le bilan s’est avéré insuffisant. La matière manquante peut être sous forme de matière noire froide (particules non relativistes) ou sous forme de matière noire chaude (particules rapides). Une hypothèse possible serait que la matière noire est composée de particules élémentaires interagissant très faiblement avec la matière.

Matière noire baryonique

Les scientifiques ont commencé à s’intéresser aux nuages de gaz. En 1990, l’expérience ROSAT a fourni la première carte de tout le ciel en rayon X. Les résultats montrent que les nuages de gaz ionisé au sein des amas de galaxies ne contribuent que faiblement à la masse manquante et que le confinement même de ces nuages à proximité des galaxies suppose la présence de matière noire. Ils montrent également que les nuages d’hydrogène atomique dans lesquels sont présentes les étoiles sont insuffisants eux aussi pour expliquer cette forte interaction gravitationnelle qui fait tourner les étoiles en périphérie de galaxie plus vite que prévu.
Les physiciens se sont alors intéressés aux objets plus compacts et n’émettant pas assez de lumière pour être détectés. Ces objets sont appelés « MACHO » (Massive Compacte Halo Objects). Le nombre des naines brunes 1 a été trouvé trop faible (EROS à elles, ne pouvaient, à elles seules expliquer le déficit en masse car cela supposerait d’observer un plus grand nombre de supernovae de type Ia 3 [4]. Ainsi les MACHOs ne peuvent pas expliquer la quantité de matière noire présente dans l’Univers étant donné leur faible nombre [5].
Le nombre important de trous noirs (plus que les étoiles et les MACHOs) pourrait rendre ceux-ci candidats à la matière noire. Néanmoins, pour combler la quantité man-quante de masse, il faudrait près d’un million de trous noirs par galaxie, ce qui devrait générer des effets gravitationnels importants sur les étoiles environnantes, ce qui n’a pas été observé [6].
En outre, selon la théorie du Big Bang, la matière ordinaire, formée de protons et de neutrons, ne peut constituer qu’une faible fraction de la matière noire. L’inverse supposerait la production d’énormes quantités d’hydrogène et d’hélium dans l’Univers primordial. Or les quantités prédites par ce scénario sont beaucoup plus grandes que celle en accord avec les observations. La piste de la matière noire baryonique a maintenant été abandonnée par les scientifiques qui se sont penchés sur une autre forme de matière, la matière non-baryonique.

Matière noire non-baryonique

Pendant longtemps, le neutrino a été considéré comme un candidat majeur dans la recherche de matière noire non-baryonique. En 1998, l’expérience Super-Kamiokande à mis en évidence le phénomène d’oscillation du neutrino et on sait aujourd’hui qu’il pos-sède une masse non nulle [7]. Après le photon, c’est la particule la plus abondante dans l’Univers et elle est insensible aux forces électromagnétiques et à la force nucléaire forte. Elle interagit donc très peu avec les autres particules, ce qui en fait un bon candidat pour la matière noire. Néanmoins, les résultats du satellite WMAP combinés aux résultats des expériences d’oscillations ont montré que la masse du neutrino est beaucoup trop faible pour qu’il puisse constituer l’essentiel de la matière noire [8]. Cependant, il reste encore une fenêtre hypothétique, à savoir une quatrième famille de neutrinos, neutrinos stériles de masse de l’ordre du keV .
Les axions relativistes pourraient également être candidats à la matière noire [9].
Aujourd’hui, c’est le modèle de matière noire froide, CDM (Cold Dark Matter) qui semble l’emporter largement, favorisant ainsi un modèle hiérarchique où les galaxies se forment avant les amas, les systèmes se forment à partir de l’effondrement des fluctua-tions de densité initiales qui croissent sous l’effet de la gravitation.
Les WIMPSs (Weakly Interactive Massive Particles) sont une classe de particules lourdes, interagissant faiblement avec la matière et pouvant constituer d’excellents can-didats à la matière noire froide non-baryonique. A ce jour, les WIMPs, particules pré-dites par la physique des particules, ne sont pas encore observées. Différentes expériences recherchent les WIMPs par détection indirecte (les observations en astronomie) ou dé-tection directe soit auprès d’accélérateurs comme LHC (Large Hadron Collider) soit en milieu protégé des rayonnements cosmiques (glace, souterrain etc …).

Détection directe de matière noire

En théorie, l’interaction des WIMPs avec la matière ordinaire se fait par collision sur le noyau du matériau cible qui recule en déposant son énergie dans la gamme du keV à la centaine de keV suivant la masse du WIMP. La difficulté se situe dans la très faible valeur du taux d’événements attendu, et dans la difficulté à les distinguer du bruit de fond issu des rayons cosmiques, de la radioactivité ambiante ou de la radioactivité propre aux matériaux utilisés.
Dans ce domaine, tous les détecteurs utilisent un ou plusieurs processus de détection : ionisation, lumière et/ou chaleur. Les relations entre les trois voies de mesure, quelques uns de leurs avantages respectifs et un éventail de matériaux utilisés sont reportés sur la figure 1.2 [10].
Figure 1.2 – Schéma résumant les trois voies de mesure possible pour la détection directe des WIMPs, ainsi qu’un éventail de matériaux utilisés dans des expériences ac-tuelles.
La voie « lumière » correspond à l’utilisation d’un matériau scintillant. L’interaction d’un WIMP avec le noyau d’un atome, excite ce dernier. Il lui est alors possible de rapidement dissiper une partie de son énergie en émettant des photons qui peuvent être collectés.
La voie « chaleur » repose sur la mesure de l’élévation de température consécutive à l’interaction. En théorie, l’intégralité de l’énergie déposée par l’interaction doit se retrouver à plus ou moins longue échéance sous forme de chaleur. Cependant, l’utilisation de cette voie nécessite des techniques de cryogénie de pointe pour garder et mesurer la température des détecteurs de l’ordre du microKelvin.
La voie « ionisation » correspond à la création de charges par le noyau de recul dans un cristal semi-conducteur (paires électron-trou, exemple Germanium), un liquide (paires électron-ion, ex. Xenon liquide) ou bien encore dans un mélange gazeux (paires électron-ion). Ces charges peuvent être collectées sur électrode afin d’obtenir un signal électrique proportionnel à l’énergie déposée. Dans le cadre de SEDINE, la cible utilisée est un mélange gazeux avec la flexibilité de pouvoir changer sa nature (noyau cible) et sa pression (masse de la cible).

Perspectives

Les résultats récents au LHC confirment la non-observation des particules prévues par le modèle de supersymmétrie.
Bien que tous les modèles de SUSY n’aient pas été rejetés, le MSSM est fortement désavantagé [11]. Aujourd’hui la matière noire reste une énigme pour la « nouvelle physique ».
Après plusieurs années d’effort, différentes expériences ont amélioré la sensibilité de leurs détecteurs à des masses entre 10 GeV jusqu’à quelques T eV , dans la détection di-recte de matière noire. Ce qui conduit à des courbes d’exclusion (section efficace d’inter-action des WIMPs en fonction de la masse de la particule) de plus en plus compétitives. La non-confirmation expérimentale actuelle des WIMPs dans la gamme d’énergie prévue pose la question : La masse des WIMPs ne serait t-elle pas plus légère, plus proche de la limite de Lee-Weinberg, ce qui donnerait approximativement une limite à 2 GeV ?
La gamme de masse de la matière noire prévue par MSSM pourrait être élargie. Plusieurs modèles théoriques prédisent des candidats à faible masse, parmi lesquels on pourrait mentionner la matière noire asymétrique, le boson U et d’autres théories avec des couplages plus complexes [12, 13, 14].
Ces conclusions arrivent en même temps qu’une certaine fébrilité du côté des expé-riences qui observent des signaux inexplicables tout près de leur seuil en énergie. Ne s’agirait-il pas de WIMPs plus légers que 10 GeV ? C’est le nouvel horizon que SE-DINE tente d’atteindre avec son seuil en énergie d’une centaine de eV et la possibilité d’utiliser, comme cible des noyaux légers (H, He, Ne …).
Les caractéristiques, les avantages et les limites de SEDINE seront largement discutés dans le chapitre IV qui lui est dédié.
Au préalable, nous allons donner une description brève des détecteurs gazeux avant de développer le nouveau concept de compteur proportionnel sphérique, SPC.

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Table des matières

I Matière noire 
1 Lamatièrenoire
1.1 Evidence
1.2 Les candidats à la matière noire
1.3 Détection directe de matière noire
1.4 Perspectives
II Détecteurs gazeux 
1 Détecteursdeparticules ionisantes
1.1 Introduction
1.2 Historique des détecteurs gazeux
1.3 Les détecteurs gazeux récents
III Détecteur Proportionnel Sphérique 
1 Les premiers détecteurs sphériques
2 Objectifs et enjeux scientifiques
3 Applications potentielles du SPC
4 Principe de détection du SPC
5 Interactions des particules avec la matière
5.1 Particules chargées
5.2 Interaction des photons
6 Le champ électrique
6.1 Le champ électrique idéal
6.2 Champ électrique avec le support de la bille
6.3 Champ électrique avec le correcteur de champ
7 Migration et diffusion des charges sous l’influence d’un champ électrique
7.1 La fonction de distribution de l’énergie des particules chargées
7.2 Vitesse de dérive
7.3 Diffusion
7.4 Recombinaison des électrons
7.5 Mobilité des ions
8 L’amplification dans le détecteur sphérique
8.1 Gain du détecteur
8.2 Distribution de Polya
8.3 Mesure du gain
8.4 Résolution en énergie et Facteur de Fano
9 La formation du signal
9.1 Fonction de transfert du préamplificateur
9.2 Avalanche d’un électron de dérive
9.3 Notion de déficit balistique
9.4 Signal d’une avalanche
9.5 Signal pour un dépôt d’énergie ponctuel dans le gaz
10 Spécificité de la détection des particules dans SPC
10.1 Dépôt ponctuel
10.2 Traces contenues dans le volume
10.3 Traces traversant le volume
11 Méthodes d’analyse
11.1 Analyse par le temps de montée du signal
11.2 Autres paramètres d’analyse
12 Conception du détecteur
12.1 L’environnement du détecteur
12.2 Sphère
12.3 La canne
12.4 La chaîne d’acquisition
13 Calibrations et études systématiques du détecteur à Saclay
13.1 Etudes systématiques du détecteur
13.2 Mélanges gazeux
13.3 Mesure du temps de dérive
13.4 Mesure du temps de montée
13.5 Mesure du gain
13.6 Calibration du détecteur
13.7 Amélioration du système de détection
14 Conclusion 113
IV SEDINE Détecteur bas bruit 
1 Introduction au projet SEDINE
2 Laboratoire Souterrain de Modane (LSM)
2.1 Présentation du LSM
2.2 Radioactivité ambiante au LSM
3 Aspect technique de SEDINE
3.1 Construction du détecteur
3.2 La technique de fabrication
3.3 L’environnement du détecteur
3.4 La sphère
3.5 Le tube en « S »
3.6 Interfaces de connexion
4 Les composants de SEDINE
4.1 Les matériaux utilisés
4.2 Les matériaux testés
5 Blindage
5.1 Blindage en polyéthylène
5.2 Blindage en plomb
5.3 Blindage en Cuivre
14 TABLE DES MATIÈRES
6 Calibration de SEDINE
6.1 Fabrication d’une source de calibration
6.2 Calibration en énergie de SEDINE
7 Bruit de fond de SEDINE
7.1 Introduction
7.2 Simulation du bruit de fond externe
7.3 Contamination de la surface interne de SEDINE
7.4 Contamination due au radon
7.5 Autres sources polluantes
7.6 Conclusion sur la contamination
8 Événements à basse énergie
9 Conclusion
V Conclusion et Perspectives 
1 Conclusion
2 Perspectives
VI Annexes

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