DÉTECTEUR PAR VIBRATIONS
INTRODUCTION
À l’ère moderne, le développement du moteur à combustion interne est soumis à des pressions provenant autant de la concurrence entre manufacturiers que de la régulation gouvernementale à l’échelle mondiale. Afin de minimiser les pertes par friction à une même puissance, les manufacturiers tendent à favoriser des chambres à combustion compactes et d’utiliser des turbocompresseurs (Revier, 2006). Par contre, une telle augmentation de la pression moyenne effective (PME) entraine une plus grande tendance du phénomène de cliquetis (souvent appelé knock). Il s’agit du résultat de la réflexion d’ondes de pression causé par l’autoallumage du mélange en amont du front de flamme (Galloni, 2012). Pour continuer l’amélioration de ces machines thermiques et pour améliorer leurs techniques de contrôle, il faut aborder le problème du cliquetis. Ce phénomène prend une importance primaire dans l’étude des moteurs à combustion interne pour des raisons d’émissions, d’efficacité de combustion et d’intégrité structurelle du moteur (Boubal et Oksman, 1998). Dans l’industrie automobile, c’est surtout la production d’émissions polluantes qui pousse la réduction du cliquetis, car elles sont devenues une priorité sociopolitique et une régulation plus sévère est observée partout dans le monde (Karman et al., 2014). Pour la réalisation d’un système de transport à faibles émissions polluantes, la combustion anormale doit être minimisée car elle en constitue une source importante (Zhen et al., 2012). Le cliquetis est encore un phénomène mal compris dû à la complexité de la cinétique chimique qui la gère (Heywood, 1988; Zhen et al., 2012). À des fins pratiques, la détection prend donc un rôle important dans le contrôle moteur. Le phénomène se caractérise différemment d’un moteur à l’autre et les méthodes de détection sont choisies en conséquence des requis de l’application.
Fondamentaux de la combustion anormale
La combustion anormale, sous forme d’allumage par point chaud ou de cliquetis, a le désavantage de nuire à la performance d’un moteur, de pouvoir l’endommager en plus de produire un bruit désagréable (Baumgarten, 2006; Hsu, 2002). En premier temps, il est nécessaire de différencier le cliquetis et l’allumage par point chaud : le cliquetis est de l’auto-allumage local du mélange imbrulé dû aux hautes pressions et températures avant l’arrivée du front de flamme, et l’allumage par point chaud est une déflagration originaire d’une surface ou de particules ayant une température suffisamment élevée pour initier la combustion (Heywood, 1988). La différence est mise en évidence par les deux branches de la combustion anormale de la Figure 1.2.
Considérations physiques
Le cliquetis est caractérisé par l’autoallumage de certaines régions du mélange imbrulé dans les endroits où la température et la pression atteignent les limites d’inflammabilité locale (Borg, 2006). Les ondes de choc produites réverbèrent dans la chambre de combustion et causent une résonance dans un des modes naturels de la structure. La signature fréquentielle perçue est donc constante pour un moteur donné et indépendante de la vitesse du vilebrequin (Hsu, 2002; Galloni, 2012). Les ondes, initialement supersoniques et à amplitude constante, se reflètent et établissent des ondes stationnaires dans la chambre avant de s’atténuer jusqu’à la vitesse sonore locale du mélange tout en diminuant d’amplitude (Heywood, 1988). Le signal de pression mesuré est donc dépendant de l’emplacement des capteurs par rapport à l’apparition du phénomène (Böhme et Konig, 1994). Les nouveaux fronts de flammes se répandent ensuite et consomment rapidement le mélange imbrulé avant que le front de flamme principale puisse l’exploiter (Heywood, 1988; Baumgarten, 2006).
Méthodes de détection
Cette section présente un survol des méthodes de détection du cliquetis par catégorie et ce, approximativement, en ordre de complexité. Majoritairement développés pour les moteurs à l’allumage commandé, les méthodes de détection s’appliquent également aux autres types de moteurs, tels le moteur diésel et autre carburants tel que le kérosène (Dahl et al., 2011; Hou et al., 2010; Zhu et al., 2005). Les fondement théoriques pour les méthodes sélectionnées pour le travail actuel sont décrites dans la section méthode de leurs chapitres respectifs.
Capteur de pression
L’utilisation des capteurs de pression piézoélectrique avec un haut taux d’échantillonnage permet de percevoir l’évolution temporelle de la pression cylindre ainsi que l’analyse de son contenu fréquentiel. Cette méthode est favorable en recherche et développement car elle permet d’évaluer la sévérité du cliquetis de chaque cycle et d’avoir un aperçu de la prévalence statistique du phénomène (Zhen et al., 2012; Borg et al., 2006; Hudson et al., 2001; Xiaofeng et al., 1993; Mohammadpour et al., 2011).
Domaine temporel
Ces méthodes se basent tous sur la trace de pression filtrée passe-haut ou par des filtres passebande ciblés sur une ou des harmoniques. La première méthode est favorisée car l’isolation des fréquences de résonance supprime de l’information utile puisque le cliquetis est un signal non-stationnaire à l’échelle d’un cycle (Boubal et Oksman, 1998). Pour le filtrage passe-haut, la fréquence de coupure est choisie dans les environs de 5 kHz mais doit être évaluée en conséquence de la géométrie du moteur étudié (Zhen et al., 2012; Boubal, 2000). Plusieurs indices de cliquetis sont calculés à partir de ce signal filtré :
• l’amplitude maximale des oscillations de pression (MAPO 3) ;
• l’intégrale du modulo du gradient de pression (IMPG 4) ;
• l’intégrale du modulo des oscillations de pression (IMPO 5).
Résultats et Analyse
Dans cette section, la pression cylindre et les vibrations lors d’un cycle avec et sans cliquetis sont observées dans le domaine temporel, fréquentiel et dans le domaine bilinéaire tempsfréquence.
Les deux cycles proviennent du même enregistrement à 131 kHz. Par les méthodes décrites à la section précédente, le phénomène de cliquetis est observé et les voies possibles pour sa détection sont discutées.
Discussion des signaux bruts : domaine temporel
La Figure 2.2 montre les traces de pression d’un cycle non-cliqueté (gauche) et d’un cycle
fortement cliqueté (droite) ainsi que la composante filtrée passe-haut qui représente l’amplitude du cliquetis. La figure montre aussi les trois signaux bruts, correspondants au même cycle, provenant d’un accéléromètre monté sur le bloc moteur. La forme des traces sont indicatives de cycles avec et sans cliquetis, en pression et en vibrations, lors d’une comparaison à Böhme et Konig (1994) et Ker et al. (2007).
Analyses temps-fréquence de la pression
Pour chacun de ces deux cycles, une estimation de la densité de l’énergie spectrale par la
méthode Welch est présentée dans la Figure 2.3. Il est clair que le signal du cycle cliqueté
contient une composante importante dans la région comprise entre 6 et 10 kHz. Cette plage fréquentielle, ainsi que sont importance énergétique est en accord avec les résultats de Hsu (2002) et Hudson et al. (2001). Il s’agit du contenu fréquentiel des oscillations de pression réverbérant dans la chambre de combustion, tels qu’elles sont perçues localement par le capteur.
Résultats et Analyse
Dans cette section, deux études visent à expliquer la variation de l’indice de cliquetis par pression, μe, par les vibrations du bloc moteur. La première tente d’identifier les fréquences en vibrations excitées par les oscillations de la pression du cylindre. Les 1860 cycles de cinq conditions cliquetées sont analysées puis discutées. Pour la deuxième partie, la plage d’opération est agrandie à 265 conditions, couvrant une gamme de vitesses vilebrequin, de puissances et de mélanges air-carburant. Pour chaque bloc de bande passante de vibrations possible, l’étude quantifie la capacité des vibrations d’expliquer la variation de l’indice de pression, μe. Ensuite, l’effet de la suppression des ordres moteurs des traces de vibrations est étudié. Finalement, la qualité de la détection du cliquetis par vibrations du bloc moteur est discutée.
CONCLUSION
Le problème du cliquetis dans le moteur à combustion interne persiste à l’ère moderne. Le besoin de le détecter et de le contrôler demeure un jalon incontournable lors du développement de nouvelles machines thermiques. C’est dans le cadre du développement d’un tel moteur que ce travail a été complété. L’étude a atteint son objectif principal de caractériser le phénomène de cliquetis dans un moteur expérimental alimenté de carburant lourd. À l’aide d’analyses temps-fréquence le phénomène fut observé et quantifié. Plusieurs méthodes d’évaluation par pression et par vibrations ont été étudiées et validées. Le résultat est une compréhension de la manifestation du cliquetis dans le moteur étudié et la qualité des méthodes par lesquels il peut être détecté.
Le phénomène a été étudié dans le domaine temporel, fréquentiel et le domaine bilinéaire
temps-fréquence en utilisant des estimés de la densité spectrale énergétique et la distribution Wigner-Ville réallouée lissée sur les traces de pression et de vibrations avec un haut taux d’échantillonnage (131 kHz). L’analyse de l’évolution temporelle des fréquences de ces signaux a permis l’identification des contributions énergétiques des sources parasites ainsi que les fréquences soupçonnées de contenir l’information de cliquetis.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 Fondamentaux de la combustion normale
1.2 Fondamentaux de la combustion anormale
1.2.1 Considérations physiques
1.2.2 Paramètres influant sur le cliquetis
1.3 Méthodes de détection
1.3.1 Méthode acoustique et auditive
1.3.2 Vibrations mécaniques
1.3.3 Capteur de pression
1.3.3.1 Domaine temporel
1.3.3.2 Domaine fréquentiel
1.3.3.3 Distributions bilinéaire temps-fréquence
1.3.4 Probes optiques et détecteurs d’ions
1.4 Méthodes de contrôle
1.5 Problématique de recherche
CHAPITRE 2 CARACTÉRISATION DANS LE DOMAINE TEMPS-FRÉQUENTIEL
2.1 Méthode
2.1.1 Montage expérimental
2.1.2 Traitement du signal
2.1.3 Densité spectrale énergétique : méthode de Welch
2.1.4 Pseudo distribution Wigner-Ville réaloué
2.2 Résultats et Analyse
2.2.1 Discussion des signaux bruts : domaine temporel
2.2.2 Analyses temps-fréquence de la pression
2.2.3 Analyses temps-fréquence des vibrations
2.2.4 Incertitude expérimentale
2.3 Conclusion du chapitre
CHAPITRE 3 DÉTECTION PAR SIGNAL DE PRESSION
3.1 Méthode
3.1.1 Méthode de référence : énergie réallouée, Er
3.1.2 Méthodes candidates : par trace de pression filtré
3.1.3 Détection du début du cliquetis
3.1.4 Comparaison statistique des indices
3.2 Résultats et Analyse
3.2.1 Comparaison des distributions de probabilité
3.2.2 Évaluation des indices par pression
3.2.3 Identification de la position d’initiation
3.2.4 Incertitude expérimentale
3.3 Conclusion du chapitre
CHAPITRE 4 DÉTECTEUR PAR VIBRATIONS
4.1 Méthode
4.1.1 Identification des fréquences : 5 conditions cliquetées
4.1.2 Détection de cliquetis par vibrations
4.1.2.1 Indépendance des fréquences d’ordre moteur
4.2 Résultats et Analyse
4.2.1 Identification des fréquences : vibrations mécaniques
4.2.2 Corrélation des vibrations au cliquetis sur la plage d’opération
4.2.2.1 Suppression des ordres moteurs du le signal de
vibrations
4.2.2.2 Définition de l’indice de cliquetis par vibrations
4.2.3 Incertitude expérimentale
4.3 Conclusion du chapitre
CONCLUSION
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