Depuis le milieu des années 1990, les déséquilibres financiers internationaux se sont considérablement accrus. En effet, les déséquilibres des balances courantes atteignent 2% du PIB mondial en valeur absolue en 2007 avant le déclenchement de la crise financière alors qu’ils n’étaient égaux qu’à 0,5% du PIB mondial en 1994 .
Les principaux contributeurs de ces déséquilibres sont : du côté des déficits, les États-Unis avec un déficit courant de 1,62% du PIB mondial en 2006 et 1,28 % en 2007 alors que le déficit courant américain ne représentait que 0,45% du PIB mondial en 1994 ; du côté des excédents, les pays exportateurs de pétrole et la Chine et les pays d’Asie du Sud-Est ont eu un excédent commun de près 1,67% du PIB mondial en 2006 et 2007 alors que ces pays pris dans leur ensemble avaient une balance courante proche de zéro en 1994.
Un autre acteur majeur de ces déséquilibres est l’Union européenne. Cela peut paraitre surprenant car l’Union européenne pris dans son ensemble n’a pas connu de déséquilibres courants majeurs depuis le milieu des années 1990. Mais au-delà du fait qu’une analyse simple des balances courantes ne prend pas entièrement en compte le rôle joué par l’Europe sur les marchés financiers internationaux, cette situation masque un grande hétérogénéité au sein de l’Union européenne.
En effet, si on considère l’Union européenne sans l’Allemagne, on s’aperçoit que cet ensemble, qui était excédentaire en 1994 avec un excédent de 0,14% du PIB mondial, a une balance courante déficitaire qui représente 0,44% du PIB mondial en 2006 et 0,57% en 2007. Ce qui en fait le deuxième contributeur aux déficits à l’échelle internationale derrière les États-Unis. Parallèlement, cela montre à quel point les excédents allemands ont été impressionnants à partir de la deuxième partie des années 2000. Ils ont représenté 0,45% du PIB mondial en 2007 alors que l’Allemagne était en déficit en 1994 (0,11% du PIB mondial) à la suite de la réunification.
Un dernier acteur majeur de ces déséquilibres est le Japon qui a eu des excédents courants assez stables depuis le milieu des années 1990 avec un excédent courant de 0,49% du PIB mondial en 1994 et de 0,38% en 2007. Ces excédents courants se sont réduits pour deux raisons : l’une plus conjoncturelle, à la suite de crise asiatique de 1997-98, on observe une réduction des excédents en raison du ralentissement économique de la région, et l’autre plus structurelle, le Japon est marquée par vieillissement marqué de sa population, une part plus grande de population dépendante dans la population totale réduit l’épargne nationale.
Après avoir présenté les principaux acteurs des déséquilibres mondiaux, nous allons nous pencher sur les raisons qui peuvent pousser un pays à réduire un déséquilibre courant.
Selon Blanchard et Milesi-Ferretti 2012, il est possible de distinguer les « bonnes raisons » et les « mauvaises raisons » qui génèrent des déséquilibres courants. Commençons avec les déficits courants, ils peuvent être provoqués par des mauvaises raisons : une réglementation financière défaillante peut encourager des bulles financières ou immobilières ou une politique budgétaire inadaptée qui réduit l’épargne nationale. En général, la réduction de ces distorsions domestiques conduit à réduire les déficits courants. Mais les déficits courants peuvent être provoqués par de bonnes raisons : des prix à l’exportation temporairement bas ou des bonnes perspectives de croissance peuvent conduire une réduction de l’épargne nationale ; ou une productivité marginale du capital forte peut conduire à une augmentation de l’investissement national. Mais même si ce sont de bonnes raisons, les déficits courants peuvent être dangereux surtout en cas de changement brutal des anticipations et de fuite des capitaux qui peuvent déclencher des processus d’ajustements très douloureux.
Les excédents ne souffrent pas des mêmes symptômes que les déficits mais peuvent être provoqués par de « bonnes » ou de « mauvaises » raisons. Les excédents peuvent être provoqués par de mauvaises raisons : un système d’assurance sociale peu développé qui augmente l’épargne nationale ; une intermédiation financière insuffisante qui réduit l’investissement national. Ces distorsions domestiques sont souvent accompagnées d’un taux de change déprécié. En général, la réduction de ces distorsions domestiques conduisent à réduire les excédents courants. Les excédents peuvent être provoqués par de bonnes raisons : par exemple, une augmentation du vieillissement de la population qui accroit son épargne de précaution ou des opportunités d’investissement domestiques limitées. Il est notable que les pays excédentaires ne sont pas soumis au changement d’humeur des investisseurs.
Pour résumer, il peut y avoir des « bonnes » ou des « mauvaises raisons » qui provoquent, du point de vue domestique, des déséquilibres courants. Lorsqu’elles sont mauvaises, un pays a clairement intérêt à les éliminer. Les arguments précédents ne prennent pas en compte les risques systémiques que posent les déséquilibres courants. Premièrement, la persistance de déficits courants importants augmente le risque d’« arrêt brutal » des entrées de capitaux et l’histoire a montré que ces épisodes conduisent souvent à des perturbations financières de grande ampleur. Des déficits courants importants et persistants (particulièrement dans les pays qui ont un poids économique important et/ou des liens financiers intenses avec l’étranger) augmentent le risque systémique.
En conséquence, la surveillance de ce type de déséquilibre doit être axée sur un certain nombre d’indicateurs autres que la balance courante comme les flux financiers en termes bruts. Les effets globaux des déséquilibres dépendent non seulement des flux mais également des stocks d’actifs, du niveau et de la composition des actifs et passifs étrangers, de la distribution de l’exposition extérieure entre secteur, et de la taille du pays.
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Table des matières
Introduction Générale
1 Mésalignements internationaux et intra-Européens
1.1 Arrière-plan théorique et méthodologique
1.2 Modélisation macroéconomique
1.3 Équilibre interne et externe à moyen terme
1.4 Taux de change d’équilibre et mésalignements
1.5 Conclusion
2 Dimension temporelle et taux de change d’équilibre
2.1 Temporalité dans les mesures FEER et BEER
2.2 Liens temporels entre FEER et BEER
2.3 Comparaisons entre FEER et BEER
2.4 Conclusion
3 Dynamique du taux de change et valeur fondamentale
3.1 Tests de racine unitaire
3.2 Relation de long terme entre TCER et FEER
3.3 Estimation de la relation de long terme
3.4 Dépendances inter-individuelles
3.5 Implications des résultats
3.6 Conclusion
4 Déséquilibres globaux et ouverture financière
4.1 Explications des déséquilibres globaux
4.2 Résultats empiriques
4.3 Contributions aux comptes courants de moyen terme
4.4 Conclusion
5 Mésalignements et fédéralisme budgétaire
5.1 Mésalignements intra-européens et transferts implicites
5.2 Modélisation SFC avec budget fédéral et euro-obligations
5.3 Ajustements en union monétaire et coefficients de stabilisation
5.4 Conclusion
6 Déséquilibres globaux et financiarisation
6.1 Flux financiers bruts : observations empiriques
6.2 Modélisation SFC à deux pays avec financiarisation
6.3 Simulations numériques
6.4 Conclusions et perspectives
Conclusion Générale
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