Déséquilibre occupationnel et processus de résilience

Thématique de recherche

Contexte et point de rupture

Le thème proposé pour cette étude découle d’un questionnement : les ergothérapeutes interviennent-il dans la prévention primaire ? En effet, lors de différentes expériences de stage, j’ai pu constater que l’ergothérapie en France était principalement prodiguée dans des cas de prévention tertiaire, voire secondaire. J’ai observé que les personnes âgées sont une population fortement représentée dans le public reçu en ergothérapie. C’est une population à fort potentiel de survenue de pathologies et de troubles divers (1). Ces personnes peuvent fréquemment rencontrer des problématiques de déséquilibre occupationnel si leurs capacités physiques et psychiques diminuent ou si leurs environnements physique, humain et social sont modifiés (2). Il serait donc intéressant de pouvoir repérer et supprimer ces facteurs de déséquilibre occupationnel dans un but de préservation de l’équilibre occupationnel de la personne âgée (2). Une intervention ergothérapique basée sur ces principes peut permettre à une personne de préserver ses routines quotidiennes au sein de son domicile (2). L’ergothérapeute possède les compétences pour intervenir de manière précoce auprès des personnes âgées afin de limiter la survenue de limitations d’activité, notamment par des aménagements de l’environnement. Le référentiel d’activités de l’ergothérapeute le prouve : « Activité 4 : conseil, éducation, prévention et expertise vis à vis d’une ou de plusieurs personnes, de l’entourage et des institutions. », « Activité 5 : réalisation et suivi de projets d’aménagement de l’environnement »(3). Le référentiel de compétences le prouve également : « Compétence 2 : Concevoir et conduire un projet d’intervention en ergothérapie et d’aménagement de l’environnement », « Compétence 3.4 : Concevoir, préconiser et réaliser des équipements et des matériels de confort, de prévention et de facilitation de l’activité et en vérifier la conformité. », « Compétence 5.6 : Concevoir et formaliser des démarches et des actions de conseil, d’éducation thérapeutique, de prévention et d’expertise répondant aux besoins d’activité et de participation de la population ciblée… » .

L’utilité de la prévention en ergothérapie

Tous les auteurs s’accordent pour dire que la prévention possède de nombreux avantages. Selon Morestin F. et Cauvin S. (2011), elle permet de « prévenir les situations de dépendance des personnes âgées », d’« optimiser l’adéquation entre le domicile et la personne âgée » (16). La prévention des chutes peut être une intervention essentielle pour permettre aux personnes âgées de conserver une bonne santé et leur indépendance au quotidien(17). Un des moyens efficaces de réaliser de la prévention des chutes est d’agir sur la confiance ressentie en la mesurant lors de la réalisation de chaque activité quotidienne (18). Il s’agira ensuite d’adapter la réalisation de ces activités (conseils, aides techniques) afin d’augmenter la confiance perçue par la personne présentant le risque de chute. Ainsi, il apparaît que la prévention représenterait un moyen efficace de réduire les risques individuels et d’améliorer la qualité de vie (17).

Un projet innovant comme le programme Soutien A Domicile Et ERgothérapie (SADEER) peut servir de guide en terme de prévention (16). Il a pour objectif de renforcer les actions entreprises en terme de soutien à domicile avec comme piliers fondamentaux des prestations d’ergothérapeutes (16). SADEER définit plusieurs axes dans une prise en soins de prévention afin de permettre une intervention adéquate et adaptée aux besoins de la personne. Des études démontrent ces bienfaits chez les personnes âgées présentant une situation de handicap (8,16,17). Dans une autre étude, la prévention chez les personnes âgées présente des bienfaits également lorsqu’elles sont encore en bonne santé, avec une condition physique relativement bonne (19). Pour quelles raisons les personnes âgées en bonne santé bénéficientelles moins des prises en soins préventives ? Les chutes possèdent de nombreuses conséquences qui peuvent être physiques comme psychologiques (20). Les principales conséquences physiques primaires sont des : contusions, plaies cutanées et traumatismes sévères (luxations, fractures)(20). Les secondaires découlent de l’immobilisation qui peut en découler : escarres, infections, dénutrition, déshydratation etc…(20). Même sans blessures physiques graves, les personnes peuvent être marquées psychologiquement à la suite d’une chute (20). L’anxiété à la marche et la peur de tomber sont les conséquences psychologiques les plus fréquentes. De plus, trois facteurs pronostics défavorables signent la gravité: la répétition de la chute, l’incapacité à se relever seul et la durée du séjour à terre (20). La prise en compte des facteurs de risque de chute, intrinsèques (comportementaux, médicaux, iatrogènes) et extrinsèques (environnement personnel et urbain), est un moyen de lutter contre la survenue des chutes (20). Il est désormais prouvé que le taux et la fréquence des chutes sont étroitement liés à la quantité de facteurs de risque présents dans l’environnement de la personne (20). Le dépistage et la prise en charge de ces facteurs induisent donc une diminution des chutes (20). Un des points clefs qui ressort de ces études est que la prise de conscience des personnes âgées des risques de chute semble être le principe de base pour permettre une prévention efficace de la chute. Peuvent-elles toujours en prendre conscience ? Les actions de prévention mises en place ne seront réellement efficaces que si la personne est consciente des risques de chutes auxquels elle doit faire face au quotidien. Comment intervenir lorsque la personne n’en a pas conscience ? Existe-t-il d’autres moyens d’intervention le permettant ? Cette prise de conscience permettra une meilleure observance dans l’utilisation des conseils, des préconisations et des adaptations du domicile mis en place de manière préventive chez la personne prise en soins. L’obtention de cette observance peut-elle passer par d’autres méthodes ? L’ergothérapeute possède-t-il d’autres ressources pour l’obtenir ?

Dans une étude de Mackenzie et al. publiée dans le « British Journal of Occupational Therapy (2018) », il a été observé que les ergothérapeutes interrogés éprouvaient des difficultés à dépister régulièrement les risques de chute, à mettre en œuvre des pratiques fondées sur des données probantes, à collaborer avec les services communautaires et à faire preuve de confiance dans la mise en œuvre des interventions (21). À la suite d’ateliers de formations sur des données probantes et de travaux sur des études de cas, un impact positif a été constaté sur la confiance ressentie des ergothérapeutes dans leurs interventions en prévention des chutes (21). Cependant, ils continuent à rencontrer des obstacles dans l’application des moyens d’interventions, comme par exemple le dépistage des personnes âgées à risques (21). Cette étude révèle également une sous-utilisation d’outils d’évaluations vérifiés dans la pratique réelle alors que les ateliers en avaient présenté plusieurs (21). Pourtant elle incite les ergothérapeutes à utiliser des outils d’évaluations validés afin d’effectuer une intervention de la meilleure qualité possible (21). On peut alors se demander : pour quelles raisons les ergothérapeutes n’utilisent pas ces outils ? Quels sont leurs inconvénients dans la pratique réelle ? Quels autres moyens d’évaluations utilisent-ils ? De plus, cette étude indique que peu de médecins généralistes aiguillent leurs patients à risque de chutes vers des ergothérapeutes, ce qui révèle un manque de communication et de collaboration entre ces professionnels de santé (21).

Aménagement et accessibilité du domicile

Avant de réaliser des aménagements au sein d’un domicile, il est nécessaire d’être en capacité de comprendre l’importance, l’engagement, la nature et le temps consacré aux activités quotidiennes (8). Il est également judicieux de repérer les facteurs de risques à la fois physiques (obstacles environnementaux) comme psychiques (stress, anxiété, peur de chuter…) que rencontrent la personne afin de proposer un accompagnement adéquat (8,22–24). Les adaptations du domicile qui en découleront seront alors davantage personnalisées et adaptées. L’aménagement du domicile est une action étroitement liée aux principes de prévention et de maintien à domicile (16). L’accessibilité de l’environnement domestique possède des effets positifs sur la santé physique et psychique, les capacités fonctionnelles, la sécurité, la réalisation des activités quotidiennes, la qualité de vie et la réduction du nombre de chutes(16,17,22,24). Ces avantages sont aussi bien bénéfiques pour la personne prise en soin que pour les aidants naturels et la famille (22). Quelle place occupe les aidants naturels et la famille lors d’une intervention ergothérapique d’aménagement du domicile ? Il est possible en ergothérapie de réaliser des aménagements du logement en prenant en compte la personne dans sa globalité. Focaliser son intervention uniquement sur les déficiences d’une personne ne permet pas de répondre adéquatement à ses besoins et à ses attentes. En effet, la considération des « interrelations de la personne avec son environnement » sont primordiales pour fournir une cohérence dans les adaptations personnalisées proposées (23). Les adaptations possèdent alors du sens pour la personne et sont en accord avec ses principes et ses valeurs (23). Johansson et al (2018) ont effectué une recherche évaluant un programme de prévention des chutes multifactoriel et multidisciplinaire mis en œuvre dans les soins de santé primaires : «Mode de vie actif toute votre vie»(25). Le programme avait pour objectif de permettre aux participants d’intégrer les connaissances nécessaires pour les motiver à prendre eux-mêmes l’initiative d’apporter les changements adéquats à leur domicile, dans leur environnement immédiat et dans la société (25). A la suite de formations des participants et de deux visites à leur domicile, il a été démontré que ce programme permettait de réduire les chutes ainsi que la peur de tomber grâce à la prévention et à l’aménagement du domicile (25). L’aménagement de l’environnement semble donc avoir un impact positif sur la prévention des chutes à domicile. Quels peuvent être ses effets négatifs ? Quels obstacles peut rencontrer l’ergothérapeute lors d’une intervention d’aménagement préventif de l’environnement d’une personne âgée ? L’étude de Johansson et al (2018) a aussi révélé le potentiel bénéfique d’une approche multifactorielle basée sur la science du travail, lorsqu’elle est mise en œuvre dans les soins de santé primaires (25).

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Table des matières

1. Introduction
1.1 Thématique de recherche
1.1.1 Contexte et point de rupture
1.1.2 Thème
1.1.3 Résonance du thème
1.2 Analyse critique de la revue de littérature
1.2.1 Méthodologie
1.2.2 Présentation de la revue de littérature
1.2.3 L’utilité de la prévention en ergothérapie
1.2.4 Aménagement et accessibilité du domicile
1.2.5 Déséquilibre occupationnel et limitation d’activité
1.2.6 Maintien à domicile en ergothérapie
1.3 Utilités et questionnement
1.4 Problématique pratique
1.5 Enquête exploratoire
1.5.1 Méthodologie
1.5.2 Résultats
1.6 Question initiale de recherche
1.7 Cadre théorique
1.7.1 La résilience
1.7.2 Le Modèle de l’Occupation Humaine (MOH)
1.7.3 Conclusion
1.8 Question et objet de recherche
2. Matériel et méthode
2.1 Choix de la méthode
2.2 Population
2.3 Choix et construction de l’outil de recueil de données
2.4 Anticipation des biais
2.5 Test de faisabilité et de validité du dispositif
2.6 Déroulement de la recherche
2.7 Choix des outils de traitement de données
3. Résultats
3.1 Présentation de la population interrogée
3.2 Présentation des résultats de l’analyse thématique
3.2.1 Thème 1 : étude des occupations
3.2.2 Thème 2 : intégration des changements et représentations du processus de vieillissement et situations de handicap
3.2.3 Thème 3 : processus de résilience
3.2.4 Thème 4 : analyse des impacts des actions de maintien à domicile sur l’intervention
3.3 Présentation des résultats de l’analyse lexicale
4. Discussion
4.1 Interprétation des résultats
4.2 Éléments de réponse à l’objet de recherche
4.3 Critique du dispositif de recherche
4.4 Apports, intérêts et limites des résultats pour la pratique professionnelle
4.5 Propositions et transférabilité pour la pratique professionnelle
4.6 Perspectives de recherche et ouverture
Bibliographie

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