Dans un monde de plus en plus urbanisé, soumis au bruit et à la pollution, les montagnes offrent une oasis de nature et de calme. Chaque année, des millions de vacanciers se rendent en montagne attirés par la beauté des paysages, les activités sportives qui s’y pratiquent et le style de vie montagnard. Or l’affluence massive de touristes met en danger le cadre naturel qui, justement, fait la richesse de ces sites touristiques. La station de sports d’hiver de la Plagne située dans la vallée de la Tarentaise, en Savoie, subit ce phénomène. Caractérisée par un tourisme de masse, la station accueille des dizaines de milliers de vacanciers lors des semaines de forte affluence. C’est également un pôle d’attractivité important pour les habitants des communes d’Aime et de Macôt la Plagne. Une grande partie de la population habitant en vallée exerce son activité professionnelle hivernale sur les stations du domaine. C’est autant de personnes qui empruntent chaque jour, l’unique route qui mène à la station, la RD221. Cette route de montagne est donc soumise à une forte affluence et les fréquentes chutes de neige participent aux perturbations du trafic. De plus, ce flot de véhicules nécessite la présence de grandes zones de stationnement en altitude portant atteinte à l’intégrité paysagère du site. Plutôt que de freiner le développement de l’activité touristique, support de l’économie locale, au nom de la préservation de l’environnement, l’objectif était au contraire de participer au maintien de l’attractivité du territoire tout en proposant une solution durable.
Contexte de l’étude
Un territoire attractif au cœur de la Tarentaise
Le territoire d’étude se trouve à cheval entre la commune d’Aime et la commune de Macôt la Plagne. Elles sont toutes deux situées dans la région Rhône-Alpes et le département de la Savoie.
Ces communes se trouvent au cœur de la Tarentaise, haute-vallée alpine reconnue pour concentrer sur son territoire la plus forte densité de domaines skiables étendus, comme Les Trois Vallées ou l’Espace Killy. La station de la Plagne appartient à l’un de ces grands espaces : le domaine Paradiski. La vallée de la Tarentaise est une ancienne vallée glaciaire qui s’étend de la source de l’Isère à Albertville. Elle est bordée au nord par les massifs du Beaufortain et du Mont-Blanc, et au sud par les massifs de la Vanoise et de la Lauzière qui la séparent de la vallée voisine, la Maurienne. On distingue la Basse Tarentaise, partie plus encaissée comprise entre Albertville et Moutiers, de la Haute Tarentaise, entre Moutiers et Bourg Saint Maurice.
Le territoire tarin possède une identité forte marquée par une histoire, des traditions et un développement économique qui lui est propre. L’agriculture est la principale activité de la vallée jusqu’à la fin du 19ème siècle. Elle est spécialisée dans l’élevage bovin laitier de race tarine. La production de lait et la fabrication de fromages comme le Beaufort (AOC) est encore aujourd’hui une activité emblématique de la vallée de la Tarentaise. Au début du 20ème siècle, la Tarentaise connait sa révolution industrielle. Des industries lourdes spécialisées dans l’électrochimie et l’électrométallurgie s’implantent sur les rives de l’Isère aux alentours d’Aigueblanche profitant ainsi de la production importante d’hydroélectricité. Cette activité industrielle a été touchée par les mouvements de restructuration au cours des dernières décennies. Concentrant 20% des emplois en 1975 elle n’en compte plus que 8% en 1999. L’activité industrielle tarine a donc connue une perte de vitesse mais n’en demeure pas moins toujours très présente avec des industries comme MSSA (Métaux Spéciaux SA) leader mondial de la fabrication de sodium. Cette entreprise emploie 270 employés.
Dans le même temps, le tourisme a connu un essor considérable au cours du 20ème siècle avec la création des stations de sports d’hiver et le développement d’un tourisme de masse. Il représente aujourd’hui 31% des emplois de la vallée répartis dans les secteurs de l’hébergement, de la restauration, des remontées mécaniques etc… L’emploi est cyclique, il est réglé par la succession des saisons d’hiver et d’été. Le nombre d’emplois est multiplié par trois de décembre à mars et augmente en moyenne de 30% durant les deux mois d’été. Avec plus de 402 millions d’euros, les stations de Tarentaise réalisent 79% du chiffre d’affaires des stations de Savoie. Les Jeux Olympiques d’Albertville de 1992 ont aussi marqué l’histoire de la Tarentaise et ont permis une grande amélioration des voies de communication. Fait intéressant dans le cadre de notre étude, ils ont permis de faciliter l’accès, par la route, à la station de la Plagne où se tenaient les épreuves de bobsleigh, luge et skeleton. Notre terrain d’étude se trouve donc au cœur d’un territoire attractif avec une population en constante augmentation et avec une identité montagnarde forte. Le tourisme de masse est à la fois le support de l’économie locale et une menace qui pèse sur son environnement.
Présentation de la station de sports d’hiver de la Plagne
Afin de comprendre les enjeux d’un tel territoire, nous allons présenter la station telle qu’elle est aujourd’hui (son domaine skiable, sa capacité d’accueil) mais auparavant, il m’a semblé intéressant de s’attarder sur l’histoire de la station pour voir quels sont les aménagements qui ont mené à son développement actuel. Nous mettrons en évidence ceux qui ont favorisés son accessibilité.
Histoire de l’aménagement de la Plagne
Au pied de ce qu’est actuellement la station de la Plagne se trouvait quatre communes : Aime, Macôt, Bellentre et Longefoy. A cette époque, chaque famille possède quelques bovins et les habitants ne montent en altitude qu’au début du printemps pour « emmontagner » les troupeaux. Ces activités paysannes n’offrent pas de revenus confortables aux jeunes de la vallée. Beaucoup d’entre eux partent donc travailler quelques mois par an à Chambéry, à Lyon voire à Paris.
C’est plus tard, au début du 20ème siècle, que les activités minières et industrielles prennent leur essor avec l’arrivée du chemin de fer. C’est le début de l’exploitation des mines de plomb argentifères sur les sites de la Plagne et de la Roche. Les ouvriers travaillent dans des conditions précaires et souffrent du froid et de l’isolement. A cette époque, la route est en effet pratiquement impraticable. Un bus assurait la liaison avec les villages d’Aime et de Macôt cinq fois par semaine. Il constituait le seul lien avec la vallée.
Des téléporteurs permettaient d’acheminer le minerai depuis les Mines de la Plagne jusqu’au fond de la vallée. Ils assuraient également le ravitaillement des villages en utilisant les bennes qui remontaient à vide. Il était strictement interdit aux habitants de monter à bord des bennes, cependant, certains transgressaient cette règle et utilisaient le téléporteur pour descendre dans la vallée, jusqu’au jour où un grave accident causa la mort de trois personnes. Ce téléporteur était en quelque sorte un ancêtre des remontées mécaniques. Il fut démonté suite à la fermeture de la mine en 1973. Nous pouvons remarquer que dès cette époque, le transport par câble est un des moyens de transport privilégiés en milieu montagnard, bien qu’ici, il ne s’agisse à l’origine que du transport de marchandises. Notons qu’il sera intéressant d’étudier le tracé de cet ancien téléporteur minier pour déterminer celui d’une future remontée mécanique.
A la Plagne, la pratique des sports d’hiver a débuté bien avant l’ouverture de la station. Le ski, le bobsleigh et la luge étaient les principales distractions des enfants et des parents en hiver. Bien entendu, les remontées mécaniques ainsi que les dameuses n’existent pas encore. Les pistes sont donc gravies les skis sur le dos et damées à pied. Des clubs de ski voient le jour comme l’Union Sportive Aime-Macôt. La Compagnie de la Mine crée aussi son propre ski club avant que celui de la station ne soit créé en 1962. Le tout premier téléski de la Plagne fut d’ailleurs construit en 1942 à la Roche par un chef ingénieur de la Mine, Emile Martinod. La station fut créée plus tard, dans les années 60 sous l’impulsion du Docteur Borrione. Maire d’Aime de 1959 à 1971, il s’inquiète de l’avenir économique de la vallée, se doutant que les mines ne pourraient pas être exploitées éternellement. Il lance alors le projet fou d’une station de sports d’hiver en suivant le modèle de Courchevel. Il rallie à sa cause les maires des communes voisines, conscient qu’il ne peut y parvenir seul. Les agriculteurs voient leur activité menacée par ce projet, il a donc été très difficile de les convaincre de céder leurs terres mais Pierre Borrione parvient finalement à disposer du foncier nécessaire à la création de la station. Le projet avait été totalement pensé, comme en témoigne la maquette ci-dessous, avant que le conseil municipal donne son accord en 1960. Ensuite, tout s’enchaine dans une véritable course contre la montre. La construction d’une route menant à la station fut le premier aménagement d’envergure. Ce fut un réel défi de financer et de construire cette route avec ses 21 virages, ses 16 kilomètres de long, ses 6 mètres de large et une pente moyenne de 8%.
Dans le même temps, des pionniers construisent les premiers hôtels et les premières remontées mécaniques. La station ouvre officiellement le 22 décembre 1961 dans des conditions difficiles. La route n’était pas terminée que les premiers hôtels ouvraient déjà, avant même qu’ils aient obtenu leur permis de construire. Le domaine était limité à deux téléskis et quatre pistes. Les premières saisons furent réussies et la Plagne attire une clientèle aisée de plus en plus nombreuse. Les hôtels, restaurants et boîtes de nuit de standing se multiplient. A cette époque, la station possède même un altiport permettant de la relier par avion à Lyon ou Chambéry. En 1966, la deuxième station de la Plagne voit le jour, Aime la Plagne. Ce « paquebot des neiges » abrite plus de 2000 lits. Cela marque la naissance d’un tourisme de masse. Peu à peu, le domaine s’étend et de nouvelles stations sortent de terre dans les années 70. C’est le cas des stations villages de Montalbert et de Montchavin les Coches ou de la station d’altitude de Plagne Bellecôte. Depuis, le développement de la Plagne a été marqué par des aménagements importants : les premiers canons à neige en 1990, la construction de la piste de bobsleigh pour les Jeux Olympiques de 1992, la construction de télésièges débrayables en 1994, l’inauguration du Funiplagne, funitel moderne, en 2000. Autre évènement marquant, la construction du Vanoise Express en 2003. Ce téléphérique, le plus volumineux du monde, permet de relier le domaine de La Plagne à celui des Arcs pour former un plus grand domaine skiable : Paradiski. L’ensemble de ces aménagements successifs ont permis de maintenir La Plagne au rang des plus grandes stations de ski alpines en termes de renommée, de nombre de lits et de taille du domaine.
Les stations de la Plagne.
Aujourd’hui, la Plagne est divisée en 11 stations distinctes. Sept d’entre elles sont des stations d’altitude : Aime 2000, Plagne Soleil, Plagne Village, Belle Plagne, Plagne Centre, Plagne Bellecôte et Plagne 1800. Les quatre autres sont des stations villages de plus basse altitude : Les Coches, Montchavin, Montalbert et Champagny en Vanoise. L’ensemble forme le domaine de la Grande Plagne.
Le domaine
Le domaine skiable de la Grande Plagne s’étend de 1250 à 3250 mètres d’altitude. Il comprend 130 pistes dont 18 noires, 33 rouges, 69 bleues et 10 vertes. Au total, cela représente 225 kilomètres de pistes. Il est également composé d’un glacier équipé, le glacier de Bellecôte, d’un snowpark, de 3 boardercross et d’un half pipe. Enfin, 80 kilomètres d’itinéraires damés permettent la pratique du ski de fond.
Paradiski regroupe les domaines de trois stations : la Plagne, les Arcs et Peisey Vallandry. Les 236 pistes du domaine se trouvent entre 1200 et 3250 mètres d’altitude ce qui permet une grande variété de paysages. Au total cela représente 425 km de pistes avec 2 glaciers équipés et 3 sommets à plus de 3000 mètres d’altitude. 70% du domaine se trouve à plus de 2000 mètres d’altitude ce qui assure un bon enneigement .
Aime et Macôt la Plagne, deux communes étroitement liées par la station
Aime et Macôt la Plagne sont deux communes frontalières aux intérêts communs. Elles comprennent toutes deux un bourg en vallée ainsi que des stations d’altitude appartenant au domaine skiable de la Plagne. La plupart d’entre elles sont accessibles par la RD221. Les communes de Bellentre et de Champagny-en-Vanoise comprennent également des stations sur leur territoire, Montchavin, les Coches et Champagny-en-Vanoise. Ces dernières sont accessibles par d’autres routes. Elles ne feront donc pas l’objet de notre étude car nous nous nous intéressons à la liaison entre vallée et station qui est actuellement assurée par la RD221. Ces quatre communes sont regroupées au sein du Syndicat Intercommunal de la Grande Plagne (SIGP). Il permet de régir les relations entre les communes et la Société d’Aménagement de la Plagne (SAP) qui exploite de domaine skiable de la Grande Plagne à travers une convention de concession.
Comme il est représenté sur le plan précédent, les stations de Plagne Soleil, de Plagne Village, de Belle Plagne, de Plagne Centre, de Plagne Bellecôte et de Plagne 1800 sont rattachées à la commune de Macôt la Plagne. Et les stations d’Aime 2000 et de Montalbert sont rattachées à la commune d’Aime. Nous allons donc présenter rapidement ces deux communes.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 : Diagnostic ciblé et dégagement des enjeux
I Contexte de l’étude
A) Un territoire attractif au cœur de la Tarentaise
B) Présentation de la station de sports d’hiver de la Plagne
C) Aime et Macôt la Plagne, deux communes étroitement liées par la station
D) Une économie axée sur le tourisme de masse
E) Un cadre naturel en sursis
II. Diagnostic ciblé sur la liaison routière entre vallée et station
A) Une forte fréquentation
B) L’enneigement
C) Un réseau de transports en commun inadapté
II. Des enjeux environnementaux et socio-économiques
A) Préserver les paysages en évitant la construction de parkings supplémentaires en station
B) Réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES)
C) Encourager le développement de l’offre commerciale à Aime par l’apport d’une clientèle touristique
D) Attirer une clientèle supplémentaire en hiver
E) Rendre la station plus attractive l’été
Partie 2 : Propositions d’aménagement
I. Solutions envisagées proposant une alternative à l’utilisation de la voiture
II. Construction d’une liaison téléportée entre la ville d’Aime et Plagne Centre
A) Un tracé respectant autant que possible l’environnement naturel
B) Des gares intégrées dans le bâti existant
C) Caractéristiques du funitel
III. Intégration de la remontée par des aménagements annexes
A) En vallée
B) En station
Conclusion
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