Description microscopique du processus de fission à l’approximation des recouvrements gaussiens 

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Description microscopique du processus de fission à l’approximation des recouvrements gaussiens

Pour décrire le processus de fission, nous utilisons une approche microscopique qui se décompose en deux étapes. La première consiste à déterminer un ensemble d’états nucléaires statiques qui représentent l’état du système fissionnant sous l’action de différentes contraintes en déformation. Ces dernières sont utilisées pour imposer à chaque état une forme spécifique, par exemple contrôlée par son élongation et son asymétrie. La seconde étape consiste à modéliser l’évolution temporelle du système fissionnant en mélangeant les configurations, les poids de ce mélange étant dépendants du temps. Les observables sont ensuite calculées à partir des propriétés des configurations et des poids du mélange.
Ce chapitre se décompose en deux sections. La première présente la méthode de Hartree-Fock-Bogoliubov qui permet de déterminer les états nucléaires statiques, les configurations, ainsi que la méthode de la coordonnée génératrice dépendant du temps à l’approximation des recouvrements gaussiens (TDGCM+GOA).
La seconde section décrit l’ensemble des étapes permettant d’aboutir à une évaluation des observables associées au processus de fission, via le traitement de la dynamique. Les résultats obtenus lors de l’application de la TDGCM+GOA à la description de la fission induite par neutron de basse énergie sont ensuite discutés.

Présentation des méthodes utilisées

Dans ce travail, nous nous intéressons principalement à la description de la fission des actinides, tels que le Pu, U, Th, Fm… Il s’agit de noyaux lourds qui comportent plus de 200 nucléons. La description microscopique de ce processus est donc un problème quantique à A particules en interaction pour A ¡ 200. Les méthodes de type ab-initio [35, 36] (en rouge sur la figure I.3) ou encore Configuration Interaction [37] (en vert sur la figure I.3) ne sont pas applicables à l’heure actuelle dans ce cas. Les méthodes de type fonctionnelle de la densité pour l’énergie (EDF) semblent être les plus adaptées et sont donc utilisées pour décrire le processus de fission. Son premier niveau d’implémentation est une approximation de type champ moyen qui permet d’approcher la description d’un système nucléaire composé de A particules en interaction par un problème à A particules ou quasi-particules indépendantes dans un potentiel effectif, le champ moyen, qui représente en moyenne l’ensemble des interactions effectives entre les nucléons. Il existe plusieurs façons de mettre en oeuvre cette approximation. Par exemple, le potentiel de Woods-Saxon correspond à une paramétrisation directe de ce champ moyen par une fonction [38]. Dans notre travail, nous utilisons une méthode dite auto-cohérente qui permet d’obtenir le champ moyen et l’état du système à partir de la seule donnée de l’interaction nucléon-nucléon, via un principe de minimisation de l’énergie. La méthode de Hartree-Fock-Bogoliubov (HFB), qui est utilisée dans notre travail, est exposée dans la première partie de cette section.
La description de l’état nucléaire à l’approximation de champ moyen n’est en général pas suffisante. En effet, la prise en compte des corrélations de longue portée est capitale pour obtenir une description précise des états du noyau. On distingue essentiellement trois types de corrélations de longue portée :
— les corrélations d’appariement, qui se manifestent dans tous les noyaux, en dehors des noyaux doublement magiques, qui correspondent à une partie attractive de l’interaction nucléaire et s’exercent entre deux nucléons dans des états renversés du temps l’un de l’autre ;
— les corrélations collectives rotationnelles et vibrationnelles, qui peuvent être de petite ou de grande amplitude ;
— les corrélations particule-vibration qui décrivent le couplage entre les degrés de liberté collectifs et individuels.
Dans notre approche, les corrélations d’appariement sont déterminées directement par la méthode HFB. La méthode de la coordonnée génératrice (GCM), une méthode au-delà du champ moyen qui prend pour point de départ un ensemble d’états HFB, permet de décrire, par exemple, des oscillations collectives de grande amplitude.
Sa version dépendante du temps, la TDGCM, est utilisée dans ce travail pour décrire l’évolution temporelle du système fissionnant. La seconde partie de cette section présente cette méthode à l’approximation des recouvrements gaussiens (TDGCM+GOA).

Méthode de Hartree-Fock-Bogoliubov

L’une des premières méthodes de champ moyen auto-cohérent a avoir été proposée est la méthode de Hartree-Fock [24]. Il s’agit d’une méthode variationnelle qui consiste à minimiser l’énergie totale de liaison d’un système de nucléons indépendants les uns des autres, décrit par un déterminant de Slater où hHFrs désigne le hamiltonien à un corps de Hartree-Fock. Il décrit un système de particules indépendantes soumises au champ moyen. représente la densité à un corps de l’état de ce système. Cependant, dans ce formalisme, les corrélations d’appariement ne sont pas prises en compte. Ces corrélations correspondent à une partie attractive de l’interaction nucléaire et proviennent principalement du canal singulet-pair (S 0, T 1) qui agit entre deux nucléons dans des états renversés du temps et qui tend à les corréler par paires [40]. Dans le cas de noyaux doublement magiques, les effets liés à l’appariement sont inexistants. En revanche, ils contribuent de façon importante à la structure nucléaire lorsque le niveau de Fermi est situé en milieu de couche. C’est pourquoi la méthode Hartree-Fock est généralement utilisée avec l’approximation BCS, proposée par J. Bardeen, L.N. Cooper et J.R. Schrieffer en 1957 [26] qui permet de décrire des corrélations similaires dans la matière condensée supraconductrice.

Transformation de Bogoliubov

La transformation de Bogoliubov permet de représenter un état BCS sous la forme d’un déterminant de Slater d’états de quasi-particules, et de généraliser la méthode HF+BCS pour arriver à la méthode de Hartree-Fock-Bogoliubov (HFB) [39]. Cette transformation agit sur l’espace de Fock (antisymétrisé pour tenir compte du caractère fermionique des nucléons).
L’espace de Hilbert à une particule est muni d’une base orthonormale t^a: i |0yu, où |0y représente le vide de particules et ^a: i est un opérateur de création de particule dans l’état i. Le conjugué hermitique ^ai de ^a: i est un opérateur d’annihilation de particule qui vérifie ^ai|0y 0. Les opérateurs ^a: i et les ^ai vérifient les relations d’anticommutation (II.1.1.3) et (II.1.1.4).
L’ensemble des états de la forme ^a: i0 ^a: iN |0y, pour tout N et tout i0   i1      iN, forme une base orthonormale de l’espace de Fock (ce qui se montre en utilisant les relations d’anticommutation (II.1.1.3) et (II.1.1.4)).

Interaction nucléaire effective de Gogny

Les interactions nues entre les nucléons ne peuvent pas être utilisées directement dans une méthode HFB. En effet, les corrélations de courte portée qui interviennent dans l’interaction nucléaire nue, caractérisée par un coeur très répulsif, sont incompatibles avec une description de type champ moyen. Une première possibilité pour pallier cette difficulté consiste à renormaliser l’interaction nue, par exemple avec la théorie de Brueckner [44]. Cependant, cette renormalisation est numériquement coûteuse. Une seconde possibilité consiste à utiliser une interaction effective phénoménologique dont les paramètres sont ajustés sur des données expérimentales.
Deux interactions nucléaires effectives phénoménologiques sont principalement utilisées au sein des approches de type champ moyen et au-delà :
— l’interaction de Skyrme [45, 31, 46], qui est de portée nulle,
— l’interaction de Gogny [7, 47, 48], dont le terme central indépendant de la densité est de portée finie, permettant de traiter sur un pied d’égalité champ moyen et appariement dans l’approche auto-cohérente HFB.
On distingue le terme central de portée finie qui contient une première gaussienne attractive et une seconde répulsive, le terme dépendant de la densité qui simule les effets à trois et N-corps, et le terme spin-orbite. Les 14 paramètres de cette interaction sont Wi, Bi, Hi, Mi et i pour chaque portée i 1; 2 et les t0, x0, WLS et . Les valeurs de ces paramètres pour la force D1S sont données dans les tableaux II.1 et II.2.

Enchaînement des méthodes

La section précédente a présenté les deux méthodes microscopiques utilisées pour décrire le système fissionnant. Cette section a pour objectif de présenter les différentes étapes de l’approche que nous utilisons pour obtenir des observables telles que les rendements en masse ou en charge associées au processus de fission induite par neutron de basse énergie.
La première partie expose la méthode utilisée pour déterminer la surface d’énergie potentielle d’un système nucléaire donné ainsi que l’ensemble des configurations associé. Les configurations sont obtenues avec la méthode HFB (voir la soussection II.1.1). La deuxième partie détaille l’obtention de la description dynamique avec la TDGCM+GOA (voir la sous-section II.1.2) et la détermination des rendements de fission. Enfin, la troisième partie présente une sélection de résultats obtenus avec cette approche.

Calcul des surfaces d’énergie potentielle

Des déformations de grandes amplitudes interviennent dans le processus de fission et sont responsables de la séparation du noyau en deux (voire plus) fragments.
Le processus de fission s’effectue principalement selon un axe, supposé être l’axe Oz dans la suite. Par conséquent, nous supposons que la symétrie axiale est conservée, en brisant la parité pour permettre la description d’une séparation asymétrique des fragments.
L’ensemble des coordonnées collectives en symétrie axiale ne peut être inclus dans un calcul réaliste. On est donc amené à considérer un ensemble restreint de coordonnées collectives les plus essentielles. L’ensemble des configurations associé aux coordonnées collectives est noté C dans la suite. Il contient des états HFB |HFBpqqy obtenus avec Nc contraintes additionnelles, où q pqi0q2 i Nc?2 (voir équation (II.1.1.78)). Les contraintes additionnelles utilisées dans ce travail peuvent être :— l’élongation de masse xHFBpqq|^Q20|HFBpqqy q20, où ^Q20 représente le moment quadripolaire,
— l’asymétrie de masse xHFBpqq|^Q30|HFBpqqy q30, où ^Q30 représente le moment octupolaire,
— le moment hexadécapolaire xHFBpqq|^Q40|HFBpqqy q40 du système nucléaire, qui correspond en partie au nombre de nucléons autour du centre de masse du système.
L’ensemble des configurations et la surface d’énergie potentielle qui lui correspond sont dits en dimension Nc (NcD).
Les moments multipolaires non contraints sont déterminés par la méthode HFB de manière à minimiser l’énergie totale de liaison du système fissionnant. Les configurations sont développées sur une base d’oscillateur harmonique axialement déformé et à deux centres, détaillée dans la partie II.2.1.1, qui présente également la procédure utilisée pour déterminer l’ensemble des configurations.

Base de particules à deux centres

Comme illustré sur la figure II.1, les systèmes fissionnants peuvent atteindre de très grandes déformations avec la préformation de fragments. Il est possible d’utiliser une base d’oscillateur harmonique à un centre, mais elle doit contenir un nombre important de couches pour décrire les grandes déformations. Dans ce cas, le développement séparable utilisé pour calculer les champs HFB avec l’interaction de Gogny peut rendre le calcul de ces derniers instable. Dans le cas de systèmes fortement allongés, les nucléons se regroupent en général en deux (voire trois) îlots de matière. Le choix de base d’oscillateur harmonique à deux centres semble alors plus naturel. Chaque oscillateur harmonique associé à chaque centre contient un nombre relativement modeste de couches, même pour les noyaux lourds comme les actinides. C’est le choix qui a été fait par J.F. Berger [42].

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Table des matières

I Introduction 
II Description microscopique du processus de fission à l’approximation des recouvrements gaussiens 
II.1 Présentation des méthodes utilisées
II.1.1 Méthode de Hartree-Fock-Bogoliubov
II.1.1.1 Approximation BCS
II.1.1.2 Transformation de Bogoliubov
II.1.1.3 Définition de l’état HFB
II.1.1.4 Résolution de l’équation HFB
II.1.1.5 Interaction nucléaire effective de Gogny
II.1.2 Méthode de la coordonnée génératrice dépendante du temps à l’approximation des recouvrements gaussiens
II.1.2.1 Approximation des recouvrements gaussiens
II.1.2.2 Dérivation du hamiltonien collectif
II.2 Enchaînement des méthodes
II.2.1 Calcul des surfaces d’énergie potentielle
II.2.1.1 Base de particules à deux centres
II.2.1.2 Calcul de surfaces d’énergie potentielle par propagation
II.2.2 Description de la dynamique de la fission
II.2.2.1 Discrétisation de l’espace des configurations
II.2.2.2 Détermination de l’évolution temporelle
II.2.2.3 Extraction des fragmentations
II.2.2.4 Flux et calcul des rendements
II.2.3 Application à la description de la réaction 239Pupn; fq
II.2.3.1 Surface d’énergie potentielle
II.2.3.2 Description de la dynamique
II.2.3.3 Rendements en charge et en masse des fragments
III Méthode de la coordonnée génératrice dépendante du temps 
III.1 Description du système fissionnant en TDGCM
III.1.1 État TDGCM
III.1.1.1 Définition de l’état TDGCM
III.1.1.2 Opérateurs collectifs
III.1.1.3 Choix des coordonnées génératrices
III.1.2 Espace collectif
III.1.2.1 Signature de discontinuités par le semi-déphasage entre états HFB
III.1.2.2 Nouvel algorithme de calcul de surfaces d’énergie potentielle
III.1.3 Équation de Hill-Wheeler dépendante du temps
III.2 Calcul des noyaux des recouvrements et du hamiltonien collectif
III.2.1 Calcul du noyau des recouvrements
III.2.1.1 Méthode de Q. Haider et D. Gogny
III.2.1.2 Cas de deux bases de particules différentes
III.2.2 Calcul du noyau du hamiltonien collectif
III.2.3 Calcul des termes centraux de l’interaction de Gogny dans une base d’oscillateur harmonique à deux centres
III.2.3.1 Calcul du terme central de portée finie de l’interaction
III.2.3.2 Calcul du terme dépendant de la densité
III.3 Résolution de l’équation de la TDGCM
III.3.1 Expression dans une base d’états propres de la parité
III.3.2 Résolution par le calcul du propagateur
III.3.3 Résolution par discrétisation en temps
III.3.4 Absorption
III.3.5 Calcul des observables
IV Résultats 
IV.1 Description 1D du système fissionnant 236U
IV.1.1 Surface d’énergie potentielle
IV.1.2 Description de la dynamique
IV.2 Description 1D du système fissionnant 240Pu
IV.2.1 Surface d’énergie potentielle
IV.2.2 Description de la dynamique
IV.3 Description 2D du système fissionnant 240Pu
IV.3.1 Surface d’énergie potentielle
IV.3.2 Étude de l’appariement
IV.3.3 Vers une description 2D de la dynamique de la fission avec la TDGCM
V Conclusion 
A Propriétés des fonctions de l’oscillateur harmonique
A.1 Solutions de l’oscillateur harmonique axial
A.2 Fonctions de la base à deux centres
A.3 Décomposition du produit de deux fonctions de la base à deux centres
Cas de deux fonctions évaluées au même point de l’espace
Cas de deux fonctions évaluées en des points différents de l’espace
A.4 Action des opérateurs de symétrie sur les fonctions de la base à deux centres
Opérateur parité ^P
Opérateur de renversement du sens du temps ^T
Opérateur y-signature ^Ry
Opérateur y-simplexe ^Sy
B Expression de l’énergie totale de liaison dans la base d’oscillateur à deux centres
B.1 Expression du hamiltonien nucléaire en seconde quantification
B.2 Base biorthogonale
B.3 Expression de la valeur moyenne du hamiltonien nucléaire dans la base à deux centres
C Calcul des densités généralisées Sqq1 , Tqq1 et Yqq1
C.1 Calcul de Sqq1
C.2 Calcul de Yqq1
C.3 Calcul de Tqq1
D Expression du champ d’appariement généralisé
D.1 Cas 0
D.2 Cas 1
D.3 Cas 1
Bibliographie

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