L’interface entre la surface d’un solide et un gaz est le siège de nombreux processus physicochimiques, tels que adsorption d’atomes et de molécules, désorption, oxydation, passivation, etc… ainsi que de réactions catalysées par la surface conduisant à la synthèse de nouvelles molécules. Il est très important de connaître les mécanismes élémentaires à l’origine de la réactivité de surface, les différentes étapes et paramètres déterminants, afin d’éventuellement pouvoir agir sur l’étape limitante et contrôler ainsi ces réactions en surface. La démarche employée dans ce domaine a été d’étudier ces processus sur des surfaces parfaitement caractérisées du point de vue cristallographique où l’adsorption des espèces atomiques et moléculaires impliquées peut être connue et contrôlée.
Certaines réactions se produisent d’elles-mêmes sur la surface. Du fait de l’interaction des réactants (atomes ou molécules) avec le substrat, certaines liaisons intramoléculaires s’affaiblissent, de nouvelles liaisons entre les réactants et la surface sont créées, les réactants peuvent être amenés plus près les uns des autres qu’en phase gazeuse, les molécules sont alignées l’une par rapport à l’autre et par rapport au substrat, les espèces adsorbées peuvent diffuser sur la surface. L’interaction entre réactants peut ainsi être favorisée, conduisant à la formation de nouvelles liaisons et donc à la synthèse de nouvelles espèces. Il s’agit dans ce cas de la catalyse hétérogène. Comme exemple, la réaction de production d’ammoniac à partir des molécules d’azote et d’hydrogène, catalysée par le fer ou des métaux de transitions de la même colonne du système périodique, a été élucidée dans les années 1970 ( (Bozso et al., 1977a) et (Bozso et al., 1977b)), bien après la production à l’échelle industrielle de cette molécule qui remonte au début du siècle dernier.
D’autres réactions pour se produire doivent être induites par une action extérieure (chaleur, photons ou électrons) et dans de nombreux cas c’est une excitation électronique initiale qui déclenche l’évolution du système. Les états électroniques excités des réactants sont des intermédiaires extrêmement efficaces des processus réactifs. Les particules lourdes se trouvent, suite à l’excitation, plongées dans une nouvelle énergie potentielle et se mettent à évoluer selon celle-ci. Ceci peut conduire à l’excitation vibrationnelle ou à la dissociation. Si la liaison molécule (atome) – surface est concernée, le mouvement adsorbat-surface peut être excité et conduire à la désorption de l’adsorbat. Dans le cas d’une liaison intramoléculaire, la vibration intramoléculaire peut être excitée et la rupture de cette liaison correspond à une dissociation ou fragmentation de la molécule adsorbée.
Description Microscopique de la Couche Diélectrique
Nous cherchons à traiter l’interaction entre un électron lent et un film diélectrique déposé sur un métal. Une approche immédiate du problème serait l’utilisation d’un modèle de milieu continu. Pour les raisons mentionnées dans le chapitre précédent, liées à l’épaisseur très fine du diélectrique (de l’ordre de quelques couches atomiques), nous voulons aller au-delà du modèle macroscopique de milieu continu et décrire l’interaction électron lent – diélectrique à partir d’un modèle microscopique. En termes d’électrostatique classique, le champ de l’électron polarise les atomes du diélectrique et les dipôles atomiques qui en résultent intéragissent aussi entre eux en se polarisant mutuellement. Le champ électrique à l’intérieur du diélectrique est alors différent du champ appliqué (le champ dû à l’électron), ce qui exprime la réponse du milieu. L’interaction de type électrostatique entre un électron et un solide diélectrique se traduit par l’interaction entre l’électron et la charge de polarisation que celui-ci induit dans le diélectrique. Pour calculer cette interaction il faut donc connaître la réponse du milieu à l’application d’un champ externe (celui de l’électron), ce qui est, en principe, un problème de polarisation à plusieurs corps.
Plusieurs solutions ont été proposées pour résoudre ce problème dans le cas des diélectriques de gaz rare. Très largement utilisée, l’approche macroscopique de milieu continu consiste à remplacer le champ microscopique à l’intérieur du diélectrique par un champ macroscopique (moyenne spatiale du premier) et la distribution discrète de charges de polarisation par une distribution continue. Cette approche est adéquate dans des cas où la relation entre la polarisation et le champ est connue, ce qui restreint l’applicabilité du modèle à des solides qui ont une certaine forme et une certaine symétrie microscopique (Kittel, 1996). Dans ces cas, la réponse du diélectrique à l’application d’un champ externe s’exprime à l’aide de la permittivité diélectrique du milieu, ε. Les propriétés macroscopiques du système (ε) sont alors reliées à ses propriétés microscopiques intrinsèques (la polarisabilité électronique α) par une relation simple connue sous le nom de relation de Clausius Mossotti (voir, par exemple (Kittel, 1996)).
Des modèles microscopiques ont été également utilisés pour décrire l’interaction entre un électron et un diélectrique de gaz rare. Une approche de champ effectif a été proposée par Lekner (Lekner, 1967) pour prendre en considération l’effet de polarisation à plusieurs corps dans un liquide diélectrique. Il a exprimé la relation entre le champ local qui agit sur un atome du liquide et le champ de l’électron par une fonction de la distance électron – atome qui tient compte de la structure atomique du liquide autour de l’atome en question, moyennée statistiquement. Cette fonction présente des oscillations autour d’une constante, le facteur de champ local de Lorentz, qui caractérise la réponse diélectrique des fluides sans structure. Les oscillations sont atténuées au fur et à mesure que la distance électron – atome augmente et à grande distance électron -atome la fonction tend vers le facteur de Lorentz. Le même esprit du champ effectif a été employé dans d’autres études sur des fluides ou solides diélectriques de gaz rare (Springett et al., 1968), (Plenkiewicz et al., 1991a), (Plenkiewicz et al., 1991b), (Lopez-Castillo et al., 1992), (Space et al., 1992), (Bowen and Space, 1997). Récemment Shah et al (Shah et al., 2000) ont déterminé l’interaction entre un électron et quelques couches atomiques de gaz rare en tenant compte de la structure microscopique du solide diélectrique dans le calcul de la polarisation induite par l’électron dans les couches.
Le modèle microscopique développé dans cette thèse prend en compte de manière explicite les propriétés microscopiques – structure cristallographique et électronique- d’un film ultra -mince d’Ar (1-4 monocouches (ML) ordonnées) adsorbé sur un substrat métallique de Cu. L’esprit a été de construire ces propriétés à partir de propriétés des sous-systèmes indépendants (interaction électron – atome isolé d’Ar, interaction interatomique Ar-Ar, interaction interatomique Ar-Cu).
Dans les applications présentées dans les chapitres suivants, les propriétés électroniques du film d’Ar condensé, à des énergies proches du fond de la bande de conduction, sont très importantes. Ces propriétés électroniques sont la signature de la diffusion d’un électron lent par le système. Il est alors essentiel de connaître l’arrangement géométrique des atomes d’Ar dans le film ainsi que les propriétés de diffusion de l’électron par chacun des atomes constituant le film.
L’approche microscopique implique plusieurs étapes : Dans un premier temps on a déterminé un potentiel modèle d’interaction entre un électron et un atome d’Ar. Pour la raison physique mentionnée ci-dessus, ce potentiel a été ajusté pour assurer les propriétés de diffusion à basse énergie d’un électron par un atome d’Ar isolé. La détermination de ce potentiel est présentée dans le paragraphe 2.2. Dans un deuxième temps, la structure géométrique du film atomique d’Ar adsorbé(1-4 monocouches (ML)) a été déterminée. Dû à la taille finie du système dans une direction, et à la présence du substrat, les distances entre les atomes constituant le film peuvent être différentes des distances entre les atomes d’un solide massif d’Ar. La détermination de ces propriétés d’adsorption est détaillée dans 2.3. Le calcul du potentiel électron -film d’Ar est un problème complexe même si le potentiel électron – atome isolé est connu. Du fait que l’effet de polarisation mutuelle entre les dipoles d’Ar doît être considéré, l’interaction entre l’électron et le film d’Ar n’est pas une simple superposition des interactions individuelles entre l’électron et les atomes d’Ar. Le traitement proposé est décrit dans 2.4. Ce traitement suit l’esprit du modèle de champ effectif de Lekner à la différence que, dans ce cas, la structure atomique du solide introduit une anisotropie dans la réponse du diélectrique au champ externe de l’électron. A cet égard, il ressemble à l’approche proposée par (Shah et al., 2000). L’originalité du présent traitement consiste à prendre aussi en compte l’effet du métal dans le calcul de la polarisation diélectrique
Interaction électron – atome d’Ar
Le but est ainsi de trouver un potentiel d’interaction électron-atome d’Ar reproduisant bien l’interaction électron – Ar à basse énergie et que l’on puisse aisément utiliser dans la suite du calcul. Calculer le potentiel d’interaction entre un électron et les atomes d’Ar du film condensé en partant d’un traitement explicite de tous les électrons (électron diffusé +18 électrons par atome d’Ar) par une méthode ab initio devient très lourd.
|
Table des matières
1 Introduction
2 Description Microscopique de la Couche Diélectrique
2.1 Introduction
2.2 Interaction électron – atome d’Ar
2.3 Structure d’adsorption d’un film ultra-mince d’Ar sur un substrat de Cu
2.3.1 Potentiels d’interaction interatomique
2.3.2 Adsorption de 1−4 mono-couches d’Ar sur un substrat de Cu(100)
2.4 Interaction électron-film d’Ar adsorbé sur métal
2.5 Structure de bandes de l’Ar solide
2.6 Conclusions
2.7 Annexe :Calcul du potentiel électron – diélectrique solide
2.8 Annexe : Méthode de recuit simulé
3 Méthodes théoriques pour le calcul de la dynamique électronique
3.1 Introduction
3.2 Propagation de paquets d’ondes
3.2.1 Principe de la méthode
3.2.2 Représentation spatiale
3.2.3 La méthode de Fourier
3.2.4 Remarques sur le choix de la base
3.2.5 Evaluation de l’Hamiltonien
3.2.6 Potentiel complexe absorbant
3.2.7 Propagation temporelle
3.2.8 Grille 3D
3.2.9 Analyse du paquet d’ondes ; Extraction des énergies et des fonctions d’onde
3.3 Modes angulaires couplés (CAM)
3.3.1 Principe de la méthode
3.3.2 La base des fonctions d’onde
3.3.3 Interaction électron – molécule
3.3.4 Interaction électron – substrat
3.3.5 Les équations couplées
3.3.6 Extraction de la position et de la largeur de la résonance
3.4 Conclusions
4 Conclusion