Description générale du processus de conception intégrée (PCI)
Il n’existe pas de définition précise du PCI, mais beaucoup s’entendent pour dire que ce processus favorise la collaboration au sein de l’équipe de conception et l’itération du concept, basé sur des objectifs de performances (Busby, 2007; Cole, 2007; Larsson, 2009). La définition retenue dans ce mémoire est dérivée de celle formulée par Busby (2007) et l’International Initiative for Sustainable Built Environment (iiSBE), (iiSBE, 2004), une organisation internationale qui a pour but de promouvoir la pratique du développement durable principalement pour le secteur des bâtiments : « Le processus de conception intégrée (PCI) est un processus de conception permettant par sa structure d’impliquer dès les phases initiales de la conception les parties intéressées à l’optimisation du concept et proposant des boucles d’itération. Ce processus n’est pas différent du processus de conception traditionnel (PCT) dans le déroulement des phases de conception, mais engage l’équipe à participer à des charrettes de conception intensive afin d’obtenir une meilleure collaboration entre les professionnels et de rechercher une complémentarité dans la conceptualisation des systèmes du projet.
Ce mode de conception vise à assister l’équipe de conception à penser de façon holistique quant à l’adoption de stratégie de performance améliorée du bâtiment. Ce processus permet d’éviter l’élaboration de solutions sous-optimales et favorise la conception de bâtiment à haute performance. » Le PCI a été introduit au Canada dans les années 1990 par le ministère des Ressources naturelles du Canada avec le programme C2000. Les objectifs du programme visaient notamment une amélioration de la performance énergétique du bâtiment, de l’empreinte environnementale et de son opérabilité (Zimmerman, 2006).
L’utilisation de la conception intégrée était exigée auprès des entreprises participantes au programme. À terme, les projets ayant adhéré au programme ont présenté un design performant et ont respecté le budget alloué à la conception de plus ou moins 10%. Des interventions portées en début du cheminement de conception telle que l’amélioration de la résistance thermique de l’enveloppe et de son étanchéité, l’utilisation de vitrages performants et des stratégies d’économie en intégrant de l’éclairage naturel, ont permis d’améliorer l’efficacité du bâtiment. Ces interventions bien intégrées dans le concept ont entrainé une réduction du dimensionnement des systèmes et des coûts opérationnels des bâtiments. Larsson (2009) explique que les projets du programme C2000 ayant suivi un PCI obtenaient une performance énergétique supérieure et à un coût moindre que les projets réalisés suivant un PCT. Les synergies apportées en PCI sur le projet et la recherche de solutions novatrices sont les principales raisons de cette différence de coût. Le PCI a été depuis reconnu comme une méthode améliorant la probabilité d’optimisation du design à un coût d’investissement égal à un autre processus de conception (Larsson, 2009).
Effectivement, les recherches montrent que les discussions interdisciplinaires ouvertes et une approche recherchant la synergie des systèmes conduisent souvent à une amélioration du cycle d’exploitation du bâtiment (Busby, 2007; Cole, 2007; Larsson, 2009). Afin de bien appliquer un PCI, Zimmerman (2006) indique que le processus doit être guidé par des objectifs, facilités, inclusif et collectif, systémique et itératif. La mise en application de ces caractéristiques est essentielle afin de profiter de la valeur ajoutée de ce type de conception.
Approches de PCI proposées
L’utilisation d’un PCI est encouragée par plusieurs instances telles que le gouvernement du Canada, l’iiSBE, Hydro-Québec et tout dernièrement par le Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa) par son système de certification LEED V4, la méthode d’évaluation de bâtiment durable (MEBD) la plus répandue dans le monde et suggérant des cibles de réduction énergétique (Rietveld, 2014). De nombreux guides détaillant le déroulement d’un PCI proposent différentes approches, qui s’appuient principalement sur celle proposée par Reed (2009) et celle de Larsson (2009). Ces approches, très bien détaillées, décrivent le déroulement d’un PCI pour des projets composés d’une équipe de conception solide et recherchant un haut niveau d’innovation du concept, voire une exemplarité.
L’approche de Reed (2009), le « Integrative Design Collaborative » est fondé sur la conception intégrative, c’est-à-dire la pratique d’une conception ayant pour fondement la restauration de l’impact du futur bâtiment sur l’environnement et le développement des interactions entre le projet et les écosystèmes. Cette approche collaborative et plus organique se caractérise par la définition d’un plan de conception bâti par l’équipe du projet en début de processus et structurant l’ensemble du PCI, en définissant notamment les cibles et les livrables. La phase de préconception est mise en importance selon l’approche Reed (2009) et il s’agit du moment où l’équipe concentre ses efforts d’innovation du concept suivant un modèle d’apprentissage divergent-convergent (Forgues et Dionne, 2014). L’approche d’apprentissage divergent-convergent se déroule comme suit : l’équipe de conception va commencer la conception du projet selon une élaboration individuelle du projet, soit des idées divergentes.
Il est alors possible, pendant les charrettes d’établir un scénario unique selon les différentes perspectives du projet apporter par les membres de l’équipe par consensus, il s’agit de l’aspect convergent. C’est en développant les différentes contradictions entre les différents scénarios de l’équipe que peut être obtenu un effort créatif pendant les charrettes.
L’approche de Larsson (2009) est beaucoup plus systématique que l’approche de Reed (2009). Cette approche vise principalement une amélioration de la performance énergétique globale du bâtiment et se concentre sur l’optimisation de six aspects du bâtiment : (1) l’orientation, (2) la volumétrie, (3) les matériaux, (4) la ventilation naturelle, (5) le chauffage passif, (6) l’éclairage et l’énergie (Forgues et Dionne, 2014). L’approche de Larsson (2009) établit les livrables à atteindre tout au long du processus selon une séquence d’amélioration du concept et validés à l’aide de simulations énergétiques ou d’analyse de cycle de vie. La séquence d’amélioration de la performance énergétique de Larsson (2009) vise l’évaluation de trois scénarios de conception : (1) un scénario de référence, (2) un scénario amélioré, mais conservateur et (3) un scénario amélioré et ambitieux. Cette approche est d’autant plus structurée, car elle est intégrée à SBtool, une MEBD régie par l’iiSBE. Elle permet d’établir un système d’étalonnage et de pointage propre à chaque projet suite à une étude des priorités régionales du projet (Larsson, 2016). Cependant, le système d’étalonnage assez complexe du SBtool est peu utilisé dans l’industrie en raison des coûts importants que nécessite l’étude des priorités régionales effectuée par l’iiSBE. De plus, suivre cette MEBD ainsi que l’approche de PCI de Larsson (2009) nécessite un haut niveau d’expertise de l’équipe de conception.
La représentation du déroulement du PCI de Larsson (2009) est présentée en annexe (voir ANNEXE I p. 111). Il y est défini les tâches de l’équipe de conception, les tâches du client ainsi que des opérateurs et indique la tenue des charrettes. De nombreuses ressemblances peuvent être observées entre les deux méthodes, notamment l’importance de la charrette de conception et l’itération du concept. Néanmoins, suivant une approche de conception de bâtiment visant une performance énergétique améliorée, l’approche de Larsson (2009) se distingue par le fait que la simulation énergétique est exigée comme outil essentiel au PCI.
Charrettes de conception
Nonobstant l’approche de PCI suivi, plusieurs auteurs s’entendent pour dire que la valeur ajoutée d’un PCI réside dans la tenue des charrettes de conception (Busby, 2007; Cole, 2007; Reed, 2009). Cole (2007) propose un guide de facilitation pendant les charrettes et indique que les charrettes devraient débuter dès les phases initiales de la conception. D’une durée allant d’un jour à plusieurs, c’est pendant les charrettes que les différents scénarios et stratégies sont pensés et évalués par l’équipe de conception. La figure 1.2 représente les intervenants pouvant être appelés à travailler sur un PCI pendant les charrettes. Le PCI offre deux principaux avantages pour une amélioration de la performance énergétique : (1) permettre une meilleure collaboration entre l’architecte et les ingénieurs et (2) intégrer des intervenants clés ordinairement peu consultés sur un PCT (Busby, 2007). L’intégration en amont de l’ingénieur spécialisé en mécanique du bâtiment au sein de l’équipe permet à l’architecte concepteur de bénéficier de ses connaissances au moment de la phase d’esquisse.
L’ingénieur peut, dès le début de la schématisation du concept, sensibiliser l’architecte et les opérateurs à l’impact que peut avoir le concept proposé sur le dimensionnement des systèmes CVCA requis et sur la consommation énergétique du bâtiment (Forgues, Monfet et Gagnon, 2016a). Certains auteurs identifient l’importance d’inclure ces six groupes d’intervenants sur un PCI : (1) le client, (2) les opérateurs et les utilisateurs, (3) le modeleur, (4) l’économiste de construction, (5) l’agent de mise en service et (6) les experts externes au cours des charrettes (Knapp, Guénard et Kerrigan, 2014). Un client impliqué est essentiel au succès d’un PCI et à l’élaboration de solutions optimales, puisqu’il est le décideur principal pour les choix financiers et temporels et il a le pouvoir de faciliter l’instauration de stratégies innovantes sur le projet. L’implication des opérateurs et des utilisateurs est aussi très importante à l’atteinte d’objectifs d’amélioration de la performance énergétique en PCI (Knapp, Guénard et Kerrigan, 2014). Dodgson, Gann et Salter (2005) affirment dans leur étude que près de 50% des innovations sur le concept général du bâtiment peuvent être attribuables à leur participation au processus de conception. L’opérateur est un intervenant très bien placé pour sensibiliser le client sur les impacts et les coûts opérationnels que peut avoir une décision de conception sur l’utilisation du bâtiment.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 Mode de conception traditionnel versus intégrée
1.1.1 Description générale de la conception intégrée (CI)
1.1.2 Description générale du processus de conception intégrée (PCI)
1.1.3 Approches de PCI proposées
1.1.4 Charrettes de conception
1.1.4.1 Enjeux du travail collaboratif
1.1.4.2 Efficacité du travail collaboratif
1.2 Amélioration de la performance énergétique des bâtiments
1.2.1 Stratégies passives
1.2.2 Stratégies actives
1.2.3 Production d’énergie renouvelable
1.2.4 Bâtiments Net Zéro
1.3 Outils de simulation énergétique du bâtiment dans la conception
1.3.1 Codes de référence
1.3.2 Utilisation d’outils de simulation énergétique sur un PCI
1.3.3 Paramètres de simulation énergétique
1.3.4 Sélection des outils de simulation
1.3.5 Approches d’utilisation d’outils de simulation en PCI
1.4 Perspectives
CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
2.1 Méthodologie de la recherche
2.2 Investigation des pratiques
2.2.1 Identification de la problématique
2.2.2 Identification des cas d’étude en PCI
2.2.3 Analyse des résultats d’observations b
2.3 Développement du cadre d’utilisation
CHAPITRE 3 RÉSULTATS ET ANALYSES DES OBSERVATIONS
3.1 Déroulement et particularités des projets observés
3.1.1 Descriptifs des PCI
3.1.1.1 PCI 1 2
3.1.1.2 PCI 2
3.1.1.3 PCI 3
3.1.2 Composition des équipes de conception
3.1.3 Distribution des rencontres de CI au cours du processus
3.1.4 Utilisation de la simulation énergétique
3.1.5 Sommaire des particularités des projets observés
3.2 Résultats des études de cas
3.2.1 Distributions des sujets au cours des charrettes
3.2.2 Distributions des efforts au cours des charrettes
3.2.3 Distribution de la participation au cours du processus
3.3 Analyse
CHAPITRE 4 CADRE PROPOSÉ D’UTILISATION D’OUTILS DE SIMULATION ÉNERGÉTIQUE AU SEIN D’UN PCI
4.1 Présentation du cadre proposé
4.2 Planification et déroulement proposé
4.2.1 Préconception
4.2.1.1 Modélisation de préconception
4.2.1.2 1ère Rencontre de coordination
4.2.2 Esquisse
4.2.2.1 1ère Simulation préparatoire (Bioclimatique)
4.2.2.2 1ère charrette (Emplacement et volumétrie)
4.2.3 Dossier préliminaire
4.2.3.1 2e Simulation préparatoire (Systèmes passifs)
4.2.3.2 2e charrette (Matériaux et enveloppe)
4.2.3.3 3e Simulation préparatoire (Systèmes actifs)
4.2.3.4 3e charrette (Systèmes mécaniques et sources d’énergie)
4.2.3.5 Simulation complète
4.2.3.6 2e Rencontre de coordination
4.3 Limites du cadre d’utilisation proposé
4.4 Outils suggérés
CHAPITRE 5 APPLICATION DU CADRE PROPOSÉ
5.1 Présentation du cadre proposé ajusté
5.2 Évaluation de l’application du cadre proposé
5.2.1 Processus préparatoire à la charrette 1
5.2.2 Charrette 1
5.2.3 Charrette 2
5.3 Bilan de l’utilisation du cadre proposé
CHAPITRE 6 DISCUSSION
CONCLUSION
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