Description générale des bactéries du genre Deinococcus

Les déinocoques sont des microorganismes polyextremophiles qui présentent des propriétés de survie exceptionnelles dans des conditions de vie extrêmes : radiations ionisantes, oxydation, rayons ultra-violets, sécheresse, froid, présence de solvants ou encore vide spatial. Ils ont été isolés dans des lieux très divers sur la planète tels que des échantillons de sol, de viande ou de poisson, des sources géothermales, sur des instruments chirurgicaux irradiés ou bien encore dans la stratosphère (Anderson et al. 1956; Kristensen and Christensen 2009; Lewis 1971; Oyaizu et al. 1987; Rainey et al. 2007; Väisänen et al. 1998). Les bactéries du genre Deinococcus sont capables de réparer leur matériel génétique endommagé en quelques heures seulement. Ce genre bactérien a donc principalement été étudié pour ses propriétés de réparation de l’ADN et de résistance aux conditions environnementales hostiles à la survie de la plupart des organismes. A ce jour seulement 1532 publications concernant le genre Deinococcus sont référencées, les mots clés « radiations » et « stress » étant associés au genre Deinococcus dans 50 % et 20 % des cas respectivement. Les travaux s’intéressant à la physiologie et au métabolisme des déinocoques restent peu nombreux : 13 publications contiennent les mots clés Deinococcus et « physiologie » et il n’y a que 7 publications qui concernent l’utilisation d’un milieu défini pour la croissance.

Etat de l’Art

Les déinocoques sont des microorganismes atypiques, très résistants, retrouvés dans des environnements variés. De nombreuses études se sont consacrées et se consacrent encore à leurs mécanismes de protection et/ou de réparation de leur matériel génétique suite à des expositions à des conditions hostiles. Cependant, peu de travaux se sont intéressés à l’étude de leur physiologie et de leur métabolisme. Une meilleure compréhension de ce métabolisme pourrait permettre d’exploiter les propriétés fonctionnelles des déinocoques pour la production de molécules d’intérêt ou pour d’autres procédés.

Description générale des bactéries du genre Deinococcus

Les origines 

Le genre Deinococcus appartient à l’ordre des Deinococcales, de la famille Deinococcus-Thermus. La bactérie Deinococcus radiodurans R1 est le premier déinocoque découvert. Elle a été isolée pour la première fois en 1956 par Arthur W. Anderson dans l’Oregon, lors d’expériences de stérilisation de conserves de viande par rayonnement gamma (Anderson et al. 1956). Des échantillons de viande soumis à de fortes doses de radiations (3.106 röntgen equivalent physical (rep)) censées être létales pour tout microorganisme ne se conservaient pas malgré le traitement radioactif ; un coque formant des colonies roses a été isolé de ces échantillons. A cause de son extrême résistance au rayonnement, cette bactérie fut d’abord nommée Micrococcus radiodurans avant d’être renommée Deinococcus radiodurans.

Phylogénie et évolution 

Du fait de leur grande similitude avec les bactéries du genre Micrococcus, les Deinococcaceae ont tout d’abord été classés dans le genre Micrococcus avant que cette classification ne soit remise en cause par des études taxonomiques (Brooks and Murray 1981; Cox and Battista 2005). En effet, bien que Micrococcus radiodurans et les souches radio-résistantes apparentées présentent des caractéristiques phénotypiques similaires à celles des bactéries du genre Micrococcus, des différences au niveau de la structure et de la composition de leur paroi ont été mises en évidence. Les analyses d’homologie génétique (ADN et ARN 16S) ont confirmé que les microcoques radio-résistants devaient être classés dans un nouveau groupe ; ce nouveau genre a été nommé Deinococcus, le préfixe grec deinos signifiant étrange, inhabituel (Brooks et al. 1980). Les espèces appartenant au genre Deinococcus forment une lignée phylogénique distincte, étroitement liée au genre Thermus. D’après les séquences d’ARN 16S, il a été proposé que le genre Deinococcus et le genre Thermus forment un seul phylum parmi les Eubactéries (Hensel et al. 1986; Rainey et al. 1997; Weisburg et al. 1989).

Ecologie/Biotope 

Les bactéries du genre Deinococcus sont ubiquitaires. En effet, elles sont retrouvées dans des biotopes variés sur la planète ; des déinocoques ont été isolés dans des environnements riches en matières nutritives tels que les matières fécales animales (Oyaizu et al. 1987), le sol, de la viande (Anderson et al. 1956), du poisson (Lewis 1971; Shashidhar and Bandekar 2009) et dans des endroits beaucoup plus hostiles et pauvres d’un point de vue nutritionnel : sable du désert (de Groot et al. 2005; Rainey et al. 2007; Rainey et al. 2005; Yuan et al. 2009), sources géothermales (Bouraoui et al. 2012; Ferreira et al. 1997), sol et roche de l’Antarctique (Hirsch et al. 2004), poussières collectées dans l’atmosphère (Yang et al. 2009) et la stratosphère (Yang et al. 2010), aliments déshydratés, textiles (Kristensen and Christensen 2009) et matériel médical (Christensen et al. 1991).

Caractéristiques morphologiques et structure cellulaire 

Les déinocoques forment un genre de bactéries non sporulantes, immobiles, généralement positives au test de Gram, qui se développent en aérobiose et forment sur milieu riche solide des colonies rondes, brillantes et pigmentées rose orangées (Holt and Bergey 1994). Les bactéries du genre Deinococcus sont des coques de 1,5 à 3 µm de diamètre.

Dans le milieu riche utilisé par Anderson, les déinocoques ont été retrouvés majoritairement groupés par paires (Anderson et al. 1956) tandis que dans le milieu cœur-infusion de Difco, les cellules en phase exponentielle se développent sous forme de tétrades (Thornley et al. 1965). Les déinocoques se divisent de façon synchrone sur deux plans formant ainsi des tétrades (Figure 3). En milieu complexe, au début de leur croissance les déinocoques sont retrouvés sous forme de deux cellules accolées puis généralement au cours de la multiplication les tétrades se forment (Murray et al. 1983). Ces observations ont été rapportées également par les travaux de Daly et de ses collaborateurs (Daly et al. 2004). De plus, une fraction de la population microbienne peut être retrouvée sous forme de groupements de cellules, majoritairement en amas de seize cellules c’est à-dire un regroupement de quatre tétrades (Jena et al. 2006) ; la culture sous la forme diplocoques, tétrades ou plus est dépendante des conditions de croissance. En 2009, l’hypothèse de l’influence de l’environnement nutritionnel sur le pléomorphisme et le regroupement des cellules de déinocoques a été confirmée (Joshi and Toleti 2009). Enfin, dans un milieu défini, les déinocoques sont majoritairement sous forme de diplocoques (Venkateswaran et al. 2000).

Bien qu’ils soient Gram positif, les déinocoques possèdent une enveloppe cellulaire complexe dont la structure se rapproche de celle des bactéries Gram négatif. La paroi des bactéries Gram négatif est formée d’une membrane plasmique contenant des phospholipides et des protéines, d’un espace périplasmique, d’une fine couche de peptidoglycane et d’une membrane externe. Cette membrane externe est elle aussi constituée de phospholipides organisés en bicouches et de protéines intrinsèques, mais elle possède également des lipopolysaccharides (LPS). Les bactéries Gram positif possèdent généralement une membrane plasmique, un espace périplasmique plus mince que celui des bactéries Gram négatif et une paroi épaisse composée de peptidoglycane et d’acides techoïques. Chez la plupart des bactéries le peptidoglycane est formé de N-acétyl-glucosamine (NAG) et d’acide N-acétylmuramique (NAM).

L’enveloppe cellulaire de Deinococcus radiodurans est constituée de quatre à cinq couches minimum (Thornley et al. 1965) : la membrane la plus interne est la membrane plasmique, puis il y a une couche interne de peptidoglycane qui présente des pores dont la fonction n’a pas encore été identifiée. La troisième est une couche intermédiaire divisée en de nombreux compartiments et donc appelée couche compartimentée. Les déinocoques possèdent ensuite une membrane dont la structure est proche de la membrane plasmique interne, puis une cinquième couche composée de sous-unités protéiques organisées de façon hexagonale. Enfin, certaines souches de deinocoques possèdent une couche supplémentaire composée d’hydrates de carbone qui forme la membrane la plus externe (Work and Griffiths 1968). Cette structure complexe a une épaisseur comprise entre 130 et 150 nm (Brooks and Murray 1981; Lancy and Murray 1978).

En plus de la L-alanine et de l’acide D-glutamique, l’acide aminé majoritaire du peptidoglycane de cette enveloppe est la L-ornithine (Work 1964), acide aminé peu répandu dans les membranes cellulaires bactériennes. Il remplace la lysine et l’acide diamino-pimélique qui sont classiquement retrouvés. Les acides techoïques sont absents de la structure pariétale de Deinococcus radiodurans (Brooks and Murray 1981) ; les membranes de phospholipides possèdent des lipides polaires atypiques, différents de la phosphatidylcholine, la phosphatidylethanolamine et la phosphatidylsérine couramment retrouvés (Thompson et al. 1980). Le palmitoléate est l’acide gras majoritaire des couches lipidiques. Il a été mis en évidence des acides gras saturés et insaturés avec un nombre impair d’atomes de carbone (C15 et C17), jusqu’à 18 % d’acide heptadécènoique ce qui est rare pour un microorganisme (Embley et al. 1987; Knivett et al. 1965), tandis que la membrane externe ne contient pas de lipides A. Les polysaccharides isolés à partir de cette membrane externe sont composés majoritairement de rhamnose et de mannose (Work and Griffiths 1968) .

Les bactéries du genre Thermus présentent des parois de structure comparable à celle des bactéries du genre Deinococcus (Hensel et al. 1986), avec des acides gras ramifiés et de l’ornithine dans le peptidoglycane. Ces observations confirment la proximité phylogénique entre ces deux genres bactériens.

Génome

En 1999, le génome de la souche mésophile Deinococcus radiodurans a été séquencé et annoté (White et al. 1999) ; elle possède deux chromosomes circulaires, un de 2648615 paires de bases et un autre de 412340 paires de bases (DR412), un mégaplasmide de 177466 paires de base (DR177) et un plasmide de 45702 paires de base (Makarova et al. 2001; White et al. 1999). Le taux de GC s’élève à 67 % et chaque cellule contient de 9.109 à 2,2.10¹⁰ daltons d’ADN (Hansen 1978). Deinococcus radiodurans possède plusieurs copies de son génome. Les cellules en phase exponentielle de croissance peuvent contenir jusqu’à dix copies du génome tandis que les cellules en phase stationnaire en contiennent quatre copies (Hansen 1978; Harsojo et al. 1981). Les résultats de Harsojo ont néanmoins démontré qu’il n’y avait aucune corrélation entre le nombre de copies du génome par cellule et la radio-résistance. La souche thermophile Deinococcus geothermalis DSM 11300 a été séquencée en 2007 (Makarova et al. 2007). Elle possède un chromosome circulaire de 2467205 paires de bases et deux mégaplasmides de 574127 paires de bases (DG574) et 205686 paires de bases (DG206).

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Table des matières

Introduction
Chapitre I. Etat de l’Art
I.1 Description générale des bactéries du genre Deinococcus
I.2 Résistance aux dommages à l’ADN et mécanismes de réparation de l’ADN
I.3 Applications : Production de molécules d’intérêt – Bioremédiation
I.4 Exigences nutritionnelles et métabolisme des déinocoques
I.5 Cultures : Mise en œuvre et cinétiques
I.6 Conclusions
Chapitre II. Matériels et méthodes
II.1 Souches
II.2 Milieux de culture
II.3 Conditions de culture
II.4 Techniques analytiques de suivi de la culture
II.5 Séquençage d’ADN génomique
II.6 Traitement des données
II.7 Détermination de la composition élémentaire de l’extrait de levure
Chapitre III. Experimental and statistical analysis of nutritional requirements for the growth of Deinococcus geothermalis DSM 11300
III.1 Introduction du chapitre
III.2 Publication : Experimental and statistical analysis of nutritional requirements for the growth of Deinococcus geothermalis DSM 11300
III.3 Quantification de la croissance de Deinococcus geothermalis DSM 11300 en bioréacteur, sur milieu complexe à 45 °C
Chapitre IV. Influence of the inoculum preparation on the growth of the extremophilic strain Deinococcus geothermalis DSM 11302
IV.1 Introduction du chapitre
IV.2 Publication : Influence of the inoculum preparation on the growth of the extremophilic strain Deinococcus geothermalis DSM 11302
IV.3 Séquençage des souches Deinococcus geothermalis DSM 11300 et Deinococcus geothermalis DSM 11302
Chapitre V. Quantification de la croissance de Deinococcus geothermalis DSM 11302 sur milieu défini – Recherche des conditions de culture optimales
V.1 Introduction du chapitre
V.2 Matériel et méthodes
V.3 Résultats et discussion
V.4 Conclusions
Chapitre VI. Growth of the extremophilic Deinococcus geothermalis DSM 11302 using co-substrate fed-batch culture
VI.1 Introduction du chapitre
VI.2 Publication : Growth of the extremophilic Deinococcus geothermalis DSM 11302 using cosubstrate fed-batch culture
Discussion générale
Conclusion
Annexes
Références bibliographiques
Abréviations

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