A la lecture des dernières prévisions établies par l’association industrielle “European Bioplastics” (2016) et l’institut des bioplastiques et bio-composites de l’Université d’Hanovre, le marché des bioplastiques devrait considérablement se développer dans les années à venir. En effet, la production totale de 2 millions de tonnes en 2016 devrait atteindre les 7.8 millions de tonnes en 2019. Cette estimation tient compte de l’évolution croissante de la demande de nombreux domaines d’applications (emballage, appareils électroniques ou automobile …) en solutions durables sur le marché des matériaux plastiques. La multiplication des potentielles utilisations dans différentes industries lourdes va occasionner dans les années à venir un boom dans ce secteur. Plus de 500 entreprises de transformation des bioplastiques ont émergé, et il devrait y en avoir plus de 5000 aux alentours 2020. Le marché mondial des bioplastiques représentait en 2015 plus de 2.7 milliards $ et sera supérieur à 5 milliards $ en 2021. Le taux de croissance annuel moyen du marché des plastiques biodégradables devrait croître de 12% entre 2016 et 2021 d’après le rapport MarketsandMarkets (M&M) de Juin 2016.
Il est tout d’abord primordial de définir ce qu’est une matière plastique, puis bioplastique. En langage courant, un plastique est un mélange contenant une matière de base (un polymère) pouvant être moulé, travaillé, en général à chaud et sous pression, dans le but d’obtenir un semi-produit ou à un objet. Le terme « bioplastique » désigne le caractère renouvelable de la ressource utilisée pour sa production. On parle alors de produit bio-sourcé. Il décrit également la biodégradabilité du produit, à savoir la « capacité intrinsèque à être dégradé par une attaque microbienne, la simplification progressive de sa structure et finalement la conversion en H2O, CO2 et/ou CH4 et une nouvelle biomasse » (Bewa, 2005). Un bioplastique peut n’être que biodégradable, sans être bio sourcé, mais les PHA réunissent ces deux caractéristiques. Ces derniers sont des polymères qui présentent une importante gamme de propriétés thermomécaniques du fait de la grande diversité de monomères qui peuvent les constituer. Les PHA se présentent donc comme de bonnes alternatives à des plastiques d’origines fossiles tels que le PVC (Poly Vinyle Chlorure), les PE (Poly Ethylène) basses et hautes densités ou encore le PP (Poly Propylène) .
Description et propriétés des Poly-β-Hydroxyalcanoates
Définition et structure
Les Poly-β-HydroxyAlcanoates (PHA) forment une famille de polyesters variés, produits par de nombreux micro-organismes. Ils sont synthétisés intracellulairement et stockés comme source de carbone de réserve. Ces zones de stockages se présentent sous forme de granules de polymères pouvant représenter jusqu’à 90% de la masse sèche de certaines bactéries. Leur première apparition dans la littérature scientifique est due à Lemoigne (1926), qui a découvert des granules de PHB (PolyHydroxyButyrate) au sein de Bacillus megaterium. Leur observation est désormais possible par microscopie à contraste de phase dû au caractère réfractaire des inclusions (Dawes, 1973).
Ces molécules résultent de l’estérification de monomères de R-3-hydroxy acide gras formant au final un polymère linéaire. Tous les monomères de PHA sont de configuration R car l’enzyme les synthétisant, la PHA synthase, est R-stéréospécifique.
Cette famille de polymères est sous-divisée en 3 catégories :
• Les PHA à courte chaîne latérale (short chain length : SCL-PHA) composés de monomères ayant de 3 à 5 carbones. On y trouve notamment les poly(3-hydroxybutyrate) (P(3-HB)) et les poly(3-hydroxyvalérate) (P(3-HV)).
• Les PHA à chaîne latérale moyenne (medium chain length : MCL-PHA) possédant un nombre de carbones compris entre 6 et 14.
• Les PHA à longue chaîne latérale (long chain length : LCL-PHA) ayant plus de 14 carbones Parmi cette famille, on trouve différentes formes de polymères.
On peut trouver des homopolymères dont la structure est entièrement composée du même motif monomérique. Les copolymères sont des PHA composés de monomères de natures différentes. La répartition des monomères au sein du polymère peut suivre différentes organisations :
• L’organisation aléatoire dans laquelle les monomères sont placés sans ordre particulier
• L’organisation périodique où l’on trouve une alternance de monomère pour donner des motifs du type A-B-A-B-A-B…
• L’organisation en blocs ou les monomères de même nature sont regroupés. On observe dans ce cas le motif suivant A-A-A-A-A-A-B-B-B-B-B-B…
La nature des monomères de PHA produits sont directement dépendant du substrat utilisé et de la nature de la souche microbienne productrice. On peut donc définir trois grandes catégories de substrats pour les souches productrices. Le groupe A concerne les substrats pouvant servir à la fois à la croissance bactérienne et à la production. Le groupe B implique les substrats ne pouvant assurer que la croissance, et enfin le C qui contient les substrats n’induisant que la production. Grâce aux deux derniers groupes, il est possible d’obtenir des monomères de PHA avec des motifs très originaux (contenant des cycles par exemple) (Rai et al. 2011) .
Propriétés
Les PHA présentent de nombreuses propriétés d’intérêts industriels.
Biodégradabilité
L’un des intérêts principal des PHA est leur capacité de biodégradation totale dans un délai de trois à neuf mois. Cette dégradation est effectuée par des bactéries et champignons aérobies et anaérobies du sol qui ont la capacité de sécréter des enzymes appelées PHA dépolymérases pour dégrader ces polymères. La vitesse de dégradation est fonction de diverses facteurs tels que les conditions climatiques (température, environnement,…), la population microbienne présente et la capacité du polymère à être dégradé (Jendrossek & Handrick, 2002). En condition aérobie, les produits de cette biodégradation sont le dioxyde de carbone (CO2) et l’eau (H2O), alors qu’en anaérobie du méthane (CH4) est également dégagé.
Propriétés mécaniques
La classe des PolyHydroxyAlcanoates présente un panel assez large de propriétés mécaniques et thermiques, ce qui rend cette famille très intéressante et sans équivalent dans le domaine des bioplastiques. On peut trouver des PHA à structures cristallines ou amorphes, avec des élasticités atteignant parfois jusqu’à un comportement caoutchouteux. Les propriétés physiques et mécaniques caractérisant des plastiques sont les températures de fusion Tm (°C), de transition vitreuse Tg (°C), de cristallisation Tc (°C), de dégradation Td (°C), le Module de Young (GPa), la résistance à la traction (MPa), l’élongation avant rupture (%), la résistance aux chocs Izod (J.m-1), la masse moléculaire moyenne en nombre Mn (Da) et la masse moléculaire moyenne en masse Mw (Da). Ces propriétés thermiques et mécaniques de ces plastiques sont donc directement fonction de la nature des monomères présents et de leur organisation au sein du polymère. Par exemple, le PolyHydroxyButyrate (PHB) a des propriétés thermoplastiques intéressantes et possède une gamme de températures d’usages assez large (de -30 à 120°C) (Shen et al. 2009). Cependant, celui-ci a une utilisation relativement limitée du fait de sa fragilité, de sa rigidité et de ses températures de fusion et de dégradation trop proches (respectivement 179°C et environ 200°C) (Sang Yup Lee, 1996).
Le PHB-co-PHV possède, lui, des propriétés mécaniques plus intéressantes car plus la proportion de monomères de 3-hydroxyvalérate est importante dans le polymère, plus celui-ci est flexible et résistant. Il a donc une meilleure résistance à l’élongation avant rupture que le PHB. De plus, la présence de HV dans le copolymère abaisse la température de fusion du polymère tout en laissant la température de dégradation constante. Cette modification permet d’augmenter l’intervalle de processabilité. De manière plus générale, les PHA composés de monomères à chaînes moyennes offriront des plastiques plus flexibles et résistants, jusqu’à atteindre parfois des comportements élastiques se rapprochant de ceux des caoutchoucs. Les MCL-PHA ont une très bonne tenue à la température mais se dégradent très vite à température élevée (Rai et al. 2011). Concernant les copolymères de types blocs (plusieurs monomères similaires consécutifs) qui peuvent être obtenus à partir de procédés de production spécifiques, leurs caractéristiques thermomécaniques sont très différentes des copolymères aléatoires ayant pourtant la même composition monomérique. En effet, du fait de leur répartition en bloc, ce polymère va emprunter les deux températures de transition vitreuse et de fusion des deux groupes monomériques (dans le cas d’un copolymère en bloc contenant deux types de monomères). La conformation bloc permet néanmoins l’augmentation de la limite d’élasticité, du module de Young et de la force de tension (Tripathi et al. 2013). Certaines propriétés mécaniques ne sont pas seulement dépendantes de la composition monomérique du polymère. Elles peuvent également être impactées par d’autres facteurs. Par exemple, Le poids moléculaire d’un polymère peut varier en fonction de la souche productrice, de la composition du milieu de culture, des conditions de fermentation et des procédés d’extraction (Rai et al. 2011).
Structure des inclusions
Les PHA se retrouvent au sein des cellules sous formes d’inclusions de 0,1 à 0,5 µm de diamètre. On peut compter jusqu’à 20 granules par cellules chez certains microorganismes. Chez la souche P. putida, il n’y a généralement qu’une seule granule et exceptionnellement deux ou trois. Les polymères de polyhydroxyalcanoates s’organisent en micro fibrilles (10 à 15 nm de diamètre) puis s’enroulent sur elles-mêmes pour donner des granules sphériques avec un cœur hydrophobe amorphe et mobile contenant un peu d’eau (Ballard, 1987). Elles sont recouvertes d’une simple couche de phospholipides contenant de nombreuses macromolécules telles que des PHA synthases, des PHA dépolymérases, des phasines (protéines structurant les granules) et des protéines régulatrices nommées PhaR (Zinn et al. 2001 ; Jendrossek, 2009) .
La biogenèse de ces granules, appelés « carbosomes », n’est pas encore bien étudiée, toutefois trois modèles ont été proposés (Grage et al. 2009; Jendrossek & Pfeiffer, 2014) :
❖ Le modèle « micelle » qui suggère que les PHA synthases sont solubles et reparties aléatoirement au sein de la cellule. Au cours de la réaction de polymérisation, le polyester convertit le caractère soluble de l’enzyme en caractère amphiphatique, ainsi les chaines hydrophobes des PHA se regroupent et permette la formation de micelles.
❖ Le modèle « bourgeonnant » de l’anglais « budding » qui se base sur la présence de la PHA synthase sur la surface interne de la membrane plasmique. La polymérisation aurait lieu dans l’espace intermembranaire jusqu’à la formation d’une inclusion qui s’invagine et se détache de la membrane (Jendrossek, 2009).
❖ Le modèle « scaffold » explique que les PHA synthases responsables de la synthèse des polymères seraient accrochées à un « échafaudage » qui serait le nucléoïde de la cellule.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
ETAT DE L’ART
I- Description et propriétés des Poly-β-Hydroxyalcanoates
I.1 Définition et structure
I.2 Propriétés
I.2.1 Biodégradabilité
I.2.2 Propriétés mécaniques
I.3 Structure des inclusions
I.4 Applications
II- Procédé général de production de PHA
II.1. Synthèse de la biomasse catalytique et production de PHA en bioréacteurs
II.1.1 Culture discontinue : Batch
II.1.2 Culture discontinue alimentée : Fed-batch
II.1.3 Culture continue : chémostat
II.2. Récupération des PHA
III- Pseudomonas putida KT2440 et son métabolisme
III.1 Métabolisme des carbohydrates
III.2 Métabolisme des acides gras
III.2.1 Voie de dégradation des acides gras : la β-oxydation
III.2.2 Voie de biosynthèse des acides gras
III.3 Métabolisme du glycérol
III.4 Métabolisme central de P. putida KT2440
III.5 Chaînes respiratoires de P. putida KT2440
III.6 Métabolisme de production des PHA
III.6.1 Voies de biosynthèse de PHA chez P. putida KT2440
III.6.2 Dégradation des PHA
III.6.3 Equilibre Biosynthèse-Dégradation des PHA
III.7 Initiation et régulation de l’accumulation de PHA
III.7.1 Limitation en oxygène
III.7.2 Limitation en azote ou phosphore
III.7.3 Régulation enzymatique des PHA
III.7.4 Régulation transcriptionnelle
III.8 Poids moléculaire des PHA et ses facteurs d’influence
Conclusion
MATERIELS & METHODES
I- Réalisation des cultures
I.1 Souche
I.2 Milieux de culture
I.2.1 Milieu de culture solide
I.2.2 Milieu de culture liquide
I.3 Conditions de culture
I.3.1 Etapes d’inoculations
I.3.2 Culture en fermenteur de 20 L
II-Techniques analytiques
II.1 Méthode de suivi et d’analyse des substrats d’une culture
II.1.1 Dosage des acides gras
II.1.2 Dosage du glycérol et du glucose par CLHP
II.1.3 Dosage du glucose
II.2 Méthode de suivi et d’analyse de la biomasse de la culture
II.2.1 Biomasse totale
II.2.2 Détermination de la composition macromoléculaire de la biomasse
III- Traitements des données expérimentales
III.1 Généralités sur les bilans
III.2 Traitement des gaz
III.2.1 Bilan pour un composé A présent dans le gaz
III.2.2 Bilan sur l’azote
III.2.3 Bilan sur l’oxygène
III.2.4 Bilan sur le dioxyde de carbone
III.3 Traitement de la variable « Volume »
III.4 Calcul des vitesses spécifiques et des rendements
III.5 Bilans élémentaires
III.5.1 Bilan Carbone
III.5.2 Bilan élémentaire généralisé ou bilan redox
III.5.3 Validation des mesures par l‘utilisation des équations bilan élémentaires
III.6 Lissage des données expérimentales
IV- Modélisation des flux
IV.1 Descripteur anabolique
IV.2 Descripteur catabolique
IV.3 Résolution
V- Extraction et caractérisation des produits
V.1 Méthode d’extraction des PHA
V.2 Caractérisation des PHA par Chromatographie à Perméation de gel
V.3 Caractérisation des propriétés thermiques des PHA par Analyses Enthalpiques Différentielles
RESULTATS
CONCLUSION GENERALE