Description et aspects techniques d’un EBF
Généralités
Etablir un EBF, c’est initier une gestion passive, c’est-à-dire réduire les pressions exercées sur le cours d’eau afin qu’il puisse recrée lui-même sa dynamique naturelle (Dany, 2016). Cette gestion est moins couteuse et moins interventionniste. La délimitation vise à préserver et améliorer la qualité globale du cours d’eau. Il s’agit d’essayer de lui redonner de l’espace afin d’optimiser les services naturels qu’il peut rendre tout en préservant les enjeux humains. L’espace dans lequel la rivière circule et interagit définit la possibilité ou non d’assurer ses cinq grandes fonctions naturelles. Les fonctions morphologiques et hydrauliques sont prépondérantes puisqu’elles conditionnent les autres fonctions : biologiques, hydrogéologiques et biogéochimiques .
La morphologie est dite fonctionnelle lorsque le cours d’eau façonne ses formes alluviales sans contrainte longitudinale (continuité du transport sédimentaire) et latérale (mobilité liée aux processus d’érosion et de dépôt). Cette fonction régit, par exemple, l’équilibre du profil en long et la qualité et la diversité des habitats aquatiques physiques. Le fonctionnement hydraulique est associé à la libre circulation des écoulements en lit mineur (débit de plein bord) et en lit majeur qui écrête les crues importantes. Il intègre également la connectivité avec les milieux annexes (bras morts, bras secondaires, zones humides…). Par ailleurs, un écosystème équilibré, composé d’une variété d’espèces végétales alluviales (ripisylve et plusieurs stades végétatifs) et d’un cortège d’espèces faunistiques inféodées aux milieux aquatiques, reflète un bon fonctionnement biologique. L’hydrogéologie s’intéresse, elle, aux échanges qu’il existe entre la nappe alluviale et la rivière. Ils influencent par exemple, l’autoépuration, l’oxygénation et la thermie de l’hydrosystème. Enfin, la biogéochimie qualifie la qualité chimique en lien avec l’autoépuration et la limitation des transports de polluants dans le cours d’eau.
L’EBF n’a pas de portée réglementaire, sauf s’il est inclus dans un SAGE (Schéma d’Aménagement et Gestion de l’Eau) approuvé, il a alors la portée réglementaire du PAGD (Plan d’Aménagement et de Gestion Durables) et du règlement du SAGE lié. Il a vocation d’informer et d’alerter les acteurs du développement du territoire (élus locaux, aménageurs, urbanistes…) afin que chaque nouveau projet proposé soit compatible avec les objectifs visés par l’EBF. Il est donc préconisé de l’inclure dans les documents d’urbanisme pour qu’il participe à l’orientation de la stratégie de planification et d’aménagement du territoire.
Etapes méthodologiques clés
L’élaboration d’un EBF se décompose en plusieurs grandes étapes. Tout d’abord, il faut identifier le style fluvial de référence de la rivière étudiée qui conditionne la méthodologie à appliquer. Il est défini comme étant « le style que prendrait à plus ou moins long terme le cours d’eau, si l’on restaurait les processus géomorphologiques du cours d’eau en enlevant les contraintes latérales et verticales présentes actuellement, quels que soient les enjeux présents à proximité » (Terrier et al., 2016 : 45). La notion de style fluvial fait appel à une classification qui repose sur l’allure des formes alluviales (sinuosité, nombre et aspect des chenaux), la morphométrie (pente, largeur) et la lithologie (rocheuse ou alluviale) (Bravard et Petit, 1997). Elle reflète la dynamique fluviale et le fonctionnement hydromorphologique de l’hydrosystème. Au sein de la diversité des styles fluviaux, le guide de l’EBF retient les trois grands styles suivants : les cours d’eau à forte pente, les cours d’eau à tresses et à bancs alternés et les cours d’eau à méandres développés et migrants. La détermination du style de référence s’appuie sur l’analyse de documents anciens et récents (photos aériennes, cartes, relevés Lidar…). Ils permettent notamment d’identifier les styles fluviaux anciens et naturels (sans contrainte anthropique). Cette analyse peut être complétée ou réalisée par une approche plus théorique qui différencie les styles fluviaux en fonction de la pente et du débit morphogène de la rivière (Church 2002, repris par Chapuis, 2012).
Une fois le style fluvial de référence bien identifié, il s’agit de délimiter les périmètres morphologique et hydraulique selon deux niveaux d’ambition : l’EBF nécessaire et l’EBF optimal. Le périmètre nécessaire reflète l’espace minimal indispensable pour assurer ses fonctions écologiques de manière durable. Le périmètre optimal est l’espace où l’hydrosystème réalise l’ensemble de ses fonctions de manière aussi naturelle que possible. Il est dit optimal dans le sens, où un espace plus grand n’apporterait aucune plus-value à son fonctionnement. Les périmètres hydrauliques sont les espaces nécessaires aux écoulements (lit mineur, lit majeur, zone d’expansion des crues). Les périmètres morphologiques sont eux les espaces où s’exprime « la continuité longitudinale et latérale au niveau sédimentaire » (Terrier et al., 2016 : 54) et le remaniement des formes alluviales. A ces périmètres morphologiques et hydrauliques peuvent être ajoutés d’autres espaces remarquables s’ils jouent un rôle important au regard du fonctionnement de l’hydrosystème, ou bien possèdent une écologie particulière et fortement liée au milieu alluvial. C’est en menant une analyse complémentaire sur les composantes biologique, hydrogéologique et biogéochimique qu’il est possible d’intégrer ces milieux au sein de l’EBF. Ces phases techniques débouchent sur deux enveloppes cartographiques qui définissent l’EBF optimal et l’EBF nécessaire. Elles sont comparées l’une à l’autre lors de la phase de concertation qui mobilise les acteurs locaux. Elles sont également confrontées aux enjeux humains présents sur le territoire. Il est ainsi possible d’évaluer les gains et les pertes dans le domaine socio économique afin de choisir le périmètre de l’EBF le plus adapté au territoire. Cette phase de concertation est également importante pour établir une politique et une gestion territoriale partagées autour de l’EBF.
EBF appliqué au Verdon
Compréhension du contexte territorial du Verdon
Recherches bibliographiques
De nombreuses recherches bibliographiques et de bases de données ont été effectuées . Elles ont parfois été longues et fastidieuses puisqu’il a fallu les multiplier en fonction des secteurs d’études (2), des départements (3) et des communes (7). Elles ont permis de comprendre le contexte socio-économique et le fonctionnement hydromorphologique du Verdon. Puis, elles ont permis de prendre en compte les composantes biologique, hydrogéologique et biogéochimique pour délimiter l’EBF du Verdon. Certaines ont contribué à l’identification des enjeux humains en fond de vallée alluvial, notamment avec l’étude de l’occupation des sols à l’échelle de celui-ci, où les enjeux peuvent directement contraindre l’EBF.
Construction de l’EBF
Les composantes hydraulique et morphologique constituent les bases de la construction de l’EBF car elles sont prépondérantes et conditionnent, en grande partie, les autres composantes.
Délimitation des périmètres morphologiques théoriques
Le périmètre morphologique optimal est cartographié grâce à l’espace de divagation historique (EDH) qui représente l’espace parcouru par le cours d’eau au fil d’un certain temps (Snijders et.al, 2006) . A cet espace s’ajoutent éventuellement des zones de régulation du transport solide. Il s’agit de zones susceptibles d’être érodées prochainement par le cours d’eau. Le périmètre morphologique nécessaire se compose du lit actif élargi d’une bande qui assure une meilleure continuité latérale. La largeur de cette bande est déterminée à l’échelle des tronçons. Elle correspond soit, de manière approximative, à 1,5 à 2 fois la largeur du lit actif, si celui-ci n’a pas été modifié par une crue majeure, soit à la largeur maximale du lit actif atteint au cours des dernières décennies (hors crues majeures).
Délimitation des périmètres morphologiques appliqués
La méthode indiquée par le guide de l’EBF a scrupuleusement été appliquée sur les deux secteurs du Verdon pour le périmètre morphologique optimal. L’espace de divagation historique utilisé est compris entre les années 1860 et 2021. Pour le périmètre morphologique nécessaire, il a été attribué un fuseau de 75 m de large sur la totalité du linéaire du Moyen Verdon. Elle correspond à deux fois la largeur moyenne du lit actuel, tous tronçons confondus, car les différences entre les tronçons homogènes identifiés sont faibles. Elles ne correspondent pas toujours à la largeur maximale de chaque tronçon qui varie de 65 m sur le TCC (tronçon court circuité) à 120 m à Carajuan. Ce fuseau a été réduit au fond de vallée alluvial, quand il le dépassait. Sur le Bas Verdon, il a été décidé de distinguer la partie amont (tronçon court-circuité) de la partie aval de la restitution (soumises aux éclusées) pour des raisons de cohérence hydrologique et morphologique. Les fuseaux appliqués sont respectivement de 80 m et de 90 m. Elles correspondent à deux fois la largeur moyenne du lit actuel en amont et en aval, les trois tronçons amont ayant une largeur semblable. Enfin, Il a été pertinent de s’intéresser aux affluents pour déterminer si leurs confluences méritaient d’être intégrés à l’EBF en tant que zone de régulation du transport solide (ex. : cône de déjection). L’intérêt a surtout porté sur à la quantité de sédiments grossiers qu’ils peuvent fournir au Verdon.
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Table des matières
Sommaire
Remerciements
Table des illustrations
Table des tableaux
Liste des abréviations
1- PRESENTATIONS PREALABLES
1.1- Bureau d’études Dynamique Hydro
1.2- Missions complémentaires réalisées
1.2.1- Analyse géomorphologique liée aux barrages – Vidourle
1.2.2- Suivi de l’évolution de bancs – Isère
1.2.3- Rédaction d’un Dossier Loi sur l’Eau – Rival
1.2.4- Caractérisation d’érosion de berges – Ain
2- INTRODUCTION
3- MATERIEL ET METHODE : DETERMINATION D’UN EBF
3.1- Description et aspects techniques d’un EBF
3.1.1- Généralités
3.1.2- Etapes méthodologiques clés
3.2- EBF appliqué au Verdon
3.2.1- Compréhension du contexte territorial du Verdon
3.2.1.1- Recherches bibliographiques
3.2.2- Construction de l’EBF
3.2.2.1- Délimitation des périmètres morphologiques théoriques
3.2.2.2- Délimitation des périmètres morphologiques appliqués
3.2.2.3- Délimitation des périmètres hydrauliques théoriques
3.2.2.4- Délimitation des périmètres hydrauliques appliqués
3.2.3- Compréhension du fonctionnement hydromorphologique du Verdon
3.2.3.1- Sectorisation
3.2.3.2- Analyse topographique des fonds
3.2.3.3- Analyse granulométrique
3.2.3.4- Analyse diachronique des bandes actives
4- RESULTATS
4.1- Eléments de diagnostic
4.1.1- Contexte général du Verdon
4.1.2- Eléments hydromorphologiques
4.1.2.1- Sectorisation
4.1.2.2- Evolutions verticales
4.1.2.3- Evolutions en plan
4.1.2.4- Constitution des fonds
4.2- EBF élaboré
4.2.1- Espaces intégrés à l’EBF
4.2.1.1- Espaces morphologiques liées aux confluences
4.2.1.2- Espaces biologiques
4.2.1.3- Espaces hydrogéologiques
4.2.1.4- Espaces biogéochimiques
4.2.2- Emprise EBF
5- DISCUSSION
5.1- Portée et limites de l’EBF
5.1- Leviers pour la restauration du Verdon
6- CONCLUSION
Bibliographie
Annexes
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