GENERALITES
La maladie de Kahler ou myélome multiple des os est une prolifération maligne monoclonale des plasmocytes dans la moelle osseuse. L’étiologie de la malignité reste encore obscure. Néanmoins la pathogénie de la maladie est bien codifiée. Le clone myélomateux naît soit des cellules B mémoires ; soit des plasmoblastes après leur réactivation par l’antigène dans le centre germinatif. Il se loge ensuite dans la moelle osseuse par autoguidage, endroit où il y a les signaux nécessaires pour leur prolifération et leur survie. Ces plasmocytes tumoraux sécrètent alors des immunoglobulines, complètes ou incomplètes et libèrent leurs produits dans la circulation. Ce sont la prolifération plasmocytaire et la modification protidique qui sont à l’origine des différentes manifestations cliniques et biologiques de cette maladie (3) (4) (5).
Etude de la moelle osseuse
Elle montre une prolifération maligne monoclonale plasmocytaire dans 90% des cas.
♦ Le myélogramme par ponction sternale (ou de l’os iliaque) donne le pourcentage et la morphologie des plasmocytes. Il s’agit d’une plasmocytose médullaire franche, supérieure à 10% (Normale=0,5-4,0%) ; les plasmocytes sont d’aspect anormal : polynucléaires à inclusion cytoplasmique. Ces anomalies ne sont retrouvées que dans 30 à 50% des cas, reflétant le faible index prolifératif des plasmocytes tumoraux (1-2% seulement sont en phase S du cycle cellulaire par l’index de marquage).
♦ La biopsie médullaire, par l’étude en immunomarquage confirme le caractère monoclonal de l’infiltration : tous les plasmocytes produisent la même chaîne légère lambda ou kappa . Elle montre aussi le profil de croissance du myélome multiple dans la moelle osseuse : interstitielle ou nodulaire ou » bourré » ou d’autres aspects intermédiaires (2) (8) (9).
HISTOIRE DE LA MALADIE
La maladie remonte en 1995 avec l’apparition progressive d’une lombalgie d’allure mécanique non invalidante, calmée par le repos et par les antalgiques usuels. En février 1998, à la suite d’une chute minime, une douleur aiguë, fixe, sans irradiation, à type de pesanteur est survenue au même endroit. Elle a reçu comme traitement (automédication) de l’ acide niflumique per os (Nifluril® 1g / jour pendant deux jours) mais sans amélioration. Au contraire, la douleur s’est aggravée et est devenue inflammatoire : maximale le matin au réveil, persistante au cours de la journée avec un fond douloureux permanent ; elle reste cependant fixe sans irradiation ne s’accompagnant pas de craquement, ni de troubles neurologiques, ni de syndrome infectieux, ni de douleur abdominale. Elle s’est traitée elle–même par un repos au lit avec mise en place régulière de cataplasme avec de l’eau chaude. En Avril 1998, l’évolution est rapidement aggravative avec augmentation de l’intensité de la douleur s’accompagnant d’ impotence fonctionnelle totale ; le tout associé à une altération de l’état général à type d’asthénie, d’anorexie, et d’amaigrissement avec état nauséeux. C’est cette aggravation, ne répondant pas aux traitements appliqués, et l’altération de l’état général, qui ont motivé son hospitalisation le 02 juin 1998.
CRITERE DE DIAGNOSTIC
Notre patiente présente :
♦ Le critère minimal de la maladie de Kahler :
-infiltration plasmocytaire de la moelle osseuse à 41% ;
-sécrétion d’immunoglobulines monoclonales dans le sérum ;
– présence de lésions ostéolytiques (3) .
♦ Les signes cliniques suivants :
– âge 70 ans ;
– lombalgie d’allure tantôt inflammatoire tantôt mécanique, d’aggravation progressive ;
– altération de l’état général avec anorexie, asthénie, vomissement, amaigrissement ;
– pâleur cutanéo-muqueuse.
♦ Les signes paracliniques révèlent :
– vitesse de sédimentation des hématies accélérée ;
– anémie normochrome, normocytaire peu régénérative avec hémoglobine à 66g/ l ;
– protéinurie de Bence – Jones ;
– fracture pathologique au niveau du rachis ;
– déminéralisation osseuse diffuse ;
– lombarthrose ;
– hypercréatininémie avec hyperuricemie et hypercalcemie.
Ainsi, on a conclu une maladie de Kahler stade III compliquée d’une insuffisance rénale et de fracture vertébrale, associée à une lombarthrose.
Manifestation osseuse
Notre malade a présenté à la suite d’un traumatisme minime une douleur lombaire aiguë, fixe, à type de pesanteur , calmée par le repos au début et qui est devenue permanente, tenace, insomniante et s’accompagne d’une altération de l’état général mais pas de déformation ni de diminution progressive de la taille ni de signes de compression nerveuse ou médullaire et sans autres localisations notables. Cette douleur était le fait d’une fracture pathologique dont l’origine est vraisemblablement l’affection myélomateuse mais qui n’écarte pas cependant le concours de l’ostéoporose et de la lombarthrose évoquées à la radiographie. Cette description concorde en tout point avec l’ensemble des différentes études publiées. KYLE R A. a trouvé dans une étude sur 869 cas qu’il a mené en 1975 que deux tiers des patients de la série présentent des douleurs osseuses, que ce soit lors d’une raréfaction osseuse, d’une fracture pathologique ou d’une ostéolyse (28). Elle siège préférentiellement au niveau lombaire et dorsal ; les autres localisations sont rares. Observation confirmée par ZO ANDRIANIRINA M.D. en 1979 avec, un taux de 88 % dans une étude menée à l’Hôpital Général de Befelatanana (29). BATAILLE R. et ses collaborateurs ont décrit que pendant la phase d’évolutivité de la maladie, la douleur est tenace, d’aggravation progressive, résistante au repos et aux antalgiques usuels, insomniante, impotente, fixe et s’accompagne d’altération de l’état général avec pâleur et syndrome infectieux (30 ). Cette atteinte osseuse entraîne rarement des complications neurologiques. Dans l’étude menée par ZO ANDRIANIRINA M.D. , 11 % des cas seulement sont atteints de complications neurologiques dont une compression radiculaire et une atteinte de la sensibilité profonde ; et la compression médullaire est absente même si celle-ci est estimée à 6 % selon l’étude menée par GUASH ( 29 ). Ainsi, au stade évolué, la douleur est caractéristique et évoque facilement une origine myélomateuse. Mais avant ce stade, la douleur ressemble à celle d’une lombarthrose ( 3 ). Et c’est le cas de notre patiente car on ne lui a pas fait d’examen paraclinique que 2 ans après le début de la maladie. Ce qui a entraîné un retard de diagnostic et donc un retard de traitement.
TRAITEMENT
Notre patiente a reçu comme traitement symptomatique de l’antalgique de l’antiémétique, de la calcithérapie et un repos au lit en décubitus dorsale. Elle n’a pas pu recevoir une hémodialyse par défaut de moyens. Et comme traitement spécifique, une chimiothérapie conventionnelle ( VAD : Vincristine Adriablastine Dexamethasone ) a été proposée mais a été refusée par la patiente. L’objectif du traitement de la maladie de Kahler est d’améliorer la qualité de vie du malade et de prolonger la période de non évolutivité de la maladie ( 12 ). Le traitement symptomatique est important. Ceci est confirmé par l’étude que TORRA R. et ses collaborateurs ont menées en 1995 montrant que les patients myélomateux avec insuffisances chroniques sévères sous hémodialyse et qui survivent pendant les deux premiers mois ont en moyenne une prolongation de survie de 20 mois, et 30 % d’entre eux encore pendant plus de trois ans, avec une bonne qualité de vie (47).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I- Généralités
II- Symptomatologie
III- Critères de diagnostique
IV- Diagnostic différentiel
V- Classification
VI- Evolution et pronostic
VII- Traitement
VIII- Surveillance
DEUXIEME PARTIE : OBSERVATION CLINIQUE
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
CONCLUSION
ANNEXES
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