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Les types de motivations
Maintenant que nous avons essayรฉ de dรฉfinir ce quโest la motivation dans toutes ses dimensions, nous allons voir quโil existe trois stades de motivations :
– lโamotivation : elle consiste en lโabsence de motivation.
– la motivation intrinsรจque : elle permet de ยซ faire une activitรฉ pour le plaisir inhรฉrent ร celle-ci 15ยป. – la motivation extrinsรจque : elle permet de ยซ faire quelque chose pour atteindre un but dรฉtachรฉ de lโaction16ยป.
Des รฉtudes ont montrรฉ que les motivations interagissaient les unes avec les autres. En 1971, E.L. Deci, chercheur en psychologie et sciences sociales, รฉmet lโhypothรจse selon laquelle ยซ les rรฉcompenses concrรจtes ou symboliques diminuent la motivation intrinsรจque17 ยป. En effet, avec la rรฉcompense, ยซ le plaisir inhรฉrent ยป prend moins dโimportance ; la motivation devient alors extrinsรจque. Au contraire ยซ les commentaires positifs en lien avec la compรฉtence de la personne dans le cadre de lโactivitรฉ ont comme effet dโaugmenter plutรดt que de rรฉduire la motivation intrinsรจque18ยป.
Vallerand, chercheur en comportement social (2008), propose un modรจle hiรฉrarchique de la motivation intrinsรจque et extrinsรจque fondรฉ sur trois niveaux :
– Le niveau situationnel : ยซ activitรฉ spรฉcifique ร un moment prรฉcis dans le temps19 ยป.
– Le niveau contextuel : ยซ tendance plus ou moins stable de lโindividu ร รชtre motivรฉ intrinsรจquement, motivรฉ extrinsรจquement ou amotivรฉ dans une ยซ sphรจre dโactivitรฉ ยป bien prรฉcise20 ยป Les trois contextes les plus importants sont lโรฉducation, les loisirs et les relations interpersonnelles.
– Le niveau global : ยซ forme la plus stable de la motivation qui constitue en quelque sorte un aspect de la personnalitรฉ de lโindividu21 ยป.
Ces niveaux sont des dรฉterminants internes. Quel que soit le type de motivation, la motivation intรฉgrรฉe dans un niveau peut avoir une influence sur la motivation de niveau infรฉrieur (top-down) et supรฉrieur (bottom-up). Si nous vivons plusieurs feed-back positifs dans le niveau situationnel, cela peut avoir un impact positif dans la sphรจre contextuelle. Par exemple, concernant lโeffet ascendant (bottom-up), un รฉlรจve qui rรฉussit dans diverses situations en mathรฉmatiques (niveau situationnel), va dรฉvelopper une motivation intrinsรจque contextuelle envers les mathรฉmatiques (niveau contextuel). Concernant lโeffet descendant, si lโรฉlรจve est motivรฉ par les รฉtudes (niveau contextuel), il sera plus motivรฉ par des situations comme un exercice de franรงais ou un devoir dโhistoire (niveau situationnel).
La motivation, cโest ร la fois avoir des raisons dโagir et se mettre en mouvement pour atteindre un but tout en satisfaisant des besoins. Sโil existe diffรฉrents types de motivation, il nous faut dรฉsormais nous interroger sur la construction de la motivation.
La construction de la motivation
La construction de la motivation sera diffรฉrente selon quโon prenne en compte son aspect dynamique ou le but ร atteindre.
Cรฉlestin Freinet prรฉsente la motivation comme un ensemble de besoins quโil faut rรฉveiller pour se motiver ร agir. Ainsi, il sโinterroge ยซ comment faire boire un cheval qui nโa pas soif ?22ยป. Selon lui, ยซ toute mรฉthode est regrettable qui prรฉtend faire boire un cheval qui nโa pas soif. Toute mรฉthode est bonne qui ouvre lโappรฉtit de savoir et aiguise le besoin puissant du travail23 ยป. De ce fait, forcer un รฉlรจve ne sert ร rien sโil nโa pas envie. Lโenseignant doit ยซ crรฉer des situations oรน les savoirs deviennent des rรฉponses ร des questions24 ยป comme lors de projets. Des obstacles doivent รชtre rencontrรฉs dans les situations de recherche pour motiver les รฉlรจves ร les surmonter et donc ร apprendre. Mais pour ce pรฉdagogue, les obstacles seuls ne suffisent pas ร motiver. Il sโagit de mettre en place un certain nombre de conditions, que lโon retrouve dans la pรฉdagogie de projet, qui permettront ร la motivation de lโรฉlรจve de sโรฉpanouir :
– trouver un espace dโautonomie, dโinitiative et de nรฉgociation qui laisse place ร une certaine libertรฉ de lโรฉlรจve .
– piquer la curiositรฉ en trouvant des situations insolites.
– donner du sens ร ce que lโon fait.
– รชtre prรฉsent comme accompagnateur.
Il faut que lโรฉlรจve trouve la motivation intรฉrieure (lโรฉlรจve est motivรฉ pour lโaction en elle-mรชme) car la motivation extรฉrieure (lโรฉlรจve est motivรฉ ร faire une action pour des raisons extรฉrieures ร celles-ci comme la rรฉcompense ou la peur de la punition) sโรฉpuise plus vite comme nous lโavons prรฉcรฉdemment vu.
En 1997, Mihaly Csikszentmihalyi, psychologue, confirme cette idรฉe de motivation intรฉrieure. Selon lui, les gens sont plus motivรฉs et plus heureux quand ils sont dans le ยซ flux ยป (ยซ flow ยป, figure 1). Le flux est ยซ un รฉtat dans lequel se trouve lโindividu fortement engagรฉ dans une activitรฉ pour elle-mรชme25 ยป, lโindividu est donc motivรฉ intrinsรจquement. Pour lui, plus le niveau de dรฉfi et de compรฉtences sont au-dessus de la moyenne (idรฉe qui rejoint celle de C. Freinet dans ses obstacles) plus la personne pourra รชtre dans le flux et donc sโinvestir et รชtre motivรฉe.
La rรฉgulation de la motivation
Dans la motivation, il y a donc deux temps bien distincts :
– ยซ un temps initial dโorientation de la conduite oรน lโenvie de sโinvestir dans une discipline se dรฉveloppe .
– un deuxiรจme temps dโimpact direct sur les apprentissages grรขce ร la persistance et au soutien de lโeffort une fois engagรฉ dans le travail 30ยป.
L. Corno (2004) diffรฉrencie ces deux temps en leur attribuant deux termes distincts : ยซ la motivation aide lโรฉlรจve ร se mettre au travail tandis que la volition lโaide ร la poursuivre31 ยป. C. Wolters, professeur en psychologie, confirme cette notion de rรฉgulation dans la motivation. Par lร , il ยซ dรฉsigne les moyens par lesquels les รฉlรจves interviennent activement pour maintenir leur effort et leur dรฉsir de travailler dans une discipline en dรฉpit de distraction et de difficultรฉs auxquelles ils sont confrontรฉs32 ยป. En plus de trouver un moteur qui nous pousse ร agir, il faut trouver le moyen de maintenir son attention et sa concentration sur lโactivitรฉ pour รชtre toujours dans la motivation dโatteindre le but.
La motivation se construit et se rรฉgule au cours dโune activitรฉ. Plusieurs aspects peuvent influencer la motivation et la volition. Cette motivation est รฉgalement impactรฉe et construite au niveau du cerveau.
La place de la motivation dans le cerveau
Le professeur Levy, chercheur ร lโICM (institut du cerveau et de la moelle รฉpiniรจre), dรฉfinit la motivation comme ยซ ce qui nous pousse ร agir ยป. Le cerveau fonctionne en rรฉseau. Le lobe frontal (antรฉrieur dans le cerveau) va donner ยซ une valeur relative aux choses ยป, cโest-ร -dire quโ ยซ en fonction du contexte, ร une mรชme activitรฉ, on va associer une valeur relative qui va nous pousser ou non ร agir ยป (ยซ la valence ยป de V. Vroom). La partie mรฉdiane de ce lobe est impliquรฉe dans la motivation dโune personne ร effectuer ou non une action. Une mรชme activitรฉ peut รชtre motivante ร un moment de la journรฉe mais pas ร un autre, le lobe frontal va alors donner une valeur ร ce moment prรฉcis qui nous motivera ou non ร agir. Le systรจme de valeur est propre ร chaque individu. ยซ Il y a des paramรจtres biologiques innรฉs ยป mais รฉgalement une influence de lโenvironnement, de la cultureโฆ
Pour le professeur Levy, la motivation est vue comme une ยซ balance ยป, ยซ un rapport qui sโรฉtablit entre le bรฉnรฉfice et lโeffort que cela va demander. On pรจse ร tout moment cette balance, qui peut paraรฎtre favorable ou dรฉfavorable ยป. Les personnes apathiques (sans motivation) nโont plus de signal intรฉrieur qui les pousse ร agir. Lโeffort paraรฎt toujours beaucoup plus important que le bรฉnรฉfice et ils ne font donc plus rien.
Le systรจme de rรฉcompense dont nous avons parlรฉ prรฉcรฉdemment avec la thรฉorie de Vroom par exemple, a รฉgalement une place au niveau du cerveau. ยซ Plus la rรฉcompense est รฉlevรฉe, plus les rรฉgions sont activรฉes et vont donc permettre une meilleure performance ยป dโaprรจs le professeur Levy. Cependant, si nous pensons ร lโenjeu pendant la tรขche, la motivation est extrinsรจque et les performances diminuent car le cerveau nโa pas toutes ses rรฉgions dirigรฉes vers lโaction. Les pensรฉes pour la rรฉcompense interfรจrent dans lโaction.
Enfin, une fois que nous avons agi, nous avons un retour (feed-back) positif ou nรฉgatif. ยซ Si ce retour nโest pas en adรฉquation (avec le but fixรฉ), on se rรฉadapte. Les feed-back vont modifier les valeurs dans le systรจme frontal ยป. Les feed-back positifs vont alors pousser lโindividu ร recommencer et ร รชtre motivรฉ pour les activitรฉs. ยซ Le cerveau est stimulรฉ par la recherche de la nouveautรฉ, par la curiositรฉ, par la pertinence et en se nourrissant de rรฉtroactions qui proviennent dโune rรฉussite33 ยป. Par exemple, si on a un dialogue trรจs positif envers nous-mรชme, on stimule notre systรจme de croyance et on attรฉnue lโeffort ร rรฉaliser sur la balance. La motivation est donc plus forte. Au contraire, les feed-back nรฉgatifs comme un passรฉ nรฉgatif, un environnement hostile, ou une projection nรฉgative dans lโavenir par exemple, peuvent รชtre les raisons dโune dรฉmotivation temporaire.
Il faut donc promouvoir la motivation intrinsรจque et pour cela plusieurs facteurs sont nรฉcessaires ยซ un but convaincant, des croyances positives et des รฉmotions incitatives ยป, comme dans la pรฉdagogie de projet. Dans lโouvrage de E. Jensen, Le cerveau et lโapprentissage, cinq facteurs destinรฉs ร aider les รฉlรจves ร dรฉcouvrir la motivation intrinsรจque sont รฉnoncรฉs :
– รฉlimination de la menace : identification des problรจmes, absence de demandes irrรฉalistes.
– crรฉation dโun climat plus positif.
– fixation dโobjectifs : construction de sens, buts clairs.
– augmentation des rรฉtroactions : grรขce aux projets, lโautoรฉvaluation, les pairs.
– enclenchement dโรฉmotions positives.
Dans cette partie, nous avons vu diffรฉrentes thรฉories. Pour que les รฉlรจves soient motivรฉs par le projet, il faut que le bรฉnรฉfice de lโaction soit supรฉrieur ร lโeffort demandรฉ. De plus, mรชme si les รฉlรจves sont motivรฉs au dรฉbut du projet, il faut quโils le restent tout au long (volition). Enfin, il faut que les รฉlรจves se sentent capables de rรฉaliser ce qui leur est demandรฉ et que les feed-back soient positifs pour que la motivation intrinsรจque, cโest ร dire lโaction en elle-mรชme, leur donne envie de recommencer. Il faudra donc prendre en compte toutes ces composantes afin de motiver les รฉlรจves autour dโun projet dans lequel ils apprendront de nouveaux savoirs, savoir-faire ou savoir-รชtre. Dโaprรจs Cรฉlestin Freinet la motivation passe รฉgalement par le fait donner du sens ร ce que lโon fait. Afin de voir en quoi la pรฉdagogie de projet permet de donner du sens aux apprentissages, il convient dรฉsormais de dรฉfinir avec prรฉcision le terme ยซ sens ยป.
Le construction du sens dans le cerveau
Freeman, neuropsychologue, prรฉtend que ยซ la fabrication des connexions familiรจres (pertinence) et la localisation des rรฉseaux neuronaux appropriรฉs sont des รฉlรฉments essentiels pour la fabrication du sens 44ยป. Il y a diffรฉrents facteurs qui contribuent ร la fabrication du sens dans le cerveau (figure 4) :
– les รฉmotions.
– la pertinence.
– le contexte et les ยซ patterns ยป.
Lโimportance des รฉmotions : Les รฉmotions et le sens sont liรฉs. ยซ Les รฉmotions suscitent le sens et prรฉdisent lโapprentissage futur car elles comprennent nos buts, nos croyances, nos intentions et nos attentes46 ยป. Ainsi, les objectifs des รฉlรจves sont conduits par les รฉmotions : lorsquโelles sont positives, le sens se construit plus facilement.
Lโimportance de la pertinence : pour quโune information prenne sens auprรจs des รฉlรจves, il faut quโelle soit pertinente, cโest-ร -dire quโelle soit en connexion directe avec les rรฉfรฉrences personnelles de lโรฉlรจve et les apprentissages antรฉrieurs.
Lโimportance du pattern : pour quโune information nous semble intรฉressante, il faut quโon lui trouve un but et une certaine nouveautรฉ. Apprendre transforme le cerveau. A chaque nouvelle expรฉrience, il fabrique de nouvelles connexions. Il va ensuite classer les diffรฉrentes informations. Des informations qui se ressemblent au niveau sensoriel, par exemple, vont se regrouper en ยซ patterns ยป et faire du lien. Plus il y a dโinformations qui se regroupent dans un mรชme pattern, plus il y a de liens, et plus le cerveau va รชtre performant de ce point de vue. Cโest pour cela que pour quโune notion soit comprise et prenne du sens, il faut quโelle puisse รชtre vue, rรฉpรฉtรฉe et intรฉgrรฉe dans un mรชme contexte comme dans des contextes diffรฉrents.
Plusieurs facteurs ont des impacts au niveau du sens dans notre cerveau. Mais le sens a aussi un impact sur certaines fonctions de notre cerveau comme la mรฉmoire. Ainsi ยซ les connaissances dรฉnuรฉes de sens vont rapidement disparaitre dans la mรฉmoire [โฆ]. Elles ne sont accompagnรฉes dโaucune des reprรฉsentations qui rendent leur usage imaginable et pertinent 47ยป. Lorsque la situation sort de lโordinaire, quโil y a un contexte particulier, une anecdote liรฉe, la situation prend plus de sens et on sโen souvient plus longtemps.
Le sens se construit sur la base de notre culture et de nos valeurs mais รฉgalement face ร la situation et en interaction. Les รฉlรจves vont se baser sur ce quโils savent pour construire le sens mais รฉgalement en interaction avec leurs pairs et leur enseignant. Pour que lโรฉlรจve comprenne le sens de ce quโil va faire, il faut que lโenseignant ait au prรฉalable dรฉfinit ce savoir afin de lโexprimer de maniรจre concrรจte et comprรฉhensible par les รฉlรจves. Il faudra quโils soient les plus actifs possibles et quโils expliquent leur dรฉmarche, leurs actions afin dโavoir une attitude rรฉflexive. Le sens va avoir un impact sur la mรฉmoire : plus les รฉlรจves comprennent ce quโils font, pourquoi ils le font ou ce quโils apprennent, plus cela restera longtemps en mรฉmoire. Toutes ces composantes devront donc รชtre prises en compte dans le projet.
La pรฉdagogie de projet et la construction du sens
La pรฉdagogie de projet favorise lโidentification des apprentissages ce qui permet aux รฉlรจves de pouvoir mieux se les approprier. Les รฉlรจves peuvent alors donner plus de sens ร ce quโils font et ils vont รฉgalement mieux comprendre ร quoi leur servent les compรฉtences quโils vont apprendre. Cela semble รชtre prouvรฉ dโaprรจs lโexpรฉrimentation menรฉe.
Selon R. Etienne51, les projets ยซ favorisent la prise de conscience ยป concrรจte dโun savoir, savoir-faire ou savoir-รชtre. Les รฉlรจves vont alors se reprรฉsenter les connaissances et compรฉtences ร apprendre de maniรจre concrรจte. Cโest le cas des รฉlรจves de la classe 2, qui ont pu apprendre en faisant, cโest-ร -dire que lors dโun obstacle rencontrรฉ, ils ont pu se rendre compte des connaissances ou compรฉtences qui leur manquaient pour pouvoir passer au-delร . Ils mettent du sens derriรจre les obstacles.
Selon P. Perrenoud, le sens se construit selon deux axes : la culture et les valeurs et รฉgalement en situation cโest-ร -dire en fonction du contexte. Lorsque les รฉlรจves apprennent, ils se souviennent, la plupart du temps, du contexte dans lequel ils ont appris, surtout si ce dernier sort de lโordinaire. Dans le contexte de la classe 2, les รฉlรจves ont travaillรฉ constamment en groupe dans un contexte un peu diffรฉrent pour quโils puissent rรฉflรฉchir ensemble ร la planification des รฉtapes. Ils ont manipulรฉ en groupe et en interaction constante entre pairs et avec lโenseignant.
Comme nous lโavons vu, B.-M. Barth propose plusieurs conditions pour favoriser la construction du sens. La premiรจre condition est de ยซ dรฉfinir le savoir ร enseigner en fonction du transfert recherchรฉ52 ยป. Dans la classe 1, le projet nโest pas dรฉfini ร lโavance. Les รฉlรจves ont fait leurs deux sรฉquences spรฉcifiques (mathรฉmatiques et technologie) sans vraiment savoir quel transfert รฉtait visรฉ. Pour la classe 2, lโenseignant a dโabord dรฉfini le transfert, cela a permis dโavoir une conscience plus prรฉcise de leur but et donc des รฉtapes qui allaient les y mener.
La deuxiรจme condition dรฉcoule directement de la premiรจre : il sโagit ยซ dโexprimer le sens dans des formes concrรจtes53 ยป. Dans la classe 2, les รฉlรจves ont pu expรฉrimenter, se rendre compte de leurs soucis dans lโaction. Ils ont alors cherchรฉ des solutions concrรจtes. Dans la premiรจre classe, les รฉlรจves ont certes un peu manipulรฉ mais ils ont surtout travaillรฉ sur des exercices thรฉoriques notamment en mathรฉmatiques. La recontextualisation semble donc plus compliquรฉe dans la classe 1. Les รฉlรจves de la classe 2 semblent se projeter plus et ainsi comprendre que les formes gรฉomรฉtriques peuvent รชtre utilisรฉes pour construire des maisons par exemple.
Il faut รฉgalement ยซ engager les apprenants dans un processus dโรฉlaboration du sens ยป. Les รฉlรจves se prรฉsentent devant le projet avec un bagage de savoirs de tous types. Ils vont pouvoir donner plus de sens ร ce quโils savent dรฉjร en les rรฉinvestissant dans un autre contexte. Dans la classe 2, comme le contexte est un peu diffรฉrent que dโhabitude, lorsquโils vont devoir faire appel ร leur mรฉmoire, ils vont se souvenir du contexte, faire de nouveaux liens au niveau du cerveau et ainsi mieux retenir dans le temps. On parle de mรฉmoire kinesthรฉsique. De plus, selon Freeman, neuropsychologue, les ยซ รฉmotions ยป contribuent ร la fabrication du sens. Un contexte positif dรฉclenchera des รฉmotions positives et donc une meilleure construction du sens dans le cerveau. Ce neuropsychologue parle รฉgalement de lโimportance du ยซ pattern ยป : plus il y a dโinformations qui se regroupent dans un mรชme pattern, plus il y a de liens, et plus le cerveau va รชtre performant de ce point de vue. Les รฉlรจves de la classe 2 font plus de liens que ceux de la classe 1 car ils sont plus impliquรฉs dans lโรฉlaboration du sens.
Une autre condition est de ยซ prรฉparer au transfert des connaissances et ร la capacitรฉ dโabstraction par la mรฉtacognition ยป. Lors des sรฉances de la classe 2, des liens ont รฉtรฉ constamment faits entre ce que lโon peut voir et le monde extรฉrieur (รฉlectricitรฉ dans la maison, forme gรฉomรฉtrique dans lโenvironnement architecturalโฆ). Plus on voit une notion dans des contextes diffรฉrents, plus on met de sens derriรจre cette notion. Cโest ce que Freeman dit lorsquโil parle de lโimportance de la ยซ pertinence ยป. Il faut que les รฉlรจves fassent des connexions directes avec leurs rรฉfรฉrences personnelles et leurs apprentissages extรฉrieurs. Cela nโa peut-รชtre pas รฉtรฉ assez le cas dans la classe 1. Ils ont appris sans faire de connexions avec le quotidien.
En conclusion, la pรฉdagogie de projet semble bien avoir donnรฉ plus de sens. Quโen est-il de la motivation ?
La pรฉdagogie de projet et la motivation
Selon la thoรฉrie VIE, il y a plusieurs composantes qui permettent de motiver les รฉlรจves dont la valence et lโexpectation.
Lโenseignant doit ยซ crรฉer des situations oรน les savoirs deviennent des rรฉponses ร des questions54 ยป ce qui peut รชtre le cas des projets pour motiver les รฉlรจves. Les obstacles, tout en รฉtant raisonnables pour que les รฉlรจves se sentent capables de les surmonter (lโexpectation), vont permettre aux รฉlรจves de se motiver ร trouver des solutions et donc ร apprendre. Cโest ce qui a รฉtรฉ fait dans la classe 2. Les รฉlรจves ne savaient pas construire un circuit รฉlectrique simple. Face ร lโobstacle, de nouvelles connaissances et compรฉtences ont รฉtรฉ dรฉveloppรฉes. Ils ont รฉtรฉ motivรฉs pour surmonter ces obstacles car ils voulaient rรฉussir leur objet lumineux ce qui nโรฉtait pas le cas dans la classe 1.
De plus, lโindividu va donner une valeur ร ce quโil va faire (la valence), plus cette valeur est grande, plus il est motivรฉ pour lโatteindre. Le fait dโavoir un projet concret dans la classe 2, a permis de motiver les รฉlรจves pour apprendre les notions dโangles droits et pour apprendre ร fabriquer un circuit รฉlectrique simple. Dans la classe 1, dโaprรจs les rรฉponses aux questionnaires, les รฉlรจves sont plus motivรฉs ร apprendre leur leรงon pour faire plaisir ร leurs parents ou pour rรฉussir leur รฉvaluation. Quant ร la classe 2, les รฉlรจves sont plus motivรฉs intrinsรจquement cโest-ร -dire pour lโactivitรฉ en elle-mรชme alors que pour la classe 1, la motivation est plutรดt extrinsรจque. Or nous avons vu que la motivation intrinsรจque est plus motivante ร long terme que la motivation extrinsรจque.
La motivation se construit mais elle doit รฉgalement se maintenir face ร lโeffort. Si on ne comprend pas le but de ce que lโon fait ou si nous ne savons pas oรน nous allons, la volition (le fait de rester concentrรฉ) va sโamoindrir. Dans la classe 1, ร force de faire des exercices sur la construction des carrรฉs et rectangles, ils se lassent car pour eux, cโest une rรฉpรฉtition dโactivitรฉs sans but alors que pour lโenseignant lโobjectif est de sโassurer que les รฉlรจves ont bien assimilรฉ ces notions. Alors que dans la classe 2, ils ont un but concret qui maintient leur motivation, qui leur donne envie de rรฉussir ร construire des carrรฉs et des rectangles pour reproduire ร lโidentique le gabarit de lโobjet lumineux.
Il faut cependant, faire attention ร ce que la rรฉcompense, lโobjet lumineux, ne devienne pas obsessionnel. Dans le cerveau, plus la rรฉcompense nous semble intรฉressante, plus le cerveau va sโactiver et donc permettre de mieux rรฉussir. Mais si cette rรฉcompense prend trop de place, elle va entraver certaines aptitudes du cerveau et donc avoir lโeffet inverse. Certes pour la classe 2, le but รฉtait bien prรฉsent et peut รชtre que par moment lโenvie de finir au plus vite a mis en รฉchec quelques รฉlรจves. Cependant, ils ont vite compris que sโils voulaient avoir un projet correctement fini, il fallait quโils sโappliquent sur le moment prรฉsent. Par contre pour la classe 1, cette perspective de produit fini nโรฉtait pas du tout prรฉsente, cela nโa donc pas รฉtรฉ une source de motivation.
En conclusion, la pรฉdagogie de projet semble รชtre plus motivante pour les รฉlรจves. Ils semblent รชtre motivรฉs pour lโaction en elle-mรชme et face ร lโeffort, ils maintiennent leur motivation pour aboutir ร la construction de lโobjet lumineux.
Les rรฉserves sur la pรฉdagogie de projet et lโexpรฉrimentation
J. Proulx, thรฉologien, pense quโil y a trois raisons pour lesquelles les enseignants pratiquent peu cette pรฉdagogie de projet :
– une crainte au niveau temporel et matรฉriel .
– ยซ une adhรฉsion partielle ร certains postulats de lโapprentissage par projet, comme la nรฉcessaire mise en activitรฉ de lโรฉlรจve, qui ne leur semble pas pertinente pour toutes les notions ร aborder, et comme le fait que tous les รฉlรจves doivent รชtre intรฉressรฉs par le mรชme projet, ce qui ne semble รฉvidemment pas rรฉalisable ยป .
– ยซ une rรฉsistance face ร la nรฉcessitรฉ de changer les pratiques traditionnelles, qui ne leur paraissent pas si inefficaces que รงa ยป .
En ce qui concerne ces rรฉserves, paradoxalement le temps nรฉcessaire au projet dans la classe 2 (pรฉdagogie de projet) est moindre que dans la classe 1. En effet, dans la classe 1, il y a quatre sรฉances de 45 minutes et une de 30 minutes pour les mathรฉmatiques, trois sรฉances de 45 minutes et une de 30 minutes pour les sรฉances de technologie puis une matinรฉe de tuilage soit 2h40 pour faire lโobjet lumineux. Cela a donc pris 8h55 alors que pour la classe 2, ils ont eu 3 sรฉances de 1h30 soit 4h30. Dโaprรจs cette expรฉrimentation, on peut voir que cela ne prend pas toujours plus de temps de faire une dรฉmarche de projet quโune dรฉmarche plus traditionnelle. Mais cela demande plus de temps dans la prรฉparation de lโenseignant car il y a des contraintes organisationnelles et matรฉrielles plus importantes.
La contrainte matรฉrielle est par contre rรฉellement prรฉsente. En effet, plusieurs petits obstacles se sont prรฉsentรฉs :
– au niveau budgรฉtaire : pour que les รฉlรจves puissent emmener leur oeuvre lumineuse chez eux, il faut acheter les matรฉriaux en grand nombre.
– au niveau sรฉcuritaire : les รฉlรจves de CE1 ne peuvent pas, par exemple, manipuler le pistolet ร colle.
Il est aussi plus difficile de faire manipuler une classe entiรจre. Un nombre dโune dizaine dโรฉlรจves soit une demi-classe semble รชtre le bon nombre pour pouvoir accompagner tous les รฉlรจves dans leur cheminement. Les รฉlรจves peuvent aussi plus facilement sโexprimer, partager ensemble, se mettre dโaccordโฆ
La mise en activitรฉ des รฉlรจves semble รชtre bรฉnรฉfique car comme nous lโavons vu, cela semble avoir pris plus de sens et motiver plus les รฉlรจves. Il est vrai que cela demande une autre faรงon de concevoir lโenseignement. Cela demande une autre faรงon dโaborder le groupe classe oรน lโenseignant nโest plus au centre mais bien lโรฉlรจve qui devient acteur de sa formation. Cโest une autre rรฉserve des enseignants qui nโen voient pas toujours lโintรฉrรชt car cela semble aller autrement aussi.
Les rรฉserves sur lโexpรฉrimentation
Pour que lโexpรฉrience soit concluante, il faut se poser des questions quant aux biais. En effet, travailler en petits groupes est plus facile, plus avantageux et pour les รฉlรจves et pour les enseignants. Cela peut donc รชtre un premier biais puisque dans la premiรจre classe nous avons travaillรฉ en classe entiรจre et dans la deuxiรจme avec un petit groupe. Il serait donc intรฉressant de mener ce projet avec la classe entiรจre et de voir si nous aurions eu les mรชmes rรฉsultats.
Dโautre part, cela tient peut-รชtre aussi au groupe classe qui est diffรฉrent, puisque composรฉs dโรฉlรจves diffรฉrents. Il faudrait maintenant faire lโexpรฉrience en inversant les classes et comparer les rรฉsultats pour savoir si cโest bien la pรฉdagogie par projet qui permet aux รฉlรจves de mettre plus de sens derriรจre les apprentissages, de motiver les รฉlรจves ou si cโest liรฉ ร la composition dโune classe.
Ce qui peut aussi รชtre une rรฉserve, est de mener un autre projet, et de voir si les rรฉsultats sont les mรชmes. Il faudrait aussi faire la mรชme expรฉrience avec deux autres classes et comparer. En dโautre terme, on ne peut pas tirer une conclusion dรฉfinitive ร partir dโune expรฉrience, mais en tirer des hypothรจses quโil faudrait vรฉrifier avec dโautres classes, dโautres projets et en nombre.
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Table des matiรจres
PARTIE THEORIQUE
1. La pรฉdagogie de projet
1.1. Dรฉfinition et composantes de la pรฉdagogie de projet
1.2. Les fonctions dโun projet
2. La motivation
2.1. Dรฉfinition
2.2. Les types de motivations
2.3. La construction de la motivation
2.4. La rรฉgulation de la motivation
2.5. La place de la motivation dans le cerveau
3. Le sens
3.1. Dรฉfinition
3.2. La construction du sens
3.3. Le construction du sens dans le cerveau
PARTIE PRATIQUE
1. Lโhypothรจse
2. Les deux dรฉmarches adoptรฉes
2.1. Description du projet pluridisciplinaire
2.2. Mรฉthodes de rรฉalisation dans les deux classes
3. Les rรฉsultats
PARTIE ANALYSE
1. La pรฉdagogie de projet et la construction du sens
2. La pรฉdagogie de projet et la motivation
3. Les rรฉserves sur la pรฉdagogie de projet et lโexpรฉrimentation
3.1. Les rรฉserves sur la pรฉdagogie de projet
3.2. Les rรฉserves sur lโexpรฉrimentation
Conclusion
ANNEXE 1 : le questionnaire
ANNEXE 2 : lโรฉvaluation
Bibliographie
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