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Que sont les tourbillons de sillage ?
La physique des tourbillons
La figure 1.1 illustre parfaitement ce que sont les tourbillons de sillage. Leur présence est ici facilement identifiable par l’entraînement des nuages formant ainsi ce qui pourrait être identifié très poétiquement à un coeur. Ce phénomène physique particulier est propre à tout objet volant possédant des ailes.
L’écoulement de l’air sur le profil bombé et limité dans l’espace de l’aile provoque leur formation. Avec une incidence positive, comme c’est le cas pour un avion, le fluide passant par l’extrados (le dessus de l’aile) possède une vitesse plus élevée que celui passant par l’intrados (le dessous de l’aile). Cela crée une dépression sur le dessus de l’aile et une surpression au-dessous et dirige la portance (force orthogonale à la direction du mouvement d’un solide dans un fluide) vers le haut, ce qui permet à l’avion de voler. Cette différence de pression induit des traînées formées par l’écoulement de l’air en bout d’aile, de la zone de surpression vers la zone de dépression en contournant l’extrémité de l’aile. Cet écoulement crée une déviation du flux d’air (voir figure 1.2). Sous l’intrados, le flux d’air est dévié vers l’extrémité de l’aile alors que sur l’intrados, le flux d’air est dévié vers le fuselage de l’avion (voir figure 1.3). Une nappe tourbillonnaire est alors formée au bord de fuite de l’aile, sur toute sa longueur et s’enroule ensuite en deux tourbillons contrarotifs (dit aussi tourbillons marginaux) dans le sillage de l’avion. Ce système est alors appelé « two-vortex system » et communément noté 2VS. Des tourbillons peuvent également se former sur des parties formant des angles avec le plan des ailes, telles que les volets lorsqu’ils sont abaissés notamment en phase d’atterrissage.
Analyse comportementale
En dehors des interactions réciproques des deux tourbillons qui se manifestent dès leur formation, différents phénomènes physiques sont à l’origine de leurs trajectoires et de leurs décroissances de circulation : le vent transverse et la turbulence atmosphérique caractérisée par une grandeur appelée l’EDR (Eddy Dissipation Rate ou Taux de dissipation des tourbillons).
Lorsque les tourbillons sont générés au dessus des pistes des aéroports, leur proximité avec la terre ferme fait intervenir un autre phénomène physique appelé « Effets de sol ».
Interactions entre tourbillons
Dès qu’ils sont générés par le passage d’un avion, ces tourbillons de sillage contrarotatifs interagissent entre eux. À l’intérieur de la paire (la zone principale d’interaction) la composante verticale des vecteurs vitesse des tourbillons est orientée vers le bas. Le vecteur vitesse résultant est donc également dirigé vers le bas. Cela se traduit par une descente de la paire, chaque vortex entraînant son voisin. Cet entraînement s’observe sur la figure 1.6, en comparant le profil des vitesses verticales d’une paire de tourbillons issu d’une coupe horizontale avec celui de chaque tourbillon pris séparément. En effet, les vitesses négatives (descendantes) de la paire sont augmentées par rapport aux vortex seuls alors que les vitesses positives (montantes) sont diminuées.
La vitesse de descente pour une paire idéale de tourbillons (c’est-à-dire de même amplitude et même altitude), après leur enroulement.
Cette formule est valable dans la phase de descente des vortex, tant qu’ils ne sont pas en effets de sol et si la vitesse verticale du vent est nulle. Dans le cas contraire, les vortex peuvent perdurer plus longtemps à une même altitude. Lorsqu’ils interagissent avec le sol, des phénomènes physiques plus complexes apparaissent.
Une autre témoin de ces interactions est l’instabilité de Crow [7][23]. Les trainées blanches que l’on peut souvent observer dans le ciel après le passage d’un avion sont composées de cristaux de glace formés au centre des tourbillons (zones dépressionnaires donc froides) et exposent ainsi à l’oeil nu la présence des tourbillons de sillage. En présence de perturbations turbulentes atmosphériques, et sous l’influence de la turbulence induite par le système tourbillonnaire, les vortex sont soumis à des déformations sinusoïdales de plus en plus amples. Au bout d’un certain temps, les parties les plus proches des vortex se rejoignent pour former des anneaux qui se détachent et qui sont ensuite désagrégés. La figure 1.7 est composée de 6 photos prises dans le ciel après le passage d’un B-47. Elles représentent l’évolution de l’état des tourbillons soumis à l’instabilité de Crow.
Interaction avec le sol : Effets de sol
Une paire de vortex nouvellement formée perd de l’altitude au cours du temps et peut donc entrer en interaction avec le sol lors des phases de décollage ou d’atterrissage. Le sol étant une paroi immobile, l’approche des tourbillons va entraîner des mouvements d’air appelés effets de sol. C’est ce phénomène qui est explicité dans ce paragraphe et illustré par la figure 1.8. Généralement, les tourbillons de sillage sont considérés hors effets de sol (Out of Ground Effet noté OGE) lorsque leur altitude est supérieure à 2b0. En dessous, les tourbillons sont dit Near Ground Effects, noté NGE et lorsqu’ils passent en deçà d’une altitude de b0, ils sont dit en effets de sol (In Ground Effects noté IGE) [9].
Lorsque les tourbillons entrent dans la région des effets de sol (ou In Ground Effect region) et commencent à fortement interagir avec le sol. Chacun d’eux crée alors une couche de vorticité secondaire au sol de signe opposé qui croît à mesure que les tourbillons principaux s’approchent de sol.
Arrivés à une altitude d’environ b0=2, les vortex principaux se séparent et divergent entraînant avec eux une partie de la couche de vorticité secondaire et créant ainsi des tourbillons secondaires contra-rotatifs aux vortex principaux comme on peut l’observer sur la figure 1.8a.
Une fois que les tourbillons secondaires se sont décrochés, les tourbillons principaux rebondissent. Les tourbillons secondaires interagissent alors avec les principaux, en s’enroulant autour d’eux comme illustré sur la figure 1.8b. Ces interactions accélèrent la décroissance de la circulation des tourbillons de sillage. Ce phénomène est présenté dans le paragraphe suivant.
Influence du vent transverse
En 2002, une campagne de mesure a été menée conjointement par l’ONERA, le Deutsches Zentrum für Luft und Raumfahrt (DLR – Centre allemand de l’air et de l’aérospatiale) et QinetiQ à Tarbes afin de recueillir des données sur des tourbillons hors effets de sol. Durant cette campagne, des vents transverses d’environ 2:5 m.s?1 ont été mesurés. Köpp et al dans son étude [24] a traité ces données et s’est notamment intéressé à la localisation des tourbillons. La figure 1.9 représente les positions des tourbillons de sillage estimées à chaque balayage réalisé toutes les 11 secondes, pour un des cas recueillis.
Il est évident que le vent transverse déporte les tourbillons. En effet, le vortex gauche est déplacé de quasiment 250 m en 110 s. La comparaison des deux trajectoires, permet d’observer que le vortex sous-le-vent est plus déporté que le vortex au-vent. En effet, la séparation est initialement d’environ 50 m alors qu’en fin de mesure elle est quasiment de 100 m.
Dans les études de Bricteux et al [4] et Corjon et al [6], l’influence du vent transverse sur l’évolution des tourbillons de sillage en effets de sols est étudiée en utilisant respectivement des LES (Large Eddy Simulations) et des DNS (Direct Numerical Simulations).
En présence de vent transverse, la vorticité secondaire induite par le tourbillon sous-le-vent est favorisée alors qu’inversement, la vorticité induite par le vortex au-vent est atténuée comme le montre la figure 1.10 où U max est la vitesse du vent transverse normalisée par V0, la vitesse de référence de l’écoulement.
Dans l’étude [4], quatre cas de vent sont étudiés, cependant seul les trois premiers nous intéresse ici. Le cas 0 constitue le cas de référence. Le cas 1 met en jeu des tourbillons deux fois plus faible que dans le cas 0, ce qui correspond finalement à un vent transverse deux fois plus fort par rapport aux tourbillons. A l’inverse, le cas 2 met en jeu des tourbillons deux fois plus forts.
Le vent transverse est donc deux fois plus faible, par rapport aux tourbillons. L’effet du vent transverse sur les vorticités secondaires entraîne, en termes de trajectoires, un comportement dissymétrique des deux tourbillons principaux. Ces trajectoires sont illustrées par la figure 1.11 en fonction du temps OGE, normalisé par le temps caractéristique t0 obtenu lorsque les tourbillons sont hors effets de sol (OGE-Out of Ground Effect).
Lorsque la vitesse du vent transverse augmente, l’altitude à laquelle s’effectue le rebond du vortex sous-le-vent est de plus en plus élevée. Cela s’explique par le fait que le développement de sa vorticité secondaire soit favorisé par le vent transverse induisant ainsi une interaction avec le tourbillon principal à une altitude plus importante. L’amplitude du rebond de ce vortex est également accrue par le vent transverse.
Le rebond du vortex au-vent est, quant à lui, plus sensible au vent transverse. En effet, la vorticité secondaire étant de plus en plus atténuée à mesure que la vitesse du vent augmente, l’interaction avec le vortex principal est donc moins forte et se fait plus proche du sol. Cela explique également le fait que le rebond soit de moins en moins ample.
Dans les deux cas, la déportation des tourbillons principaux induite par le vent transverse augmente avec sa vitesse. Toutefois, en comparant l’évolution de la position horizontale des deux tourbillons par rapport à leur position initiale, on constate que le vortex sous-le-vent est, quelle que soit la vitesse du vent transverse, toujours bien plus déporté que le vortex au-vent.
Stefan et al dans [36], en utilisant des simulations aux grandes échelles, s’est également intéressé à l’évolution des tourbillons de sillage en effets de sol notamment en présence de vent transverse. L’évolution de la circulation des tourbillons principaux, illustrée figure 1.12, est, dans un premier temps, dans une phase de décroissance douce dite de diffusion, liée aux interactions réciproques des tourbillons et aux interactions avec l’atmosphère. Lorsque les vorticités secondaires ont atteint leur force maximale, cette décroissance devient forte. En effet, comme dit précédemment, les tourbillons secondaires, une fois détachés, s’enroulent autour des principaux avec lesquels ils interagissent. L’énergie qui permet de les détruire provient des tourbillons principaux, causant ainsi la forte baisse de circulation qui peut être observée. La vorticité secondaire sous-le-vent, étant favorisée, elle se forme plus rapidement et s’enroule donc avant celle au-vent autour de son tourbillon principal, ce qui déclenche la forte décroissance de circulation plus rapidement que pour le vortex au-vent.
Bricteux et al, dans [4], s’est également intéressé à l’influence de la vitesse du vent transverse sur la décroissance de circulation. Comme on peut le constater sur la figure 1.13, la décroissance douce de circulation est d’autant plus raccourcie que la vitesse du vent augmente et la forte décroissance de circulation est d’autant plus rapide et importante. On peut également constater que l’asymétrie entre le tourbillon au-vent et le tourbillon sous-le-vent est fortement accentuée lorsque la vitesse du vent augmente.
Holzäpfel et al dans [20], réalise une étude de sensibilité sur le comportement des vortex en faisant varier les paramètres environnementaux et notamment l’EDR sur un modèle déterministe deWake Vortex à 2 phases. Dans cette étude, il y est montré que la trajectoire et la circulation des tourbillons de sillage ne sont pas ou que très peu affectées par des turbulences d’EDR inférieurs ou égaux à 10?7 m2.s?3. En revanche, lorsque cette valeur est dépassée, la hauteur à laquelle se fait le rebond, augmente avec l’EDR et celui-ci intervient donc de plus en plus tôt, ce qui est également le cas pour le déclenchement de la forte décroissance de circulation comme le montre la figure 1.15.
Description du LIDAR Doppler cohérent Impulsionnel
Afin de pouvoir comprendre et surtout surveiller ces tourbillons de sillage, peu souvent observables à l’oeil nu, il est nécessaire d’utiliser un équipement adapté à la mesure atmosphérique.
Le LIDAR, acronyme pour LIght Detection And Ranging, permet de mesurer les propriétés de cibles éloignées qui peuvent être des solides (analyse topographique) tout comme des quantités diffuses telles que le vent ou des gaz [3]. Sa résolution spatiale, sa résolution temporelle et la longueur d’onde utilisée font du LIDAR un capteur adapté aux mesures atmosphériques. Son principe global de fonctionnement s’apparente à celui du RADAR à la différence que les ondes utilisées proviennent d’une source optique opérant sur des bandes de fréquences bien plus élevées (de l’ordre de la centaine de THz) que celles du RADAR qui utilise des ondes radio (Bande C et S de l’ordre du GHz, bande X de l’ordre de la dizaine de GHz). Les fréquences optiques s’étalent du domaine ultra-violet au proche infrarouge. Depuis plusieurs années, l’ONERA et LEOSPHERE travaillent en collaboration afin de développer des équipements LIDAR pour la détection et l’étude des tourbillons de sillage. Les différentes thèses effectuées au sein de l’unité
Sources Laser et Systèmes du Département d’Optique Théorique et Appliquée de l’ONERA ainsi que les nombreux projets menés, ont permis d’obtenir un LIDAR tout fibré (le faisceau et les impulsions se propagent exclusivement dans des fibres optiques), ce qui permet d’émettre des impulsions à une cadence élevée (plusieurs dizaines de kHz). La longueur d’onde = 1:54 m utilisée pour la source présente l’avantage d’être à sécurité oculaire. Ce type de LIDAR est commercialisé pour différentes applications. Dans le cadre de la sécurité aéroportuaire, il permet de faire de la mesure de turbulence atmosphérique et de tourbillons de sillage. Dans le domaine éolien, il est utilisé pour mesurer la turbulence générée par les pales de l’éolienne ou pour récolter des données sur le vent ambiant afin d’optimiser la production des parcs. Le fonctionnement de ce LIDAR impulsionnel ainsi que son utilisation pour la mesure de Wake vortex sont présentés dans cette section.
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Table des matières
Introduction
1 Contexte de l’étude
1.1 Description du contexte aéroportuaire
1.2 Que sont les tourbillons de sillage ?
1.2.1 La physique des tourbillons
1.2.2 Analyse comportementale
1.3 Description du LIDAR Doppler cohérent Impulsionnel
1.3.1 Fonctionnement du LIDAR Impulsionnel
1.3.2 Utilisation du LIDAR pour la mesure de tourbillons de sillage
2 Hypothèses et modèles
2.1 Modélisation de l’atmosphère
2.2 Modélisation des champs de vent
2.2.1 Modélisation de la turbulence atmosphérique : modèle de Von Karman
2.2.2 Modélisation des tourbillons de sillage
2.3 Modélisation du signal LIDAR
2.3.1 Courants délivrés par le LIDAR
2.3.2 Rapport Signal sur Bruit
2.3.3 Modélisation du signal LIDAR
2.4 Énoncé des hypothèses et approximations simplificatrices
3 Développement d’un algorithme de caractérisation
3.1 État de l’art des algorithmes
3.1.1 Méthodes d’estimation par cartes de vitesses estimées
3.1.2 Méthodes d’estimation par maximum de vraisemblance
3.2 Algorithme proposé
3.2.1 Raisonnement sur l’architecture de l’algorithme
3.2.2 Élaboration de l’algorithme
4 Évaluation des performances de l’algorithme
4.1 Description de la simulation des périodogrammes
4.2 Étude statistique sur des simulations analytiques
4.2.1 Méthodologie
4.2.2 Description des scénarios
4.2.3 Résultats de l’étude statistique sur les données de référence
4.2.4 Étude de l’influence de la turbulence atmosphérique
4.2.5 Étude de l’influence du modèle analytique de tourbillon de sillage
4.3 Simulations aux grandes échelles
4.3.1 Nature des données
4.3.2 Méthodologie
4.3.3 Résultats
4.4 Bilan
5 Optimisation des paramètres du LIDAR
5.1 Modèle et Borne de Cramér-Rao
5.1.1 Modèle simplifié
5.1.2 Borne de Cramér-Rao
5.2 Énoncé de la méthodologie
5.3 Résultats obtenus
5.3.1 Étude de l’influence de la durée des impulsions et des portes distances
5.3.2 Étude de l’influence du temps d’accumulation
5.3.3 Étude de l’influence du taux de recouvrement des portes distances
5.3.4 Bilan
5.4 Validation de la nouvelle configuration instrumentale
Conclusion et perspectives
Conclusion
Perspectives
Annexes
Justification de l’utilisation de la loi de Wishart
Démonstration du calcul simplifié de ^(f) ;n
Résultats de l’étude statistique sur les données de référence
Étude de l’influence de la turbulence atmosphérique
Étude de l’influence du modèle analytique de tourbillon
Simulations aux grandes échelles
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