Description du climat comme un système dynamique

L’attracteur de Lorenz

Le chaos va être expliqué dans cette section à l’aide du système de Lorenz (1963), qui est un exemple de système dynamique. Un système est chaotique si deux états initiaux aussi proches que nous le voulons se comportent différemment après un laps de temps court, mais restent confinés dans un intervalle fixe de valeurs. Ce faisant, les trajectoires d’un tel système dessinent un objet dans cet intervalle de valeurs nommé un attracteur étrange. Un excellent résumé de l’état de l’art sur le système de Lorenz (1963) a été écrit par Viana (2000).

Histoire et définition

Bien que le chaos ait été entrevu par Poincaré (1892), il est tombé dans l’oubli pendant un demi-siècle. Le météorologue E. N. Lorenz a refait sa découverte lors de l’étude de la convection. Il cherchait un modèle simplifié qui décrit l’échauffement d’un liquide par le bas. Le liquide chauffé monte, se refroidit, et replonge. Partant des équations de Saltzman (1962), il en a dérivé un système tri dimensionnel simplifié, aujourd’hui appelé système de Lorenz (1963). Les équations simplifiées de Lorenz se présentent comme une équation différentielle à trois inconnues, avec des relations non linéaires quadratiques.

Lorenz a calculé une solution de ce système pour les paramètres σ = 10, r = 28 et b= 8/3. Ce sont les paramètres couramment utilisés dans la littérature (et que j’ai utilisé tout au long de cette thèse). Lors du calcul d’une trajectoire, i.e. pour une condition initiale (x0, y0, z0), le calcul d’une approximation de la solution x(t), le calculateur s’est interrompu. En effet, à l’époque la sortie avait lieu sur un rouleau de papier, qu’il fallait changer. Repartant d’une des dernières solutions calculées, il a continué l’intégration. À sa surprise, les nouvelles valeurs étaient différentes des anciennes valeurs ! Il a constaté que les valeurs imprimées (qu’il avait utilisé pour continuer l’intégration) étaient des valeurs tronquées de celles utilisées par le calculateur. Autrement dit, il a redémarré l’intégration non pas à la valeur calculée par la machine, mais à une valeur très voisine. Ce faisant, il a mis en évidence l’une des propriétés élémentaires du chaos : deux trajectoires ayant des conditions initiales très proches divergent exponentiellement vite. Ce phénomène est illustré sur la Figure 1.2. Les deux courbes bleu et rouge sont deux trajectoires partant de deux points proches : (5.16,−0.87, 30.64) et (4.99,−0.53, 30.02). Nous pouvons voir que ces trajectoires se séparent après un temps court, rendant impossible toute prédiction à moyen terme. En effet, les conditions initiales d’un modèle ne pouvant être connues qu’avec une précision finie, elles sont différentes des conditions initiales de la réalité. Si le système est chaotique, alors la simulation s’écartera rapidement de la réalité. Ce phénomène avait déjà été compris par Poincaré (1892), qui l’avait formulé ainsi

Si nous connaissions exactement les lois de la nature et la situation de l’univers à l’instant initial, nous pourrions prédire la situation de ce même univers à un instant ultérieur. Mais, lors même que les lois naturelles n’auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrons connaître la situation initiale qu’approximativement (…). Il peut arriver que des petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux ; une petite erreur sur les premières produirait une erreur énorme sur les derniers. La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit . Poincaré (1892)

Cependant, jusqu’aux travaux de Lorenz, ce phénomène n’était considéré possible que pour des systèmes hautement complexes, ayant un nombre important de degrés de liberté, tel que le problème à N corps. L’attracteur de Lorenz est le premier système simple (la non linéarité est uniquement quadratique) exhibant du chaos. Je propose de décrire d’où vient cette sensibilité aux conditions initiales.

La courbe rouge représente une direction instable, la bleue une direction stable. Le point d’intersection noir est un point fixe. Imaginons deux points x0 et x1 de part et d’autre de la direction stable (i.e. de la courbe rouge). Dans un premier temps, ils restent proches en suivant la direction stable. Mais arrivés à proximité du point fixe, la direction instable les repousse exponentiellement vite dans des directions opposées. C’est le phénomène de sensibilité aux conditions initiales. Les notions de directions stables et instables se généralisent aux points périodiques (i.e. x(t + τ ) = x(t) pour tout temps t), voire n’importe quel point (Hirsch et al., 2006 ; Robinson, 1999).

Maintenant dans le cas du chaos, et en particulier du modèle de Lorenz, les points périodiques sont en infinité et forment un sous ensemble dense (Arroyo et Pujals, 2007). Leurs variétés stables et instables se recoupent. Cette « zone » de chaos est dans une boite, située au centre du papillon. Ce résultat a d’abord été démontré dans un cas simplifié par Williams (1979), et étendu à l’attracteur de Lorenz (1963) par Tucker (1999).

Les statistiques du modèle de Lorenz (1963)

Si les trajectoires du modèle de Lorenz (1963) sont imprévisibles, quelle information fiable peut en être extraite ? Mais même si la trajectoire est imprévisible, l’attracteur dessiné ne dépend pas des conditions initiales. A fortiori, la probabilité que la trajectoire se situe dans une zone de R3 ne dépend pas non plus de la condition initiale. Dit autrement, l’histogramme des valeurs prises par une longue trajectoire ne dépend pas des conditions initiales.

Résumé

Cette présentation du modèle de Lorenz (1963) a permis de dégager plusieurs concepts, qui sont la base de ma représentation du climat :
1. L’équation différentielle (1.1) engendre un système dynamique continu dans R3 , nommé l’espace des phases.
2. Deux trajectoires commençant très près l’une de l’autre divergent exponentiellement vite, mais dessinent le même objet en forme de papillon, nommée un attracteur. Nous avons un système chaotique.
3. La dimension de cet attracteur est plus petite que celle de l’espace des phases, mais semble légèrement plus grande que 2, l’attracteur est dit étrange.
4. Les statistiques de ce système ne dépendent pas non plus des conditions initiales, et semblent dessiner une mesure de probabilité particulière, nommée une mesure SRB (Sinai-Ruelle-Bowen).

Tous ces concepts ont été présentés sur un exemple particulier, je vais maintenant présenter la théorie qui permet de les formaliser.

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Table des matières

Introduction
1 Description du climat comme un système dynamique
1.1 L’attracteur de Lorenz
1.1.1 Histoire et définition
1.1.2 Sensibilité aux conditions initiales : la source du chaos
1.1.3 Caractérisation du chaos par la dimension de l’attracteur
1.1.4 Les statistiques du modèle de Lorenz (1963)
1.1.5 Résumé
1.2 Systèmes dynamiques autonomes
1.2.1 Définition des systèmes dynamiques
1.2.2 Déterminer la dimension d’un attracteur
1.2.3 Caractérisation du comportement local de la dynamique : les exposants de Lyapunov
1.2.4 Statistiques d’un système dynamique : la mesure SRB
1.2.5 Résumé
1.3 Attracteur climatique
1.3.1 Existence d’un attracteur étrange climatique
1.3.2 Déformation de l’attracteur climatique
1.4 Dynamique non autonome
1.4.1 Système de Lorenz (1984)
1.4.2 Vision Lagrangienne et Eulerienne : des équations différentielles aux équations de transports
1.4.3 L’équivalent des orbites en dynamique non autonome : les snapshots attractors
1.5 Résumé et mise en place du problème
2 Transport Optimal
2.1 Introduction au transport optimal : le problème de Monge
2.2 Transport optimal de mesures empiriques
2.2.1 Formulation en terme de mesure de probabilité
2.2.2 Problème de Monge-Kantorovich
2.3 Distance de Wasserstein
2.4 Lien entre les systèmes dynamiques et le transport optimal
2.5 Intuitions des mécanismes d’action du transport optimal
2.5.1 Représentation du plan de transport comme mesure de probabilité
2.5.2 Visualisation dynamique du plan de transport
2.5.3 Résistance au bruit et influence de l’histogramme
2.6 Exemple d’utilisation de la distance de Wasserstein dans le climat
2.7 Résumé
3 Application à des systèmes dynamiques chaotiques non autonomes
3.1 Abstract (Robin et al., 2017)
3.2 Detecting changes in forced climate attractors with Wasserstein distance
3.3 Compléments : Détection des scénarios RCP dans CMIP5
3.3.1 Application aux températures
3.3.2 Application aux précipitations
3.4 Résumé
4 Correction de biais multivarié
4.1 Abstract
4.2 Multivariate stochastic bias corrections with optimal transport
4.3 Résumé
Conclusion

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