La leucocytose se définit par un excès du taux de leucocyte circulant dans le sang au- delà de 10G/l ou 10.000 par mm3 [1, 2]. Elle a été décrite pour la première fois par Virchow et Andral au milieu du XIXe siècle [3, 4]. Elle peut augmenter l’une des trois catégories de globules blancs normalement retrouvés dans le sang (polynucléaires, lymphocytes, monocytes) et on parle alors de polynucléose, lymphocytose et monocytose. Parfois il existe une hyperleucocytose faite des cellules médullaires immatures ou des cellules malignes dont la présence dans le sang est anormale, il peut donc être le mode de révélation d’une hémopathie maligne [5]. A Madagascar, la fréquence des leucocytoses parmi les anomalies de l’hémogramme n’est pas encore bien établie. Il nous a semblé intéressant de savoir si une telle perturbation hématologique est fréquente dans la pratique médicale courante. Ainsi, cette étude a pour objectif général de décrire les leucocytoses vus à l’Unité Paraclinique de Formation et de Recherche en Hématologie de l’HU-JRA Antananarivo.
CONSIDERATIONS THEORIQUES
GENERALITES
Le sang est un tissu liquide circulant dans un système vasculaire clos. Il est constitué par le plasma sanguin dans lequel est réparti les éléments figurés du sang (45% du volume sanguin). Le plasma qui représente 55% du volume sanguin est constitué de:
• Substances minérales : eau, électrolytes
• Substances organiques : protéine (albumine, globuline, fibrinogène, enzyme, compléments, …), nutriments (vitamines, acides aminés …), substances du déchet (urée, acide urique, créatine, bilirubine), hormones, gaz (O2 , CO2, N2) [6].
Les éléments figurés sont désignés suivant leur aspect et ils sont divisés en trois types principaux : les globules rouges ou hématies ou érythrocyte, les globules blancs ou leucocytes et les plaquettes ou thrombocytes [2]. Les leucocytes sont subdivisés eux-mêmes en leucocytes hyalin ou mononucléaires et leucocytes granuleux ou granulocytes à savoir les :
• Polynucléaires neutrophiles
• Polynucléaires éosinophiles
• Polynucléaires basophiles
• Lymphocytes
• Monocytes
Le sang assure la vie de chaque cellule du corps grâce :
• Au transport de l’oxygène, des nutriments, des déchets du métabolisme et des hormones [6]
• A la régulation de la température corporelle, du pH et de l’homéostasie volumique [2]
• A la prévention de la perte sanguine à travers les mécanismes de l’hémostase et plus important encore à la lutte contre les infections de par les mécanismes de l’immunité [7].
HEMOGRAMME
L’hémogramme est un examen biologique qui sert à étudier quantitativement et qualitativement les éléments figurés du sang [8-10]. Il est réalisé à partir d’un échantillon de sang veineux recueilli dans un tube contenant un anticoagulant sec de type Ethyle Diamine Tétra Acétate (EDTA) ou de sang capillaire dans des microtubes calibrés ; au repos. L’étude quantitative comprend [9, 11] :
• La détermination des nombres absolus de globules rouges, de globules blancs, de plaquettes ;
• Le dosage de l’hémoglobine ;
• La mesure de l’hématocrite,
• Le calcul des constantes érythrocytaires : le volume globulaire moyen (VGM), la teneur moyenne en hémoglobine(TCMH), la concentration moyenne en hémoglobine (CCMH) ; L’étude qualitative comporte : Une étude morphologique des différentes cellules sanguines comportant la formule leucocytaire et la recherche des anomalies morphologiques.
L’HÉMATOPOÏÈSE
Définition
L’hématopoïèse est l’ensemble des phénomènes qui concourent à la fabrication et au remplacement continu et régulé des cellules sanguines [2, 12]. En effet, le système hématopoïétique doit assurer tout au long de la vie le renouvellement des cellules lymphoïdes (lymphocytes) et myéloïdes (érythrocytes, plaquettes sanguines, polynucléaires et monocytes) [13]. Chez l’adulte, il produit une très grande quantité des cellules : 10¹² à 10¹³ cellules sanguines par jour et 2 millions d’érythrocytes par seconde (tableau I). C’est un système constant, permanent, régulé ou les cellules sanguines sont fabriquées en fonction de la demande et du besoin. Cette considérable activité de production est assurée par les cellules souches hématopoïétiques. Ces cellules souches sont à la fois capables d’auto renouvellement et la production de cellules différenciées [14].
Siège de l’hématopoïèse (ontogenèse)
Pendant la vie intra-utérine, l’hématopoïèse se passe dans le tissu conjonctif jusqu’au deuxième mois, dans le foie fœtal du deuxième au sixième mois et est exclusivement médullaire après la naissance (figure1). Elle se trouve dans tous les os jusqu’à l’âge de 5ans. Ensuite, cette activité va progressivement se limiter au niveau des os courts et plats (sternum, côtes, vertèbres, os iliaques) [15-19].
Organisation
Il existe une cellule unique à l’origine des cellules souches hématopoïétiques et endothéliales : l’hémangioblaste. Tous les éléments figurés du sang proviennent de cellules souches hématopoïétiques (CSH) multipotentes, peu nombreuses 0,01 à 0,05% des cellules médullaires, indifférenciées, et possèdent 2 propriétés : l’autorenouvellement et la différenciation. Elles sont non identifiables morphologiquement et elles expriment les caractères immunophénotypiques suivants : CD34+ CD 33 – HLA-DR faible [13, 16,20]. Elles peuvent être prélevées directement dans le sang, c’est la cytaphérèse. La cellule souche hématopoïétique se trouve dans la fraction mononuclée des leucocytes et peuvent être prélevées à l’aide de séparateurs à flux continu ou discontinu après la stimulation par les facteurs de croissance (G-CSF) La cascade hématopoïétique comprend trois compartiments : les progéniteurs hématopoïétiques, les précurseurs et les cellules matures (figure2) [21-27].
Les progéniteurs hématopoïétiques sont des cellules souches qui vont s’engager dans les lignées cellulaires et perdent progressivement leur capacité d’autorenouvellement au fur à mesure de leur avancement dans la différenciation. Ces cellules n’ont pas de différences cytologiques. Il existe 2 types de progéniteurs : celui qui va s’orienter vers la lignée lymphoïde et celui vers la lignée myéloïde. Le progéniteur lymphoïde appelé CFU-L possède la potentialité de différenciation vers les deux types de lymphocytes (T et B). Le progéniteur myéloïde, appelée CFU GEMM (Colony Forming Unit – Granuleuse, Erythrocytaire, Macrophage et Mégacaryocytaire) ou CFUMIX va former le reste des cellules sanguines et est encore multipotent. On pourra les distinguer en les mettant en culture avec des facteurs de croissances particuliers. Possèdent des marqueurs antigéniques de surface : immunophénotype CD 34 + CD 33 + HLA-DR +. Les précurseurs ne sont plus des cellules souches car elles ont perdu toute capacité d’auto-renouvellement. Ce sont les premières cellules morphologiquement identifiables de chaque lignée. Les précurseurs les plus immatures sont les myéloblastes pour les polynucléaires, les proérythroblastes pour les hématies, les mégacaryoblastes pour les plaquettes, les lymphoblastes pour les lymphocytes et les monoblastes pour les monocytes. Ils sont localisés dans la moelle osseuse et explorés par les techniques de ponction aspiration (myélogramme) et de biopsie (BOM ou biopsie ostéo-médullaire) de la moelle. Ce compartiment a pour but :
• la multiplication (un précurseur à la cellule mature, 3 à 5 mitoses en fonction du besoin) et
• la maturation cellulaire.
Lignée myéloïde
La lignée myéloïde comprend deux sous-lignées :
• La lignée granulocytaire : le précurseur est le myéloblaste, qui se différencie en pro-myélocyte, en myélocyte puis en polynucléaire (neutrophile, basophile ou acidophile).
• La lignée monocytaire : le précurseur, le monoblaste, se transforme en promonocyte. Ce pro-monocyte quitte alors la moelle osseuse pour aller dans les tissus lymphoïdes, où il poursuit sa différenciation en monocyte (et éventuellement en macrophage). La lignée granuleuse représente 70% des cellules hématopoïétiques médullaires [12, 31]. Une cellule souche hématopoïétique donne un progéniteur appelé CFU-GEMM. Chaque nom de progéniteur est défini par l’association du préfixe CFU (« Colony Forming Unit ») suivi de(s) lettre(s) qui caractérisent les lignées dont elle garde le potentiel de différenciation (GEMM = Granuleuse, Erythrocytaire, Macrophage et Mégacaryocytaire). Cette cellule va poursuivre son programme de différenciation et donner naissance à des progéniteurs encore plus engagés (Tableau II). Ce progéniteur peut s’engager alors dans différentes voies: CFU-GM, un progéniteur bipotent qui va donner CFU-G et CFU-M ; CFU-BA ; CFU-EO.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. PREMIERE PARTIE : RAPPELS
CONSIDERATIONS THEORIQUES
I.1. GENERALITES
I.2. HEMOGRAMME
I.3. L’HÉMATOPOÏÈSE
I.3.1 Définition
I.3.2. Siège de l’hématopoïèse (ontogenèse)
I.3.3. Organisation
I.4. La leucopoïèse
I.4.1. Lignée myéloïde
I.4.2. Lignée lymphoïde
I.4.3. Phase de maturation
I.4.4. Les cellules sanguines matures
I.5. MÉCANISME DE RÉGULATION
I.5.1. Le microenvironnement médullaire
I.5.2. Des vitamines et des oligoéléments
I.5.3. Les facteurs de croissance
I.5.3.1. Les facteurs de régulation positive
I.5.3.2. Les facteurs de régulation négative
I.6. RÔLES ET FONCTIONS DES LEUCOCYTES
I.6.1. Les polynucléaires
I.6.2. Les lymphocytes
I.6.3. Les monocytes
I.7. ETIOLOGIES DES LEUCOCYTOSES
II. DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
II.1. METHODES
II.1.1. Objectifs
II.1.2. Cadre de l’étude
II.1.3. Caractéristiques de l’étude
II.1.3.1. Type de l’étude
II.1.3.2. Période d’étude
II.1.3.3. Durée d’étude
II.1.3.4. Population d’étude
II.1.3.5. Critères d’inclusion
II.1.3.6. Critères de non inclusion
II.1.3.7. Critères d’exclusion
II.1.3.8. Variables étudiées
II.1.4. Traitement des données
II.1.5. Limite de l’étude
II.1.6. Considération éthique
II.2. RESULTATS
II.2.1. Résultats généraux
II.2.2. Répartition de la population selon les variables d’étude
II.2.2.1. Selon les services référents
II.2.2.2. Selon le genre
II.2.2.3. Selon l’âge
II.2.2.4. Selon les renseignements cliniques
II.2.2.5. Selon les paramètres de l’hémogramme
III.TROISIEME PARTIE: DISCUSSION
III.1. CONSIDERATION GENERALE DE LA LEUCOCYTOSE
III.2. SERVICE DEMANDEUR
III.3. ASPECTS ÉPIDEMIOLOGIQUES ET DEMOGRAPHIQUES DE LA LEUCOCYTOSE
III.3.1. Fréquence de la leucocytose
III.3.2. Leucocytose et genre
III.3.3. Leucocytose et âge
III.4. ASPECTS CLINIQUES : CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE ET ÉTIOLOGIE DE LA LEUCOCYTOSE
III.5. ASPECTS BIOLOGIQUES
III.5.1. Selon le taux de leucocyte
III.5.2. Selon le taux de polynucléaire neutrophile
III.5.3. Selon le taux de polynucléaire éosinophile
III.5.4. Selon le taux de polynucléaire basophile
III.5.5.Selon le taux de monocyte
III.5.6. Selon le taux de lymphocytose
III.5.7. Autres perturbations hématologiques
CONCLUSION
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