Dans le monde moderne, les phénomènes nucléaires ont pris une importance substantielle, que l’on soit conscient ou non de leur présence. À l’évocation du terme « nucléaire » on pensera immédiatement aux réacteurs qui fournissent la majeure partie de l’électricité en France, mais on oublie (ou méconnaît) l’utilisation de la physique nucléaire dans la domaine de l’art (restauration et analyse), dans la description de phénomènes astrophysiques (nucléosynthèse, étoiles à neutrons) mais aussi dans le domaine médical. Plusieurs types d’examens médicaux, à la fois d’analyse et de traitement, et devenus très courants pour certains, recourent en effet à des phénomènes nucléaires (scintigraphie, PET-scan, radiothérapie).
Aujourd’hui, la recherche dans ce domaine est en partie orientée vers l’amélioration pure et sans application immédiate de nos connaissances. Ces travaux profitent également à des domaines connexes, qui dépendent de la physique nucléaire (analyse du processus r en astrophysique par exemple). L’autre partie de la recherche est tournée de façon plus pragmatique vers la production de données nucléaires utiles au fonctionnement des systèmes précités. Bien entendu, la démarcation entre les deux n’est pas aussi franche et de nombreux échanges s’opèrent entre les différents thèmes de recherche. Si l’on considère les travaux destinés à des applications, on peut chercher, par exemple, à obtenir une meilleure connaissance d’une section efficace, qui traduit la probabilité qu’une réaction donnée se produise. En cas de réussite, cela permet une amélioration de la précision des calculs de neutronique, et à terme, une utilisation plus optimisée du combustible des réacteurs électrogènes. La conséquence immédiate est l’amélioration du burn-up (grandeur mesurant le taux d’utilisation du combustible), et finalement, une diminution de la quantité de combustible nécessaire, ce qui réduit les coûts mais aussi la quantité de déchets radioactifs produits. Si l’on se tourne vers l’exemple médical, une amélioration des données conduit, dans l’imagerie, à une plus grande finesse dans la résolution des clichés, et donc un diagnostic plus précis. Dans le cas d’un traitement par irradiation, cela améliore la connaissace de la zone à irradier. On peut alors utiliser des rayonnements plus finement focalisés sur la zone à traiter. La conséquence heureuse est que cela permet de réduire l’impact sur les zones saines et aussi de diminuer les doses transmises au patient.
La production de ces données nucléaires repose sur l’étude de la structure nucléaire et des mécanismes de réaction. Ces domaines sont profondément interconnectés et communiquent entre eux, avec pour objectif commun l’amélioration de notre connaissance de la matière au niveau du noyau et de son comportement. Comme son nom l’indique, la structure nucléaire vise à modéliser l’organisation interne du noyau, à la fois dans son état fondamental, mais aussi en décrivant différents états et types d’excitations. De son côté, l’étude des réactions vise à reproduire, par le biais de différents modèles, les phénomènes ayant lieu lors de l’interaction entre un projectile et une cible, que ceux-ci soient des photons, des électrons, des nucléons, des neutrinos ou des entités nucléaires plus complexes. Il faut cependant noter que dans certains cas, cette séparation devient quelque peu floue, tant l’interconnexion entre les deux est forte. Les domaines de la structure et des réactions comportent chacun deux pendants qui se complètent mutuellement : la partie expérimentale qui, notamment grâce aux accélérateurs de particules (neutrons, protons, électrons, ions lourds), permet de mesurer des observables (masse, profil de densité, rayon, probabilités de transitions, . . . ) et la partie théorique, qui vise à modéliser le noyau afin de recueillir des observables calculées. Il est ainsi possible d’affiner le modèle théorique afin de mieux reproduire les données expérimentales, tout comme il est possible de mener le calcul en amont pour tenter de prédire les résultats expérimentaux.
Description du noyau atomique
Problème à N corps
L’étude du noyau est un problème difficile :
— à N corps, N étant trop grand pour être traité de façon individuelle, trop petit pour être traité de façon statistique,
— quantique,
— fondé sur l’interaction nucléaire forte non connue analytiquement .
On cherche malgré tout, en structure nucléaire théorique, à calculer l’une des observables les plus utiles pour les études physiques : l’énergie de liaison ? du noyau, obtenue par l’action du hamiltonien du système ?^ sur une fonction d’onde Ψ décrivant le noyau.
Seconde quantification
Toutes les particules (élémentaires ou non) de notre univers peuvent être classées dans l’une des deux grandes catégories suivantes :
— les bosons, de spin entier,
— les fermions, de spin demi-entier.
Chacune de ces catégories regroupe les particules selon des propriétés bien spécifiques (comme l’impossibilité que deux fermions soient dans un état quantique strictement identique nommée Principe de Pauli).
Dans ce paragraphe, on utilise le formalisme de Dirac (notation ‘bra’⟨ | et ‘ket’| ⟩) et on se place dans le cadre de la seconde quantification qui fait intervenir des opérateurs nommés opérateurs d’échelle, ou opérateurs de création et d’annihilation, qui agissent de façon à créer (ou détruire) des particules dans des états donnés. Pour retranscrire les différences de comportement des deux types de particules précédemment mentionnées, on utilisera deux couples d’opérateurs, à savoir ?+ et ? respectivement pour les créations et annihilations de bosons, et ?+ et ? pour les créations et annihilations de fermions.
Oscillateur Harmonique (OH)
Les codes développés dans le laboratoire de Physique Nucléaire du CEA – DAM utilisent pour la plupart une base d’états générés par les états propres de l’OH. On présente ici ces bases en fonction des symétries spatiales brisées par le calcul. Les états quantiques peuvent alors s’exprimer en fonction de polynômes particuliers, à savoir les polynômes de Laguerre généralisés et les polynômes de Hermite, qui sont des polynômes orthogonaux.
Suivant les symétries imposées, on a
— sphérique : un produit de polynôme de Laguerre et d’harmoniques sphériques,
— axial : un produit d’un polynôme de Laguerre pour la partie angulaire et d’un polynôme de Hermite pour la partie axiale,
— triaxial : un produit de trois polynômes de Hermite selon les trois directions de l’espace.
OH en coordonnées cylindriques
Dans le cas de noyaux présentant une symétrie axiale, on scinde le système en deux parties indépendantes :
— la partie axiale, caractérisée par la coordonnée ? et qui constitue un sousespace de dimension 1,
— la partie angulaire, qui constitue les deux dimensions spatiales restantes.
Passage en base finie
Les considérations établies précédemment reposent sur la base des états de l’OH qui est, dans l’absolu, infinie. Malheureusement, pour nos calculs, il est nécessaire de se limiter à une base finie. Le choix de la taille de la base ?0 est d’autant plus crucial qu’il contraint le système sur le nombre d’états possibles par le biais de l’inégalité suivante pour le cas axial
2?⊥ + |?| + ?? 6 ?0,
et pour le cas triaxial
?? + ?? + ?? ≤ ?0.
On remarque que les valeurs possibles pour les nombres quantiques ?⊥, ? et ?? ou ??, ?? et ?? est limité. Typiquement, on mène les calculs avec des tailles de base allant de 8 à 16, selon le nombre ? de nucléons du noyau et selon le degré de précision recherché (le calcul résultant d’une base de taille ? est sensé être de meilleure qualité que celui issu d’une base de taille ? − 2 puisque plus d’états sont accessibles, au prix d’un temps de calcul bien plus important).
Le choix de la taille de la base ne se fait pas au hasard. Il dépend tout d’abord du nombre de nucléons dans le noyau mais aussi du temps de calcul que l’on vise. Par exemple, pour un noyau relativement léger, comme l’22O, on peut se contenter d’une base de taille ?0 = 8 (9 couches majeures), qui donne de bons résultats et qui est assez rapide . En revanche, pour des noyaux plus gros, tels que des étains, au centre de deux ètudes de cette thèse, il a été nécessaire d’étudier le problème avant de lancer un calcul. C’est pour cette raison qu’avant d’exploiter le code, une étude de convergence selon la taille de la base a été menée.
|
Table des matières
Introduction
1 Description du noyau atomique
1.1 Problème à N corps
1.2 Seconde quantification
1.3 Interaction effective de Gogny
1.4 Description de l’état fondamental par des méthodes de champ moyen
1.4.1 Méthode Hartree-Fock (HF)
1.4.1.1 Hypothèses du modèle
1.4.1.2 Approche variationnelle
1.4.1.3 Calcul Hartree-Fock
1.4.2 Méthode Hartree-Fock-Bogoliubov (HFB)
1.4.2.1 Opérateurs de quasiparticules
1.4.2.2 Résolution de l’équation HFB
1.4.3 Oscillateur Harmonique (OH)
1.4.3.1 OH en coordonnées cylindriques
1.4.3.2 OH en coordonnées cartésiennes
1.4.3.3 Passage en base finie
1.4.4 Expression de HFB dans une base d’OH
1.4.5 Déformation, spin et parité
1.4.5.1 Déformation statique
1.4.5.2 Spin et parité
1.5 Excitations nucléaires
1.5.1 Description théorique des excitations nucléaires
1.5.1.1 Rotation du noyau
1.5.1.2 Déformation dynamique (vibration) du noyau
1.5.2 Quasiparticle Random Phase Approximation
1.5.2.1 Présentation de la QRPA
1.5.2.2 Dérivation des équations QRPA
1.5.2.3 Expression des produits ?⁺?⁺, ?⁺?, ??⁺ et ?? en fonction des phonons QRPA
1.5.2.4 Observables et grandeurs calculées
2 Utilisation du code QRPA à symétrie axiale Isaac
2.1 Schéma de calcul global
2.2 Étude de noyaux d’étain (? = 50)
2.3 Contribution à la conférence P(ND)2 : Perspective on Nuclear Data for the Next Decade
2.4 Paramètres de masse vibrationnels pour le 5DCH
2.4.1 Présentation du 5DCH
2.4.2 Comparaison des masses obtenues par HFB et QRPA
2.4.3 Impact de l’espace de valence sur les paramètres de masse
2.4.4 Impact du terme central de l’interaction sur les paramètres de masse
3 Nouvelles implémentations numériques
3.1 Opérateurs de transitions multipolaires
3.1.1 Calcul analytique des opérateurs
3.1.1.1 Action des opérateurs sur les états quantiques
3.1.1.2 Récurrence des opérateurs
3.1.2 Formulation matricielle
3.1.2.1 Expression des matrices associées
3.1.2.2 Écriture des nouveaux opérateurs
3.1.3 Validation des opérateurs
3.1.4 Études des fonctions de force ? pour le processus r
3.1.4.1 Étude des transitions électriques ?1
3.1.4.2 Étude des transitions magnétiques ?1
3.2 Modification a posteriori du champ : cas du terme coulombien
4 Code QRPA triaxial Taqos
4.1 Développement d’un code de calcul QRPA 3D
4.1.1 Formalisme triaxial
4.1.1.1 HFB en symétrie triaxiale
4.1.1.2 QRPA en symétrie triaxiale
4.1.2 Considérations sur l’évolution de la programmation
4.1.3 Préparation à l’écriture du code
4.1.3.1 Cahier des charges
4.1.3.2 Parallélisme (OpenMP+MPI) & vectorisation
4.1.4 Programmation du code
4.1.4.1 Récupération des données issues de HFB et création des paires
4.1.4.2 Calcul du champ central
4.1.4.3 Diagonalisation
4.1.4.4 Opérateurs de transitions en symétrie triaxiale
4.1.5 Validation à l’aide du code axial
4.1.6 Premiers résultats
Conclusion