Problématique et hypothèses
Le parc national Marojejy doit posséder des caractéristiques très particulières pour figurer dans la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. En effet, il constitue avec cinq autres aires protégées les « Forêts humides de l’Atsinanana » qui ont été inscrites sur la liste du Patrimoine mondial sur la base des critères ix et x. Ce parc contribue au maintien de processus écologiques en cours nécessaires à la survie de la diversité biologique de Madagascar et constitue un important refuge pour des espèces durant les périodes passées de changements climatiques et jouera un rôle essentiel pour l’adaptation et la survie des espèces à la lumière des futurs changements climatiques (critère ix). Le parc est également riche en biodiversité avec un fort taux d’endémicité (critère x). Malgré ses caractéristiques hors du commun, le parc n’arrive pas à attirer autant de touristes que le font certaines aires protégées. Ce parc est actuellement classé dans la liste du Patrimoine mondial en péril de l’UNESCO en raison des exploitations illicites de bois précieux à l’intérieur de celui-ci et du risque de dégradation de cette ressource. La perte de ressources de l’environnement est un problème économique parce que des valeurs importantes disparaissent, parfois irréversiblement, lorsque ces ressources sont dégradées ou perdues (FAO, 2003).
De plus MNP, étant un organisme ayant besoin de fonds pour son fonctionnement, dépend en majeure partie des bailleurs de fonds. Ce type de financement étant instable, cet organisme devrait chercher à maximiser ses recettes puisque ces dernières sont considérées comme une source de financement durable. D’ailleurs, selon plusieurs études (RAMBELOMA, 2001; Cabinet ADAPT, 2001…), la plupart des visiteurs étrangers seraient prêts à payer réellement d’avantage pour avoir accès aux aires protégées. Sur le plan théorique, la mauvaise gestion et l’utilisation inefficiente de ces ressources résultent du fait de l’absence ou du mauvais fonctionnement du marché des actifs naturels. Les conséquences sont l’inexistence de prix ou la formation d’un prix ne reflétant pas la valeur économique exacte de la ressource (BA, 2004). Et selon Thierry TACHEIX en 2005, un défaut de tarification constitue une cause importante de détérioration et de gaspillage des ressources. Ces faits justifient la nécessité d’entreprendre des études permettant de mieux valoriser les ressources du parc. Ainsi la question principale qui se pose est la suivante : Quels sont les facteurs qui font varier le nombre de visiteurs du parc et leur CAP ? Les hypothèses suivantes ont été formulées afin de répondre à la question de départ mentionnée ci-dessus.
Notion de valeur économique et de consentement à payer Un bien environnemental est susceptible de rendre de nombreux services qui vont tous contribuer à former sa valeur économique totale. En 1992, MUNASINGHE a proposé une décomposition de cette valeur, aujourd’hui reprise par la quasi-totalité des évaluateurs. Cette décomposition permet de relever cinq types de valeurs. L’écotourisme est une activité qui permet à ses pratiquants de profiter de l’environnement, notamment des services récréatifs que le milieu naturel procure. Etant donné que l’exploitation de ressources naturelles pour la consommation directe ne fait pas partie de l’écotourisme, une valeur d’usage indirecte est attribuée à celui-ci. Dans son ouvrage sur la détermination de la valeur économique de l’eau, YOUNG (2005) définit l’évaluation économique comme la tentative d’attribuer une mesure monétaire aux préférences des individus pour certains évènements ou alternatives. L’un des concepts fondamentaux est bien le concept de consentement à payer, c’est à dire la somme maximale qu’un individu est prêt à dépenser pour obtenir une unité d’un bien ou d’un service.
Les préférences des individus peuvent ainsi être révélées sur le marché en termes de consentement à payer qui est schématisé comme suit : CAP = Dépense (prix) + Surplus du consommateur La dépense correspond à l’argent réellement déboursé par l’agent économique pour acheté le bien ou le service environnemental. En ce qui concerne le surplus du consommateur, MARSHALL cité par BONNIEUX et DESAIGUES (1998) présente cette autre composante du consentement à payer comme suit : «le consommateur retire d’un achat un surplus de satisfaction. La somme supplémentaire qu’il aurait accepté de payer, au-delà du prix, plutôt que de renoncer à l’achat, mesure le surplus de satisfaction. On peut l’appeler le surplus du consommateur. » La valeur économique est donc différente du prix, et des biens n’ayant pas de prix de marché peuvent tout de même avoir une valeur économique (HANEMANN, 2006).
Description des visites des touristes
Les différentes caractéristiques décrites dans cette partie sont issues de questions ayant reçu des réponses de la totalité des individus de l’échantillon. Seuls les moyens d’information sur le parc et les améliorations souhaitées par les visiteurs n’ont reçu que des réponses partielles. Ces deux caractéristiques de visite ainsi que le motif de visite sont caractérisés par plusieurs réponses.
•Répartition des individus selon la durée de séjour Les visiteurs passent au maximum une durée de 6 jours dans le parc. Toutefois, il se peut aussi que ces derniers ne séjournent que pendant une durée de 1 jour. Mais en moyenne, la durée de séjour des visiteurs est de 3 jours. La plupart des visiteurs du parc ont une durée de séjour de 2, 3 et 5 jours avec des fréquences de 22,22% pour chacune des deux premières durées et de 25% pour la troisième. Les visiteurs qui séjournent dans le parc durant un jour et quatre jours sont moyennement nombreux, représentés respectivement par 16,67% et 8,33% des individus. Les visiteurs restant dans le parc durant six jours sont assez rares soient 5,56%.
•Répartition des individus selon le motif de visite : Le motif de visite, qui correspond à ce que le touriste recherche lors de sa visite, varie d’un individu à un autre. Il peut s’agir d’une raison très spécifique comme l’observation d’un animal particulier, ou d’un argument plus vaste comme le contact avec la nature. Une grande partie des touristes du PN Marojejy, soit 30,56% des individus viennent dans le parc pour voir la nature incluant la faune, la flore et les paysages. Des pourcentages considérables d’individus sont également intéressés par la nature mais précisent ce qui les attire réellement concernant cette nature. Il s’agit notamment du contact avec la forêt primaire et de la rencontre du lémurien soyeux, recherchés respectivement par 19,44% et 13,89% des visiteurs. Il existe également d’autres raisons qui amènent les touristes à visiter le parc. Il s’agit de la facilité d’accès du parc, de l’attraction par la côte de la vanille, des caractéristiques particulières du parc, des activités de randonnée, des suggestions d’autres personnes, de la volonté d’effectuer une visite de parc et du voyage à proximité du parc. Une très faible proportion d’individus visite le parc pour les études et le travail.
•Répartition des individus selon le moyen d’information sur le parc : Divers moyens d’information ont permis aux touristes de prendre connaissance de l’existence du parc ainsi que de ses spécificités. Les informations circulent notamment par des systèmes simples comme le bouche à oreille, par des multimédias et même par l’intermédiaire d’organismes professionnels oeuvrant dans le secteur touristique tels que les agences de voyage. La plupart des répondants connaissent le parc par l’intermédiaire des revues et des guides touristiques ainsi que via internet. Revues et guides constituent le moyen d’information de 41,67% des visiteurs du parc tandis que 38,89% des touristes connaissent le parc via internet. Le recours aux agences de voyage a permis à 22,22% des répondants de connaitre le parc. Seuls 8,33% et 5,56% des individus ont déclaré avoir connu le parc par respectivement des connaissances et une participation à des formations.
• Répartition des individus selon les améliorations souhaitées par le visiteur : Plusieurs idées sont avancées par les visiteurs afin de contribuer à l’amélioration des services offerts par le parc en dépit de certains touristes qui ne souhaitent voir aucune modification. Différents secteurs permettant la réalisation des activités écotouristiques sont ainsi concernés. Les informations sur le parc constituent le type d’amélioration le plus sollicité par les visiteurs du parc Marojejy avec un pourcentage de 36,11% des individus. Les améliorations que les visiteurs du parc mettent en deuxième position concernent l’équipement et infrastructure du parc pour 25% des individus. Des changements positifs en matière d’aménagement dans le parc sont souhaités par 19,44% des individus. La mise en place d’une infirmerie ainsi que la création de nouvelles activités sont chacune souhaitées par 2,78% des répondants. Toutefois, il existe un pourcentage d’individus, soit 8,33%, déclarant ne pas vouloir voir de changement dans le parc.
Analyse des CAP
Selon la satisfaction générale Le niveau de satisfaction des visiteurs constitue un paramètre déterminant dans le choix du montant à payer comme DEAP. Une variabilité est présente pour la classe « Moyennement satisfait ». Les autres classes, étant donné qu’elles présentent des coefficients de variation inférieurs au seuil de 30%, sont homogènes (Cf. Figure 21). Ces dernières influencent donc le CAP tandis que la première ne présente aucune influence. Les individus très satisfaits de leurs séjours sont ceux qui ont un CAP moyen le plus élevé. Ils sont suivis des visiteurs non satisfaits. Les premiers ont des CAP un peu plus répartis autour de la moyenne que les seconds. Ceux qui sont moyennement satisfaits ont un CAP moyen assez faible mais un grand écart type. La moyenne des CAP de ces individus ne reflète donc pas leurs CAP (Cf. Figure 22). Le coefficient de variation interclasse est de 32,98%. Cette valeur étant supérieure à la valeur seuil, indique qu’il existe une hétérogénéité interclasse.
Les CAP pour les différentes modalités présentent donc une différence significative, ce qui permet de dire que la variable « Satisfaction générale » influence partiellement le CAP. Ceci est renforcé par la présence d’une homogénéité intra-classe pour certaines modalités de cette variable. Les individus non satisfaits ont des CAP répartis d’une manière plus ou moins égale entre les CAP [15000Ar-20000Ar [et [20000Ar-25000Ar [avec un pourcentage un peu plus élevé pour le second (60%). Ceux qui sont moyennement satisfaits ont des CAP répartis dans toutes les classes avec des pourcentages d’individus élevés dans les classes [1000Ar-5000Ar [(31%), [5000Ar-10000Ar [(25%) et [15000Ar-20000Ar [(19%). Les autres classes sont caractérisées par des proportions assez faibles (6%). Pour la classe « Très satisfait », les CAP sont en général compris entre 20.000Ar et 40.000Ar dont une grande partie (53%) est de [20000Ar-25000Ar [. Seule une faible proportion d’individus (7%) a choisi un CAP de [5000Ar-10000Ar [.
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Table des matières
1. Introduction
2. Méthodologie
2.1. Problématique et hypothèses
2.2. Méthode de collecte des informations
2.2.1. Choix de la méthode appropriée
2.2.2. Méthode d’évaluation contingente
2.2.3. Collecte de données
2.3. Traitement des données
2.3.1. Méthode de vérification des hypothèses 1 et 3
2.3.2. Méthode de vérification de l’hypothèse 2
2.4. Cadre opératoire de recherche
3. Résultats
3.1. Ecotourisme au niveau du parc
3.1.1. DEAP appliqués au niveau du Parc National Marojejy
3.1.2. Circuits
3.1.3. Infrastructures et aménagement dans le parc
3.1.4. Evolution du nombre de visiteurs
3.1.5. Partenaires du parc dans la réalisation de ses activités d’écotourisme
3.1.6. Bénéfices de la population locale
3.2. Description des visites des touristes
3.3. Description des visiteurs selon leurs caractéristiques socio-économiques
3.4. Analyse des réponses du CAP
3.4.1. Description des CAP des visiteurs
3.4.2. Relation entre les caractéristiques des visites et les CAP
3.4.3. Relation entre les paramètres socio-économiques des visiteurs et leurs CAP
3.5. DEAP et nombre de visiteurs
3.5.1. Evolution du nombre de visiteurs en fonction du montant de DEAP
3.5.2. DEAP optimal
4. Discussions et recommandations
4.1. Limites et contraintes de l’étude
4.1.1. Elaboration du questionnaire
4.1.2. Taille de l’échantillon
4.1.3. Valeur du CAP
4.1.4. Biais liés à la méthode de collecte de données
4.2. Discussions sur les résultats
4.2.1. Influence de la nationalité des visiteurs sur leurs CAP
4.2.2. Influence de l’âge des visiteurs sur leurs CAP
4.2.3. Influence des autres facteurs socio-économiques sur le CAP
4.2.4. Influence de la durée de séjour des visiteurs sur leurs CAP
4.2.5. Influence de la satisfaction générale des visiteurs sur leurs CAP
4.2.6. Influence des autres caractéristiques des visites sur le CAP
4.2.7. Nombre de visiteurs et augmentation du DEAP
4.3. Etat de vérification des hypothèses
4.4. Recommandations
4.4.1. Recommandations pour les études ultérieures
4.4.2. Recommandations sur la différence de DEAP selon la nationalité
4.4.3. Recommandations sur la différence de DEAP selon la durée de séjour
4.4.4. Recommandations sur l’augmentation du DEAP
4.4.5. Recommandations sur la promotion du parc
4.4.6. Recommandations sur les améliorations à entreprendre au niveau du parc
4.4.7. Plan d’action
5. Conclusion
Bibliographie
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