Description de la structure neurophysiologique du doigt

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La préhension et la reconnaissance de textures

Ces deux dernières décennies, pour résoudre des problèmes toujours plus complexes, tels que la manipulation ou la reconnaissance tactile d’objet, la robotique a cherché à comprendre la complexité du corps humain pour en imiter les multiples fonctionnalités. L’utilisation d’un verre, la préhension d’une paille, l’écriture d’un message sur un téléphone portable, sont des exemples de situations de la vie quotidienne faisant appel à un positionnement précis des doigts, à l’ajustement de la force de contact, à une détection du glissement et à la reconnaissance de texture, et ce pour faciliter la préhension, la rendre peu couteuse en énergie et stable par-dessus tout.
Lors de la préhension et de la manipulation d’un objet, principalement deux caractéristiques de l’objet sont à prendre en compte : la forme et la texture. L’étude de la forme permet de choisir les points de contact qui permettront un maintien stable de l’objet. La prise en compte de la texture permettra de minimiser les forces mises en jeu au niveau des points de contact. Par exemple, la manipulation d’un verre est une tâche que nous réalisons quotidiennement et qui pourtant s’avère d’une extrême complexité. La position des doigts ne sera pas la même s’il est ballon, droit ou en flute. La force de pression exercée sera adaptée pour ne pas le laisser glisser, ni au contraire l’écraser, et cela suivant qu’il soit constitué de verre ou de plastique souple. Position et forces de pression seront aussi adaptées suivant qu’il soit vide, en cours de remplissage, plein, ou même suivant la température du contenant et du contenu. Le développement d’un robot manipulateur demande donc l’intégration de capteurs capables de reconnaître la forme et la texture des objets à manipuler, de contrôler la position des membres dans l’espace, de contrôler les forces de contact, de mesurer la température. La vision parait être le sens le plus sollicité pour juger de façon grossière la configuration optimale de la main pour une préhension d’objet. Les ajustements plus fins de la préhension font appel au sens haptique défini par l’association de la proprioception (perception les forces de façon grossière au niveau musculaire et articulaire ainsi que la position relative des membres du corps), du sens tactile (perception fine des forces et des textures) et le sens thermique (perception du chaud et du froid). La reconnaissance tactile joue donc un rôle primordial dans les applications liées à la préhension d’objets.

Chirurgie mini-invasive

Dans le domaine médical, les études portant sur le toucher artificiel pourraient aboutir sur des systèmes utiles pour le patient, au travers des prothèses (main, bras, jambe), mais aussi pour le praticien au travers de l’instrumentation médicale. En effet, le médecin fait très souvent intervenir la finesse de son sens tactile, que ce soit pour la palpation ou l’opération. Avec l’automatisation des instruments médicaux, souvent pour essayer de réduire les risques liés à l’erreur humaine, le praticien se retrouve derrière une interface haptico-visuelle perdant ainsi les informations tactiles. Un exemple flagrant est la chirurgie mini-invasive (téléchirurgie), une technique d’opération de plus en plus utilisée par les chirurgiens. Avec cette technique, le chirurgien opère à distance grâce à une interface haptique qui contrôle un robot. Il gagne alors en précision car les outils chirurgicaux peuvent être plus petits, les mouvements plus fins et plus fluides grâce à une assistance motorisée. La chirurgie mini-invasive permet donc de diminuer les traces d’une opération, les complications et les douleurs post-opératoires. Mais un grand inconvénient de ces technologies, pour les chirurgiens, est la perte du sens du toucher lors de ces manipulations [Eltaib03], notamment pour palper les différents tissus en présence. Le développement d’un capteur et d’une interface tactile pour permettre au chirurgien de percevoir les tissus est un sujet actuellement à l’étude.

L’élaboration de textures de manière contrôlée

L’élaboration de textures de manière contrôlée est un domaine qui concerne beaucoup d’industriels, particulièrement dans la production d’objets de consommation grand public (cosmétique, automobile, textile…). Les industriels sont très concernés par le problème du toucher pour plusieurs raisons. L’acte d’achat commence par le visuel et se poursuit intuitivement par le toucher lors de la prise en main [Sensotact]. Il serait donc intéressant de maîtriser objectivement la sensation de toucher au niveau:
– du développement pour mettre au point une texture qui plaise,
– de la validation afin de juger de la conformité du produit par rapport à une référence,
– de la communication pour venter le produit en des termes à la fois reconnus comme objectifs et perceptibles par tous [Crochemore04].
Dans l’industrie papetière et textile la qualité du produit est souvent jugée au toucher. Il est donc nécessaire de contrôler cette qualité tout au long du processus de fabrication. Ce travail est fait par des toucheurs professionnels, qui ont la lourde tâche de percevoir au toucher les dérives de qualité du produit, par exemple suite à d’un dérèglement de l’outil de production. Un outil de perception tactile objectif permettrait de les assister dans leur travail.
Dans le domaine de la cosmétique, la problématique est par exemple plutôt de juger objectivement de l’efficacité d’une crème pour la peau. A l’heure actuelle, la douceur de la peau, avant et après l’application d’une telle crème, est le plus souvent mesurée par des panels d’experts ou de clients volontaires. Un doigt artificiel permettant de mesurer la douceur de la peau permettrait de communiquer plus objectivement, entre producteurs d’agents adoucissant et firmes cosmétiques, mais aussi auprès des consommateurs.
Cette problématique peut être élargie aux textures de produits culinaires perçues par les capteurs présents dans la bouche (langue, palet, gencives). L’onctuosité d’un yaourt ou d’une soupe, le fondant d’un fromage ou d’une glace sont autant de termes auxquels l’industrie agroalimentaire fait référence sans en avoir de mesure objective [Weenen06].
Enfin, à l’heure du tout internet, une autre application en vue quelque peu futuriste est la vente de produits par internet que l’on pourrait voir, mais aussi manipuler à distance [Haptex07]. La mise en place d’un système nécessite le développement d’outils de mesure des textures parallèlement à la conception d’une interface tactile capable de retransmettre la perception tactile de façon fidèle.

Projet MONAT (mesure de la naturalité)

Cette thèse s’est en partie déroulée dans le cadre du projet européen MONAT (2006-2009), Measurement Of NATuralness, lancé par le réseau européen MINET, Measuring the Impossible NETwork, dirigé par une équipe du National Physical Laboratory (NPL, U.K.). Ce projet trouve son origine dans l’observation que la naturalité perçue du matériau est considéré par le consommateur comme un gage de qualité, de solidité, de durée de vie, et ce particulièrement pour des objets historiquement fait de matériaux naturels (bois, marbre, etc.), trouvés actuellement sous forme synthétique (exemple : parquet, sol en pierre synthétique etc.).
L’objectif du projet était de mettre en relation les mesures psychophysiques de la naturalité avec des mesures optiques et mécaniques faites sur des échantillons de surfaces. Ce projet comprenait notamment le développement d’outils de caractérisation de textures permettant de remonter au degré de naturalité perçue et plus largement aux différentes perceptions (tactiles, visuelles) des surfaces étudiées. Au cours de ce projet trois types d’échantillons ont été étudiés : le tissu, le bois et le marbre. Des études psychophysiques ont permis d’établir le degré de naturalité perçue pour chacun des échantillons. Des instruments de caractérisation optique et mécanique des textures ont permis d’extraire des surfaces des caractéristiques physiques liées à leur degré de naturalité perçu. Enfin, l’objectif du CEA/LETI dans ce projet, consistait à développer un capteur tactile biomimétique capable de percevoir la naturalité, en collaboration avec le Laboratoire de Physique Statistique (LPS) de l’École Normale Supérieure (ENS).

Conclusion

Comme en atteste la première partie de ce chapitre, un capteur de toucher artificiel trouverait sa place dans de nombreuses applications où intervient la perception tactile. La compréhension du toucher, comme la compréhension de la perception sensorielle en général, met en jeu plusieurs domaines de recherche. Il faut d’une part comprendre la psychologie de la perception (quels mots correspondent à quelles sensations ?). D’autre part il faut s’intéresser au fonctionnement neurophysiologique du toucher (quels sont les phénomènes détectés?, par quels capteurs ? Comment est codée l’information ?). Enfin, le toucher implique un ensemble de phénomènes liés à la physique du contact et de la friction. Les trois parties suivantes font un état de l’art de la perception sensorielle, de la neurophysiologie et de la physique du contact et de la friction. Les deux dernières parties de ce chapitre font le bilan des capteurs tactiles déjà développés avec une approche fonctionnelle ou biomimétique.

Problématique de la perception tactile

La compréhension de la perception est un problème complexe qui commence dès la définition du vocabulaire à utiliser. Il est souvent difficile de définir avec précision ses sensations, particulièrement pour le toucher, qui contrairement à la vision n’est pas un sens souvent utilisé pour décrire notre environnement. Les recherches visant à définir un vocabulaire sensoriel unique pour une population relèvent de la psycho-physique, une branche de la psychologie expérimentale qui s’attache à trouver les relations entre un stimulus physique et la perception que l’on en a. [Slangen04] définit les propriétés psychosensorielles d’un matériau comme la traduction en terme de perception humaine d’un ensemble de propriétés physiques, physico-chimiques ou mécaniques du matériau.

Analyse sensorielle

L’étude psychologique des perceptions sensorielles relatives à la vision, l’odorat, l’audition, le goût ou le toucher, ressenties par un sujet lors de l’utilisation d’un produit, a donné naissance à une nouvelle discipline, l’analyse sensorielle. « L’analyse sensorielle est un ensemble de méthodes permettant de mesurer les perceptions sensorielles […]. Le principal problème de la perception est que les sens ne se limitent pas à une réaction physiologique à un stimulus, mais prennent en compte l’expérience de la personne, son vécu, son état d’esprit (humeur), son environnement (ambiance), etc. L’analyse sensorielle s’attache à avoir un point de vue objectif sur le ressenti »1. Cela passe par la réalisation d’expériences psychophysiques afin de déterminer un vocabulaire commun à tous qui permette d’exprimer de manière quantifiée les sensations perçues.

Descripteurs tactiles

Plusieurs études psychologiques ont essayé de déterminer les mots descripteurs du sens du toucher et en particulier des sensations relatives aux textures. Ces descripteurs sont fortement liés au langage, et à la culture des sujets interrogés. Cela pose donc le problème de la transcription des termes retenus à une langue étrangère à celle dans laquelle a été menée l’étude (voir partie 1.5.2). Cependant, pour une population telle que celle d’un pays, le nombre de termes descripteurs employés reste restreint. La question a été posée par Picard [Picard03] [Picard05] à un groupe de sujets Français, pour une application textile. Les adjectifs souvent utilisés pour caractériser un tissu sont: rugueux/lisse, côtelé/bosselé, doux/rêche, dur/moelleux, souple/rigide, épais/fin, chaud/froid, lourd/léger.
Le plus souvent, ces descripteurs tactiles correspondent à un mélange de perceptions. Plusieurs études ont donc été menées pour déterminer les principales dimensions perceptuelles indépendantes ainsi que les descripteurs assimilables à ces dimensions.
Dans l’ensemble des études, il ressort que beaucoup d’adjectifs sont souvent spécifiques à une matière [Whitaker08], et il est difficile de trouver des caractères communs à toutes les matières. L’étude menée par Picard [Picard03] sur 24 tissus détermine, par une méthode de Multi-Dimensional scaling (MDS), 4 dimensions représentant l’ensemble des descripteurs du tissu donnés plus haut. Les descripteurs rêche/doux, épais/fin correspondraient plus particulièrement aux deux premières dimensions, les deux autres dimensions se présentant comme un « mélange » des descripteurs restants. Dans cette étude, le « rugueux », pourtant communément compréhensible, n’apparaît pas comme une dimension perceptuelle particulièrement représentative pour le tissu. Plus tôt, Yoshida et al. [Yoshida68] avaient extrait 2 axes perceptuels, le métallique et le fibreux, par une analyse avec la méthode MDS sur 25 matériaux différents (verre, bois, tissu…). Lors d’une étude sur la discrimination du papier, Summers et al. [Summers05] montrent par MDS que l’appréciation tactile du papier peut se représenter dans un espace à 2 dimensions. Ces 2 dimensions paraissent correspondre respectivement aux dimensions perceptuelles que sont la rugosité et la raideur (subjectives). Sur le papier ou plutôt sur le mouchoir en papier, Hoffmann [Hoffmann] représente la douceur selon 3 dimensions essentielles : le lisse, la flexibilité et la raideur (traduit de l’anglais). Cette étude élabore alors un modèle non-linéaire de la douceur à partir de la mesure physique de ces trois dimensions par un appareil spécialisé (KES-F, voir 1.5.2).

Expériences psychophysiques

Détermination de la valeur d’un descripteur

Plusieurs méthodes sont référencées dans la littérature psychophysique pour évaluer un descripteur [Gescheider97] auprès d’un panel de sujets. Dans le cadre du projet MONAT, 4 méthodes ont été utilisées pour estimer le degré de naturalité perçu pour chacun des échantillons:
• Labelled scaling: le sujet doit classer les échantillons selon un des 7 degrés d’une échelle allant du non naturel au complètement naturel. Ces degrés sont exprimés par des étiquettes (1=non naturel, 2=très peu naturel,…, 6=extrêmement naturel, 7=complètement naturel). L’utilisation d’étiquettes non numériques limite la tendance du sujet à égaliser le nombre d’échantillons dans les différentes classes.
• Magnitude estimation: le sujet est libre de choisir son échelle numérique de la naturalité qu’il perçoit. Chaque participant fixe une valeur numérique arbitraire au premier stimulus, puis note les stimuli suivants en fonction de la première valeur. L’échelle est ensuite normalisée pour rendre les résultats de chaque participant comparables à ceux des autres.
• Ranked ordering: le sujet ordonne les échantillons suivant le degré de naturalité perçue. Les échantillons sont alors numérotés suivant l’ordre obtenu (1, 2, 3, …). Le degré de naturalité de chaque échantillon est estimé en moyennant la numérotation effectuée par l’ensemble des participants.
• Binary decision task: le sujet classe les échantillons selon les deux classes « naturel » (1) ou « non naturel » (0). Le degré de naturalité perçu pour un échantillon est alors donné par la moyenne des décisions de tous les participants pour cet échantillon.
La simple utilisation d’une seule de ces méthodes est considérée comme acceptable, pour évaluer un descripteur évoquant une sensation concrète, tel que la rugosité ou le collant. Dans le cas d’un descripteur abstrait, tel que la naturalité, une manière de valider les résultats des expériences est de montrer leur consistance au travers des résultats obtenus par différentes méthodes [Gescheider97]. Si les résultats des différentes méthodes sont corrélés, ils sont alors considérés comme valides et le descripteur est considéré comme existant. Au cours du projet MONAT, les résultats issus des 4 méthodes d’estimation du degré de naturalité sont fusionnés via un algorithme de fusion de données [Bialek09]. Le résultat montre une consistance suffisante des données pour considérer le descripteur « degré de naturalité » comme pertinent [Overvliet08].

Précautions

Les résultats de ces expériences sont susceptibles d’être influencés par la manière dont elles sont menées. Différentes précautions sont nécessaires lors de leur réalisation. Ces précautions ont pour but, par exemple, de réduire l’influence des autres perceptions (correspondant à d’autres descripteurs), mais aussi l’influence d’autres sens que le sens étudié.
La perception des textures de surface fait principalement appel à trois modalités : le toucher, la vue et l’audition, qui interagissent. Si l’on souhaite s’intéresser à l’une des trois, par exemple le toucher, les autres doivent être masquées. Pour la reconnaissance tactile de textures les expériences psychophysiques doivent être réalisées en aveugle, soit en disposant l’échantillon de telle manière qu’il ne soit pas visible, soit en masquant les yeux du sujet. L’audition est masquée en plaçant un casque sur les oreilles du sujet et en diffusant du bruit blanc.
On note que la formulation de la question à laquelle devra répondre le sujet au cours de l’expérience, ainsi que les informations annexes sur le but de l’expérience, la définition donnée de la naturalité etc., peuvent aussi orienter la réponse. Ainsi, dans le cadre des expériences du projet MONAT, il a été choisi de ne pas donner la définition aux participants et de ne pas employer le mot artificiel ou tout autre terme pour désigner une texture « non-naturelle ».
Enfin, il existe de nombreuses façons de manipuler l’échantillon pour en percevoir les propriétés tactiles. S. Lederman [Lederman91] a recensé huit démarches exploratoires systématiques, lors de la découverte tactile et en aveugle, par la main, d’un objet ou d’une surface rigide, les liquides ou les crèmes étant susceptibles de présenter des caractéristiques particulières supplémentaires. À chaque geste correspond une propriété perçue. Par exemple en prenant l’échantillon entièrement en main, on juge mieux de sa forme. Pour le projet MONAT, la procédure d’exploration tactile des échantillons consistait à frotter l’index sur la surface à analyser selon une direction donnée, sans autoriser la manipulation de l’échantillon.

Un référentiel tactile : le Sensotact®

Les différentes démarches d’analyse sensorielle décrites précédemment peuvent être appliquées afin de définir un référentiel tactile, c’est-à-dire l’ensemble des descripteurs formant un espace de description complet de la perception tactile pour une certaine catégorie d’échantillons. On peut alors former une base d’échantillons représentative de cet espace, pour permettre aux testeurs de s’entrainer à donner une valeur à un descripteur, en ayant tous la même définition et la même échelle pour le descripteur.
Le Sensotact est un de ces référentiels, utilisé pour décrire les matériaux de l’habitacle d’une voiture (plastique pour tableau de bord, tissu d’habillage de l’habitacle…). Ce référentiel a été développé par Renault, d’une part pour avoir une référence commune entre les experts du toucher amenés à contrôler la qualité sensorielle de ces matériaux, et d’autre part pour identifier et quantifier de manière objective et reproductible les sensations perçues par les consommateurs. L’étude menée par Renault sur le sujet leur a permis de sélectionner 10 descripteurs tactiles comme étant les plus pertinents, précis, discriminants, exhaustifs et indépendants [Sensotact].
A chacun de ces descripteurs est associée une méthode exploratoire précise à exécuter avec un ou plusieurs doigts voire avec la main. Dans ce référentiel on distingue 3 classes de méthodes exploratoires : l’exploration dynamique orthogonale à la surface de contact pour juger par exemple de la dureté du matériau, l’exploration dynamique tangentielle pour juger par exemple du râpeux de la texture et l’exploration statique pour juger de l’effet thermique ressenti. La Figure 1.1 présente les 10 descripteurs ainsi que leur association à une catégorie de méthode exploratoire. Chaque descripteur est quantifié sur une échelle de 0 à 100. Pour expliciter ces descripteurs, des échantillons de référence couvrant l’échelle de chaque descripteur ont été associés (8 échantillons/descripteur). Le référentiel tactile Sensotact est, à notre connaissance, le seul actuellement commercialisé en France.

Relation entre le toucher et la vision

La perception globale provient souvent de l’intégration des perceptions provenant des différents sens. Dans le cadre de la perception des textures d’une surface, trois sens s’influencent mutuellement : le toucher, la vision et l’audition. L’influence de l’audition sur la perception des textures étant beaucoup moins marquée que le toucher et la vision, nous traiterons ici essentiellement du rapport entre le toucher et la vision.
En effet, l’analyse d’une texture de surface commence souvent par une observation visuelle, avant d’y ajouter une observation tactile. Des études sont actuellement menées pour essayer d’établir le lien entre le toucher et la vision [Whitaker08]. Ces études cherchent à comprendre, par imagerie cérébrale, si le toucher peut avoir une représentation dans le même espace perceptif que la vision, et si le cerveau fait appel à des zones communes lors de l’analyse cognitive des images visuelles et tactiles. Etant donné que par le passé, un grand nombre d’algorithmes d’analyse et de reconnaissance de textures ont été développés dans le domaine de la vision, certains d’entre eux pourrait avantageusement être utilisés dans le domaine du toucher.
Les premiers résultats, récemment publiés [Whitaker08], sur le rapport toucher/vision semblent montrer que le toucher et la vision n’utiliseraient pas de fonctions communes dans le cerveau. Par exemple, la mémoire du toucher serait beaucoup plus courte que celle de la vision. Aucune collaboration entre ces deux sens n’a encore été formellement montrée. Forment-ils une image commune des textures, chaque sens apportant une information complémentaire ? La question reste posée. Ces études montrent aussi que le toucher est prépondérant sur la vision pour la détection et la reconnaissance des textures fines. La littérature sur le sujet étant encore récente, ces conclusions sont à prendre avec précaution.
Au niveau des récepteurs neurologiques, le traitement de l’information tactile de texture, abordé dans la partie suivante, présente pourtant des similitudes avec le traitement des informations visuelles. La littérature sur la technologie tactile va aussi dans ce sens, avec l’invention du mot taxel, en référence aux pixels de l’image numérique, pour désigner l’unité d’une matrice tactile. Ainsi, l’adaptation d’algorithmes d’analyse de textures d’images à la reconnaissance tactile est une thématique que nous aurions souhaitée pouvoir traiter avec plus de temps, et qui parait très intéressante à développer dans le cadre d’un travail ultérieur sur le système de toucher réalisé.

Description de la structure neurophysiologique du doigt

La dextérité à l’origine de toute manipulation d’objet, la capacité de reconnaissance de forme et de texture d’un objet sont le résultat d’une formidable intégration des informations sensori-motrices fournies par l’ensemble du système nerveux relatif à l’haptique (sens proprioceptif, tactile et thermique). Pour notre application, la reconnaissance de textures de surface, nous nous sommes intéressés au fonctionnement neurophysiologique du sens tactile. Cela passe par une description générale de la structure du doigt, puis par le fonctionnement de la perception des formes et des textures. Il s’agit alors d’expliquer la position et le codage associés aux phénomènes physiques auxquels sont sensibles les mécanorécepteurs (récepteurs du sens du toucher).

Phénomène de stick-slip

Pour certains types de matériaux et dans certaines conditions de vitesse et de force normale, le glissement peut s’avérer non-stationnaire. Le phénomène dit « stick-slip » (adhésion-glissement) est un glissement saccadé non-stationnaire qui apparaît notamment en présence de matériaux viscoélastiques. Ce phénomène est par exemple à l’origine du crissement produit par le frottement du doigt (viscoélastique) sur une vitre (verre lisse). Le glissement stick-slip a été observé lors de l’exploration tactile de texture [Smith02], et étudié au niveau des empreintes digitales [Yamada02]. Nous avons aussi observé ce phénomène lors de certaines expériences. Voici donc une description du glissement de stick-slip et l’évolution du phénomène en fonction de la vitesse, la température et de la force normale appliquée lors du glissement.

Explication du phénomène

Le stick-slip est un phénomène d’oscillation entre adhésion et glissement qui s’observe lorsque µs>µk et lorsque la force tangentielle diminue avec l’augmentation de la vitesse [Savkoor01]. Un exemple du phénomène de stick-slip que chacun a déjà pu observer est celui de la craie qui crisse sur le tableau. Le glissement stick-slip peut se décomposer en 2 phases:
1. L’adhésion, pendant laquelle la force tangentielle augmente jusqu’à atteindre la force nécessaire pour débuter le glissement, FT =µs·FN. Il y a alors décrochage.
2. Le glissement, pendant lequel la force tangentielle diminue brusquement avec le passage de µs à µk et l’augmentation brusque de la vitesse du corps en glissement, jusqu’à l’arrêt du glissement. Avant l’arrêt du glissement on a FT>µk· FN.
Ce phénomène peut se modéliser par une masse M qu’on tire via un ressort de raideur ks à une vitesse constante vs (voir Figure 1.7). La masse reste immobile tant que la force de traction est inférieure au coefficient de friction statique. Lorsque la force de traction est suffisante la masse se met en mouvement. La force de frottement diminue avec la diminution brusque du coefficient de friction. La résultante des forces tangentielles est dans le sens du mouvement : la masse accélère jusqu’à une vitesse supérieure à la vitesse de traction. Lorsque le ressort n’exerce plus assez de force tangentielle pour le coefficient de friction dynamique, la masse s’arrête. On se retrouve donc au point de départ.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 État de l’Art
1.1 Applications du toucher artificiel
1.1.1 Robotique
1.1.2 La préhension et la reconnaissance de textures
1.1.3 Chirurgie mini-invasive
1.1.4 L’élaboration de textures de manière contrôlée
1.1.5 Projet MONAT (mesure de la naturalité)
1.1.6 Conclusion
1.2 Problématique de la perception tactile
1.2.1 Analyse sensorielle
1.2.2 Un référentiel tactile : le Sensotact®
1.2.3 Relation entre le toucher et la vision
1.3 Description de la structure neurophysiologique du doigt
1.3.1 Structure de la peau
1.3.2 Rôle des mécanorécepteurs
1.4 Physique de la friction
1.4.1 Historique de la Friction
1.4.2 Friction des polymères
1.4.3 Phénomène de stick-slip
1.5 Métrologie du toucher
1.5.1 Evaluation de paramètres physiques
1.5.2 Systèmes adaptés à la caractérisation tactile de texture
1.6 Doigts artificiels existants
1.7 Conclusion
Chapitre 2 Dispositif de toucher artificiel
2.1 Le capteur d’effort tri-axes du LETI
2.1.1 Principe de fonctionnement
2.1.2 Fabrication du capteur
2.1.3 Dimensions et caractéristiques du capteur clou
2.1.4 Conditionnement du capteur clou
2.1.5 Défaut technologique du capteur clou
2.1.6 Capteurs tri-axes concurrents
2.2 Doigt artificiel
2.2.1 Partie préhensible (2 types)
2.2.2 Réalisation des enrobages
2.2.3 Choix de l’enrobage
2.2.4 Remplacement de l’enrobage
2.2.5 Conclusion
2.3 Dispositifs d’exploration
2.3.1 Table traçante pour papiers et tissus
2.3.2 Dispositif de précision
2.3.3 Chaîne d’acquisition et de commande
2.3.4 Conclusion
2.4 Caractérisation du doigt artificiel
2.4.1 Mise en contact
2.4.2 Caractérisation statique en force normale
2.4.3 Caractéristiques en friction
2.4.4 Paramètres non-contrôlés nuisibles à la reproductibilité des mesures
2.5 Conclusion
Chapitre 3 Discrimination de textures
3.1 Des textures grossières aux textures fines
3.1.1 Armure de tissu
3.1.2 Papier vs tissu
3.1.3 Image de texture
3.1.4 Stick-Slip
3.1.5 Conclusion
3.2 Reconnaissance de textures de papiers
3.2.1 Echantillons et expériences
3.2.2 Analyse des signaux et extraction de paramètres
3.2.3 Algorithmes de classification
3.2.4 Résultats de l’expérience 1
3.2.5 Contributions de l’expérience 1 au choix du protocole de l’expérience 2 : usure et longueur d’exploration
3.2.6 Résultats de l’expérience 2
3.2.7 Résultats de l’expérience 3
3.2.8 Discussion des résultats
Conclusion générale
Perspectives
Annexe A Caractérisation des capteurs clou
Annexe B Réseaux de capteurs clou: barrettes et matrices
Annexe C Caractérisation du doigt artificiel: force tangentielle à la mise en contact
Annexe D Reconnaissance de textures de papiers : Analyse des matrices de confusion
D.1 Experience 1
D.2 Expérience 2
D.3 Expérience 3
D.4 Usure des échantillons
D.5 Usure de l’enrobage
D.6 Conclusion
Bibliographie

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