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…au regard de sa justification institutionnelle et de mon questionnement personnel : les hypothèses qui fondent mon choix.
(…) Mais, ce qui se joue principalement à l’école, à côté de l’apprentissage des techniques, c’est la construction du rapport au savoir qui permet aux élèves de donner du sens, donc une valeur, à leurs activités, mais aussi à l’objet même d’apprentissage. Dans ce processus, les aspects symboliques de l’environnement scolaire ne sont pas à négliger.6 Ainsi, d’après cet extrait des instructions officielles liées aux nouveaux programmes 2015 de la maternelle, il ne peut seulement s’agir de placer les élèves en atelier avec une tâche précise pour créer des savoirs. D’autres éléments rentreraient donc en échos pour alimenter ce processus.
Lorsque je pensais à l’organisation d’une classe de maternelle, une des caractéristiques qui revenait régulièrement dans les pratiques enseignantes est la constitution de groupes (homogènes ou hétérogènes) qui tournent sur des ateliers sur une échelle de temps qui se limite en général à la semaine. Chaque groupe d’élèves est ainsi censé passer par tous les ateliers proposés au fil des jours. Ces groupes peuvent, selon les situations, être fixes ou plus ou moins immuables selon les pratiques de classe. C’est à partir de cet élément que ma réflexion a commencé à se mettre en place. Pourquoi les élèves devraient être inscrits dans des groupes et se laisser guider par la volonté de l’enseignant ? Est-ce une question de facilité organisationnelle pour l’enseignant (suivi des élèves et différenciation, climat de classe) ? Est-ce réellement un bienfait pour l’élève ?
En effet, je suis amené à penser que l’élève est dans une situation passive, certes rassurante car il se place au sein d’un groupe, d’un cadre défini (le déroulement structuré de la journée), d’habitudes (les rituels par exemple) qui lui apportent une sécurité et des repères stables dans sa construction en lui permettant d’être rassuré, apaisé et donc de pouvoir construire des apprentissages au sein de ce cadre fonctionnel. Seulement, l’élève s’investit-il dans les apprentissages qu’il construit ? Est-il véritablement un acteur dans ce processus que l’enseignant pilote ?
Ce spectre de questionnements a construit ce dispositif et les réponses ne pourront apparaître qu’au terme de l’expérience et d’une analyse réflexive. Ces points de vue pédagogiques, didactiques et dans un certain sens philosophiques se sont nourris d’éclairages institutionnels sur les enjeux de l’école maternelle et du rôle de l’enseignant.
Les documents ressources pour la maternelle publiés en 2015 au regard des nouveaux programmes de ce cycle m’ont apporté une légitimité dans la mise en place de ce dispositif. L’enseignant doit aider progressivement les élèves à se projeter eux-mêmes dans quelque chose qu’ils pourraient contribuer à penser et construire. Cette possibilité d’anticiper est un témoignage important du développement de leur appropriation de la situation et de leurs possibilités de compréhension. Ainsi, « S’approprier » quelque chose c’est d’une certaine façon le rendre « propre à soi-même », « se le faire propre ». « Se projeter », c’est littéralement « se jeter soi-même en avant ». Cette dimension fait partie des enjeux de l’école maternelle.7
En confrontant ces réflexions, j’ai pu construire l’hypothèse suivante pour structurer ce choix de dispositif. L’élève, en étant acteur dans ce processus, en se questionnant sur le choix de son atelier s’y projette (par la compréhension de celui-ci : en tout cas, une anticipation, une amorce de compréhension), favorisant un meilleur investissement, engagement de sa part et donc un moteur pour les apprentissages, pour progresser.
Un autre élément est à prendre en compte également dans la structuration de ce dispositif. La présence d’une feuille avec le descriptif écrit de l’objectif d’apprentissage de l’atelier8 fait en sorte que l’élève ne peut choisir seul son atelier. En effet, la présence de l’adulte est essentielle et impérative dans le processus d’inscription. Cependant l’enseignant tout comme l’ATSEM ne peuvent prendre en totalité cette charge du fait du nombre d’élèves au sein de la classe et de notre présence pour l’accueil des familles et des élèves. L’étayage de l’adulte durant ce moment, j’ai fait le choix de le confier aux parents ou éducateurs qui arrivent avec l’enfant le matin. Les nouveaux programmes inscrivent cette relation avec les parents de manière prépondérante et ce, dès l’introduction de ce document institutionnel. Les temps d’accueil sont des moments exigeants dans le souci du bien-être de l’élève. Construire la relation enseignant-école et famille permet aux parents de comprendre le fonctionnement et les spécificités de l’école maternelle. Ce temps d’inscription par les familles, je le conçois comme un moment de transition entre la sphère de la famille et la sphère de l’école. L’école maternelle construit des passerelles au quotidien entre la famille et l’école, (…) de manière à favoriser le bien-être des enfants et constituer une continuité éducative.9
Afin d’accompagner au mieux les élèves dans leur inscription j’ai expliqué mes attentes aux parents par le biais d’un mot écrit dans le cahier de liaison des élèves10. Ce qui m’amène à ma deuxième hypothèse, la co-intervention des parents dans l’accompagnement de leur enfant à l’inscription à l’atelier permet de renforcer les liens école-famille.
Que dire de l’élève dans ce dispositif ? Comment l’intègre-t-il, le vit-il ? Sur quoi je me fonde, moi élève de moyenne section de la classe, pour choisir entre tel ou tel atelier ? L’atelier qui me donne envie ? (par son intitulé, les images associées, ce qu’il représente), la présence d’un adulte ou d’un de mes camarades ?, la volonté d’apprendre ?
Choisir c’est réfléchir entre plusieurs chemins. Choisir, cela s’apprend afin de pouvoir réellement faire un choix et donc devenir autonome. C’est une des finalités et des objectifs de l’école et de l’éducation. L’autonomie, « auto-nomos », signifie « obéir à sa propre loi ». Il en découle deux acceptions. Tout d’abord, le terme revêt un sens large : c’est la capacité à se passer de l’aide d’autrui. L’école aide l’enfant à progresser dans cette quête et dans une moindre mesure s’agissant d’élèves de maternelle. D’un angle strictement moral, il revêt un sens fort : c’est la capacité à se donner librement des lois rationnelles (par la raison) et d’y obéir spontanément (par la volonté). L’enjeu de ce dispositif est de permettre à l’élève d’accepter la contrainte à certains moments car je vais avoir besoin d’apprendre. Ainsi, il est question de passer d’un choix affectif à un choix raisonné. Par quel moyen aider les élèves à conscientiser leur choix ? Est-ce possible pour des élèves de moyenne section ? Une des pistes est peut-être de faire en sorte que les élèves construisent un rapport au savoir.
L’acte de choisir : un lien entre les apprentissages et le sens que l’élève et sa famille donnent à l’école ?
Créer des liens est le sens premier du mot « intelligence » (« in-telligo » : relier, nouer ensemble). C’est ce qui permet de mettre peu à peu en relation les actions et les effets obtenus.11
Dès mon entrée dans ce métier, je voulais construire ma pratique présente et future selon des concepts qui me semblent primordiaux : l’investissement des élèves et leur posture d’acteur dans leurs apprentissages ainsi que le renforcement du lien école-famille. Deux axes qui (à ce moment actuel de ma professionnalisation) me semblent importants pour forger le sens que l’on donne à l’école. J’émets l’hypothèse que le dispositif de choix de l’atelier du matin dans son ensemble pourrait concourir à cela.
A. Par quel(s) moyen(s) nourrir les hypothèses qui structurent mon choix ? Explication du choix du recueil de données qui est retenu et sa mise en place.
Dans le but de nourrir mes hypothèses, un recueil de données mesurables et analysables s’avère nécessaire pour poursuivre l’investigation. Il se compose de deux éléments différents. Tout d’abord, des entretiens à destination des élèves, afin de mieux comprendre la perception qu’ils peuvent avoir du dispositif mis en place et de manière plus globale, leur réflexion sur ce qu’est choisir son atelier et les conséquences de ces choix. Ce questionnaire est construit selon cet ensemble de questions :
– Pourquoi choisis-tu cet atelier ?
– Pourquoi ne choisis-tu pas un autre atelier ?
– Quel est l’atelier que tu préfères faire ?
– As-tu des ateliers que tu n’aimes pas ? Pourquoi ?
– Pourquoi travaille-t-on en atelier à l’école ?
– Peux-tu toujours faire l’atelier que tu veux ?
– Peux-tu m’expliquer ce que veut dire le mot choisir (pour un atelier ?)
Afin de recueillir les réponses des élèves, un enregistrement audio sera réalisé sur un temps d’accueil du matin durant le moment de l’inscription aux ateliers. J’ai choisi de former un échantillon de cinq élèves que j’ai pu questionner en fin de période 4 (fin du mois de mars-début du mois d’avril). Une demande d’autorisation préalable a été donnée aux familles afin d’obtenir leur consentement12.
Un dispositif qui crée une transition entre l’école et la famille.
L’analyse du recueil de données élèves et parents me permet en l’état actuel de penser ce dispositif comme un outil au service de la transition entre l’école et la famille. J’ai pu observer que les familles, qui ont répondu au questionnaire, participent à leur manière au sens que l’élève peut donner à l’école : un lieu dans lequel on apprend.
En effet, si l’on se recentre sur certaines réponses des parents, on peut constater qu’1/3 des familles évoque, de manière régulière, avec leur enfant l’atelier qu’il a choisi le matin même. Pour palier l’oubli potentiel de ce que l’élève a fait dans sa journée (malgré le questionnement des parents sur la journée de l’élève), la même proportion de parents accompagne l’enfant durant l’inscription aux ateliers du matin. Il aurait été intéressant de questionner également les parents sur le pourquoi c’est important pour eux de savoir ce que leur enfant a fait dans la journée. Je pense que les parents ont intégré cet outil comme un moyen pour eux de savoir ce que leur enfant va faire dans la journée pour pouvoir en parler le soir avec eux.
Je conçois alors l’importance de ne pas seulement exposer la tâche (ce que l’élève va faire dans l’atelier) sur la feuille de présentation aux ateliers mais également l’enjeu didactique (pourquoi l’élève fait-il cette tâche à ce moment là et que va-t-il y apprendre). Le dispositif a comme enjeu de permettre aux élèves d’anticiper mentalement l’atelier qu’ils vont faire et l’objet d’apprentissage en jeu. Cette possibilité d’anticiper est un facteur essentiel pour le développement de leur appropriation de la situation et de leurs possibilités de compréhension. Il est donc très important que l’enseignant aide les élèves à se projeter eux-mêmes dans quelque chose qu’ils pourraient contribuer à penser et construire. Ce moment d’inscription, laissé à la famille, ne peut se détacher d’une reprise avec les élèves lors d’un temps collectif, afin de bien mettre en mot les enjeux didactiques de la tâche qu’ils vont devoir réaliser.
Ce temps d’inscription aux ateliers est apprécié par la moitié des familles qui ont répondu au questionnaire. Il permet dans son ensemble de créer et favoriser un dialogue avec l’enseignant et l’élève et de laisser le temps aux parents de comprendre ce qui se « joue » à l’école. Le dispositif permet de construire une véritable transition en douceur entre la famille et l’école en instaurant une communication entre les acteurs (élèves-parents-enseignant) comme j’ai pu le constater avec quelques paroles extraites des questionnaires : « cela nous permet de voir l’une des activités de sa journée car pas toujours évident de savoir ce qui a été fait ! » ou encore, « nous ne pouvons accompagner que peu notre enfant dans ses choix à
l’école car nous travaillons. Nous le faisons lors de nos jours de repos. Notre enfant nous parle pas de ce qu’il fait car dit ne pas s’en souvenir malgré nos questions ».
L’élève acteur de ses apprentissages en se projetant : un rapport au savoir en construction
« Se projeter », c’est littéralement « se jeter soi-même en avant ».
En choisissant son atelier, c’est-à-dire en faisant l’action de prendre une étiquette de son pot pour la placer sur l’atelier en question, l’élève sait ce qu’il va faire au sein de cet atelier. J’ai pu le constater en analysant les réponses de deux élèves lorsque je leur demandais quel était l’atelier qu’ils avaient choisi le matin de l’enregistrement audio. L’analyse est à nuancer car il est difficile de définir une conjecture avec un échantillon de deux élèves. Néanmoins, leur réponse est intéressante. Dans l’entretien de Y-E et de A, ces deux élèves expliquent la tâche qu’ils vont devoir réaliser durant l’atelier qu’ils ont choisi.
1 PE Quel atelier as-tu choisi ce matin ?
2 Y-E Montre du doigt
3 Y-E C’est le blanc.
4 PE Que faut-il faire dans le blanc ?
5 Y-E Bah… Le blanc faut retrouver les prénoms des autres.
1 PE A, quel atelier as-tu choisi ce matin ?
2 A Celui-là. (montre du doigt)
3 PE C’est lequel ?
4 A Le vert.
5 PEEt qu’est-ce que tu dois faire dans le vert ?
6 AJe dois compter.
D’une certaine manière, ils conscientisent la tâche, se l’approprient. « S’approprier » quelque chose c’est d’une certaine façon le rendre « propre à soi-même », « se le faire propre ». Seulement, se focaliser sur la tâche ne permet pas totalement à l’élève de comprendre l’enjeu de tel ou tel atelier, le pourquoi devons-nous faire cela, autrement dit, le sens que l’on donne aux tâches scolaires et sa compréhension par l’élève. La question du « que vas-tu y apprendre » aurait été intéressante à poser aux élèves pendant cet entretien bien que ce point est repris lors des temps de regroupement pour le lancement des ateliers.
Seulement, en posant la question suivante aux cinq élèves interrogés ; « Pourquoi travaille-t-on en atelier à l’école ? », les réponses peuvent illustrer cet élément. Elles convergent dans la même direction.
19 Y-E Parce que c’est pour apprendre à lire, à écrire.
9 PE Pourquoi on travaille en atelier à l’école E ?
10 E (Après un temps de réflexion) Pour apprendre.
15 PE Est-ce que tu sais pourquoi on travaille en atelier à l’école ?
16 C Pour apprendre des choses !
13 PE Est-ce que tu sais pourquoi on travaille en atelier à l’école ?
14 M Parce que y faut apprendre à travailler.
Les élèves ont compris l’objectif de l’école et notamment une des raisons pour laquelle nous faisons des ateliers au sein de l’école : pour apprendre. Cependant, une nuance est à apporter. D’un côté, l’élève conscientise la tâche et se focalise sur elle. De l’autre, il arrive à expliquer la raison pour laquelle les élèves font des ateliers. Or, en analysant plus finement les réponses des élèves j’ai pu constater que les élèves ne mettaient pas en lien ces deux axes. Ils ne verbalisent pas les raisons pour lesquelles ces ateliers sont présents et pourquoi ils doivent s’y inscrire. Certains n’ont pas le choix dans leur inscription. Y-E par exemple s’inscrit dans l’atelier blanc en expliquant qu’il ne pouvait s’inscrire dans le vert car il n’y avait plus de places :
6 PED’accord. Pourquoi as-tu choisi cet atelier ?
7 Y-EParce que je suis obligé de faire celui-là ou le vert mais y’avait plus de place.
Même en réalisant un contre-choix, Y-E n’a pas conscience que cet atelier va lui permettre d’apprendre ou de s’entraîner à.
L’élève est acteur de ses apprentissages dans le sens où celui-ci prend en charge son inscription à l’atelier en le « choisissant », ce qui lui permet de visualiser la tâche qu’il va devoir réaliser dans les ateliers qui sont présents.
D’après Vigotsky, L’entrée à l’école maternelle s’accompagne d’un changement psychologique important qui ne procède pas d’une évolution psychologique spontanée. Le passage des interactions familiales « naturelles » entre un parent et un enfant aux interactions didactiques, qui régissent les rapports entre un adulte/enseignant et des enfants/élèves constitue une rupture importante sur le plan psychologique. A l’école maternelle, pour la première fois, l’élève exerce de façon systématique sa pensée sur son action.
Ce dispositif pourrait donc offrir aux élèves un cadre particulier destiné à construire des relations avec le savoir et avec des individus (parents, enseignant et élèves). Ce cadre doit néanmoins être régulier d’un point de vue quotidien et permettre à chaque élève de s’y épanouir de manière individuelle. Permettrait-il également de contribuer à la construction du soi ?
Une étape dans la conquête de l’autonomie ?
A. Placer l’élève dans la posture de choisir pour lui permettre de construire et développer une réflexion.
Selon Vigotsky, la maternelle organise une rencontre entre le programme spontané de développement de l’enfant et le programme de l’enseignement voulu par l’institution. La nouveauté pour l’enfant se manifeste selon l’intention didactique qui consiste à faire apprendre à l’enfant des choses qu’il n’est pas prêt à faire spontanément.
Deuxièmement, l’élève utilise son savoir-faire non pour satisfaire des préoccupations immédiates mais pour répondre à une question qu’il ne se pose pas et que lui pose l’enseignant. Ainsi, en lui demandant de choisir son atelier, c’est un moyen de permettre aux élèves d’élaborer des processus de pensée, en se confrontant à différents possibles policés.
L’analyse du recueil de données des entretiens avec les élèves dans son ensemble permet de mettre en lumière une capacité des élèves à réfléchir et à apporter une réponse aux questions qui lui ont été posées. L’interaction avec A. est intéressante pour étayer ce point :
25 PE Est-ce que tu peux faire toujours l’atelier que tu veux ?
26 A Fait non de la tête.
27 PE Non ? Pourquoi ?
28 A Parce qu’on doit choisir.
29 PE Vous devez choisir ?
30 AOui parce qu’on a les étiquettes, on peut pas tous les mettre en même temps.
L’élève A. explique qu’elle ne peut pas toujours faire l’atelier qu’elle souhaite car on ne peut pas les faire tous en même temps. Ainsi, elle doit se placer devant une prise de décision entre plusieurs possibilités qui lui sont offertes. L’acte de choisir est bien perçu par l’élève. Elle se positionne dans une démarche active de prise d’information ; j’ai plusieurs étiquettes mais je ne peux en prendre qu’une seule pour m’inscrire à un atelier, et au final d’une prise de décision. Une question aurait été intéressante à poser à l’élève à ce moment de l’entretien afin d’approfondir l’analyse : comment fais-tu pour prendre la décision ?
Les documents ressources maternelle de 2015 apportent un éclairage intéressant dans la mise en place de ce type de dispositif : S’inscrire soi-même dans un atelier, exprimer son désir propre et s’y maintenir, décider d’expérimenter une solution plutôt qu’une autre, accepter de choisir une démarche que l’on pense moins bien maîtriser afin de se perfectionner, participent de l’autonomie intellectuelle et affective. Ce dispositif développe l’attention à des fins de compréhension. Elle participe d’une éducation aux conduites de décision14.
Ainsi, conduire, prendre une décision permettrait de développer l’autonomie. Cependant, le dispositif que j’ai mis en place dans la classe ne peut complètement parvenir à ces fins. Afin de placer l’élève dans une posture réflexive, de prise de décision, d’exercer un véritable choix, une évolution du dispositif est sûrement à prévoir.
Il serait peut être favorable de permettre à l’élève d’avoir toujours un choix à faire entre les quatre ateliers qui lui sont proposés. Mais un choix qui ne pourrait se réaliser qu’avec la présence d’une contrainte dans le dispositif : la nécessité de faire au moins une fois chacun des quatre ateliers. L’élève, avec cette part de liberté, aurait donc la possibilité de se conduire réellement en acteur de ses apprentissages et donc développer son autonomie. J’ai pu faire évoluer mes perceptions grâce à une interaction avec E.
13 PE Est-ce que tu as des ateliers que tu n’aimes pas ?
14 PE Lesquels ?
15 E Montre du doigt un atelier.
16 PE Pourquoi tu ne l’aimes pas trop celui-ci (l’atelier vert dans lequel on s’entraîne à compter) ? Tu m’expliques pourquoi ?
17 E Parce que je sais déjà compter.
18 PE Est-ce que tu peux toujours faire l’atelier que tu veux ?
19 E Fait non de la tête.
20 E Parce que après y’a plus les étiquettes.
21 PE Et toi tu aimerais le refaire ?
22 E Fait oui de la tête.
L’élève serait donc dans la posture affirmée de prendre une décision, de choisir selon ses besoins. La contrainte du choix ne serait pas bénéfique pour elle dans cette situation. Malgré le fait qu’il s’agisse seulement d’une élève, l’analyse du dispositif permet sa remise en question par l’étude de ses limites. Même si les élèves ne sont pas encore dans la même démarche active de raisonnement que E. ainsi que dans sa verbalisation explicite, l’ensemble de la classe devrait tendre vers ce but. L’enseignant apporte alors un étayage langagier selon les capacités de chacun à un instant donné de ses progrès. De plus, cette interaction avec E. pose la question de la gestion des élèves qui souhaiteraient refaire de manière répétitive un même atelier, même si, il est intéressant pour l’élève de conforter ce qu’il sait déjà faire en prenant du plaisir à le refaire. L’école construit des apprentissages et permet aux élèves de dépasser ce qu’ils savent déjà pour acquérir de nouveaux savoirs. Ainsi, le rôle de l’enseignant est d’orienter l’élève vers ce qu’il peut et devra apprendre afin de l’encourager à faire de nouvelles réussites et de faire perdurer continuellement ses progrès.
La constitution du moi par les possibles et par les contraintes grâce aux situations de choix
Exercer un choix ne recouvre pas les mêmes réalités pour tous. Pour certains enfants, c’est un élément favorable à leur plus grande focalisation sur une tâche ou un objet désiré parce qu’ils s’ancrent sur leur propre motivation. Pour d’autres, choisir est difficile. Cela signifie pour eux le renoncement à quelque chose, parce qu’ils voudraient tout « posséder » à la fois15.
Cet extrait institutionnel exprime clairement la dualité que le choix peut exercer chez l’élève. A partir de la deuxième moitié du XXe siècle, la représentation de l’enfance évolue en raison de nombreuses études en psychologie et en sociologie. Les recherches soulignent le rôle prépondérant de la petite enfance dans la construction de la personne adulte. Parallèlement, les comportements familiaux se transforment à l’égard de l’enfance. L’enfant occupe un nouvel espace dans la famille et dans la société. L’entrée à l’école maternelle s’accompagne d’un changement psychologique important. Le passage des interactions familiales « naturelles » entre un parent et un enfant aux interactions didactiques, qui régissent les rapports entre un adulte/enseignant et des enfants/élèves constitue une rupture importante sur le plan psychologique. A l’école maternelle, pour la première fois, l’élève exerce de façon systématique sa pensée sur son action16.
En plaçant l’élève devant des choix, cela permet-il de développer sa construction personnelle ? J’ai tout d’abord questionné les parents sur la possibilité ou non de choix pour leur enfant à la maison. Un peu moins de la moitié des familles a répondu sur cette question. Les réponses apportées montrent que l’enfant est placé dans une situation de choisir chez lui. Les choix opérés concernent principalement les domaines du ludique, des repas et des vêtements17. D’une manière générale, des aspirations qui concernent la vie quotidienne de l’enfant et fondées sur des plaisirs. Le choix est orienté sur ce que l’enfant désire le plus entre plusieurs acceptions. Néanmoins, j’apporte une nuance sur ce point. Il serait intéressant de pouvoir observer plus finement ces moments de choix familiaux (comment sont-ils proposés, acceptés par l’enfant du point de vue de l’émotivité, du contrôle de la frustration), point sur lequel le questionnaire ne met pas en lumière.
Je me suis questionné : l’école maternelle offre-t-elle un espace de choix pour l’élève et si c’est le cas, à quel moment s’opère-t-il ? En observant ma gestion de classe, j’ai pu constater que les élèves se retrouvait dans cette situation à divers petits moments très encadrés : l’accès au coin jeu pendant les temps libres, son placement assis lors des ateliers dirigés, son choix de livres à la bibliothèque, donner la main à son camarade pour se ranger. Ces choix sont construits selon des contraintes pour l’élève : les places ne sont pas assez suffisantes dans les coins jeux pour s’y installer, les jeux sont déjà occupés par des camarades, le livre que je souhaitais vient d’être emprunté par un autre élève. L’école laisse choisir l’élève dans certaines circonstances et se donne comme objectif de transformer la contrainte en ressource. L’élève apprend et se construit comme une personne parce qu’il est saisi dans une organisation sociale, une classe, qui construit un milieu de travail pour conduire une activité collective de construction de connaissances.
Faire un choix, c’est se placer devant des contraintes et d’apprendre à les accepter. Le dispositif mis en place en dispose également : absence de places dans des ateliers, impossibilité de faire plusieurs fois le même atelier, obligation de passer par tous les ateliers. Les élèves ont conscientisé ces contraintes comme j’ai pu le constater dans les entretiens .
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Table des matières
1. Introduction
2. Partie 1 : Placer l’élève en situation de choisir son atelier : un acte éducatif ?
2.1. Mise en lumière d’une facette de ma gestion de classe : les ateliers, des espaces d’apprentissage bien définis
2.2. Descriptif du dispositif pédagogique mis au service des apprentissages chez les élèves
2.3. …au regard de sa justification institutionnelle et de mon questionnement personnel : les hypothèses qui fondent mon choix
3. Partie 2 : L’acte de choisir : un lien entre les apprentissages et le sens que l’élève et sa famille donnent à l’école ?
3.1. Par quel(s) moyen(s) nourrir les hypothèses qui structurent mon choix ? Explication du choix du recueil de données qui est retenu et sa mise en place
3.2. Un dispositif qui crée une transition entre l’école et la famille
3.3. L’élève acteur de ses apprentissages en se projetant : un rapport au savoir en construction
4. Partie 3 : Une étape dans la conquête de l’autonomie ?
4.1. Placer l’élève dans la posture de choisir pour lui permettre de construire et développer une réflexion
4.2. La constitution du moi par les possibles et par les contraintes grâce aux situations de choix
5. Conclusion
6. Bibliographie
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