Désaromatisation nucléophile énantiosélective de sels de pyridinium
Les dihydropyridines sont des hétérocycles azotés à 6 chaînons qui ont suscité un vif intérêt chez les chimistes tant pour leur potentiel synthétique que pour leurs propriétés biologiques. Parmi les différents sous-types de dihydropyridines, on distingue :
1) Le motif 1,4-dihydropyridine qui est rencontré dans le couple NADH/NAD+; principale coenzyme impliquée dans les nombreux processus d’oxydo-réduction des biomolécules chez les organismes vivants . Les chimistes organiciens se sont largement inspirés de cette coenzyme pour développer des procédés d’hydrogénation organocatalysés dans lesquels l’ester de Hantzsch joue le rôle de source d’hydrogène . Par ailleurs, ces dernierssont aussi bien connus pour leurs propriétés d’inhibiteurs calciques et utilisés dans le traitement de l’hypertension .
2) Si le motif 1,4-dihydropyridine est présent dans de nombreux composés d’intérêt biologique, les isomères 1,2- et 1,6-dihydropyridines, moins stables, sont exploités comme intermédiaires de synthèse pour la préparation de molécules plus complexes telles que la (-)-tylophorine ou la (+)-cannabisativine. Les 1,2- et 1,6- dihydropyridines sont aussi des précurseurs d’isoquinuclidines, des intermédiaires clés qui interviennent dans la synthèse de médicaments tels que l’Oseltamivir et l’Ibogaine .
Les voies synthétiques permettant d’accéder aux dihydropyridines énantio-enrichies sont nombreuses mais, pour des raisons de concision, nous n’aborderons que la désaromatisation par addition nucléophile énantiosélective. Les méthodes métallo-catalysées en version racémique et énantiosélective étant abondantes dans la littérature et bien couvertes par des revues, seules les approches organocatalysées seront traitées ici. Dans un premier temps nous allons présenter les différentes méthodes organocatalytiques ayant permis de désaromatiser des sels de N-hétéroarénium bicyclique ou tricyclique (dérivé de la quinoléine, de l’isoquinoléine et de l’acridine) avant de nous intéresser à la désaromatisation organocatalysée de sels de pyridinium N-alkylé ou N-acylé.
Désaromatisation nucléophile énantiosélective de sels de Nhétéroarénium
Rencontrée aussi dans les milieu biologique, la désaromatisation est un processus biomimétique très utile aux chimistes organiciens car elle donne un accès direct à des structures complexes en trois dimensions à partir de briques moléculaires simples. Lorsqu’on sait l’importance des molécules en trois dimensions pour obtenir de bons candidats médicaments, cela met en exergue l’utilité d’une telle approche. En outre, compte tenu de la prévalence des N-hétérocycles dans les molécules bio-actives, les N-hétéroarènes sont des cibles privilégiées en désaromatisation énantiosélective. Pourtant, la désaromatisation énantiosélective de N-hétéroarènes à 6 chaînons (quinoléines, isoquinoléines, acridines et pyridines) a été assez peu étudiée.27b, En effet, ces structures présentent un certain nombre de défis, à commencer par la nécessité d’activer le N-hétéroarène en formant un sel d’hétéroarénium . Parmi les différents sels possibles, la majorité des publications décrivent la formation in situ de sels de N-acyl hétéroarénium car ils sont plus électrophiles que les sels de N-alkyl hétéroarénium correspondants. De plus, le contrôle de la régiosélectivité (position C-2/C-6 et/ou C-4) de l’addition sur des sels de N-hétéroarénium peut s’avérer problématique en fonction du N hétéroarène étudié . Afin de réaliser la désaromatisation énantiosélective des sels de N-hétéroarénium, trois approches sont envisageables :
1) l’activation de l’électrophile via la formation d’une paire d’ions chirale qui va réagir avec un nucléophile achiral,
2) l’activation du nucléophile par catalyse covalente puis réaction avec un électrophile achiral et enfin
3) la double activation du nucléophile et de l’électrophile par un catalyseur bifonctionnel .
Désaromatisation organocatalysée de sels de N-hétéroarénium bi- et tricyclique
Catalyse « anion binding »
En organocatalyse, les catalyseurs donneurs de liaisons H sont connus comme étant capables d’activer les électrophiles neutres. Dans le cas où le substrat est une paire d’ions, il est possible que le catalyseur complexe le contre-cation (anion), formant ainsi une entité supramoléculaire chirale .
Dans le cas de la désaromatisation nucléophile, le sel de N-hétéroarénium flanqué d’un halogénure forme une paire d’ions qui peut être activée par catalyse « anion binding ». Cette approche a d’abord été développée par Jacobsen et al. : une thiourée chirale (C4) catalyse l’addition d’acétals de cétènes silylés en position C 2 de sels de N-acyl isoquinoléinium . Les dihydroisoquinoléines correspondantes sont obtenues avec de très bons rendements (67-86%) et excès énantiomériques (60-92% ee) mais pour une gamme de substituants limitée (H, 3-Me, 4-Br, 6-NO2, 5-OTBS…). Par la suite, Mattson et al. ont adapté les conditions réactionnelles à leur catalyseur, le silanediol à chiralité axiale C5. Malgré les faibles excès énantiomériques (R1 = H, Mattson : 18% ee ; Jacobsen : 86% ee), cette réaction a prouvé la capacité des silanediols chiraux à induire une stéréosélectivité par catalyse « anion binding ». Avec un catalyseur à chiralité hélicoïdale de type tétrakistriazole (C6), García Mancheño et al. ont également développé une réaction d’addition d’acétals de cétènes silylés en position C-2 de sels de N-acyl isoquinoléinium, mais les excès énantiomériques obtenus sont là aussi plus faibles que ceux obtenus par l’équipe de Jacobsen (R1 = H, García Mancheño : 50% ee ; Jacobsen : 86% ee).
L’approche par catalyse « anion binding » a également permis l’addition d’autres nucléophiles sur les sels de N-acyl isoquinoléinium. L’équipe de Seidel a étudié l’addition en position C-2 d’azlactones catalysée par une thiourée chirale (C7). Les dihydroisoquinoléines correspondantes ont été obtenues avec de très bons rendements (81-95%) et excès énantiomériques (88-93% ee). Par ailleurs, le même catalyseur a été utilisé par Mukherjee et al. afin d’effectuer l’addition en C-2 de phosphites silylés sur une large gamme d’isoquinoléines (24 exemples, 69-96%, 75-90% ee) . Il est à noter que les deux équipes ont observé qu’un milieu hétérogène était bénéfique aux excès énantiomériques. Mukherjee et al. en ont déduit que la thiourée chirale solubilise le sel d’isoquinoléinium par interactions faibles avec l’ion chlorure.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Désaromatisation nucléophile énantiosélective de sels de pyridinium
I. Désaromatisation nucléophile énantiosélective de sels de N-hétéroarénium
I. 1. Désaromatisation organocatalysée de sels de N-hétéroarénium bi- et tricyclique
I. 1. a) Catalyse « anion binding »
I. 1. b) Catalyse acide de Brønsted
I. 1. c) Catalyse énamine
I. 1. d) Catalyse NHC
I. 2. Sels de pyridinium
II. Désaromatisation énantiosélective organocatalysée de sels de pyridinium : genèse du projet et résultats préliminaires
II. 1. Travaux antérieurs au laboratoire
II. 2. Stratégie envisagée
II. 3. Validation de l’hypothèse de départ
III. Résultats et discussion
III. 1. Optimisation initiale des conditions de la réaction
III. 2. Variation des substrats de la réaction
III. 3. Seconde optimisation des conditions de la réaction
IV. Conclusion
Chapitre 2 : Déracémisation monotope chimique de cétones -substituées
I. Déracémisation : Définition et exemples
I. 1. Définition
I. 2. Déracémisation par voie chimique
I. 3. Déracémisation linéaire organocatalysée
II. Protonation énantiosélective : Une méthode formelle de déracémisation de cétones en deux étapes
II. 1. Définition
II. 2. Protonation énantiosélective organocatalysée d’éthers d’énol silylés et dérivés
III. Approche envisagée
III. 1. Définition du cycle catalytique et du cahier des charges
III. 2. Résultats préliminaires
IV. Résultats et discussion
IV. 1. Optimisation de la protonation énantiosélective
IV. 1. a) Optimisation des conditions réactionnelles
IV. 1. b) Criblage de catalyseurs
IV. 1. c) Rôle des additifs
IV. 2. Optimisation de la silylation
IV. 2. a) MSTFA : tentatives de purification
IV. 2. b) Optimisation des conditions de silylation
IV. 3. Séquence de déracémisation
IV. 3. a) Mise en place de la séquence complète de déracémisation
IV. 3. b) Étendue de la réaction
IV. 4. Étude mécanistique de l’étape de protonation énantiosélective
V. Conclusion
Conclusion générale