Les formulations liquides atteignent de nos jours de hauts niveaux de complexité et doivent être stables dans le temps sous de nombreuses conditions tout en étant toujours plus performantes et innovantes. Ces formulations sont généralement une combinaison de solvants, de tensio-actifs et d’un ou plusieurs principes actifs tels que des parfums, pigments, arômes, agents thérapeutiques ou cosmétiques. Des additifs tels des solutions tampons, des dispersants et/ou des agents rhéologiques, peuvent être présents pour assurer la stabilité et les performances de la formulation.
Les avancées techniques dans le domaine des formulations complexes ont permis aux industriels d’accéder à de nouveaux marchés en proposant des produits novateurs répondant à la demande et aux exigences des consommateurs, notamment avec l’incorporation de nouveaux principes actifs plus performants. Cependant, les additifs présents dans les formulations peuvent provoquer un stress chimique (oxydation, hydrolyse…) sur ces principes actifs, altérant ainsi leur intégrité et leurs propriétés. Le défi majeur pour ces nouvelles formulations complexes est donc de stabiliser et de protéger ces principes actifs de toute interaction avec les autres ingrédients présents, tout en garantissant la performance et l’efficacité du produit final.
Encapsulation et relargage – Etat de l’art
Définition
L’encapsulation consiste à isoler et stabiliser un ou plusieurs principe(s) actif(s) au sein d’un édifice encapsulant, principe(s) qui pourra(ont) ensuite être relargué(s) de façon contrôlée en une zone ciblée. L’édifice encapsulant doit donc être une barrière efficace pour protéger les principes actifs de leur environnement (lumière, température, oxygène, eau…) et des ingrédients potentiellement déstabilisants présents dans la formulation, mais doit pouvoir se décomposer sous l’action d’un stimulus spécifique.
Le terme « encapsulation » ne fait pas référence à une gamme de taille ou à une morphologie particulière. On distingue cependant la « microencapsulation » lorsque la taille de l’édifice encapsulant est comprise entre 1 micron et 1 mm et « nanoencapsulation » pour une taille de 1 nm à quelques microns. Il est possible de classer les édifices encapsulants de plusieurs façons, par exemple selon leur morphologie :
– les édifices matriciels sont des particules, sphères ou latex, formées d’un réseau de matière dans lequel le ou les principes actifs sont dispersés (Figure 1.A). Les particules peuvent être entourées d’une fine membrane protectrice, et sont de taille nanométrique à millimétrique.
– les édifices cœur-écorce (core-shell) sont des capsules creuses entourées d’une ou plusieurs membranes dans lesquelles le ou les principes actifs sont confinés (Figure 1.B). Dans la littérature, ils sont souvent qualifiés de systèmes réservoisr et leur taille peut aller de quelques dizaines de nanomètres à 1 mm.
– les édifices organisés sont des structures mono ou multi-lamellaires formant une barrière liquide organisée en 3 dimensions, comme des micelles (Figure 1.C), cylindres, lamelles ou vésicules. Les émulsions directes ou inverses, simples ou multiples, mini, nano ou standard forment également ce genre d’édifices. Les vésicules sont également qualifiées de systèmes réservoirs.
Le taux d’encapsulation, qui indique la teneur massique en principe actif, dépend de la nature et de la structure de l’édifice. Il est d’environ 20 à 35 % pour les microsphères, avec quelques exceptions allant jusqu’à 50 %, et peut avoisiner les 85 à 90 % pour les microcapsules.
Les principes actifs peuvent être de nature variée : parfums, arômes, médicaments, enzymes, ingrédients cosmétiques, catalyseurs, micro-organismes, etc. Ils sont donc de natures, structures chimiques et polarités différentes, peuvent être hydrophiles ou hydrophobes, et se présenter sous différents états physiques (solide, liquide ou gazeux).
Pour être efficace, il est donc nécessaire de développer des solutions encapsulantes adaptées aux caractéristiques physico-chimiques du principe actif. Le mode de relargage, choisi selon l’application finale, doit également être pris en considération. Ainsi, le choix du procédé d’encapsulation détermine les caractéristiques des objets encapsulants : leur forme et leur taille moyenne, leur polydispersité, leur taux d’encapsulation, le processus de relargage (mécanisme et cinétique).
Les principaux types de procédés d’encapsulation sont mécaniques (cisaillement, extrusion, …), physico-chimiques (solvant sélectif, conditions de précipitation, …) et chimiques (formation in situ du matériau encapsulant).
Pourquoi encapsuler ?
L’encapsulation est une technologie qui présente de nombreux avantages. En premier lieu, elle permet la protection et la stabilisation du principe actif au sein de la formulation sur des temps plus ou moins longs, et son relargage à l’endroit et au moment voulus. Dans le même ordre d’idée, elle permet d’isoler des composés pouvant déstabiliser la formulation, par interaction avec des ingrédients-clés comme des dispersants ou des modificateurs de rhéologie. Par exemple, les bactéricides utilisés pour inhiber le développement de microbes dans un revêtement peuvent oxyder les additifs assurant la stabilité de la formulation. Ceci résulte d’une part en la diminution de l’activité antimicrobienne et, d’autre part, en celle de la qualité du produit.
Au-delà de cette fonction intrinsèque d’isolement du principe actif, l’encapsulation peut aussi permettre d’obtenir une meilleure efficacité, d’atteindre de nouvelles performances avec des produits innovants, d’assurer une meilleure innocuité ou encore de réduire les coûts du produit final. Son utilisation est particulièrement indiquée pour des systèmes complexes, c’est-à-dire contenant une combinaison de solvants, de surfactants, d’additifs (conservateurs, agents anti-mousse, agents rhéologiques…) et de principes actifs.
L’encapsulation augmente l’efficacité du produit en limitant la perte/dégradation du principe actif durant la préparation, le stockage et l’utilisation du produit. Ainsi, les molécules volatiles telles que les parfums ou les composés de faible masse molaire sont mieux préservés au sein de la formule. De la même façon, l’encapsulation d’une substance thérapeutique dans un édifice spécialement fonctionnalisé pour cibler les cellules cancéreuses (vectorisation), augmente l’efficacité du traitement car le médicament est protégé lors de son transit dans le corps jusqu’à la zone d’intérêt (pas ou peu de perte ou de dégradation du produit au franchissement des barrières biologiques et enzymatiques). De plus, un édifice encapsulant mimant les membranes cellulaires (niosomes, liposomes, polymersomes) pourra être mieux absorbé par les cellules et le médicament sera relargué uniquement sur la zone d’intérêt (cellules, organes ou tissus biologiques spécifiques). En limitant ainsi la perte du principe actif (protection du milieu extérieur et ciblage), il devient possible de diminuer la quantité nécessaire à la performance désirée, limitant la toxicité et le coût global du produit.
Un autre atout majeur de l’encapsulation est la possibilité de formuler des produits innovants et d’atteindre de nouvelles performances. En effet, depuis plusieurs années, la demande des consommateurs en terme de produits novateurs et originaux, tant d’un point de vue fonctionnel que sensoriel, n’a cessé de croître. En réponse, les laboratoires ont fourni des formulations toujours plus performantes utilisant la technique de l’encapsulation. Il est ainsi possible de maximiser les synergies entre deux composés en les encapsulant séparément jusqu’à leur utilisation, où ils réagiront ensemble (par exemple, oxydants ou produits de coloration capillaire). Il existe également des cosméto-textiles contenant des microcapsules libérant leurs principes actifs (hydratants, amincissants) sous le mouvement de l’utilisateur, ou encore des déodorants contenant des parfums et des bactéricides encapsulés qui seront libérés lorsque le corps est en mouvement et que sa température augmente.
Enfin, l’encapsulation peut être une réponse pour renforcer l’innocuité d’un principe actif. En effet, en encapsulant, il est possible d’éviter l’exposition non voulue des utilisateurs à un principe actif (ex : protéases dans les détergents), ou d’assurer la stabilité chimique d’un composé jusqu’à son utilisation finale. L’encapsulation peut donc réduire l’impact environnemental des composés chimiques en évitant leur dispersion non désirée. Cette stratégie a permis notamment à l’industrie agrochimique de conquérir de nouveaux marchés en garantissant la sécurité des utilisateurs de pesticides, souvent dangereux à haute concentration. Dans le domaine de la vectorisation de médicaments, les effets secondaires et toxiques indésirables peuvent être diminués : l’encapsulation et le relargage ciblé limitent la diffusion des agents thérapeutiques vers les cellules saines, qui sont ainsi préservées.
Comme on le voit, les avantages de l’encapsulation et du relargage contrôlé sont mis à profit dans de nombreux domaines : agroalimentaire, bâtiment, pharmaceutique, cosmétique, détergence, peintures ou textiles. En fonction de l’application recherchée, de la formulation souhaitée, du mode de relargage, de la nature des principes actifs, il est nécessaire de choisir le procédé, la morphologie et les caractéristiques physico-chimiques de l’édifice encapsulant le plus adéquat.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1
Des tensio-actifs aux systèmes intelligents pour l’encapsulation et le relargage déclenchable
Chapitre 2
Copolymères amphiphiles supramoléculaires à blocs PEG et PPG
Chapitre 3
Copolymères amphiphiles supramoléculaires en solution aqueuse
Chapitre 4
Objets formés par les copolymères supramoléculaires en solution aqueuse
Chapitre 5
Formulation d’émulsions et encapsulation – Preuve de concept
Conclusion et perspectives
Annexes
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