Des stratégies territoriales multifactorielles de lutte contre l’enclavement et la paupérisation des quartiers populaires

La stigmatisation des populations des quartiers caractérisés par une absence de mixité sociale

La recherche de la mixité sociale le plus souvent limitée géographiquement aux quartiers dits « populaires » entraîne également la stigmatisation de leurs populations dont on nie les potentialités. Qualifiées indirectement ou non de « classes dangereuses », « d’assistés » pour les plus âgées ou de « racailles » pour les plus jeunes, ces populations souffrent des effets directement discriminants des politiques de peuplement, entreprises dès le début des années soixante-dix.
Le principe du zonage définissant des territoires sur lesquels la mixité sociale, évaluée selon l’unique critère des ressources économiques, n’est pas effective, entraine un étiquetage de ses habitants et laisse à penser que ceux-ci ont nécessairement des comportements jugés problématiques . De fait, dans l’imaginaire collectif, les actes de petite ou grande délinquance et les comportements déviants sont davantage observables sur ces quartiers qu’ailleurs dans la ville.
De la focalisation des médias ou des hommes politiques sur des évènements ponctuels mettant en lumière les dysfonctionnements soi-disant caractéristiques des quartiers pauvres découlent des raisonnements généralisants dont souffrent leurs habitants. L’acte répréhensif commis par un individu venant du quartier tend donc à avoir des répercussions sur l’image de l’intégralité de sa population, en témoigne le handicap que représente souvent l’adresse inscrite dans le curriculum vitae transmis pour postuler à un emploi. Les vertus prêtées à la mixité sociale semblent donc dévaloriser, par contre coup, les zones caractérisées par son absence allant jusqu’à alimenter le processus d’exclusion sociale et stigmatisation.

Perte d’identité sociale et politique comme conséquence inéluctable du rééquilibrage social des quartiers

Les opérations de rééquilibrage du peuplement des quartiers d’habitat social, notamment via les opérations de rénovation urbaine, entrainent de facto la marginalisation des plus pauvres et la disparition « d’un mode de vie populaire », caractérisé par des solidarités et sociabilités fortes. Les relations sociales denses et l’entraide accompagnant souvent la dureté des conditions d’existence partagées se trouvent, par la mise en œuvre de ces projets, dissipées.
Privées alors de ces ressources sociales et culturelles, les populations qui habitent ces quartiers « renouvelés » subissent perte d’identité et dilution du sentiment d’appartenance. Les effets « désolidarisants » des politiques de peuplement tendent en effet à « noyer les identités collectives et communautaires », ces dernières étant pourtant sources de protection, en particulier pour les minorités opprimées ou rejetées qui risquent la stigmatisation et l’agression en dehors de leur espace communautaire . Colin GIRAUD analysait à ce sujet la recherche contrainte d’entre-soi des
homosexuels face à l’intolérance pouvant mener à des actes de violence. Presque un siècle plus tôt, Louis WIRTH décrivait la fonction protectrice du ghetto juif, bien qu’imposé, dans une société leur étant largement hostile. La dilution dans l’espace des populations dont la conscience de classe et le sentiment d’appartenance sociale et culturelles ont certes largement diminués mais demeurent importants entraîne également un affaiblissement de leurs capacités d’action collective et d’affirmation de leurs revendications. Plusieurs auteurs dénoncent l’obstacle que constituent les politiques mettant en œuvre la mixité sociale à l’émergence d’un contrepouvoir émanant des couches populaires, capable de contrebalancer l’influence croissante d’autres groupes.

Une accentuation des difficultés d’intégration pour les immigrés conséquente à l’éclatement des communautés

Le paradigme assimilationniste français qui repose sur le confinement des particularismes culturels dans la vie privée et leur dissolution « le plus vite possible » peut compliquer le processus d’intégration des immigrés. En effet, les modes d’intégration communautaires à l’œuvre dans les quartiers à dominance ethnique, religieuse ou culturelle ont démontré leur efficacité pour l’acclimatation des populations migrantes. Les travaux en sociologie urbaine de l’école de Chicago ont mis en exergue dès les années vingt les ressources informelles décisives à l’intégration offertes aux nouveaux arrivants par les membres de leur communauté d’origine.
De nombreux auteurs ont transposé cette thèse au cas français pour mettre à mal l’idéologie républicaine « qui envisage les modes d’intégration communautaires sous un angle seulement négatif ». Cette dernière, bien qu’ayant été tempérée par les stratégies de « médiation communautaire » de la politique de la ville et du développement social urbain (DSU) qui ont en quelque sorte instrumentalisé des interlocuteurs ethniques  , continue d’avoir le vent en poupe, notamment face au phénomène de radicalisation islamiste que certains veulent éradiquer en s’attaquant aux communautés religieuses, aussi pacifistes soient-elles. Philippe GENESTIER et Jean-Louis LAVILLE ont par exemple étudié l’accès facilité au marché du travail des immigrés grâce à « l’appartenance au groupe familial ou ethnique et à la connexion à un réseau d’interconnaissances » qu’ils considèrent comme « les facteurs majeur d’insertion » pour ces populations. De la même manière, Harris SELOD a mis en doute la possibilité d’une réussite, notamment professionnelle, des immigrés asiatiques dans le 13 ème arrondissement de Paris, sans l’aide du groupe.

Diverses interprétations pour de multiples mises en œuvre : une difficile appropriation par les acteurs de terrain

La traduction de la mixité sociale en des mesures concrètes, menées par les acteurs de terrain qui ont l’obligation de s’en emparer, n’est pas aisée. En effet, comment conduire une action collective sur la base d’une notion si floue et non partagée ? Il semble particulièrement difficile de définir une politique d’intervention commune dont la finalité – tout comme les moyens d’action – est indéterminée, soumise à des interprétations et des visions de l’ordre social diverses voire divergentes vers lequel on souhaite tendre.

Grenoble-Alpes Métropole : un acteur central de la traduction de la mixité sociale sur son territoire

Différentes lois promulguées au cours des années deux mille ont successivement renforcé les métropoles, qui sont devenues l’échelon le plus intégré. L’éventail de leurs compétences s’est élargi suite à de multiples transferts, jusqu’à être élevées au rang de chef de file dans de nombreux domaines d’action publique. Grenoble-Alpes Métropole, en moteur historique du développement de la mixité sociale sur son territoire a accueilli avec bonne volonté les diverses réformes permettant sa traduction par des mesures concrètes, relatives à l’offre de logements sociaux, à la gestion de la demande et aux attributions, qu’elle a initiées avec l’aide de partenaires locaux.

Décentralisation et transferts de compétences : la métropole comme nouvel échelon en puissance

Les métropoles, issues du projet de loi de réforme des collectivités territoriales élaboré par le gouvernement de François FILLON et créées par la loi du 16 décembre 2010 189 de réforme des collectivités territoriales ont progressivement monté en compétences pour devenir l’échelon le plus intégré et adéquat pour organiser l’implantation de populations aux profils diversifiés sur leur territoire.
Ces nouveaux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre avaient pour mission d’absorber les intercommunalités existantes et de remplacer les départements pour former des pôles urbains dynamiques et puissants de dimension européenne. Leur statut a été remanié par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) promulguée le 27 janvier 2014, qui a également rétabli la clause générale de compétence des départements et régions. Cette loi initiée sous la présidence de François HOLLANDE par le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT fait partie de « l’acte III » de la décentralisation . Cette loi « d’affirmation des métropoles », en fait l’intercommunalité la plus intégrée. Sa nouvelle définition la présente comme « un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave au sein d’un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la cohésion […] et de concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional […] avec le souci d’un développement territorial équilibré».
Celles-ci sont susceptibles de jouer un rôle, directement ou non, sur l’occupation sociale du territoire et donc avoir des conséquences en termes de mixité sociale rendue effective au sein du logement social ou grâce à son implantation.
D’autres compétences relatives au logement social peuvent être exercées par la métropole, en accord avec les départements ou l’Etat, en lieu et place de ceux-ci. C’est le cas notamment de la gestion des aides au titre du fonds de solidarité pour le logement (FSL), historiquement compétence départementale, ainsi que de l’attribution des aides au logement locatif social que l’Etat était auparavant le seul à détenir, et de la gestion de l’élaboration des conventions d’utilité sociale  (CUS) et du respect de leur mise en œuvre. Grenoble-Alpes métropole, anciennement communauté d’agglomération, profite de ce changement de statut advenu, conformément à la loi le 1er janvier 2015, pour augmenter en volume son personnel, passant, pour la direction de l’habitat, de quinze à cinquante personnes et « se dote de moyens financiers supplémentaires pour mettre en place les dispositifs législatifs».
Les lois Lamy et ALUR viennent confirmer le rôle de l’EPCI dans l’élaboration d’une politique de peuplement sur son territoire. Elles rendent obligatoire la création par les intercommunalités de conventions d’équilibre territorial (CET) qui traduisent en objectifs précis et territorialisés les orientations en matière d’attribution de logements sociaux qui sont au préalable définies par la conférence intercommunale du logement elle aussi animée par l’EPCI. Ces conventions, annexées au contrat de ville et négociées avec le préfet, les bailleurs sociaux et les réservataires visent à « améliorer la mixité sociale en permettant aux plus modestes [notamment aux personnes relevant des accords collectifs] d’accéder au logement social, et à veiller à un meilleur équilibre entre les territoires ». La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté est venue, comme nous l’avons vu précédemment, fusionner la CET et l’accord collectif intercommunal 199 (ACI) au sein d’une convention intercommunale d’attribution, obligatoire à initier. De manière facultative, cette loi propose aux EPCI d’impulser une remise en ordre des loyers du logement social sur leur territoire, de promouvoir et d’analyser les effets de la cotation et de la location active, notamment en termes de diversification du peuplement.
Le législateur, par le processus de « territorialisation » des politiques publiques, renvoie donc aux acteurs locaux, et en premier chef aux EPCI, la responsabilité de définir la mixité sociale et de la mettre en œuvre dans le contexte local qui est le leur. Les différents dispositifs qu’il prévoit « donnent un cadre, et la liberté à chaque EPCI de s’organiser » puisque « la norme édictée par les pouvoirs nationaux demeure purement rhétorique si elle ne trouve pas de relais dans les systèmes locaux d’acteurs ».
Ainsi, l’enjeu premier réside souvent pour les acteurs de terrain, à s’accorder sur la caractérisation d’une situation donnée, à convenir d’enjeux de modification de cette situation, à actionner les différents leviers permettant d’atteindre l’ambition partagée, à en suivre les résultats et en ajuster les actions.

L’agglomération grenobloise : un territoire moteur sur les questions de mixité sociale dans le champ du logement social

L’implication du territoire grenoblois sur les questions de mixité sociale relatives à l’aménagement urbain et au logement est historiquement importante, flambeau repris par Grenoble-Alpes Métropole qui demeure moteur sur ces domaines.
Sous l’impulsion d’Hubert DUBEDOUT, maire emblématique de la ville, la grande opération d’urbanisme de la Villeneuve voit le jour au cours des années soixante-dix, en commençant par l’édification de la galerie de l’Arlequin située sur l’ancien stade olympique en 1972. Elle est alors un espace d’expérimentations sociales, éducatives , architecturales et urbaines. En effet, ses concepteurs avaient pour ambition d’éviter les travers des « cités-dortoirs », en créant un espace regroupant toutes les fonctions d’une ville : des logements individuels et collectifs, sociaux et privés, des espaces publics soignés , une large gamme d’équipements et de services publics , ainsi qu’une zone centrale d’activités et d’emplois avec services et grandes entreprises de nouvelles technologies, tout ceci facilement accessible en transports en commun et par des voies piétonnes érigées, de manière tout à fait innovante pour l’époque, en priorité. La diversité des statuts d’occupation des habitants et des équipements intégrés garante d’une attractivité certaine a rendu possible dans les premiers temps la mixité sociale, déjà visée à l’époque. En effet, cohabitait à la Villeneuve à sa construction une large palette des catégories socio-économiques, professionnelles et culturelles, avec des personnes appartenant tant à la classe populaire qu’à la classe moyenne voire moyenne supérieure.
Hubert DUBEDOUT, qui acquit ses lettres de noblesses grâce à son expérience parlementaire et en tant que maire de Grenoble pendant dix-huit ans, fut également nommé président de la Commission nationale pour le développement social des quartiers, fonction qui l’amena à rédiger un rapport, resté dans les annales. Dans ce texte intitulé « Ensemble, refaire la ville », rendu public en janvier 1983, il réserve un des neuf chapitres à « l’équilibre de la composition sociale des quartiers », qu’il entend atteindre notamment par la définition d’une politique intercommunale.
Cet homme profondément sensible aux problématiques de ségrégation socio-spatiale laissa son empreinte dans le paysage politique français et donna à Grenoble la réputation de ville soucieuse du bien vivre ensemble de ses habitants.
Les responsables politiques, récemment élus à la Ville de Grenoble ou siégeant au conseil métropolitain, ont largement repris les préceptes de DUBEDOUT. La conseillère municipale de Grenoble et déléguée à l’habitat, au logement et à la politique foncière à Grenoble-Alpes Métropole, que nous avons rencontrée le 20 juin 2017, a longuement insisté sur la volonté politique « d’avoir une mixité, y compris à l’intérieur du logement social » partagée par les élus de la ville puis de la métropole qui ont « pris la décision, dès fin 2014, de mener une politique de peuplement » expérimentale sur deux montées de logement social dans le quartier de la Villeneuve , « pour redonner de la mixité à l’Arlequin ». Cette décision a préexisté à la publication des décrets d’application de la loi ALUR et de la loi égalité et citoyenneté, qui « sont arrivés avec des outils » permettant sa mise en œuvre.
Cette élue municipale et communautaire a également mentionné deux mesures imaginées et mises en œuvre sur l’agglomération anticipant l’avancée législative, illustrant le caractère moteur de la métropole sur les questions de mixité sociale dans le logement social. La première est la création du Pôle Habitat Social à Grenoble, guichet unique d’enregistrement de la demande de logement social sur la commune, pour tout le département. Le Pôle nous explique-t-elle, a pour but de simplifier les démarches des demandeurs dans la construction de leur dossier ainsi que pour le renouvellement de leur demande, et de leur apporter un suivi, un accueil personnalisé et des informations concernant la procédure d’attribution. La seconde mesure innovante est celle initiée par la ville de Grenoble et reprise par la métropole par transferts de compétences, de ne plus impliquer les élus dans les pré-attributions de logements sociaux de leur contingent, comme c’est le cas dans les autres communes, « avec toutes les risques de clientélisme » que cette pratique comporte.
La responsable du service gestion du logement social et de l’hébergement de Grenoble-Alpes Métropole nous indique également que cette métropole fait partie d’un groupe d’une dizaine d’intercommunalités volontaires pour échanger sur les avancées et bonnes pratiques expérimentées sur ces thématiques. Ce groupe s’est notamment réuni dans le cadre d’un séminaire sur les attributions de logements sociaux du « club des acteurs de la réforme », initié par le ministère du Logement en 2015.

Les mesures prises en son nom concernant l’offre de logements sociaux …

La métropole a pour mission d’élaborer des documents fixant des normes et règles relatives à la construction et à la réhabilitation des logements sociaux, qui ont des conséquences directes sur la mixité sociale des villes et des quartiers.
La mixité sociale est devenue un « principe d’urbanisme obligatoire », pris en compte dans tous les documents d’urbanisme . A l’échelon local, ce sont les PLU de chaque commune qui sont les documents de référence, jusqu’à leur remplacement par le PLU intercommunal qui sera adopté en 2019 sur l’agglomération grenobloise et qui vise à garantir une politique d’aménagement du territoire globale et cohérente. Il est en cours de construction, le projet d’aménagement et de développement durable (PADD), une des composantes du futur PLUI, ayant été adopté par les conseillers communautaires à la fin 2016. C’est un document d’ordre politique, élaboré par les élus, qui se sont accordés sur les grandes orientations et les objectifs d’aménagement et de développement économique, social, environnemental et urbanistique à l’horizon de dix à vingt ans. En ressort la nécessité « d’une mise en œuvre d’une politique foncière et immobilière ciblée » afin de garantir l’accès à un logement à coût abordable sur tout le territoire métropolitain, ceci par une réhabilitation du bâti existant et l’élaboration de règles de construction qui devront être en adéquation avec le niveau de production attendu et défini dans le programme local de l’habitat en cours d’élaboration. A l’aide d’outils comme les emplacements réservés, l’intégration d’une part significative de logements locatifs sociaux dans de nouvelles opérations mixtes ou les secteurs de mixité sociale indiquant le nombre et le type de loyers sociaux, l’objectif du PLUI est le renouvellement du parc social afin de développer une offre qui corresponde aux besoins. Sont donc simplement évoqués Ces différents dispositifs et mesures sont donc simplement évoqués dans le PADD. Ils apparaitront de manière plus développée avec établissement de règles strictes, quotas et pourcentages dans le PLUI final. A titre d’exemple, le PLU de la ville de Grenoble, encore en vigueur précise à travers les orientations d’aménagement, le renforcement de « l’objectif de mixité sociale en imposant selon les secteurs, certaines proportions de logements sociaux dans les nouvelles opérations de construction ». Il définit également « les principaux territoires de projet, répertoriés en fonction du type d’aménagement (valorisation et réhabilitation, restructuration, aménagement) ». Concrètement, le PLU prévoit la production de sept cent cinquante logements neufs par an, dont deux cent cinquante logements sociaux, ainsi que la diversification des statuts d’occupation dans le cadre du NPNRU dans les quartiers Mistral et Eaux-Claires à hauteur de 75% en locatif et 25% en accession à la propriété. Un PLH métropolitain va également voir le jour pour la période 2017-2022. Il est actuellement en cours d’élaboration pour une approbation prévue à la fin de l’année 2017. Il comprend un volet important détaillant les moyens d’action pour « agir sur l’équilibre social du territoire à travers la diversification de l’offre » dans un objectif vivement exprimé de mixité sociale . Les normes en la matière déjà édictées, variant selon l’offre de logements sociaux présente sur les territoires, portent notamment sur le nombre de logements locatifs sociaux à construire (mille cent par an) contenant au moins 35% de PLAI , à réhabiliter (six mille), la proportion PLAI et PLUS par opération (de 10 à 40%), la promotion de l’accession sociale à la propriété (avec l’objectif annuel de cent logements produits par an) le développement d’opérations mixtes en termes de loyers (PLAI/PLUS/PLS ) et la limitation des PLS. L’ébauche de PLH non encore approuvé donne ainsi des objectifs chiffrés à atteindre, territorialisés, par communes et quartiers. Les PLH communaux desquels s’est largement inspiré le PLH métropolitain restent en vigueur jusqu’à son adoption.

… couplées à celles relatives à la gestion de la demande et aux attributions

La politique de peuplement dont le volet principal est la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux est conçue à l’échelle métropolitaine. Cette prise en main du peuplement par l’EPCI est relativement récente nous explique la responsable du service gestion du logement social et de l’hébergement de Grenoble-Alpes Métropole.
Elle apparait suite au constat que les bailleurs sociaux, laissés seuls à la manœuvre depuis les années quatre-vingts dans l’élaboration de cette politique, ont conçu eux-mêmes des outils pour la mettre en œuvre sans être épaulés par les collectivités, ce qui, selon, a contribué à la situation actuelle de forte ségrégation socio-spatiale observable sur le territoire français. Dans « le nouveau modèle issu de la loi ALUR, celui qui conçoit la politique de peuplement c’est la collectivité, l’EPCI en est chargé, et ceux qui la mettent en œuvre sont les bailleurs et les réservataires » explique-t-elle. Cette politique est détaillée dans plusieurs documents élaborés par la métropole, en accord avec les acteurs locaux. La convention intercommunale de mixité sociale et d’équilibre territorial a été rédigée et sa mise en œuvre suivie par la conférence intercommunale du logement, instance créée par la loi ALUR et constituée fin 2015 sur la métropole grenobloise. Cette convention, créé par la loi Lamy et annexée au contrat de ville, détaille les objectifs de mixité sociale et d’équilibre entre les territoires à l’échelle intercommunale à prendre en compte pour les attributions de logements sociaux, dont les mutations, les modalités de relogement et d’accompagnement social dans le cadre des projets de renouvellement urbain ainsi que les modalités de coopération entre les bailleurs HLM et les réservataires de logements sociaux. Elle prévoit notamment de faciliter les mutations de locataires en quartiers prioritaires de la politique de la ville vers d’autres quartiers ou communes, et de favoriser l’accès à ces quartiers des ménages « rééquilibrants » qui devront atteindre un certain pourcentage dans les remises en location.

Un objectif partagé aux caractéristiques floues

Les différents acteurs rencontrés , soucieux d’une mise en œuvre effective de la mixité sociale, peinent visiblement à en déterminer les contours. Tous se sont néanmoins emparés volontiers et spontanément de la notion, qu’ils n’hésitent pas à mobiliser lorsqu’on les a questionnés sur les politiques de peuplement ou de rééquilibrage social menées sur leur territoire. A titre d’exemple, le Directeur du patrimoine d’une SEM a d’emblée fait référence à la mixité sociale, apparue à la deuxième minute de l’entretien. Un rapide calcul nous indique que, pour des entretiens d’une durée moyenne d’une heure dix, on comptabilise, là aussi en moyenne, dix-sept occurrences de l’expression dans les propos de nos interlocuteurs. Cette notion de mixité sociale n’est pas l’apanage des hommes et femmes politiques rencontrés , qui la mobilisent autant que les responsables de bailleurs , de groupements de bailleurs , d’association de défense des locataires , que la collaboratrice de la métropole et que le Président de l’Observatoire de l’Hébergement et de Logement . Nos interlocuteurs ont tous montré un fort attachement à ce concept, car il touche « aux questionnements sociétaux les plus fondamentaux » et correspond « à une éthique sociale, dont les objectifs sont louables ». Comme le résument deux responsables d’organismes HLM : « la mixité sociale c’est complètement positif », « on ne peut qu’y adhérer ».
C’est une notion qui rassemble, présentée comme un « idéal », vers lequel il faut tendre, « mais comme tous les idéaux, jamais il n’est pas assuré d’être atteint » nous indique Louis BESSON. Certains ont utilisé le terme d’ « utopie » pour la définir, concept qui désigne à la fois une réalité idéale, sans défaut,où les individus vivent en harmonie dans une société exempte de toute injustice, mais aussi irréalisable, parfois irrationnelle. En effet, beaucoup ont pointé les difficultés de mise en œuvre de la mixité sociale, qui « ne se décrète pas ». L’usage de cette expression par plus des deux tiers de nos interlocuteurs a donné l’impression d’un discours « tout fait », suite d’éléments de langage qu’ils déclament lorsqu’interrogés sur la mixité sociale. Cependant, certains se sont tout de même appesantis sur les problématiques rencontrées face à l’injonction reçue de l’Etat pour rendre effective la mixité sociale.
Les bailleurs sociaux et la métropole, qui peinent à la traduire sur leur territoire et à s’emparer de la récente loi égalité et citoyenneté invoquent le poids de contraintes, principalement financières.
Le champ lexical relatif à la mixité sociale est, dans les propos recueillis, à connotations positives. Ils usent de qualificatifs mélioratifs pour en présenter les finalités : la mixité sociale est « une ambition humaniste », « une philosophie » « de brassage » qui vise « l’harmonie », « la fraternité », « l’échange », « l’entraide », « le partage » et « le bien vivre ensemble ». Mettre en œuvre la mixité sociale c’est trouver « la richesse dans la diversité humaine », car « mélanger c’est enrichir».

Différentes interprétations selon les acteurs et leurs missions

Les entretiens menés et la littérature spécialisée mettent en évidence différentes interprétations et finalités données à la mixité sociale, selon les acteurs et la mission confiée.
Pour certains, la mixité n’est pas une fin en soi, mais doit permettre l’égalité des chances dans l’accès à tous les quartiers de la ville et la fin de l’assignation à résidence selon l’origine ethnique, l’appartenance culturelle, religieuse, les ressources financières ou tout autre critère. Le Directeur du pôle clientèle et solidarités d’un OPH est le seul représentant de bailleur rencontré qui a affirmé que son organisme « n’a pas de politique particulière, ni de peuplement, ni d’équilibre sociologique au sein des résidences », accusant la mixité sociale de représenter « un équilibre idéal qu’[il ne connait pas] et qui aboutit très rapidement à des systèmes de discrimination ». Cette vision d’une mixité sociale « qui n’exclut pas », « voulue et non subie » doit prévaloir selon le chargé de mission d’Absise et la Présidente de l’ARRA. Elle rejoint celle du Président de l’Observatoire de l’Hébergement et du Logement, pour qui « le véritable enjeu par rapport à la mixité sociale, ce n’est pas de peser, voir si il y a assez de jeunes ménages, de personnes âgées, d’actifs, de non actifs, d’étrangers, de non étrangers, etc. c’est de veiller à ce que tous les ménages aient des perspectives résidentielles, c’est redonner de la mobilité ». Les élus communaux et communautaires confrontés d’un côté aux nombreux demandeurs de logements sociaux,et de l’autre aux coûts engendrés en matière de services et d’action sociale et aux riverains qui ne souhaitent pas la construction de logements HLM près de chez eux, ont des positions assez variées sur la mixité sociale, selon leur couleur politique : la conseillère municipale et élue à la métropole que nous avons rencontrée a affirmé sa « volonté politique de rendre accessible tout quartier de logement social, tout groupe ou toute commune à tous les demandeurs », mobilisant la notion « d’équité ». Ces acteurs semblent donc particulièrement sensibles aux difficultés des plus démunis et aux populations discriminées dans la mise en œuvre de la mixité sociale, qu’ils perçoivent principalement comme un moyen d’améliorer leurs situations et de lutter contre les inégalités dont ils souffrent. L’Etat par ses représentants locaux et le conseil départemental, de par leurs missions en matière d’action sociale, donnent eux aussi la priorité aux plus démunis en favorisant leur accès au logement. D’autres acteurs, notamment les responsables de bailleurs y verront le moyen, par la diversification des profils socio-économiques au sein des quartiers ségrégués, de redonner de l’attractivité à leur parc et de le réinsérer dans la ville, évitant la vacance couteuse et la dévaluation de leur patrimoine. Elle perme t aussi d’après eux « d’améliorer la vie des groupes » et d’en faciliter leur gestion, en témoigne le Directeur du patrimoine d’une SEM qui maintient une vigilance dans les attributions pour « que ça reste vivable, parce que si je cumule les mêmes typologies de famille dans une même montée, je risque d’avoir des gros soucis de maintenance ». Cet argument est partagé par les associations de défense des locataires, souvent confrontés à des conflits entre voisins du fait de modes de vie, habitudes et loisirs qui ne permettent pas une cohabitation pacifique. La recherche d’une mixité sociale « par le haut » signifie la garantie de nouveaux locataires aux moindres difficultés financières, qui s’acquitteront plus aisément du paiement de leurs charges et loyers, perspective qu’ils ont peu mentionnée mais qui semble pourtant importer , tous ayant évoqué les contraintes et difficultés financières qui pèsent sur eux.

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Table des matières
Introduction
Partie 1 – De quelle mixité sociale parle-t-on ? Une notion floue aux contours et objectifs multiples grevés de non-dits
Chapitre 1 – Une absence de définition
1) Une référence omniprésente dans les discours politiques : un idéal de société partagé
2) Le « droit de la mixité sociale » : un cadre juridique aux contours non définis
3) Les différentes dimensions de la notion non stabilisées
Chapitre 2 – Un prérequis pour une société harmonieuse ? Les finalités d’une diversité sociale territorialisée
1) Conjurer la ségrégation socio-spatiale et ses néfastes effets
2) Les bienfaits supposés ou avérés de la mixité sociale
3) Les effets pervers de la mixité sociale : sa mise en cause comme fin en soi
Chapitre 3 – Diverses interprétations pour de multiples mises en œuvre : une difficile
appropriation par les acteurs de terrain
1) Grenoble-Alpes Métropole : un acteur central de la traduction de la mixité sociale sur son territoire
2) Une définition de la mixité sociale variable selon les acteurs, leurs missions et les dispositifs mobilisés
Partie 2 – Des stratégies territoriales multifactorielles de lutte contre l’enclavement et la paupérisation des quartiers populaires
Chapitre 1 – Promotion du caractère généraliste du logement social : diverses actions envisagées pour lutter contre la spécialisation du parc
1) Etat des lieux de l’occupation du parc social en agglomération grenobloise : des difficultés socio économiques dues à une paupérisation structurelle
2) La vocation généraliste du parc social affirmée : un gage de mixité dans le respect de sa mission d’intérêt général
3) De nombreux moyens d’action aux mains des bailleurs sociaux malgré le cadre contraint
Chapitre 2 – Des actions hors QPV : mieux répartir les ménages à faibles ressources et en difficultés sociales sur le territoire 
1) Répartir le logement social sur le territoire : un manque de volonté politique contré par de nouvelles dispositions
2) Réformer la politique de fixation des loyers
3) Construire, faire construire ou acquérir pour développer l’offre hors QPV
Chapitre 3 – Des actions en QPV pour revaloriser leur image et attirer des ménages intégrés aux
ressources plus élevées 
1) Des problématiques réelles propres à ces quartiers
2) Conserver les locataires « les plus aisés » et attirer les classes moyennes en QPV: un vœu pieux
3) Le renouvellement urbain pour banaliser les quartiers et les rendre plus attractifs
Conclusion 
Table des annexes 
Table des sigles et acronymes
Bibliographie 
Table des matières

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