Des professionnels de santé qui doivent réinventer leurs méthodes de travail avec l’arrivée de l’ère du malade chronique

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Population et échantillon

La population étudiée était celle des médecins généralistes libéraux exerçant en région PACA. Nous avons cherché à obtenir un échantillon de médecins interrogés le plus varié possible, en prenant soin de chercher à inclure des praticiens de sexes et d’âges variés, et en veillant à ce que leurs modes d’exercices soient diversifiés (rural, semi rural, urbain).
La taille de cet échantillon n’était pas définie à l’avance. Nous avons procédé à l’analyse des entretiens au fur et à mesure de leur réalisation. La saturation des données a été estimée selon le concept de « suffisance théorique », lorsque les nouveaux entretiens n’apportaient plus de nouveau concept et lorsque les données déjà recueillies permettaient de répondre à la question de recherche.
Nous sommes arrivés à saturation des données au bout de 9 entretiens et avons confirmé cela à l’aide de deux entretiens supplémentaires, soit 11 entretiens au total.

Recrutement

L’échantillonnage a été réalisé par une méthode dite « boule de neige », c’est à dire en réseau.
Les praticiens ont été contactés de vive voix, par téléphone, ou par mail.
Le sujet et la méthodologie de l’étude leurs étaient alors succinctement expliqués, et un rendez-vous était convenu avec les médecins acceptant d’être interrogés. Il a parfois été nécessaire de relancer certains médecins.
Certaines sollicitations sont restées sans réponse.
Certains généralistes contactés ont refusé d’être interrogés, le motif spontanément énoncé étant systématiquement le manque de temps.
Les entretiens se sont déroulés en face à face ou par téléphone.
Les médecins contactés étaient installés dans les Bouches-du-Rhône, le Var, le Vaucluse, les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes.

Recueil des données

Le recueil des données a été réalisé durant 11 entretiens semi dirigés réalisés auprès de médecins généralistes entre avril et août 2021. Les thèmes abordés durant l’entretien avaient été réfléchis à priori mais il n’existait pas d’ordre prédéfini pour les aborder durant l’entretien. Les nouveaux thèmes abordés spontanément par le médecin interrogé, s’ils étaient jugés pertinents pour la question de recherche, ont été explorés durant l’entretien et sont venus enrichir la liste des thèmes à aborder à postériori.
Un guide d’entretien composé de six questions avait été rédigé au début de ce travail de recherche afin de permettre qu’une discussion sur le sujet de recherche se mette en place rapidement.
Nous nous sommes inspirés de notre recherche bibliographique afin de formuler des questions ouvertes qui donneraient l’opportunité aux médecins interrogés d’aborder tous les aspects de notre problématique.
Ce guide est présent dans les annexes et n’a pas été modifié du début à la fin de la période de recueil des données.
Les entretiens ont été réalisés en face à face ou par téléphone. Il est peut-être important de noter que les entretiens réalisés en face à face représentent un tiers des entretiens totaux et concernent en grande majorité des médecins travaillant à Marseille. En effet, du fait de l’éloignement géographique, l’organisation d’entretiens téléphoniques avec les médecins travaillant dans d’autres villes rendait plus facile le recueil des données.
Tous les entretiens ont été enregistrés, retranscrits et codés au fur et à mesure.
Le tableau qui suit résume les caractéristiques de l’échantillon ainsi que les modalités de recueil des données.

Une nécessité en médecine générale, un outil indispensable

De manière unanime, tous les médecins interrogés ont déclaré que le travail en réseau était un mode de fonctionnement nécessaire à l’exercice de la médecine générale.
M9 « Le travail en réseau c’est la base de la médecine générale, le généraliste c’est un peu un aiguilleur quelque part, entre autres. Et si on n’a pas d’interlocuteur c’est là que ça devient problématique et angoissant. »
M4 « C’est un outil indispensable et quotidien oui (…) et il y a plus de situations dans lesquelles je sollicite mon réseau que de situations dans lesquelles je ne le sollicite pas. »
Comme le souligne M4 c’est à travers ce réseau que l’on peut répondre à la demande d’un patient lorsque celle-ci est complexe ou spécifique :
M4 « Travailler en réseau c’est avoir des appuis et des ressources que l’on peut mobiliser en fonction des besoins de santé du patient (…) j’assume complètement d’être un coordonnateur de soins si jamais c’est plus efficace pour les gens (…) l’important c’est juste que le patient on ait résolu son problème (…) que ce soit parce que je m’en suis sorti tout seul ou parce que je l’ai réorienté vers la bonne personne. »
Et M3 ajoute au sujet du travail en réseau :
M3 « C’est autant un recours à des connaissances qu’une accessibilité à des moyens qui est recherchée. »

Une compétence du médecin généraliste, une initiative personnelle

Le travail en réseau est donc vu comme une compétence du médecin généraliste.
M6 « Je pense que des fois ne pas avoir la compétence réseau ça peut clairement impacter la qualité des soins. Donc c’est quelque chose à travailler, qui permet d’améliorer la qualité des soins. »
Le travail en réseau est aussi une initiative personnelle.
M4 « Je pense que ça ne peut passer que par la volonté du médecin et la responsabilité du médecin de travailler son réseau, on ne peut pas forcer quelqu’un qui n’en a pas envie à travailler son réseau (…) c’est une initiative individuelle (…) J’utilise mon réseau quand je sens que j’en ai besoin pour trouver des solutions et définir le projet de santé pour le patient qui est en face de moi. Ça dépend de la patientèle, du motif de consultation, de moi aussi, dans quelle disposition je suis. »
M11 insiste aussi sur le temps et l’investissement parfois nécessaires au généraliste dans ce rôle de coordination, et une valorisation partielle de ce travail.
M11 « Je pense que cette place n’est pas assez valorisée, par exemple pour toutes les coordinations pertinentes qui sont faites, en urgence ou pas. On y passe du temps, mais la rémunération c’est mal valorisé. »

Le rôle de la formation universitaire dans l’acquisition de ce savoir faire

Le travail en réseau étant vu comme une compétence du médecin généraliste, la formation universitaire semble avoir un rôle important à jouer en donnant envie aux jeunes médecins de collaborer pour mieux soigner, en leur faisant comprendre l’importance de cette collaboration.
Pour certains, cette nécessité du travail en réseau est peu abordée durant le cursus universitaire. M11 « On n’a absolument pas insisté là-dessus, au niveau de la fac. »
M5, qui est maitre de stage, rapporte qu’un certain nombre d’internes ne saisit pas forcément l’intérêt d’adresser personnellement un patient.
M5 « C’est rare que je ne mette pas de nom (de correspondant) sur mon courrier. Mes internes n’ont pas forcément ce réflexe. Alors ce n’est pas un défaut, comme ils ne connaissent pas ces collègues (…) J’ai l’impression qu’ils saisissent moins l’intérêt, ou qu’ils ne voient pas le problème d’anonymiser l’adressage, alors que justement c’est quelque chose qui me paraît important. »
Pourtant il existe une réelle volonté du département universitaire de donner envie aux internes de développer cette compétence, tout en étant conscient qu’une formation théorique est insuffisante. M6 « C’était quelque chose qui nous tenait à cœur, alors on avait mis 3 modules en place (…) je considère que pour la formation théorique il n’y a pas besoin de plus puisque la coopération ça s’apprend sur le terrain (…) lors des SASPAS et des MSU (…)
Parler d’une MSP et d’une CPTS en amphithéâtre ce n’est pas forcément intéressant. Sur le terrain, voir concrètement comment ça marche, ça me semble primordial. »
M4 « Ceci étant dit, la formation elle est importante, parce que quand on fait des cours au DUMG, si on arrive à vous donner envie de travailler votre réseau (…) à vous montrer que ça fait partie des compétences, ben vous aurez envie de le faire. »
Comme le résume M9, l’idéal c’est de motiver les internes à faire ce travail de création et d’utilisation d’un réseau durant tous leurs internats et au-delà.
M9 « Il faudrait insister auprès des internes sur le fait que l’internat c’est le moment pour créer son réseau, et pas que le SASPAS, c’est trop court 6 mois. Il faut vraiment en profiter pendant 3 ans pour travailler ça (…) Après c’est possible seulement si on sait où on veut s’installer, ce qui est loin d’être toujours le cas … »

Les réseaux formels et informels, complémentaires

L’idée de l’existence de deux « catégories » de réseaux, formels et informels, a été souvent retrouvée dans les entretiens.
M3 « Tu as les réseaux de soins officiels et puis le maillage que l’on a nous, les confrères avec lesquels on travaille. »
M5 « Je conçois deux types de réseaux, le réseau informel celui qu’on se construit tout au long de sa carrière…. Et puis à côté de ça il y a les réseaux formels. »
Mais plutôt que d’opposer ces deux types de réseaux, les praticiens interrogés ont plutôt mis en avant leur complémentarité. Ainsi M6 met en avant, dans la zone où il exerce, une forme de désert organisationnel dans lequel les réseaux informels semblent prédominer :
M6 « (Mon réseau) s’est construit de manière non systématisée. C’est la particularité du secteur, il n’y a aucune MSP, aucune CPTS, et donc je n’ai aucun réseau de soin structuré. Il n’y a aucun appui de ce côté-là (…) c’est un désert organisationnel. Après c’est toujours les problématiques de déserts administratifs entre 2 régions, entre 4 départements, le 04, le 05, le 84, le 86, ce sont des zones tampons dans lesquelles il y a peu de prestations. »
Les réseaux formels sont quant à eux vus comme un appui important, notamment dans les situations cliniques les moins fréquentes.
M6 « C’est bien de faire les choses de manière informelle parce qu’on pense qu’on en sait plus, mais des fois je n’ai pas la réponse à la question du patient. (…) (Les réseaux formels) ça permet de maintenir une prise en charge optimale pour des pathologies peu prévalentes. »
La transformation des réseaux formels avec le temps, leur adaptation et leur
« décloisonnement » semblent plutôt bienvenus avec une offre de soins plus large et plus adaptée du point de vue des généralistes.
M5 « Les réseaux de soins centrés sur une seule maladie ont de plus en plus tendance à disparaître (…) c’étaient des réseaux en tuyaux d’orgues qui étaient destinés à un seul type de patient et donc peu adaptés. (…) Je trouve que la transformation a été bénéfique pour nous parce qu’on peut leur adresser plus de patients avec des typologies ou des profils qui sont très différents et on a des prises en charge intéressantes. »

Une certaine réticence des médecins libéraux à utiliser des réseaux formels

Ces entretiens ont aussi fait ressortir les réticences que pouvaient avoir certains médecins à utiliser les réseaux formels, ou à voir leurs réseaux se formaliser.
Une perte d’autonomie décisionnelle est redoutée par certains.
M2 « Ils veulent avoir la main mise surtout, sur tout (…) Je suis trop réfractaire à ça, je ne veux pas me faire commander par des gens qui ne sont pas compétents, qui prennent des décisions à ma place, d’entrée j’ai un préavis défavorable. »
L’organisation pyramidale est perçue comme défavorable aux généralistes.
M1 « Les généralistes comptent ou sont obligés de compter sur l’administration.
L’administration ce n’est pas ton amie, pas forcément ton ennemie, mais pas ton amie.
Le généraliste va se retrouver en fin de chaine et il va se faire bouffer. »
Les correspondants des réseaux formels sont parfois perçus comme imposés aux généralistes.
M1 « Le réseau vous ne le faites pas vous-même, on vous dit que le correspondant ce sera untel… pour moi ça ne peut pas exister. »
M9 « La confiance ça se crée entre deux personnes, ça ne passe pas par un réseau déjà tout fait. Il faut que ce soit une confiance éprouvée, ça ne s’institutionnalise pas. »
Une lourdeur administrative est également mise en avant par certains ainsi qu’un mode d’exercice chronophage pas toujours bien rémunéré.
M3 « Quand une administration a mis la main dessus tu as toujours 4 exemplaires d’un formulaire à remplir. »
M2 « C’est chronophage ! Tu te rends compte du temps que ça prend ? »
Il semble néanmoins qu’il y ait une différence de points de vue, en fonction de l’âge des médecins interrogés, sur la tendance actuelle à la formalisation des réseaux de soins (par exemple avec la création de MSP et de CPTS, sujet que nous aborderons plus loin).
M3 « Il y a une différence de points de vue en fonction des générations. »

Travail en réseau : analyse des rapports humains entre professionnels de santé

Notre travail a permis de mettre en avant que l’une des choses recherchées à travers la création d’un réseau par les médecins généralistes libéraux était une personnalisation des rapports professionnels.

Adresser à quelqu’un que l’on connait si possible

Ainsi, mettre un visage sur un nom est quelque chose d’apprécié.
M1 « Je me suis fendu d’aller voir les personnes en question (…) on se connaissait, quand j’adressais au Docteur untel, ou à Madame untel, ce n’était pas qu’un nom, c’était une tête. »
Tout comme adresser à un correspondant que l’on connait personnellement ou que l’on a trouvé soi-même.
M1 « Si on fait sans correspondant, tout seul, et qu’on dit  »voilà une lettre vous prendrez rendez-vous avec UN cardiologue », ça veut dire  »débrouille toi ! ». »
« (Mes correspondants, quand ils recevaient un coup de fil de ma part) ils savaient qui j’étais, ils m’avaient vu (…) c’est plus  »allez voir le cardio », c’est  »allez voir Mme untel, cardiologue, de ma part ». »
« Même si à supposer que je n’ai pas de correspondant dans ce domaine, je vais appeler moi-même, j’adresse à quelqu’un que je trouve. »
Même si bien évidemment travailler avec une personne que l’on n’a jamais rencontrée est également fréquent.
M1 « On se connaissait très bien. Mais je ne l’avais jamais vue ! Quand je suis arrivé à la retraite, pratiquement la dernière semaine, je suis monté à Vitrolles, j’ai cherché son cabinet, j’ai sonné, j’ai dit je voudrais voir Madame X, de la part du Docteur M1. Je lui ai dit  »voilà je viens vous voir avant de partir, qu’on sache au moins chacun quelle tête on avait », sinon je ne l’avais jamais vue! »
M6 « J’ai croisé le pharmacien il y a un an ou deux dans la rue, je ne l’ai pas reconnu, alors que je travaille avec lui depuis 6 ou 7 ans. »
Tout comme adresser un patient à quelqu’un que l’on ne connait pas.
M3 « Donc des fois je suis amenée à ouvrir internet, à aller voir à l’Hôpital Européen par exemple pour voir qui il y a dans telle ou telle spécialité, à dire au patient  »bon il y en a 3 là, allez voir tel ou tel de ces messieurs, que je ne connais pas ». C’est rare mais ça arrive de plus en plus. Ce n’est jamais préférable d’orienter vers des gens que tu ne connais pas. »

Affects et travail en réseau

Certains médecins interrogés nous ont parlé des liens affectifs qui pouvaient se créer avec leurs collaborateurs.
M4 « Il y a des liens professionnels qui deviennent personnels, des liens personnels qui deviennent pro. Moi j’ai un ami d’enfance qui est à la fac, je le sollicite, ça devient un réseau pro. Et j’ai des connaissances du boulot qui vont faire partie de ma vie personnelle avec le temps. »
M2 « Je dirai que presque 90% (de mes collaborateurs) ce sont devenus des amis ou de très bons collègues (…) ce n’est pas forcément de l’amitié mais ce n’est pas que de l’intérêt, il y a un côté semi amical au moins. »
Une collaboration est aussi tout à fait possible sans affinité personnelle.
M9 « Avant tout c’est professionnel, parce que pour bien travailler avec des gens il faut qu’il y ait une confiance, une pratique rigoureuse, qu’il y ait des retours, qu’on puisse échanger sur le plan professionnel de manière pertinente. Après si on a ces gens souvent ou téléphone, qu’on les voit, ça finit par devenir un peu plus personnel, mais c’est avant tout professionnel. »
M4 « Ça fait partie des compétences, d’arriver à travailler avec quelqu’un avec qui on n’aura jamais aucune affinité ! »
M4 insiste sur le fait que les rapports personnels qui peuvent exister lors de cette collaboration ne doivent pas faire perdre de vue l’objectif d’efficacité pour le patient.
M4 « Il y a un autre truc que je voulais dire, sur le concret, l’efficacité, l’efficience. En gros connaître des gens et faire un barbecue ce n’est pas la même chose que connaître des gens et arriver à trouver des solutions pour le patient. »
M4 « Je pense que dans le réseau ce qui est hyper déterminant c’est la posture des professionnels. Du moment qu’on part du principe qu’on a raison et que l’autre à tort on n’arrivera pas à travailler en réseau. Si on n’est pas d’accord, soit on reste bloqué là-dessus, soit on réfléchit sur la manière de travailler ensemble. »
Il ajoute aussi qu’il perçoit les réseaux formels comme permettant de lisser les affects.
M4 « Dans les réseaux formels on a tous besoin les uns des autres (…) Il y a un enjeu institutionnel derrière (…) Tout le monde a à gagner à ce que ça se passe bien. »

Mode d’exercice et influence sur les relations inter professionnelles ?

Certains des médecins interrogés ont évoqué le fait que l’exercice en milieu (semi) rural permettait de mieux se connaître au sein d’un réseau.
M10 « Il y a un contact qui est un peu plus facilité dans les zones moins peuplées, comme les Hautes-Alpes, pour contacter les personnes impliquées dans un réseau ou pour échanger avec elles rapidement. Je pense que dans les grosses villes ou les gros centres les intervenants sont plus débordés au niveau de la demande, il y a plus de médecins qui les sollicitent, il y a moins la possibilité de se connaître qu’au sein d’un petit réseau. »
M7 « Ça permet d’avoir une médecine un peu moins anonyme, tout le monde se connait et sait qui fait quoi. »

Le carnet d’adresses, générationnel ?

La question d’un carnet d’adresses « générationnel » a été abordée avec les médecins interrogés. M3 souligne qu’avec le temps les correspondants les plus âgés partaient à la retraite et étaient remplacés par d’autres plus jeunes.
M3 « Les plus vieux partent à la retraite alors je me tourne vers des collègues plus jeunes qui ont plus ou moins mon âge, ça peut être les successeurs de ceux qui sont partis, donc oui à un moment c’est générationnel. »
Nous allons le voir plus loin, les études médicales sont un moment important dans la création d’un réseau. Les jeunes médecins ont alors la possibilité de créer des liens avec des confrères du même âge.
M2 « Vous faites avec les gens que vous avez eu pendant vos études, des internes, des assistants qui vous ont bien plu. »
Et certains médecins ont déclaré être plus attirés par le fait de travailler avec des correspondants de leur âge.
M6 « Il y a eu un effet générationnel (…) j’ai construit mon réseau, je ne peux pas me le cacher, en privilégiant les personnes jeunes qui venaient de s’installer. Et je le vois, les infirmières, les kinés, et même les spécialistes d’organes nouvellement installés, comme moi dans la même tranche d’âge, j’ai tendance à un peu plus les solliciter. »
Tandis que d’autres n’y accordaient aucune importance.
M8 « Ce n’est pas un critère. »

Correspondance au sein du réseau

Nous avons également abordé les modes de correspondance au sein du réseau. De manière attendue, il est ressorti que le téléphone reste le moyen de communication le plus pratique.
M7 « Le plus simple c’est de décrocher son téléphone. »
La correspondance écrite reste tout de même une norme.
M2 « Je fais toujours un mot, même réduit, ne serait-ce que par politesse, et puis comme ça il me répond. »
M5 « Moi je suis sensible aux courriers qui sont envoyés systématiquement et bien construits, ça me met en confiance. »
Et les mails restent également une alternative très utilisée car permettant une communication rapide, même si moins instantanée que le téléphone.
M2 « Avec les mails, vous avez un décalage d’une journée. »
Les messageries instantanées sont également très appréciées.
M5 « Bien sûr on utilise WhatsApp (…) ce n’est pas adapté pour respecter le secret médical mais c’est tellement plus simple d’utilisation qu’on l’utilise quand même. »

Une construction du réseau qui débute pendant les études, plutôt hospitalo centrée au début

Notre travail a fait ressortir que la construction d’un réseau débutait pendant les études.
M9 « Je me suis fait mon réseau de spécialistes pendant l’internat (…) L’idée c’était que cette période me serve à rencontrer des interlocuteurs pertinents. »
M10 « J’ai commencé en reprenant le réseau des praticiens chez qui j’allais, chez qui j’étais en stage. »
Le fait que la construction de ce réseau débute pendant les études explique qu’il peut apparaître comme plutôt hospitalo-centré au début, ceci découlant de la formation en partie hospitalière des futurs généralistes.
M2 « Vous avez déjà une structure, hospitalière, que vous connaissez bien (…) vous commencez par vous appuyer là-dessus (…) après on s’émancipe un peu. »

Remplacements et installation, deux autres temps forts pour créer son réseau

M9 nous révèle aussi qu’avant de s’installer, il a profité des remplacements qu’il faisait pour construire son réseau.
M9 « Puis j’ai encore remplacé pendant 3 ans avant de m’installer, et j’ai gardé contact avec toutes les personnes que j’avais rencontrées pendant ce temps-là. »
Et, lors de l’installation, la construction d’un réseau nécessite encore une fois d’y consacrer du temps.
M1 « Tu prends un peu de temps au début de ton installation (…) c’est une petite perte de temps au début c’est vrai, clair et net ! D’un côté, je n’avais pas suffisamment de patients pour m’occuper toute la journée. »
Par exemple, en allant se présenter.
M6 « Se présenter absolument à tout le monde quand on s’installe. C’est tout bête mais ça fait gagner énormément de temps. »
M2 « Il y a des gens qui sont installés depuis 20 ans, je ne sais pas la couleur de leurs cheveux alors qu’ils sont à 200 mètres… Vous trouvez ça normal vous ? Passez-moi un coup de fil, venez me dire bonjour ! »
Lorsque l’on s’associe à un médecin déjà installé, M7 nous explique qu’il existe naturellement un partage du réseau.
M7 « Au début en fait on prend un petit peu les correspondants de la personne avec qui on s’installe parce que je n’étais pas de la région, donc je ne connaissais personne… »
Et lorsque qu’il s’agit d’une succession, le réseau du médecin partant peut être repris, au moins en partie, par le médecin s’installant.
M1 « Vous êtes remplaçant de longue durée du médecin à qui vous allez succéder, vous connaissez ses correspondants (…) le jour du départ il vous laisse un outil qui est parfaitement performant. »
M3 « Quand tu reprends un cabinet, tu reprends aussi un outil. »

Un réseau qui devient de plus en plus personnel au fil du temps, avec diverses façons de l’enrichir

Une fois installé, le réseau devient de plus en plus personnel au fil du temps et de la pratique.
M5 « Alors au début je ne les connaissais pas, donc j’appelais, par exemple, je tapais à la porte d’un collègue en disant « Tu connais un rhumato dans le coin, un orthophoniste qui a des délais pas trop longs ? » Et puis je me suis fait mon propre avis à force d’adresser, ma propre opinion, mon propre carnet d’adresses, que j’essaie de maintenir à jour. »
Il existe, durant la vie professionnelle du généraliste, une multitude de moyens d’enrichir son réseau, comme le bouche-à-oreille.
M1 « le bouche à oreille (…) tu vas voir les gars qu’on te recommande. »
Une mutualisation des réseaux entre généralistes.
M10 « On mutualise les informations, on fait suivre aux collègues quand on apprend quelque chose qui permet de se dépatouiller. »
Les retours positifs de patients qui apprécient certains correspondants.
M6 « Le fait que j’ai des retours positifs de mes patients, c’est ce qui a fait que j’ai pris l’habitude de travailler avec certaines personnes. »
Les formations médicales continues (FMC).
M7 « C’est pour ça que les FMC sont intéressantes, parce que ce sont souvent des jeunes spécialistes qui vont faire ces FMC et ça vous permet d’élargir votre carnet d’adresses, de voir des nouvelles têtes et de rencontrer des gens qui sont peut-être un petit peu plus incisifs dans leur spécialité. »
M10 « Ça permet de se rencontrer, de se revoir une ou deux fois dans l’année avec d’autres confrères, et d’échanger sur notre réseau respectif. »

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
1) Histoire des réseaux de santé en France
Des coopérations isolées préexistantes
L’épidémie de SIDA comme élément déclencheur
L’apparition d’un patient avec de nouvelles attentes
Des professionnels de santé qui doivent réinventer leurs méthodes de travail avec l’arrivée de l’ère du malade chronique
Naissance des réseaux de santé
Définition actuelle et classification
2) Implication des médecins généralistes aujourd’hui dans les réseaux formels
3) En quoi les médecins généralistes créent-ils, indépendamment, autour d’eux, des réseaux
informels ?
4) Question de recherche
Matériel et méthodes
1) Choix de la méthode : pourquoi la recherche qualitative ?
2) Population et échantillon
3) Recrutement
4) Recueil des données
5) Analyse des données
Résultats
I) Le travail en réseau : un outil, une compétence
1) Une nécessité en médecine générale, un outil indispensable
2) Une compétence du médecin généraliste, une initiative personnelle
3) Le rôle de la formation universitaire dans l’acquisition de ce savoir faire
II) Deux concepts de réseaux
1) Les réseaux formels et informels, complémentaires
2) Une certaine réticence des médecins libéraux à utiliser des réseaux formels
3) Apparition de nouveaux modes de coopération
– Les maisons de santé pluri professionnelles (MSP)
– Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)
– Les plateformes territoriales d’appui (PTA)
III) Travail en réseau : analyse des rapports humains entre professionnels de santé
1) Adresser à quelqu’un que l’on connait si possible
2) Affects et travail en réseau
3) Mode d’exercice et influence sur les relations inter professionnelles ?
4) Le carnet d’adresses, générationnel ?
5) Correspondance au sein du réseau
IV) Modalités de construction du réseau
1) Une construction du réseau qui débute pendant les études, plutôt hospitalo centrée au
début
2) Remplacements et installation, deux autres temps forts pour créer son réseau
3) Un réseau qui devient de plus en plus personnel au fil du temps, avec diverses façons de l’enrichir
4) Stabilité et plasticité du réseau dans le temps
V) Composition du réseau
1) Des correspondants plus ou moins sollicités en fonction des médecins
2) Le problème de la raréfaction de certains correspondants libéraux, l’hôpital comme solution
3) Les médecines alternatives : une place extrêmement variable d’un praticien à l’autre.27
VI) Privé, Public, Secteur 2 : perceptions individuelles variables
1) Une opposition du secteur public au secteur privé vue comme obsolète
2) La perception de l’hôpital par les médecins généralistes
3) Place du secteur 1 et 2
VII) Qualités recherchées par les généralistes chez un correspondant, intégration de l’individualité du patient dans l’utilisation du réseau
1) Confiance, compétence technique, disponibilité et retour d’informations, les qualités les plus recherchées chez un correspondant
2) L’empathie, la volonté de travailler à plusieurs
3) Choix du correspondant en fonction du patient
4) Le réseau informel, plus de possibilités d’adaptation au patient
Discussion
Discussion sur la méthode
Forces de notre étude
Faiblesses de notre étude
Discussion sur les résultats
1) Le travail en réseau, un outil, une compétence du médecin généraliste
2) Une utilisation modérée des réseaux formels par les médecins généralistes, de nouveau modes de coopération plébiscités
3) Échanges humains et travail en réseau
4) Construction et composition du réseau
5) Critères de choix des correspondants
6) Vers de nouveaux outils ?
Conclusion
Bibliographie

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *