Des pratiques enseignantes qui influencent l’expérience scolaire des enfants d’origines étrangères

Les origines ethniques

L’étude de Mathieu Ichou se base sur deux enquêtes quantitatives grâce au Panel 1997 et à l’enquête TeO de l’Ined. L’analyse du Panel 1997 consiste à observer le parcours scolaire des enfants qui rentrent en CP en 1997 jusqu’à leur arrivée en seconde. Ce qui est principalement observé du parcours scolaire se situe dans les résultats aux tests standardisés de mathématiques et de français.
L’enquête TeO apporte quant à elle des informations sur les caractéristiques prémigratoires des immigrés. A l’issue du recueil de ces données de terrain, Ichou en vient à construire la catégorisation suivante des parents d’élèves : France Métropolitaine, Europe du sud (Portugal, Espagne, Italie), Algérie, Maroc, Tunisie, région du Sahel (Mali, Sénégal, Mauritanie), région du Golf de Guinée (Côte d’Ivoire, Bénin, Togo, Cameroun, Guinée, Ghana, Guinée équatoriale), Turquie, Asie du SudEst et Chine (Vietnam, Cambodge, Laos, Chine), DOM-TOM, Mixte (1 parent étranger et 1 parentfrançais). Il est important de préciser que les enfants dont les parents sont migrants sont comparés à des enfants natifs qui ont les mêmes caractéristiques socio-économiques. Le premier résultat souligne que les différences sociales sont extrêmes entre les enfants dont les parents sont nés en France métropolitaine et ceux dont les parents sont nés ailleurs. Voici un exemple : Les enfants d’immigrés d’Algérie sont 119 dans l’échantillon du « Panel 1997 ». 5,3 % d’entre eux ont un père cadre supérieur ou enseignant, tandis que 89,4 % ont un père ouvrier ou employé. 36,5 % ont une mère qui n’a pas dépassé l’école primaire et 5,2 % ont une mère qui a fréquenté l’enseignement supérieur. Les enfants d’immigrés d’Algérie ont un score moyen enCP de 59,4 %. D’autres résultats interpellent : les élèves venant des régions du Sahel, de la Turquie et du Golfe de Guinée sont les enfants les plus en difficulté. En revanche les élèves provenant de l’Asie du Sud-Est et de Chine sont les enfants qui évoluent dans les conditions les plus favorables.
Bien que les élèves de familles étrangères possèdent des conditions moins favorables à leurs parcours scolaires, Mathieu Ichou note que ces enfants ont tendance à progresser plus rapidement à l’école primaire que les enfants natifs.
Mais alors comment interpréter les différences scolaires « nettes » entre enfants de natifs et enfants d’immigrés de Turquie, du Sahel, d’Asie du Sud-Est et de Chine ? Selon Ichou, la ségrégation ethnique vécue par ces populations à leur arrivée en France expliquerait en partie ces résultats. En effet, les enfants issus de l’immigration se retrouvent scolarisés dans les mêmes établissements, ce qui a des effets négatifs sur leur scolarité. Or, nous le savons, l’hétérogénéité des élèves d’une classe tant culturelle qu’au niveau de leurs performances permet de faire progresser l’ensemble de manière plus durable et pertinente. Depuis un certain nombre d’année les recherches en sciences de l’éducation et au niveau du développement de l’enfant s’accordent à dire que l’homogénéité d’une classe ralentit considérablement les progrès des élèves, contrairement à l’hétérogénéité qui accélère le processus de progression.
Cependant d’autres indicateurs comme les caractéristiques prémigratoires sont à prendre en compte. En effet, il constate grâce à son étude que les enfants venant des régions du Sahel, de Turquie ou du Golfe de Guinée ont des parents qui avaient déjà un niveau socio-économique faible dans leur pays d’origine. Beaucoup d’entre eux sont agriculteurs ou ouvriers car ce sont des régions du monde où on observe une forte ruralité. Son étude démontre une homologie forte entre la position sociale des pères des immigrés dans le pays d’origine et la position scolaire des enfants d’immigrés en France. Ce qu’il faut retenir, c’est que les difficultés scolaires des enfants sont corrélées avec la position sociale de leurs parents. Également, selon le pays de naissance de leurs parents et la position sociale de la famille dans le pays d’origine, les enfants d’immigrés ont des scolarités diverses qui diffèrent plus ou moins de celles des enfants de natifs, en particulier pour les enfants d’immigrés de Turquie, du Sahel et du Golfe de Guinée.

La ségrégation spatiale

Nous l’avons évoqué dans une précédente partie, la ségrégation spatiale est un phénomène auquel sont régulièrement confrontées les familles émigrées en France. Notons que bien souvent, ces ensembles urbains sont construits dans des zones éloignées des centres, en périphérie selon Agnès Van Zanten . Cette réalité soulève plusieurs problématiques. Tout d’abord, nous y reviendrons, cela instaure une certaine « mise de côté » pour ces groupes. Ils peuvent difficilement se sentir intégrés au système français dans ces conditions, ce qui peut avoir a fortiori une incidence sur le rapport au système éducatif français. De plus, Alessandro Bergamashi soulève que, mis à l’écart et regroupés entre eux, les différents groupes ethniques ne sont ni familiarisés avec la langue française, ni encouragés à l’employer. Pourtant, la connaissance de la langue officielle est un facteur déterminant d’intégration à la vie et à la culture d’un pays, nous l’aborderons ci-après. “Les descendants d’immigrés à l’école en France : entre discontinuité culturelle et discrimination systémique” de Georges Felouzis, Barbara Fouquet-Chauprade et Samuel Charmillot est un article qui questionne la part respective de l’école et de la famille dans la construction des inégalités en reprenant le questionnement suivant de Bernard Lahire : «si l’inégale réussite scolaire des élèves issus des différents groupes sociaux ne met pas fondamentalement en jeu le rapport de ces groupes sociaux aux formes objectivées de culture et si les dispositions “méta” (le rapport scripturalscolaire au langage), socialement constituées au sein de ces formes objectivées de culture, ne sont pas au centre des processus d’échec scolaire ». Ces dires soulignent bien le fait que l’origine socioéconomique et culturelle des élèves migrants s’avère être un facteur d’inégalité scolaire. Afin de nuancer ces propos, l’article met en lumière le concept “d’effet Matthieu” (Crahay, 2013) qui peut qualifier certains établissements scolaires français, notamment les écoles de centre-ville, signifiant “donner plus à ceux qui ont le plus”. Le regard de l’étude conduit à noter une certaine production scolaire des inégalités par le biais de discriminations systémiques liées à un ensemble de facteurs urbains et scolaires. En effet, les élèves issus de l’immigration se retrouvent majoritairement dans des écoles et collèges de quartiers ghettoïsés, ceux de la “périphérie” selon Agnès Van Zanten (2012) ou encore ceux dont la ségrégation sociale se cumule avec la ségrégation ethnique et scolaire (Felouzis, 2003 ) ou dans des établissements mixtes. L’hypothèse émise pour tenter d’expliquer ce plafond de verre qui limite les acquis scolaires des élèves issus de l’immigration quel que soit leur capital culturel révèle que cette ségrégation spatiale de ces élèves entraîne une dégradation des con ditions d’apprentissage. Or, il faut noter que la composition sociale et migratoire des établissements constitue un puissant facteur de production des inégalités scolaires, que ce soit en France (Duru-Bellat, 2002 ; Felouzis, 2003) ou dans d’autres pays (Coleman, Campbell, Hobson et al., 1966; Hanushek & Rivkin, 2006 ; Lauder, Thrupp, Goldstein et al., 2008 ; Van Ewijk & Sleegers, 2010). Ainsi, c’est la qualité différentielle des écoles qui explique l’accroissement des inégalités de compétences et non la distance culturelle des élèves à l’école en elle-même, selon Felouzis. C’est-à-dire que certains établissements scolaires dans les quartiers défavorisés malgré des dispositifs institutionnels comme les « écoles à aidées » ou encore le cadre « REP ou REP + » restent à la marge des établissements de centre-ville. Les moyens financiers ne suffisent pas à asseoir une qualité unilatérale des établissements scolaires sur tout le territoire français. Ainsi en plus de l’effort d’acculturation à la culture scolaire, les moyens de l’établissement sont aussi à prendre en compte. Cela amène à interroger l’institution scolaire comme étant inconsciemment créatrice d’inégalités scolaires.

L’existence de stéréotypes et de discriminations

Marion Dutrévis caractérise les stéréotypes comme étant « un ensemble de croyances partagées à propos des caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi des comportements, propres à un groupe de personnes ». Tout groupe est victime de stéréotypes plus ou moins ancrés et avantageux. Elle se base sur une étude relative aux afro-américains pour déterminer quels sont les principaux stéréotypes dont les minorités ethno-raciales font les frais. Ainsi, elle évoque les termes « fainéants », « bêtes » et « ignorants ». De tout cela découle une idée selon laquelle les élèves issus de ces minorités auraient, tout comme les élèves natifs issus de classes populaires, de faibles capacités scolaires. Ces stéréotypes sont si inconsciemment ancrés dans les esprits que les élèves issus de l’immigration seront traités différemment alors qu’ils entreront dans une école française. On appelle cela la discrimination, qu’elle soit positive ou non. Cela nous renvoie à la notion de « nivellement vers le bas » d’Agnès Van Zanten explicitée précédemment. En effet, les attentes amoindries de la part des enseignants dans des écoles dites ghettoïsées témoignent bien d’une idée globale de délicatesses scolaires. De plus, cette discrimination qui semble positive n’aidera pas ces élèves pour leur scolarité en collège ou en lycée, à moins que les attentes soient également moins exigeantes dans leurs futurs établissements. Quoiqu’il en soit, les épreuves du Diplôme National de Brevet ou celles du Baccalauréat seront identiques pour tous les élèves.
Au-delà des difficultés que peuvent engendrer les stéréotypes caractérisant les élèves issus de l’immigration, ces préjugés peuvent être intériorisés par les concernés. En effet, Marion Dutrévis soulève que l’incidence principale de ces stéréotypes est la vision que les élèves issus de l’immigration auront d’eux-mêmes. En 1956, Cooley explique qu’« un individu faisant face à des expériences récurrentes de discrimination serait amené à penser que le contenu des images véhiculées dans la société reflète fidèlement ses propres compétences, qui lui sont personnellement applicables ».
Cela signifie que l’individu qui fait face à des a priori se verra lui-même les intérioriser. Ce phénomène aura inévitablement des conséquences sur la confiance en soi, la motivation et le taux de décrochage scolaire. Notons cependant que tous n’intériorisent pas ces préjugés. Cependant, l’issue sera souvent la même puisqu’en réaction à cela, les élèves qui n’adhèrent pas aux stéréotypes dominants évoqueront des causes externes à leurs échecs en cas de difficultés. Cette réaction vise à les protéger mais en évoquant par exemple une mauvaise notation, un mauvais professeur ou de mauvais outils, ils se « désidentifieront » du système scolaire et accroîtront les risques de décrochage scolaire.

Langages légitimes et illégitimes

Nous pouvons considérer qu’il existe deux langues françaises : la langue orale et la langue écrite. A l’école, la langue écrite est privilégié selon Basil Bernstein 23 puisque les enseignants y sont largement familiarisés . C’est en effet au sein de l’institution scolaire que les élèves apprennent à maîtriser cet te langue. Selon le langage parlé dans sa cellule familiale et les fonctions de sa mobilisation, un élève peut être plus ou moins éloigné de la langue écrite en entrant dans les apprentissages. Nous l’aurons compris, plus un élève parle une langue proche de celle de l’écrit, moins il aura de mal à entrer dans l’écrit et vice-versa. Cela s’explique par le fait qu’un langage riche, soutenu et à des fins variées (pas seulement celle de communiquer) est privilégié à l’école. Bernard Lahire appelle cela la « forme scripturale du langage » et Basil Bernstein, le « code élaboré ». Les classes sociales favorisées ont tendance à adhérer à ce type de langage légitimé. Au contraire, dans les classes populaires, dont les immigrés font partie dans 70% des cas, on utilise un « code restreint » à des fins purement communicationnelles et non pas de développement symbolique et personnel. Cette forme d’oral éloignée de l’écrit est quant à elle, plutôt considérée comme illégitime à l’école.

Entretiens

En complémentarité des observations, il était important de réaliser des entretiens afin d’avoir accès à des informations non visibles et personnelles comme l’origine ethnique de certains élèves. En outre, ils permettent d’avoir la perception des enseignantes et ATSEM sur la difficulté scolaire et langagière de manière générale, mais aussi dans leur classe. Ainsi cela permet de confirmer ou non une certaine adéquation entre la parole et les gestes du professionnel. Réalisant notre stage au côté de trois professionnelles, nous avons décidé de mener pour chacune un entretien dirigé pour les mettre en parallèle de nos observations.

Une enseignante de CM1 et directrice de l’école dans une zone rurale

Nous avons fait le choix d’effectuer notre entretien à l’issue de notre stage de quatre semaines au sein de l’école élémentaire Jean Jaurès. Il nous semblait judicieux d’observer la classe, les élèves et l’enseignante avec l’aide de la grille d’observation présente en annexes dans un premier temps, puis, de croiser ces observations avec des informations supplémentaires et le ressenti de notre maître d’accueil temporaire. De plus, nos relations seraient logiquement plus fluides à la fin du stage, ce qui pourrait nous mettre à l’aise. Tel que le titre de cette sous-partie l’indique, cette enseignante est également la directrice de l’établissement. Cela pourrait apporter de véritables plus-values aux données récoltées à l’issue de nos observations (informations sur d’autres élèves de l’école, sur d’autres classes, sur la circonscription, etc). Néanmoins, notre grille d’entretien était principalement axée sur sa classe. L’entretien s’est déroulé lors de notre dernière matinée de stage. Notons que l’enseignante avait un temps certain à nous accorder puisqu’il s’agissait de sa journée de « décharge de direction ». Ainsi, l’entretien a duré un peu plus d’une heure. Nous lui avons demandé son accord pour l’enregistrer, ce à quoi elle a répondu par l’affirmative. Elle semblait toutefois extrêmement stressée alors que l’entretien débutait, contrairement à ce que nous avions envisagé. Au cours de l’entretien, elle s’est peu à peu détendue et nous avons pu récolter des informations très intéressantes, qui coïncidaient pour la plupart avec nos hypothèses de départ.

Le profil typique d’un élève du PRE démontrant la corrélation entre difficultés langagières et origine sociale

De nombreux dispositifs éducatifs existent en dehors du cadre scolaire. Le Programme de Réussite Éducative est un dispositif qui œuvre en faveur de la réussite scolaire en venant en aide aux enfants les plus défavorisés. Ce programme est créé en 2005 à la suite de la loi pour « l’égalité des droits et des chances de tous les élèves ». Impulsé par le ministère de l’Education Nationale, il est ensuite délégué aux villes via l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé). Bien que l’orientation soit nationale, il s’agit en réalité d’un dispositif qui s’inscrit dans une localité définie, permettant un travail de partenariat avec les municipalités et les actions territoriales.
Il a pour objectif la prise en charge individuelle d’enfants dès 2 ans, à partir de la toute petite section, jusqu’au collège. Ces enfants, considérés comme « fragiles », sont des enfants qui sont la plupart du temps repérés dans le contexte scolaire par leurs enseignants. Les critères retenus pour avoir accès à ce dispositif sont multiples : état de santé physique, développement psychique et psychologique, contexte familial, facteurs socio-économiques et environnementaux . Les équipes coordinatrices des parcours dédiés aux enfants travaillent sur 4 axes principaux : « identification précise des difficultés de l’enfant, établissement d’un diagnostic de la situation, proposition d’un parcours éducatif adapté, suivi et évolution de l’enfant ». À chaque parcours individuel est associé un internat qui est le référent de l’enfant. Il est chargé d’assurer le suivi et d’aider l’enfant à progresser selon les objectifs fixés en accord avec la famille, les équipes coordinatrices et l’enseignant. Les objectifs peuvent être divers et variés, allant du simple soutien scolaire à une ouverture culturelle et un renforcement du langage.
Comme évoqué précédemment, les enfants qui présentent le plus de difficultés scolaires sont des enfants de milieux défavorisés et des enfants d’origines étrangères. La réalité du PRE n’échappe pas à cette logique. En effet, la majorité des enfants qui sont suivis par le PRE de la ville de Nantes est issue de milieux défavorisés et parfois d’origines étrangères puisque les élèves que nous suivons résident dans les quartiers sensibles de la ville. Pour notre enquête, je n’ai pas eu accès aux statistiques des CSP, mais voici quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes: sur les 6 profils qui m’ont été présentés cette année et les 3 enfants que j’ai suivi, tous les parents sont/ou étaient sans emploi. Par conséquent, ils sont presque tous scolarisés dans des écoles placées en réseau d’éducation prioritairerenforcée.
La carte en annexe indique l’ensemble des écoles de la ville de Nantes avec les principales écoles partenaires du dispositif. Les auréoles rouges mettent en lumière les écoles dans lesquelles sont majoritairement scolarisés les enfants inscrits au PRE. Nous pouvons remarquer que ces écoles sont des écoles définies comme REP + et qu’elles sont situées dans les quartiers les plus défavorisés et sensibles de Nantes. A savoir : Bellevue / Malakoff / Breil-Malville / Dervallières / Boissière / Chêne des Anglais.
Mon expérience personnelle au sein de ce dispositif depuis 3 ans me permet d’établir un profil type d’élève qui bénéficie du parcours individualisé au PRE. Il s’agit d’un élève qui a entre 5 et 8 ans, d’origine étrangère, présentant des lacunes langagières .En effet, sur six propositions de parcours, cinq enfants sont d’origines étrangères, dont quatre sont arrivés en France il y a moins de trois ans.
De plus, les objectifs à atteindre pour ces enfants sont quatre fois sur six liés au renforcement du langage, combinés avec l’ouverture culturelle et l’amélioration de l’intérêt pour les apprentissages scolaires.

Des discriminations qui résultent de stéréotypes émanant des enseignants

Nous avions abordé la notion de « nivellement vers le bas » (Agnès Van Zanten). Alors que nous demandons à Céline si elle ajuste ses attentes en fonction du niveau des élèves (cf. grille d’entretien en annexe), elle répond « Bien sûr ! Par exemple, si Sofia a 50% de réussite en dictée, je considère que c’est très bien alors que pour d’autres élèves, ça ne serait pas satisfaisant ! ». Bien que cela soit tout à fait compréhensible et même nécessaire pour ne pas décourager l’élève, il faut noter la discrimination positive établie ici-même. D’ailleurs, elle explique que pour apporter les outils nécessaires aux élèves dans le besoin dès le début de l’année, elle se réunit avec son collègue du niveau inférieur. Cela est bien entendu essentiel mais sous-entend également qu’elle peut apprendre à connaître certains de ses élèves tout en ayant des idées pré-construites relatives à leur niveau. Cela peut ne pas aller dans le sens du progrès dans certains cas. D’ailleurs, nous avons, lors de nos entretiens, fait face à quelques idées préconçues de la part de nos maîtres d’accueil temporaire concernant des cultures dites « différentes des nôtres ». Par exemple, Laurence évoquait la « relation au temps » qui peut différer d’une culture à l’autre. Ainsi, elle affirmait : « les mamans comme la maman de Nathael par exemple, qui sont plutôt de type africaine, elles sont beaucoup plus zen que nous. Je pense qu’on n’a pas la même relation avec les enfants, la même relation aux horaires,culturellement je pense qu’effectivement il y a des différences éducatives. ». Nous avons effectivement observé que Nathael semble ne pas s’être imprégné de l’emploi de la classe qui prévoit des temps au coin regroupement où lui ne se rend jamais. Ces paroles relèvent plus d’une conception personnelle que d’un concept vérifié. Dans la même lignée, Céline exprimait concernant un élève de sa classe « c’est possible que dans la culture portugaise, il y ait plus de libertés accordées aux enfants et moins de cadre à la maison ». Nous pourrions appareiller ces propos à la théorie de l’enfant roi, stéréotypes dont les familles de la péninsule ibérique font parfois les frais.

Des pratiques enseignantes qui influencent l’expérience scolaire des enfants d’origines étrangères

Des modalités et une différenciation inadaptées aux difficultés langagières des élèves concernés

Nous avons eu l’occasion d’observer une différenciation par la quantité plutôt que par le contenu. Une enseignante de CM1, partant du constat qu’un élève hispanophone de sa classe ne comprenait pas ce qui était demandé, a préféré raccourcir l’exercice. Lui demander d’effectuer « seulement ce qu’il est capable de faire » dans le but d’alléger la charge cognitive n’est pas motivantpour l’élève qui sait qu’il a la possibilité et le droit de ne pas tout faire. Lorsque la différenciation est pensée sous un spectre quantitatif, là encore, les moyens ne sont pas idéaux. L’enfant se voit isolé avec un logiciel informatique d’entraînement. Si cette séance est néanmoins guidée par un adulte, cet adulte n’est autre qu’une jeune femme en service civique au sein de l’école, qui n’a pas de compétences en termes d’espagnol, d’enseignement ou de difficulté scolaire. Il lui est d’ailleurs arrivé de nous demander « Peux-tu m’aider ? Je ne sais pas comment lui expliquer ». Parfois, cette jeune femme fait lire des livres destinés à des apprentis lecteurs (CP) à l’élève allophone. Mais use -t-elle de la bonne technique pour lui apprendre à décoder ? Met-elle un accent que l’enseignante jugerait satisfaisant sur la prononciation ? Occupée avec le reste du groupe, l’enseignante ne peut s’en assurer.
Malgré un étayage humain, le manque de ressources structurelles ne permet ici pas une différenciation optimale. En effet, la différenciation prévue isole considérablement l’enfant, qui passe près de deux heures par jour dans une autre pièce en dehors de la classe. Cela implique deux heures de moins en immersion complète avec la langue française et les apprentissages de la classe. Même si la dispense d’un enseignement du décodage pour travailler la correspondance grapho-phonologique française de manière individualisée est nécessaire, nous pourrions envisager la situation sous un autre angle : « La difficulté » est donc écartée du dynamisme de la classe. Outre l’isolement physique, Pablo se sent en décalage avec les autres élèves de la classe. Voici un extrait de conversation (initialement en espagnol) que l’une d’entre nous a eu avec lui au sujet des livres qui lui servaient de support aux activités de décodage.

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Table des matières
Sommaire
Introduction
Partie 1 : Cadrages théorique et empirique
Chapitre 1 : Cadrage théorique
1) La difficulté scolaire
2) L’immigration
2.1) Les ressources financières et l’origine sociale déterminent les inégalités scolaires
2.2) Les origines ethniques
2.3) La ségrégation spatiale
2.4) Les engrenages de l’institution scolaire
2.5) L’existence de stéréotypes et de discriminations
2.6) La question du langage au cœur des apprentissages
3) Le langage
3.1) Qu’est-ce que le langage ?
3.2) La langue et ses fonctions
3.3) Langages légitimes et illégitimes
3.4) La place centrale de langage à l’école
4) Problématique et hypothèses
Chapitre 2 : Cadrage méthodologique
1) Terrains d’enquêtes
2) Echantillons d’enquêtes
3) Observations
4) Entretiens
5) Discussions informelles
6) Référence au dispositif éducatif du programme de réussite éducative de la ville de Nantes
7) Matériel de recherche
8) Difficultés, manques, regrets
8) Difficultés, manques, regrets
Partie 2 : Analyse des données de terrain
Chapitre 1 : Facteurs internes de la difficulté scolaire des élèves issus de l’immigration
1) Les ressources financières et l’origine sociale
2) Le langage légitime à l’école, entre confrontation et non maîtrise
2.1) L’insuffisante maîtrise du langage légitime provocant le redoublement
2.2) Des lacunes langagières qui conditionnent les difficultés dans toutes les disciplines
2.3) Le code langagier scolaire, une barrière symbolique qui éloigne les familles de l’école
2.4) Une communication entre pairs rendue difficile de par la non maîtrise du français
3) L’origine ethnique
4) Le profil typique d’un élève du PRE démontrant la corrélation entre difficultés langagières et origine sociale
Chapitre 2 : Facteurs externes de la difficulté scolaire des élèves issus de l’immigration
1) La ségrégation spatiale
2) Concurrences institutionnelles et non prise en charge des difficultés scolaires des élèves allophones
3) Des discriminations qui résultent de stéréotypes émanant des enseignants
Chapitre 3 : Des pratiques enseignantes qui influencent l’expérience scolaire des enfants d’origines étrangères
1) Des modalités et une différenciation inadaptées aux difficultés langagières des élèves concernés
2) La communication entre élève et enseignant, un manque pour les élèves en difficulté langagière
2.1) Des temps d’échanges courts et pauvres
2.2) Un manque de sollicitation de la part des enseignants
Conclusion : La non difficulté scolaire des élèves issus de l’immigration
1) Des élèves aux origines ethniques et sociales métissées
2) Des performances scolaires diverses
Bibliographie
Annexes
4ème de couverture

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