Des politiques publiques diverses en matière d’urbanisme écologique et de gestion des inondations

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L’action publique en matière de prévention des inondations

Le Conseil d’Analyse Economique a étudié en 2012 l’action publique en terme de risques majeurs et a distingué quatre rubriques d’intervention : les formes ex ante (évaluation et prévention), l’intérim (gestion de crise), les formes ex post (réparation des dommages) et les formes combinées (assurance et responsabilité). Il reprend en 2012 quelques éléments d’histoire juridique et institutionnelle dans le livre « Les risques majeurs et l’action publique » ; en 2015, Jégat s’intéresse également à l’historique de la mise en place de certaines lois. Il est ici question de se focaliser sur les formes ex ante, à savoir la prévention des inondations par l’aménagement du territoire.

Un perfectionnement des politiques territoriales au cours du temps

Après les crues du XIXème siècle engendrant d’importants dommages sur la Loire et le Rhône est créée la loi de 1858 sur les inondations. Elle est caractérisée par la prérogative d’interdire ou de modifier la présence de digues qui perturberaient l’écoulement des fleuves ou de leurs principaux affluents et par une cartographie associée. L’Etat est responsable des travaux, et finance une partie du projet en collaboration avec les départements, communes et propriétaires « dans la proportion de leur intérêt respectif ». La loi de 1982 constitue un premier avancement en ce qui concerne l’indemnisation des catastrophes naturelles (régime “Cat-Nat”), avant qu’elle ne soit perfectionnée en 1995 avec la loi Barnier. Cette dernière représente un avancement majeur dans la gestion des inondations avec l’instauration des Plans de Prévention des Risques Naturels Prévisibles. Ces servitudes d’utilité publique ont remplacé d’autres documents qui avaient pour fonction de délimiter les zones à risque. Ils visent surtout à maîtriser l’urbanisme (interdiction de construire, possibilité de construire sous certaines conditions, expropriation, délaissement, mesures de protection simples) à travers un plan de zonage et un règlement décrivant les contraintes de construction. Ces documents sont soumis à enquête publique avant d’être approuvés par le préfet ; ils ont une portée juridique.
Puis, à partir des années 2000, les politiques territoriales prennent conscience des limites du « tout-protection » (figure 6). La circulaire du 01/10/02 relative au plan de prévention des inondations et à l’appel à projets demanda à ce que « la prévention s’organise globalement au niveau des bassins versants et qu’elle ne se limite pas à des “infrastructures lourdes de protection en aval”, mais veille à régler le débit en haut du bassin, ce qui force à “recréer des zones d’expansion de crue” ». Elle mentionne les notions d’enjeux et de vulnérabilité, en demandant de « prendre en compte le fait qu’aucune stratégie de prévention et de protection n’est capable de supprimer le risque ». A cette période, le PAPI (Programme d’Actions de Prévention des Inondations) semble être un outil règlementaire cohérent puisqu’il intervient à une échelle moindre que les grands bassins hydrographiques. Avec la loi dite Bachelot de 2003, un vendeur situé dans une zone couverte par un PPR a l’obligation d’en informer par écrit son acquéreur (information acquéreur locataire). Malgré une volonté politique de travailler sur des programmes ex ante, les ouvrages de protection existants doivent être entretenus ; la loi de 2006 sur les digues et les barrages a pour objectif de reprendre la sécurité des digues et barrages et de classer ces ouvrages.

Les leviers et limites de l’urbanisme écologique

Certains organismes publics, tels que l’ONEMA (Agence Française pour la Biodiversité depuis le 1er janvier 2017) ou le Conseil d’Analyse Economique, ont caractérisé plusieurs obstacles à l’évolution de l’ingénierie écologique. Ici, il est question de recentrer ces problématiques sur les questions d’urbanisme écologique.

Une gouvernance complexe

Les problématiques liées à la gouvernance ne sont pas négligeables. La diversité des structures en charge de la thématique « gestion des inondations », les limites administratives mal adaptées aux enjeux hydrologiques et le manque de documents à vocation contraignante, sont autant de facteurs à intégrer dans l’analyse du développement de l’ingénierie écologique. A titre d’exemple, le fonctionnement interne d’une zone humide est structuré par le régime hydrologique des côtes de l’eau dans la zone, mais également dans son environnement immédiat ; or, pour un contrôle optimal des crues, il est nécessaire de traiter les écoulements entrants et sortants, ce qui constitue un enjeu majeur en termes de gestion lorsque plusieurs acteurs sont concernés.
Au vu de l’étude des textes existants, il n’existe pas de document ayant pour vocation spécifique d’intégrer la nature dans la prévention des crues. Par exemple, il a été vu précédemment que les Plans de Prévention des Risques existaient dans la loi depuis 1995. Néanmoins, ces documents n’ont pas vocation à intégrer la nature dans l’aménagement des villes ; Jean-François Morel, sous la direction de François Bonnet, écrivait en 2016 que « la question du développement des territoires n’est pas au coeur des préoccupations des Plans de Prévention des Risques ». En effet, leur principale fonction est de définir les risques auxquels sont exposées les zones urbaines et de les localiser à travers une cartographie permettant de visualiser les zones constructibles ou inconstructibles. Aussi, les PAPI (Programmes d’Actions de Prévention des Inondations) créés en 2003 ont certaines limites en ce qui concerne une approche règlementaire, puisque ces documents se concentrent sur les aspects financiers des programmes de prévention, malgré qu’il existe quelques passerelles règlementaires entre les Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) et les PAPI.
L’absence de documents ayant pour finalité la prévention des inondations par l’urbanisme écologique est à nuancer de par l’existence de certains documents… non-contraignants. Diverses chartes et conventions internationales évoquent en effet l’intérêt de sauvegarder les écosystèmes et incitent à la préservation de la biodiversité ; cependant, ils présentent peu de valeur juridique. Par exemple, la convention de Ramsar constitue un engagement de la part du pays signataire à protéger certaines zones humides ; malgré qu’il récompense les actions positives en termes de gestion durable, ce label n’a pas vocation à sanctionner les préjudices portés aux zones humides. Aussi, les corridors écologiques ne sont pas directement reconnus dans les textes contraignants ; la directive « habitats » fait référence à la notion de corridors (article 10) sans, toutefois, la reconnaître strictement ni la rendre obligatoire en utilisant le verbe « s’efforcer » (Bonnin, 2008). En outre, même s’il existait des documents créés dans l’objectif d’utiliser la nature en ville pour limiter les effets des crues, et qu’ils étaient reconnus en tant que tels, il n’est pas certain que ceux-ci soient véritablement appliqués dans la pratique. A titre d’exemple, la mise en oeuvre des Plans de Prévention des Risques est sujette à débat puisque de nombreux cas de non-respect de la cartographie règlementaire sont recensés au cours de ces dernières années. Magali Reghezza-Zitt, géographe, utilisait les termes suivants suite aux inondations de 2015 qui ont fait 20 morts dans les Alpes-Maritimes : « Mais, vingt ans plus tard, on continue à urbaniser des zones à risque, et, de plus, on urbanise de plain-pied la plupart du temps. Les PPR sont contournés en toute légalité, sont contestés et donc suspendus, comprennent des dérogations, sans compter les pressions énormes qui s’exercent sur les élus ».

La maîtrise du foncier et les financements

La maîtrise du foncier est un des enjeux principaux en ce qui concerne la mise en oeuvre de techniques dites naturelles. Les cours d’eau et leurs zones riveraines étant pour la plupart non domaniaux, à savoir sur environ 90 % du linéaire des cours d’eau (ONEMA, 2013), il est nécessaire d’acquérir des terrains ou bien d’établir des contrats avec divers propriétaires. Cela est relativement complexe en termes de démarches administratives, mais aussi en matière de relations sociales. A cela s’ajoutent des problématiques financières. Les difficultés d’autofinancement des collectivités ainsi que le fonctionnement des marchés publics entrent aussi en jeu lorsqu’il s’agit d’aménager des zones relativement naturelles. Ainsi, l’assistance à maîtrise d’ouvrage sur des projets environnementaux se révèle moins rémunérée malgré un besoin en études plus conséquent. Cependant, cette question est sujette à discussion avec l’arrivée de la compétence GEMAPI (Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations) qui va inéluctablement modifier la trésorerie des collectivités en termes de gestion des crues. De manière générale, il est relativement complexe d’obtenir des financements de par un manque d’informations et de sensibilisation des divers acteurs en ce qui concerne la gestion des inondations. Par exemple, les riverains d’un cours d’eau en zone urbaine perçoivent une certaine incohérence entre le discours prononcé il y a une dizaine d’années (« nécessité de contenir la rivière ») et les propos actuels (choix de revenir à un état plus naturel, « retour à la liberté » du cours d’eau). Cette situation est similaire au ressenti des élus des collectivités locales quant aux discours de l’Etat en matière de prévention des crues.

Questions éthiques

Certains auteurs ont mis en évidence les questions éthiques se rapportant à la modification de la nature pour des finalités considérées comme anthropocentrées. Raphaël Larrère considère la restauration écologique comme une artificialisation de la nature (2014) et évoque Éric Katz qui écrivait en 2003 « la nature “restaurée” est un artifice créé pour convenir aux intérêts et aux satisfactions humaines ». En effet, malgré que le principe même de la définition de services écosystémiques implique la notion d’utilité à l’Homme, des auteurs envisagent la restauration de la nature comme une manipulation quelque peu égoïste. Or, outre les raisons qui poussent à restaurer la nature, il apparaît évident que l’essentiel soit de réaliser l’action ; autrement dit, qu’importe les arguments à la protection des écosystèmes, le plus important est de restaurer les milieux. Patrick Blandin écrivait justement en 1991 « la nature a toujours fait l’objet de transformations, mais généralement liées à des finalités d’exploitation de ressources satisfaisant des besoins nutritionnels et matériels. Aujourd’hui, l’on commence à concevoir la nature comme manipulable à des fins, pour dire vite, d’amélioration patrimoniale ».

L’importance du cadre de vie

Malgré l’ensemble des freins au développement de l’urbanisme écologique cités plus haut, certains auteurs mettent en avant l’importance des milieux naturels en territoire urbain, puisqu’ils fournissent des services culturels difficilement quantifiables mais existants. C’est le cas par exemple de Robert et Yengué (2016), Wantzen et al. (2016) et de Nathalie Blanc (2017). Le comité français de l’UICN évoquait en 2013 les valeurs éducatives et scientifiques fournies par la présence de la nature en ville (« les jardins botaniques urbains constituent des lieux de découverte des espèces floristiques ») et mettait en évidence son importance en termes de sensibilisation « lorsque les habitants sont coupés du contact avec la nature […], ils n’en ressentent plus l’importance et perçoivent donc difficilement les enjeux de sa préservation. ». Peuvent également être évoquées les valeurs sociales, esthétiques, artistiques, patrimoniales et spirituelles fournies par les espaces naturels. Par conséquent, de par une haute valeur culturelle liée à la présence de la nature en ville, il existe un réel attrait à restaurer les milieux écologiques en milieu urbain.

L’intérêt de l’analyse des politiques publiques

Ainsi, la littérature se concentre sur l’utilité de la nature pour limiter les crues, et prouve par différentes expériences que les écosystèmes ont réellement un effet dans le laminage des crues. Les zones humides, plaines inondables, corridors écologiques mais aussi noues et fossés présentent au cours du temps une véritable efficacité en matière de stockage ou de régulation des écoulements. Néanmoins, un nombre plus relatif de textes s’intéresse à l’intégration de ces aménagements naturels dans les politiques territoriales, et cela constitue tout l’intérêt de ce projet de fin d’études.
L’état de l’art a montré divers freins et leviers au développement de l’urbanisme écologique par les politiques territoriales françaises. De ce fait, il pourrait être intéressant de comparer l’intégration de la nature avec un autre pays similaire à la France en termes climatiques et culturels, l’Allemagne. En effet, il semble pertinent de confronter les actions territoriales en matière de prévention des inondations, et d’étudier comment ces politiques publiques sont appliquées dans les deux pays. Alors que de nombreuses études traitant des services écosystémiques se sont concentrées sur l’efficience des espaces naturels en matière de régulation des flux d’eau, la présente étude traitera de l’intégration des aménagements fournissant des services écosystémiques dans les politiques territoriales françaises et allemandes. Plusieurs hypothèses peuvent d’ores et déjà être évoquées. A première vue, il semblerait que la France adopte une approche indirecte en matière de politiques territoriales liées à l’urbanisme écologique, en développant divers documents de planification tels que les Trames Verte et Bleue, qui n’ont pas spécifiquement vocation à réguler les inondations mais qui peuvent y contribuer. Sylvie Joubert écrivait « entre incitation et contrainte, telle est donc bien la position aujourd’hui des collectivités territoriales s’agissant de la planification du développement durable » (2015). Par ailleurs, il est possible de constater que les allemands mettent en oeuvre une approche très locale (au niveau intercommunal) en matière de gestion des eaux ; il conviendra ainsi de s’assurer que la prévention des inondations se traite à la même échelle. Cela sera l’occasion d’exercer un regard critique sur la mise en oeuvre de la compétence GEMAPI à partir du 1er janvier 2018. En outre, nous pouvons supposer qu’au lieu de limiter l’inondation en utilisant les propriétés régulatrices des écosystèmes, les politiques publiques permettent l’aménagement de milieux naturels en ville et il s’avère que cela contribue à réduire les effets des crues. Enfin, nous présumons qu’il existe des lacunes dans la conciliation entre la gestion écologique (à savoir l’aspect protection de la biodiversité) et la prévention des inondations (c’est-à-dire la sécurité des personnes et des biens), malgré le développement de l’approche par les services écosystémiques (ASE, Wallis et al, 2011). L’application de la méthodologie détaillée dans la partie suivante permettra de confirmer ou de réfuter l’ensemble de ces hypothèses.

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Table des matières

Introduction
Des enjeux multiples en aménagement et environnement
Définition des termes du sujet
Objectifs et organisation de l’étude
I. Etat de l’art
A. L’efficacité des zones naturelles quant à l’écrêtement des crues
B. L’action publique en matière de prévention des inondations
C. Les leviers et limites de l’urbanisme écologique
D. L’intérêt de l’analyse des politiques publiques
II. Méthodologie
A. L’utilisation de données variées
B. Le cadre d’analyse
III. Présentation du cas d’étude
A. Le parallèle entre deux villes jouxtant le Rhin
B. Le cas des politiques publiques allemandes
Conclusion
Une problématique actuelle
Des politiques publiques diverses en matière d’urbanisme écologique et de gestion des inondations
La comparaison franco-allemande
Table des matières
Table des figures
Table des tableaux
Bibliographie

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