DES PERCEPTIONS DES MODES REVELATRICES DU CHOIX MODAL, ENTRE COUTS ET BENEFICES

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La voiture comme symbole de liberté VS les transports en commun associés au sentiment de dépendance

L’automobile est un véritable symbole de liberté pour tous les automobilistes, elle permet d’aller où on veut et quand on veut sans contrainte. D’après M. Jensen (1999), conduire une voiture est un moyen de satisfaire son besoin d’indépendance. La souplesse de mobilité et la disponibilité qu’offre la voiture, sont très appréciées : « c’est extrêmement souple d’avoir un véhicule sous la main. (John, 32, E, P/zone2, en couple, chef de pub). Grâce à leur mode individuel, les automobilistes bénéficient d’une liberté de mouvement et d’une spontanéité qu’ils ne pensent pouvoir avoir avec d’autres modes, collectifs notamment. « C’est le sentiment de liberté avec la voiture, j’étais au ski la semaine dernière et on a décidé sur un coup de tête de partir en Italie, donc on est allé à Turin ! (…) donc partir d’une minute à l’autre comme ça, en transports, avec la SNCF ça aurait pas été possible ! (…) ça me permet plus de spontanéité, si j’ai envie de partir en week-end c’est plus simple en voiture, sans voiture c’est toute une organisation, faut prévoir, c’est plus compliqué !» employé de banque).
Les transports en commun sont vécus comme contraignants de part la dépendance qu’ils infligent vis-à-vis des horaires ou vis-à-vis de l’entourage. « C’est un manque de liberté évident, c’est très très contraignant » (Cyril). Alicia se sent plus libre depuis qu’elle a sa voiture, par rapport au métro, au taxi, ou à ses proches à qui elle devait constamment demander de se faire raccompagner. « Le soir je ne suis pas obligée de partir avec le dernier métro, ou de me demander si (Alicia, 29, M, P/P, Ligue de l’enseignement). Les horaires stricts qu’ils imposent, renforcent le sentiment de stress. « En transports en commun t’es dépendant, t’es pas libre d’aller ou tu veux quand tu veux. C’est l’enfer. C’est la mission ! Je suis obligée de me lever en fonction de l’heure du train, non non ! Pour moi c’est rédhibitoire ! (…) Faut que tu sois à l’heure pour prendre ton bus, prendre ton train, t’as pas le droit d’avoir une minute de retard, tu peux pas partir quand tu veux, tu subis l’odeur des autres, t’es tout contracté, j’aime pas » (Martine, 33, E, zone7-S/zone4-E, 2 enfants, secrétaire). Françoise ne supporterait pas d’être dépendante des transports en commun. Et ce sentiment de dépendance renforce l’attrait pour la voiture. « Etre dépendante des transports, non je ne pourrais pas, il y a toujours des grèves, et puis il faudrait être pile l’heure pour le train, là je pars quand je veux ! » (Françoise, 57, E, P/zone4, 1 enfant, médecin). Pour des enquêtés, ce sentiment de liberté dote l’automobile d’avantages qu’aucun autre mode ne pourrait offrir. « La voiture ça te donne une liberté de déplacement qu’on a avec aucun autre moyen de transport. La liberté d’aller ou tu veux, la liberté d’horaire… c’est ce qui la rend irremplaçable » (Jean-Michel, 35, M, P/zone5, marié, 1 enfant, ingénieur automobile). Or, nous verrons que tous les modes individuels sont dotés de ces atouts pour leurs propres utilisateurs.
Finalement, par cette spontanéité et cette liberté, l’automobile rendrait le déplacement plus simple. Tandis que dépendre d’un mode, de ses horaires, etc. serait perçu comme une contrainte qui complexifierait le déplacement. Ce sentiment de liberté, d’autonomie et la possibilité de gérer son temps comme on le souhaite, sont des valeurs aujourd’hui incontournables. Et elles seraient concomitantes de la diffusion de l’automobile (Augello, Feitler , 1998).
Outre la liberté de mouvement, l’automobile permet des trajets directs, ce qui n’est pas toujours possible en transports en commun.

L’avantage du porte-à-porte en voiture VS les correspondances en transports en commun

Un autre atout évoqué par les enquêtés concernant l’automobile : un déplacement en voiture est direct. Ce mode permet de se rendre porte-à-porte du lieu d’origine au lieu de destination81. La voiture serait ainsi perçue comme une économie d’énergie en termes d’effort physique et mental. Quand Daphné a eu l’A15 juste derrière chez elle et donc un accès direct à l’autoroute, « la voiture, c’était plus simple, j’étais tout de suite sur la route et c’était tout droit, ça me paraissait plus simple ! » (Daphné, 25, M, zone2/zone4, en couple, institutrice spécialisée). Pour Magda prendre la voiture est aussi beaucoup plus simple, étant donné qu’elle a un parking juste en bas de chez elle, et sur son lieu de travail. « C’est plus rapide. C’est plus facile et elle est garée juste au pied de chez toi, et là bas il y a un parking » (Magda, 26, E, zone5/zone2, mariée, consultante RH). De par l’absence de ruptures de charge, le déplacement serait perçu plus simple qu’en transports collectifs. Il réduirait considérablement la charge mentale et physique. « Ça me parait tellement plus simple et plus direct que de prendre le métro ! » (Alicia, 29, M, P/P, Ligue de l’enseignement).
Notons par ailleurs, que les trajets directs en transports en commun sont plus attractifs et séduisent certains automobilistes. Tout laisse à penser que les individus recherchent principalement des déplacements porte-à-porte. « Le métro quand t’as une ligne directe c’est vachement plus cool que quand t’as un changement. A la limite moi quand j’ai pas trop de changements ça me dérange pas de prendre le métro » (Charles, 31, M, P/P, en couple, marchés financiers).
Parallèlement à ces déplacements perçus, par ces automobilistes, plus simples en voiture, certains ont également le sentiment d’accroître leur mobilité grâce à ce mode.

Des déplacements simplifiés en voiture qui encouragent à la mobilité VS des distances dissuasives en transports en commun

Nous avons vu dans le premier chapitre que la proximité (particulièrement piétonne) donnait le sentiment d’accroître le nombre d’activités, la voiture procure aussi ce sentiment d’élargir le champ des possibles en matière de mobilité, en termes d’activités (nombre de déplacements) et de distance. Par exemple Florence explique qu’elle aurait l’impression d’être limitée dans ses activités si elle n’avait pas de voiture : « Je pense que ça me restreindrait si j’avais pas de voiture là toutes les courses qu’on a fait pour emménager, heureusement qu’il y avait la voiture ! Le week-end prochain on a prévu d’aller à Troyes où il y a le truc des marques pour les soldes, je ne sais pas si on pourrait faire tout ça si on n’avait pas la voiture ! » (Florence, 25, M, P/zone5-S, en couple, enseignante). Certains ont le sentiment de pouvoir accroître leur nombre d’activités ou d’augmenter la fréquence de leurs déplacements. « Ca me change la vie, je peux faire beaucoup plus de choses… le soir et le week-end surtout. En transports en commun je serais bloqué chez moi, rien que l’idée de prendre les transports ça me fatigue déjà ! ça met beaucoup de barrière, parce que c’est long, il faut marcher entre les correspondances, si je sais que je vais mettre 1h30 pour y aller et qu’il faudra que je fasse la même au retour je préfère rester chez moi ! Avec une voiture hop hop hop et c’est fini ! »
(Grégory, 28, E, zone3-S/zone2-S, 1 enfant, chef en miroiterie). Sylvie ne semble pas non plus être découragée par les distances tant qu’elle a sa voiture. « Quand on me dit tu ne veux pas venir chez moi et c’est à l’autre bout de Paris, il y a des gens qui vont se dire ça fait long, faut se taper tout le
Les individus font ici abstraction des problèmes de stationnement qui peuvent parfois amener l’individu à se garer relativement loin de la destination. trajet… ils ne vont pas forcément le faire, ils vont vite se décourager. Moi ça ne me dérange pas, j’y vais tout de suite, ça pose aucun problème. Pour moi la voiture ça simplifie tout » (Sylvie, 32, E, P/zone2, mariée, 1 enfant, commerciale).
De plus, le confort et le sentiment d’être chez soi dans la voiture compensent la distance. Alors que cette même distance serait ressentie comme une charge mentale en transports en commun.
Comme j’ai pas l’impression d’être dans un environnement hostile, étranger, comme j’ai l’impression d’être toujours chez moi, ça ne me dérange absolument pas d’être dans ma voiture et même si je dois aller assez loin. Si je devais faire ce trajet là en métro, j’hésiterais plus, j’attendrais l’absolue nécessité pour y aller, alors que la voiture je ne me pose pas de question, je suis chez moi dans mon petit cocon » (Sylvie).
Certains chercheurs ont démontré que les individus motorisés bénéficiaient de plus d’offres d’accès aux activités culturelles, économiques, etc. G. Dupuy (2006) explique le lien entre dépendance automobile et exclusion sociale en faisant références à des recherches britanniques (Lucas, 2004) et allemandes (Zumkeller et al., 2005). La non motorisation empêcherait les exclus de la société d’accéder aux emplois, à l’instruction, à la santé, ainsi qu’aux loisirs et activités culturelles. Ceux qui n’auraient pas les moyens d’acquérir une voiture ou de passer le permis de conduire seraient d’autant plus mis à l’écart. C’est bien aussi ce que nous laissent entendre ces automobilistes enquêtés : ils auraient l’impression d’être restreints dans leur mobilité, d’avoir moins accès à diverses activités. C’est donc la question de l’accès et du droit à la mobilité qui se pose ici, qui donnerait droit à l’emploi, à l’habitat, à la culture, aux loisirs, à l’éducation, etc. (Ascher, 2000).
Or, ainsi que nous l’avons déjà évoqué, J-M. Beauvais montre, à l’inverse, que vivre sans voiture est possible. Il a fait apparaître que le nombre de déplacements par jour et par personne ne variait pas en fonction du taux d’équipement en voiture. Il note également que les personnes les plus mobiles ne sont pas les plus motorisées. S’appuyant sur ses résultats, il en conclut que ne pas disposer de voiture n’implique pas une mobilité plus faible, un nombre d’activités plus restreint, un nombre de contacts sociaux ou fonctionnels plus limités » (Beauvais, 2001). Il y aurait toujours des solutions, ceux qui n’en ont pas se « débrouillent » autrement. Nous verrons en effet que, pour une part, plus qu’une question de structure et d’offre, l’accès à la mobilité et aux diverses activités provient de la connaissance des individus et de leur volonté à disposer d’informations pour élargir leur champ des possibles.
Ainsi, les automobilistes construisent leurs arbitrages et justifient le choix de la voiture par rapport aux transports en commun en confrontant des critères antinomiques (directement lié à l’antinomie privé/public), tels que le confort/l’agressivité, la sécurité/l’insécurité, l’indépendance/la dépendance, la simplicité d’un trajet direct/la complexité des correspondances, etc. Les sensations de plaisir liées au mode ne seront pas non plus les mêmes selon que le mode est individuel ou collectif ainsi que nous allons l’observer. Mais cela dépendrait finalement davantage du rapport au mode, sensoriel ou fonctionnel, ce qui, de ce point de vu là, ne distingue pas l’automobile, en tant que mode individuel, des modes collectifs.

Rapport fonctionnel ou passionnel à l’objet et vécu des contraintes.

L’automobile peut être portée d’affects (passionnels), de par l’objet même qu’elle représente et/ou les sensations de conduite qu’elle procure. Mais elle peut aussi n’avoir qu’une utilité fonctionnelle, et dans ce cas se rapprocher davantage des transports en commun. Selon le rapport que les individus entretiennent avec le mode, les contraintes ne seront pas vécues de la même manière. Quand le rapport au mode est affectif, sensitif, les contraintes seront compensées par le plaisir éprouvé. A l’inverse, quand le rapport au mode est fonctionnel, les contraintes altérant sa performance seront difficilement acceptées. Nous ferons ici référence qu’aux automobilistes qui ont un rapport affectif à la voiture, et à leur rapport aux transports en commun. Le rapport à la voiture, en tant qu’objet fonctionnel, sera analysé plus loin, dans les perceptions de la voiture pour les Alternatifs ou utilisateurs occasionnels.

Plaisir de la conduite automobile et fonctionnalité des transports en commun

Certaines personnes sont littéralement passionnées de voitures, non seulement par l’objet mais également par les sensations de conduite. Et pour quelques-uns l’objectif de déplacement n’est pas tant de se rendre d’un point A à un point B mais de prendre plaisir à se déplacer.
Sylvie éprouve un réel plaisir à conduire « moi j’adore conduire, ça m’amuse de conduire, j’A – DORE – CA ! J’adore la gestion de son véhicule, donc pour rien au monde je prendrais une automatique » (Sylvie, 32, E, P/zone2, mariée, 1 enfant, commerciale). La conduite automobile n’apparaît pas être une question de genres82. Les discours entre femmes et hommes passionnés, sont très similaires. « Pour moi la voiture c’est un vrai plaisir je ne la considère pas du tout comme un truc qui m’emmène d’un point A à un point B. C’est un plaisir, quand je prends ma voiture le matin, j’ai une demi-heure de route, ça me fait plaisir, j’aime ça » (Jean-Michel, 35, M, P/zone5, marié, 1 enfant, ingénieur automobile). Ces personnes sont passionnées de la voiture, et n’ont pas seulement choisi leur mode pour des questions pratiques.
Pour certains ce sentiment de plaisir, de sensation est tellement essentiel dans la conduite qu’il serait inconcevable de conduire une voiture électrique ou même une voiture automatique, qui n’offrirait pas les mêmes sensations de conduite. «J’ai eu l’occasion d’en conduire (voiture électrique ou hybride), t’as aucun plaisir à conduire ce genre de truc-là, t’as l’impression d’être dans un train électrique, c’est pas de la voiture pour moi. Pour moi la voiture c’est principalement le moteur, et la voiture électrique pour moi c’est une voiture dans laquelle t’aurais pas mis de moteur, t’avances, tu recules et c’est tout, il y a aucune sensation » (Jean-Michel). Ceci laisserait sous-entendre que la sensation est en partie liée au bruit et à la vibration du moteur. Par ailleurs, cet enquêté évite les voitures automatiques qui ne lui procurent pas non plus ces sensations de conduite. « A choisir, je prends toujours la boite non automatique, une mécanique parce que t’as une action de conduite, pas de pilotage parce que je ne suis pas un pilote, mais t’as une action de pouvoir gérer tes vitesses comme tu veux, alors qu’une boîte automatique elle le fait pour toi, et elle ne fait pas toujours ce que toi t’as envie de faire, c’est que je reproche aux boîtes auto. Je n’ai pas envie qu’elle fasse les choses à ma place. Ça me frustre et ça m’enlève du plaisir de conduite » Voir aussi sur cette question la recherche de C. Espinasse (2001).
Contrairement à la voiture-passion (et à d’autres modes individuels), mais relativement proche de la voiture-fonction (ainsi que nous le verrons), les transports en commun ne semblent pas pouvoir être associés au plaisir pour ces automobilistes. Selon eux, les transports publics ne peuvent être choisis par plaisir. Ils le seront par utilité ou à défaut d’autres possibilités.
Personne ne prend les transports pour le plaisir. On peut prendre du plaisir en prenant les transports mais on ne peut pas les prendre par plaisir. Quand on les prend c’est qu’on n’a pas le choix que ce soit pour des raisons pratiques ou financières ! » (Christian, 30, M, zone5/IDF, chef de chantier). En effet, les transports collectifs urbains ne procurent aucun plaisir en tant qu’objet de transport. Ils peuvent procurer une satisfaction mais pas de sensations physiques agréables. Ce moyen est même plutôt perçu comme un non choix, une obligation. « Je prends le train parce que je dois le prendre, ce n’est pas par plaisir ! » (Marion, 24, A-E, zone3-N/zone4-N, professeur des écoles).
Pour Alicia, ses amis prennent le métro « parce qu’ils n’ont pas le permis ou pas de voiture, ils sont forcés (…) c’est clair qu’autour de moi en tout cas personne n’apprécie de prendre le métro ! Tout le monde ne trouve pas ça très gai, ils le font parce qu’ils n’ont pas le choix » (Alicia, 29, M, P/P, Ligue de l’enseignement).
Finalement, si la voiture peut procurer des sensations de conduite agréables, dans certains cas faire l’objet d’une passion, à l’inverse, les transports en commun (qui peuvent par ailleurs être vécus positivement) ne procurent pas de telles sensations physiques83 et affectives. Leur seul attrait est leur fonctionnalité. « Si je prends le métro c’est vraiment par utilité alors que la voiture c’est par confort » (Stéphanie, 26, M, P/P, étudiante).
Ainsi, quand le rapport au mode est passionnel, les contraintes seront acceptées, mais quand le rapport est fonctionnel, les contraintes seront plus difficilement compensées.

Du plaisir qui compense au « traumatisme » qui ne s’oublie pas

Quand les individus éprouvent du plaisir à se déplacer, ils ne vivent pas les contraintes comme telles puisqu’elles sont alors compensées, oubliées ou acceptées. A contrario, quand le mode est mal vécu, et que ses fonctionnalités (performances, etc.) sont altérées, les individus figeront dans leur mémoire les moments éprouvants.
D’une part, les contraintes seront plus facilement acceptées quand elles sont compensées par une satisfaction en retour (confort, plaisir, etc.), et d’autre part, quand les sensations de plaisir dépassent la contrainte, la mémoire ne semble retenir que les bons moments et occultés les mauvais. Ainsi, quand des automobilistes accepteront des contraintes d’embouteillage, de stationnement ou de coût, les contraintes en transports en commun pourront amener à saturation.

Des contraintes d’embouteillages acceptées

Certains ne ressentent pas les inconvénients des embouteillages car le confort prime sur la contrainte. « Ça me dérange pas de conduire, même dans les embouteillages ça me dérange pas, j’écoute de la musique… je discute avec mes amis… » (Bertrand, 20, M, zone5, étudiant). Notons que Bertrand est étudiant et n’a donc pas les mêmes contraintes à destination que les gens qui Le plaisir peut se trouver dans la satisfaction de faire le bon choix (écologique, ou en termes de coûts, de temps, etc.), mais pas dans la sensitivité.
travaillent. Toutefois, même pour des déplacements pendulaires, certains automobilistes ne semblent pas vraiment gênés par les embouteillages. Ils occupent leur temps autrement. « Moi je suis bien dans ma voiture, je mets ma musique, je suis tranquille, donc ça ne m’a jamais dérangé plus que ça [les embouteillages] » (Martine, 33, E, zone7-S/zone4-E, 2 enfants, secrétaire).
Pour certains, le gain de temps et de liberté en voiture, vis-à-vis des transports collectifs, perdure malgré la contrainte des embouteillages. Tant que le gain reste inchangé, la pénibilité sera amoindrie. « Les embouteillages c’est pénible, mais pour l’instant le niveau de pénibilité n’est pas encore assez fort pour moi. Là c’est chiant, mais tant que je mets moins de temps qu’en métro et que j’y trouve plus de liberté, je prendrai la voiture » (Charles, 31, M, P/P, en couple, marchés financiers). Il y aurait un seuil de pénibilité acceptable.
Certaines personnes nous font part de l’existence d’un seuil de saturation, mais qui n’aurait pas encore été atteint84. Si Alicia mettait plus de temps en voiture qu’en transports et que le trajet suscitait stress et énervement, elle est convaincue qu’elle remettrait en cause ses arbitrages. La voiture, supposée procurer détente et offrir un gain de temps, n’aurait plus d’intérêt. « J’ai une collègue qui habite en banlieue à Boulogne et qui n’a pas de voiture elle prend les transports en commun et elle a des changements elle met une heure, mais si elle y allait en voiture elle mettrait facilement deux heures matin et soir, et il y a des embouteillages hallucinants !! Donc si j’étais dans son cas je m’aventurerais pas en voiture, je ne prendrais pas le risque de prendre la voiture et de stresser tous les matins dans les bouchons, stresser parce qu’on ne sait pas quand on arrive… ah non non… » (Alicia, 29, M, P/P, Ligue de l’enseignement). Françoise qui prend tous les jours sa voiture pour n’importe quel déplacement, nous dit également qu’elle renoncerait si elle dépassait un seuil de temps de trajet et de stress. « Ça va je fais 20 minutes, mais je ne ferais pas 1h30 en voiture ! Mais si je devais travailler dans l’autre sens, du 93 à Paris et que j’avais pas besoin de ma voiture la journée, je prendrais certainement les transports. Parce que c’est bouché bouché, de Aulnay jusqu’à Paris ! Je me demande comment font les gens !! Ils doivent être stressés, arrivés au travail, et c’est pareil le soir dans l’autre sens ! » (Françoise, 57, E, P/zone4, 1 enfant, médecin). Tout se passe comme si les transports en commun pouvaient être envisagés pour ces personnes, uniquement s’ils concurrençaient la voiture en termes de temps de trajet (moins long) et d’énervement (moins de stress).
Ainsi, les contraintes d’embouteillages seraient acceptées car compensées par le confort vécu dans la voiture. Et elles ne seraient pas perçues comme telle tant que les individus ont encore le sentiment de gagner du temps par rapport aux transports publics.
Par ailleurs, les contraintes de stationnement peuvent aussi être acceptées selon les avantages en retour.

Des contraintes de stationnement acceptées

La contrainte de recherche d’une place de stationnement sera acceptée pour un confort en contrepartie. Par exemple, certains préfèrent passer du temps à chercher une place pour être au plus près de leur destination. Sylvie accepte de tourner un certain temps pour trouver une place car l’objectif n’est pas seulement de se garer, mais de se garer au plus près (notons qu’elle ne se soucie pas ici du carburant). Elle trouvera la patience nécessaire pour satisfaire son désir de Il y aurait à la fois un seuil de saturation lié à la durée de déplacement, mais aussi lié au nombre d’années d’utilisation amenant à l’usure.
proximité. « Je suis très chanceuse et je trouve toujours une place, et je suis tellement flemmarde que je ne serais pas capable d’aller me garer plusieurs pâtés de maisons plus loin ! Il faut que je trouve une place devant, et j’en trouve toujours, quitte à tourner deux ou trois fois » (Sylvie, 32, E, P/zone2, mariée, 1 enfant, commerciale). De même, Françoise préfère perdre un peu de temps et avoir quelques difficultés à trouver une place quand elle va faire ses courses pour être au plus près du magasin et ne pas avoir à porter ses paquets. « C’est difficile de se garer… mais c’est pour les paquets. (…) je cherche, et souvent je me gare à des endroits pas très autorisés. Souvent je suis mal garée. Mais j’arrive toujours à trouver des places, en tournant un peu, on finit par y arriver, ça prend un peu plus de temps, mais l’intérêt c’est d’être juste devant, sortir avec le chariot, mettre les choses dedans et rentrer » (Françoise, 57, E, P/zone4, 1 enfant, médecin).
Alicia s’énerve quand elle ne trouve pas de place, mais le reste du temps la voiture lui procure un tel plaisir qu’elle prend son mal en patience. « C’est pas dramatique mais ça énerve ! On tourne on tourne… Mais on ne peut pas avoir non plus que des avantages ! ! Donc je prends mon mal en patience et puis on trouve, je n’ai jamais tourné des heures comme on peut entendre, voire repartir si on ne trouve pas de place ! Moi ça ne m’est jamais arrivé ! ! » (Alicia, 29, M, P/P, Ligue de l’enseignement). L’expérience ne s’est pas avérée assez pénible pour la dissuader. Nous pouvons supposer que si la recherche d’une place était à chaque fois très problématique et qu’elle devait même parfois faire demi-tour, alors peut-être que le coût (du stationnement) serait plus important que les bénéfices (comme le plaisir de conduire, le confort, etc.).
Une autre compensation se trouve être la liberté d’horaires surtout pour le trajet retour d’une sortie nocturne. Cyril, ne sait jamais combien de temps il va mettre pour venir en voiture ni pour se garer le soir, mais le fait d’avoir sa voiture au retour et de ne pas avoir de contrainte horaire, lui donne toute satisfaction. « Les embouteillages et le temps pour se garer c’était long et pénible, mais on a pu partir tranquillement à trois heures du mat’ sans se soucier de quoi que ce soit, c’est toujours agréable ! » (Cyril, 28, E-M, P/P, marié, employé de banque). Magda aussi préfère prendre sa voiture le soir, « même si c’est samedi soir et que c’est dur de se garer », pour pouvoir rentrer quand elle le souhaite sans se soucier de l’horaire du dernier train. La contrainte est ainsi acceptée car elle est compensée par un avantage au retour.
Outre les contraintes d’embouteillage et de stationnement, certains acceptent des coûts économiques pour satisfaire d’autres avantages.

Des coûts acceptés

Sylvie est prête à payer le prix qu’il faudra pour le confort de sa voiture. Elle acceptera de payer des amendes pour pouvoir se garer au plus près. « J’ai la carte de résident mais cette carte est valable pour un nombre extrêmement réduit de places de stationnement ! Et tout le boulevard devant chez moi n’est pas résident, donc ça m’est arrivé de me garer là et des gendarmettes étaient déjà passées. Mais c’est pas grave » (Sylvie, 32, E, P/zone2, mariée, 1 enfant, commerciale).
Elle acceptera également les coûts de sa voiture pour bénéficier de la flexibilité de son temps.
Ça me coûte plus cher de prendre la voiture, mais je préfère, comme ça je gère mon temps, je préfère passer une demi-heure de plus avec mon fils le matin que me taper une demi-heure de transport. Et le soir ça me permet d’être plus flexible parce que si je pars à 18h30 de l’agence et que j’ai pas un bus tout de suite, je peux passer un quart d’heure à attendre le bus, et ça aussi ça me fout hors de moi, la grille des horaires de passage et jamais respectée, et c’est insupportable ! » (Sylvie). Florence aussi accepte le prix à payer pour son confort. Le coût économique que représente la voiture est comparé à la charge physique et mentale que suppose l’utilisation des transports publics. De plus, le trajet en voiture est un gain de temps vis-à-vis des transports. « Quand je compare je me dis c’est vrai la voiture c’est plus cher, mais ça me fait gagner du temps, et il y a un certain confort par rapport aux transports en commun, donc pour l’instant je préfère prendre la voiture même si ça me coûte plus cher »
Christian a fait de la voiture sa passion, et est prêt à en accepter son coût. « C’est une voiture de collection, la Safrane celle que j’ai, il y en a que 400 dans le monde ! Mais elle me coûte une fortune. C’est un moteur qui boit !! Qui consomme !!! En ville tu fais du 18L aux 100… sur autoroute si t’appuies sur le champignon tu fais du 30L !! C’est l’horreur ! Mais je l’aime, je la cherchais depuis quelque temps (…) En plus j’ai 11000 francs d’assurance par an juste pour celle là. Alors que pour la Clio je paie 350 € je crois ! Je suis un passionné ! » (Christian, 30, M, zone5/IDF, chef de chantier). Nous verrons que beaucoup d’automobilistes ne comptent pas le budget qu’ils allouent à leur voiture ou le sous-estiment. Notons que ces coûts, ainsi acceptés, dépendent certainement aussi de l’absence de contrainte budgétaire.
Il ressort clairement de ces discours que les avantages en termes de plaisir, de confort, de gain de temps, de liberté, compensent largement les contraintes, ou perdurent malgré tout. De plus, certaines contraintes sont occultées quand le confort ou le plaisir les dépassent.

Une mémoire sélective : des contraintes occultées quand le plaisir les dépasse

La mémoire est sélective, et les contraintes ainsi acceptées ne seront pas suffisamment fortes pour dissuader de l’utilisation de la voiture. Le mauvais moment de stress quand Cyril est arrivé après avoir été bloqué deux heures dans les bouchons a vite été oublié au retour, « on se console vite le soir quand on met un quart d’heure pour rentrer. (…) ce qu’on perd le matin on le gagne le soir » (Cyril, 28, E-M, P/P, marié, employé de banque). La perte de temps pour le trajet du matin et compensée par le gain de celui du soir. Par exemple Johan sait qu’il lui sera impossible de se garer en rentrant du karaté dans le Marais, mais il prendra sa voiture quand même parce qu’à chaque fois qu’il sort épuisé du sport, seul le plaisir de l’avoir en sortant lui reste en mémoire. La satisfaction d’être dans sa voiture lui fait oublier toutes les contraintes. « En fait à chaque fois t’es confronté au problème quand t’arrives devant chez toi : pas de place, mais tu y penses pas jusqu’à ce moment-là, parce que la satisfaction de te retrouver dans ta voiture au moment où tu sors de ton club, dans un environnement que tu connais, agréable, ça passe au dessus de la contrainte de devoir se garer après. Et à chaque fois tu as une mémoire flash, ça dure une heure après que tu sois rentré chez toi, et t’as vite oublié, c’est comme les poissons ça tourne dans le bocal sans se rappeler qu’ils sont déjà passés par là… et donc la fois d’après tu ne te souviens que du bon moment et pas de l’arrivée » (Johan, 34, M, P/P, marié, 2 enfants, avocat). Lorsque l’automobile procure des sensations de plaisir, la satisfaction, plus que les contraintes, reste gravée dans la mémoire. Tout se passe comme si la mémoire ne relevait que le positif et omettait les moments contraignants. Tandis que les contraintes vécues en transports en commun, qui touchent directement leur bon fonctionnement, sont difficilement acceptables, et de fait gravées dans les mémoires comme une expérience négative voire douloureuse. « Je me rappelle de toutes les fois où les transports en commun m’ont lâché et je ne me rappelle pas des fois où ma bagnole m’a fait faux bon ! (…) Quand je dis que je me rappelle de toutes les fois où les transports m’ont lâché c’est-à-dire que j’arrive pas à le pardonner, ça passe pas, l’interruption de service ça passe pas ! » (Alfred, 35, M, P/IDF, marié, 1 enfant, Consultant). Nous verrons que lorsque le rapport à la voiture est fonctionnel, au même titre que « Re-dépendre des gens pour rentrer le soir tout ça ! Franchement j’ai trop donné et ça m’a les transports en commun, les contraintes seront mal vécues. Mais penchons-nous maintenant sur ces expériences négatives en transports en commun, pouvant conduire à la saturation.

Des expériences négatives qui marquent la rupture

Contrairement à la voiture lorsqu’elle est chargée d’affectif, les contraintes subies en transports en commun semblent difficilement compensables. Et des expériences mal vécues peuvent parfois définitivement freiner l’envie de refaire usage du mode.
John, par exemple, justifie le fait de ne plus reprendre le métro en évoquant des expériences désagréables. « Je prenais le métro pour sa praticité. (…) mais il y a des expériences qui ont montré que les transports en commun ne m’aiment pas : généralement je fraude jamais, une fois ça m’est arrivé, je me suis fait attraper, une autre fois, je suis le seul à Paris à avoir glissé sur une merde sur un quai, une crotte de chien toute fraîche, toute molle. Donc à chaque fois il s’est passé un truc… quand ça se passe bien on remarque rien, mais on garde bien en tête les fois où ça se passe mal, donc j’ai gardé de mauvais souvenirs des transports en commun » (John, 32, E, P/zone2, en couple, chef de pub). Outre cette expérience très particulière, certains ont simplement été écœurés des transports en commun notamment lorsqu’ils n’avaient pas d’autres choix. Ces modes étaient alors dépourvus de toute sensation de plaisir.

Les freins à la pratique du vélo

Les principaux freins à la pratique du vélo sont la tenue vestimentaire, la pollution, le vol, l’insécurité (du trafic) et le manque d’infrastructures. Peu d’automobilistes ont déjà fait l’expérience du vélo en tant que mode de déplacement, ce système de contraintes est donc plutôt imaginé à partir de l’expérience d’autrui.

Tenue vestimentaire exigée

Les individus sont parfois professionnellement contraints ou tenus à une certaine mise vestimentaire, que ce soit le costume pour les hommes, le tailleur et les chaussures à talon pour les femmes. Et il paraît impossible de faire du vélo en cette tenue pour ces automobilistes. Pour Charles ce serait impensable, « quand tu travailles en costume tu peux pas être en vélo. Tu sues au bout de cinq minutes » (Charles, 31, M, P/P, en couple, marchés financiers). Les tenues hivernales ne semblent pas pratiques non plus. « Des fois il faut que je sois habillée pour aller bosser, donc le vélo c’est pas pratique, en talon avec un long manteau c’est pas terrible ! » (Alicia, 29, M, P/P, Ligue de l’enseignement).

La pollution

La pollution est également un critère qui en dissuade un certain nombre. L’effort physique à vélo suppose de respirer encore plus de pollution, prétendent-ils. « Paris c’est très pollué donc en vélo quand tu respires les pots d’échappement c’est encore pire! » (Grégory, 28, E, zone3-S/zone2-S, 1 enfant, chef en miroiterie). Pour Christian, quand il n’y aura plus de voiture dans Paris, le vélo sera beaucoup plus agréable, et beaucoup de gens seront incités. « Le vélo c’est agréable mais en faire à Paris ça l’est vraiment pas ! Pédaler avec un masque ! Entre le danger des voitures et la pollution ! » (Christian, 30, M, zone5/IDF, chef de chantier).

Le vol

Le vol effraie les non utilisateurs qui voient nombre de vélos désossés dans la rue ou qui entendent parler de vols (de pièces ou de deux-roues entiers). Alexandre ne fait pas de vélo mais est découragé par le nombre de vélos que se sont fait voler ses amis, « j’ai des amis qui venaient à Science Po à vélo et même attaché devant Science Po alors qu’il y a des vigiles toute la journée ils se les font voler. C’est quelque chose qui se fait trop facilement voler à Paris, donc du coup c’est aussi ça qui fait que t’as pas vraiment envie d’en avoir un » (Alexandre, 26, A, P/P, recherche d’emploi).
Certains ont essayé de se mettre au vélo, mais le vol les a arrêtés. Après s’être fait voler deux vélos de suite, Corinne y a renoncé. « Il y avait les grandes grèves en 95, j’avais un vélo donc j’en faisais pas mal, je me le suis fait voler, après j’en ai eu un autre et je me le suis refait voler chez moi, dans ma cave, je suis revenue y avait plus que la roue avant. Ça dégoûte ! » (Corinne, 25, M, P/P-zone4-S, étudiante). Il en va de même pour John, qui n’a plus utilisé de vélo pour se déplacer après s’être fait voler plusieurs fois.

Danger de la circulation et manque d’infrastructures

Les voies cyclables ou de manière générale l’espace attribué aux deux-roues non motorisés, ne semble pas suffisant et l’immersion dans le trafic crée un sentiment d’insécurité (routière) qui dissuade. « Je trouve ça beaucoup trop dangereux ! J’ai peur des voitures, j’en fais que quand il y a des pistes cyclables ! » (Carole, 27, M, zone2-N/zone5-N, professeur des écoles). Si ce danger exclut le vélo du champ des modes de déplacement envisageables, il sera alors plutôt utilisé pour des balades de loisir. La peur du vélo et donc le fait de ne pas souhaiter emprunter ce mode, sont directement liés au danger que représentent les voitures. « S’il n’y avait pas de voitures j’aimerais bien me déplacer en vélo ! » (Marion, 24, A-E, zone3-N/zone4-N, professeur des écoles). Anne a aussi essayé une fois le vélo mais a été découragée. « Le vélo j’aimerais bien mais… j’en ai fait une fois avec une copine mais j’ai trouvé qu’il y avait trop de voitures et j’étais pas rassurée, pas à l’aise…
on se retrouvait à moitié coincée entre le bus et la file de voitures garées, je ne trouvais pas ça très sécurisant. S’il y avait moins de voitures et plus de pistes cyclables je pense que j’en ferais plus. Je sais qu’il y a déjà pas mal de pistes mais souvent ça va pas jusqu’au bout, il y a beaucoup d’endroits où y en n’a plus. (…) si la piste n’est pas séparée par un trottoir je trouve ça désagréable de se faire doubler par les voitures, il faudrait que ce soit bien séparé, il faudrait des barrières ou des plots, c’est mieux »
(Anne, 26, A, P/zone2-O, en Agence de publicité). Nous constatons dès lors que le danger de la circulation automobile et le manque d’infrastructures pour les vélos sont des freins importants au développement de son usage. Non seulement ils ne poussent pas les individus à faire l’expérience  du vélo, mais ils dissuadent ceux qui en ont eu le désir.

La dissuasion par l’entourage

L’entourage peut également jouer un certain rôle dans les arbitrages individuels86 . Il peut pousser ou dissuader l’usage d’un mode. Nous avons déjà vu que l’entourage social et la famille avaient du poids dans l’acquisition de la voiture, ils exercent également une influence dans les choix modaux au quotidien parmi tous les modes.
La femme de Johan, par exemple, a imaginé prendre le vélo pour aller au travail. Ce mode aurait été idéal pour son déplacement domicile-travail et ses attentes en termes de temps de trajet : il est plus rapide que la marche et sans doute aussi du bus, quand elle se retrouve coincé dans les embouteillages. « Elle n’a pas le temps d’y aller à pied, et le soir t’es fatigué, donc t’as envie de rentrer vite pour voir tes enfants. Alors elle pensait prendre un vélo » (Johan, 34, M, P/P, marié, 2 enfants, avocat). Toutefois un seul critère a radicalement contrebalancé ces avantages : il lui a paru trop dangereux du fait de la circulation. Si la décision de prendre le vélo venait d’ « elle », celle de rejeter cette option vient de « on », elle a été prise à deux, sous l’influence du partenaire. « Mais finalement on a fini par penser que c’était trop dangereux d’être à vélo dans Paris, quand on voit la circulation… et puis d’abord on les voit pas, les gens essaient de doubler très près, ils déboîtent n’importe quand… et donc en vélo t’es pas bien protégé et t’es pas à l’abri de toutes les excitations des automobilistes » (Johan). Les arbitrages ne sont pas toujours individuels. Ils font très souvent l’objet de jeu de négociations, d’influences et d’angoisses partagées. Au quotidien, on peut être Notons que dans une enquête sur les légumes prêts à l’emploi, D. Desjeux montre aussi que si les individus sont prêts à les utiliser, cette pratique peut être freinée par l’entourage (2006).
dissuadé par son entourage de faire usage de tel ou tel mode, et parallèlement poussé vers l’usage d’autres modes. Corinne essaie de dissuader son ami de prendre la moto, certains ont été poussés à conduire, à l’inverse, Daphné a été convaincue par son entourage de moins utiliser sa voiture et de se mettre au vélo.
L’expérience de l’entourage, à défaut d’avoir testé le mode soi-même, peut aussi décourager. Anne s’est faite une image des dangers du vélo à travers l’expérience d’une connaissance qui a eu un accident. « Je connais une personne qui a eu un accident à vélo parce qu’un bus ne l’avait pas vu et a tourné, en fait elle roulait trop près du bus et elle est tombée, elle avait les côtes cassées et je sais plus quoi… donc c’est pas très rassurant. J’ai l’impression que t’es pas grand-chose sur ton vélo. Mais si je pouvais j’irais en vélo au boulot j’aimerais bien !!! » (Anne, 26, A, P/zone2-O, en Agence de publicité).
Si le vélo présente des dangers et des inconvénients qui freinent la pratique, il en va de même pour les deux-roues motorisés.

Les dangers perçus des deux roues motorisés par les non utilisateurs

Les deux-roues motorisés sont ressentis comme un réel danger pour beaucoup d’enquêtés. Si pour ses utilisateurs ce danger en fait son attrait, pour les autres, il rend son usage rédhibitoire. Les enquêtés voient ou entendent raconter des accidents de scooter ou de moto, ce qui les dissuade. « C’est trop dangereux la moto, il y a beaucoup trop d’accidents ! » (Benoît, 28, M, P/P, chargé de cours). L’ami de Corinne a une moto, ce qui la terrorise. « La moto moi je déteste ça, c’est hyper dangereux, tous les soirs quand je rentre en voiture je vois des accidents de moto, c’est très fréquent, quand je traverse Paris je vois un accident avec une moto par terre » (Corinne, 25, M, P/P-zone4-S, étudiante). Nathan compare les conséquences entre le scooter et le vélo en cas d’accident, et en déduit que le danger est moindre en vélo. « À vélo c’est ton inertie donc si tu te plantes c’est ta force contre ton corps, en scooter t’as moyen de te manger méchamment ! ! À 80 tu te prends une plaque d’égout, tu voles ! ! Un accident à vélo avec ta propre vitesse est forcément moins grave qu’en scooter à moins que tu te prennes une voiture ! » (Nathan, 28, A, P/P, photographe).
Certains en ont fait l’expérience et les dangers ressentis les ont dissuadés. « J’aimerais pas du tout en avoir ! j’ai eu un petit accident quand j’étais petit quand j’avais 14 ans en solex (…) en plus j’en ai fait à la campagne où y avait rien, donc là en plus avec la circulation, ça me fait un peu peur, et je sais que la vie ne tient qu’à un fil et qu’on est extrêmement vulnérable en deux-roues, et particulièrement à Paris où les automobilistes ne font pas à attention à tout, donc il suffit qu’un mec n’ait pas fait gaffe vous renverse et on se retrouve en chaise roulante ! » (Alexandre, 26, A, P/P, recherche d’emploi).
Que ce soit par les automobilistes ou par les Alternatifs, ce mode est perçu très dangereux, même s’il peut procurer du plaisir et des sensations de conduite pour ses utilisateurs, ainsi que nous le verrons.
Si le vélo, comme le deux-roues motorisé présente différentes contraintes particulièrement liées au danger de la circulation (ou du vol). Les contraintes de la marche sont plutôt de l’ordre de l’effort physique.

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Table des matières

INTRODUCTION ET DEMARCHE
1 CONTEXTE SOCIETAL
2 CONTEXTE SCIENTIFIQUE
3 POSITIONNEMENT DE LA RECHERCHE : PROBLEMATIQUE, CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
3.1 Problématique et questionnements
3.2 Le cadre de la recherche : mobilité quotidienne et dynamique de changement
3.3 Cadre méthodologique : une approche qualitative compréhensive
4 DEMARCHE METHODOLOGIQUE
4.1 Une démarche inductive
4.2 Une démarche compréhensive : l’entretien semi-directif
4.3 Le choix des terrains
4.4 Le recrutement
4.5 L’échantillon en Île-de-France
4.6 Les profils d’usagers interviewés
4.7 Organisation de la thèse
PREMIERE PARTIE : DE L’ACQUISITION A L’USAGE AUTOMOBILE : ANALYSE SYNCHRONIQUE DU PROCESSUS DE DECISION DU CHOIX MODAL
CHAPITRE 1 : L’ACQUISITION DE LA VOITURE : COMMENT EN VIENT-ON A POSSEDER UNE VOITURE ?
1.1 L’effet cycle de vie
1.2 L’effet de l’éducation et de l’entourage social sur l’acquisition
1.3 La construction des systèmes de lieux individuels : la question de la localisation
CHAPITRE 2 : DES PERCEPTIONS DES MODES REVELATRICES DU CHOIX MODAL, ENTRE COUTS ET BENEFICES
2.1 Le choix de la voiture : un arbitrage coût/bénéfice par rapport aux autres modes
2.2 Des modes pourtant utilisés par les autres
2.3 Autour de l’automobile : vers une modification des usages, de l’individuel au collectif
2.4 Coûts monétaires des modes, perceptions et stratégies
CHAPITRE 3 : CONTRAINTES, STRATEGIES D’USAGE AU QUOTIDIEN ET EXPERTISE DU DEPLACEMENT
3.1 A un usage dépend un mode, le poids du contexte quotidien
3.2 Organisation quotidienne et programme d’activités
3.3 Le déplacement, un « moment à vivre » ou un « moment à passer » ?
3.4 La gestion des zones d’incertitude : fiabilité, sécurité et durée des déplacements
3.5 Apprentissage et expertise de mobilité
CHAPITRE 4 : EN GUISE DE CONCLUSION. COMPRENDRE LES FREINS ET LEVIERS AU CHANGEMENT, ENTRE FACTEURS EXTRINSEQUES, FACTEURS INTRINSEQUES ET « CAPITAL MOBILITE »
4.1 Des contraintes extrinsèques qui structurent l’acquisition automobile
4.2 Le choix modal, un calcul stratégique rationnel et émotionnel
4.3 Le « capital mobilité » : habitude, apprentissage et expérience
4.4 Une synthèse schématisée
4.5 Typologie des logiques d’action et potentiel de changement
DEUXIEME PARTIE : IMPACTS DES VALEURS ENVIRONNEMENTALES ET DES POLITIQUES PUBLIQUES SUR LES CHOIX MODAUX : ANALYSE DIACHRONIQUE DU CHANGEMENT CHAPITRE 5 : EXEMPLES DE CAS EN PROCESSUS DE CHANGEMENT DE MODE : EFFETS DE SITUATION ET INTERACTIONS SOCIALES
5.1 Les cas en processus d’abandon de la voiture : un changement choisi mais souvent partiel
5.2 Les cas en processus d’acquisition de l’automobile, souvent contraints par la carence de l’offre des transports publics
CHAPITRE 6 : LE RAPPORT A L’ENVIRONNEMENT, UN IMPACT SUR LE CHANGEMENT DE COMPORTEMENT ?
6.1 Une sensibilité environnementale peu marquée…
6.2 Entre fatalisme et scepticisme
6.3 Le critère Environnement face aux intérêts individuels dans le choix du mode
6.4 Se déculpabiliser vis-à-vis des autres, de sa culture ou de sa génération
6.5 Les petits gestes du quotidien : rôle de l’éducation et poids du dispositif matériel
6.6 Dissonances cognitives et mécanismes de justification
CHAPITRE 7 : LE POIDS DU POLITIQUE DANS LE CHANGEMENT DES COMPORTEMENTS
7.1 Contraintes à l’usage, des mesures de limitation de la voiture efficaces ?
7.2 Pour un mode d’action coercitif ou incitatif ? De la nécessité des contraintes et demande de compensations
7.3 Des mesures souvent incomprises, jugées inefficaces et incohérentes
7.4 La crédibilité des acteurs politiques remise en cause
7.5 Social, symbolique et matériel, trois types de justification pour légitimer son comportement. Un mécanisme de résistance au changement
CHAPITRE 8 : POUR UNE ANALYSE DU PROCESSUS DE CHANGEMENT
8.1 Une structure « tout voiture » à modifier pour accueillir un système de mobilité « tout modes »
8.2 Les conditions symboliques, matérielles et sociales du changement
8.3 Trois formes d’influence pour penser le changement
8.4 Passer d’une « mobilité de consommation » à une « mobilité durable ». De la croissance économique à une avancée écologique
TROISIEME PARTIE : REGARDS CROISES AVEC NAGOYA ET LONDRES
CHAPITRE 9 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE
9.1 La comparaison en question
9.2 Une question d’échelle
9.3 Le choix des villes observées
9.4 Le déroulement des enquêtes et leurs difficultés
9.5 L’échantillon
CHAPITRE 10 : RESULTATS DES ENQUETES A NAGOYA ET A LONDRES
10.1 Le cas de Nagoya : motorisation normalisée et pratiques multimodales
10.2 Le cas de Londres : un usage de la voiture limité par de fortes contraintes
CHAPITRE 11 : POUR UNE ANALYSE INTERCULTURELLE, EN GUISE DE CONCLUSION
11.1 Eclairages apportés par ces deux enquêtes exploratoires internationales
11.2 Des particularités culturelles
11.3 Discipline et rapport à la règle : entre caractéristique culturelle et poids de la sanction
11.4 Entre normes sociales et modes de régulation politique
CONCLUSION
12 PRINCIPAUX RESULTATS
12.1 Multiplicité et diversité des facteurs
12.2 L’importance du vécu et des images représentées des modes
12.3 Le « capital mobilité »
12.4 Efficience de l’expérience
12.5 Des dispositifs « facilitateurs » et incitatifs
12.6 Poids de la contrainte
12.7 Une faible conscience environnementale et un moindre impact dans les choix modaux
12.8 Les mécanismes de justification pour légitimer le décalage entre le discours et les pratiques
12.9 Le triptyque « Information-coercition-incitation »
12.10 Une question de norme
12.11 Des conditions matérielles, sociales et symboliques au changement
13 TENTATIVE DE MODELISATION DES FACTEURS DU CHANGEMENT DE PRATIQUES MODALES : UN SYSTEME DYNAMIQUE
13.1 Autour des normes sociales
13.2 Autour du vécu et des images représentées
13.3 Autour des contraintes
13.4 Autour du « capital mobilité »
13.5 Autour des effets de rupture
14 APPORTS ET PISTES DE RECHERCHES FUTURES
BIBLIOGRAPHIE

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