En 2020, le cancer de l’ovaire est responsable d’au moins 200 000 décès par an dans le monde, faisant d’elle la treizième cause de décès par cancer tout âge et sexe confondus. La mortalité globale à cinq ans du diagnostic est évaluée à 43% (1). Le cancer de l’ovaire précoce désigne les formes débutantes de la classification internationale FIGO et correspondent pour le stade 1 /FIGO I (tumeur limitée aux ovaires) à 13,5% des cas. La survie globale à 5 ans de ces patientes est supérieure à 83% (2,3). Les circonstances de diagnostic sont soit fortuite, découverte sur pièce d’annexectomie pour masse ovarienne, ou suspectée après mise en évidence d’une masse ovarienne avec des caractéristiques IRM/écho évocatrices, un dosage de marqueurs tumoraux élevés. Le staging initial est obtenu par une exploration complète de la cavité abdominale pour ne pas méconnaître une atteinte plus large, intra ou rétro-péritonéale. Elle consiste en une laparotomie médiane xypho-pubienne avec une cytologie péritonéale, des biopsies péritonéales, une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale, une omentectomie, un curage ganglionnaire pelvien et lombo aortique infra rénal bilatéral. (4). Il est capital que cette évaluation initiale (effectuée en un ou plusieurs temps opératoires) soit réalisée de manière complète. Elle aura en effet de nombreuses implications sur les traitements adjuvants administrés, influençant eux-mêmes le risque de récidive et donc le pronostic des patientes. Entre 8,5 % et 13 % des patientes présentant un cancer de l’ovaire à un stade présumé précoce sont restadifiées en stade IIIA1 suite à la réalisation de la lymphadenectomie (5,6). Le traitement sera complété par une chimiothérapie adjuvante, la chimiothérapie néo-adjuvante n’ayant pas sa place dans les stades précoces (7). La chirurgie mini-invasive par coelioscopie conventionnelle (CC) ou robot assistée (CRA), présente des avantages maintenant bien connus par rapport à la laparotomie : incisions moins larges, pertes sanguines et transfusions moindres, infections post-opératoires moins fréquentes, durée d’hospitalisation plus courte, convalescence plus courte et accès plus rapide à la chimiothérapie. Ces constatations sont aussi valables pour la CRA qui offre de plus une haute résolution d’image en trois dimensions, une plus grande ergonomie, des mouvements plus précis des bras robotiques et une courbe d’apprentissage plus courte (8- 10). La faisabilité et la sécurité de ces techniques est déjà documentée par plusieurs cohortes rétrospectives dans lesquelles la voie mini invasive présente des taux de complications, de survie sans récidive et de survie globale comparables (11-24). Néanmoins ces données concernent des effectifs réduits de patients avec des durées de suivi courtes ou des populations hétérogènes de patientes (19, 25). Nous publions une étude préliminaire (25) menée dans notre centre en 2016 qui impliquait 39 cas de cancers ovariens précoces traités entre 2006 et 2014 par voie mini invasive avec des données comparables à celles connues dans la littérature ; la durée moyenne de suivi était de 19,4 mois avec une survie globale de 97,4% en CC et de 92,3% en CRA. L’étude récente de Lee et Al. (19) suggère même un gain pronostic au long cours dans ces indications avec un délai moyen de suivi de 31,5 mois et une survie globale qui atteint 95%.
MATERIEL ET METHODE
Il s’agit d’une étude rétrospective, monocentrique, de cohorte, ayant inclus des patientes qui présentent un cancer de l’ovaire précoce prises en charge chirurgicalement entre décembre 2008 et décembre 2016 au centre de lutte contre le cancer de l’institut Paoli Calmettes, Marseille. Les patientes incluses étaient atteintes d’un cancer de l’ovaire à un stade apparent précoce, c’est-à-dire qu’elles ont bénéficié d’une chirurgie complète de stadification après l’exérèse d’une masse ovarienne siège d’une lésion infiltrante. Les critères d’exclusions concernaient les tumeurs non épithéliales et les tumeurs borderline. Cette étude a été approuvée par notre comité d’éthique local, le GSPC (Groupe de Sélection des Projets Cliniques). Toutes les patientes opérées ont reçu une information orale éclairée sur la méthode chirurgicale employée et ont signé un consentement à l’exploitation des données personnelles.
Procédure chirurgicale
Les patientes incluses avaient toutes eues une chirurgie première d’ovariectomie pour masse tumorale suspecte. Cette intervention était réalisée par coelioscopie ou laparotomie selon la taille tumorale. Le compte rendu opératoire des patientes opérées hors centre était toujours disponible. Ce sont les résultats histologiques de cette pièce opératoire et des constatations per-opératoire qui définissaient dans notre étude le stade FIGO pré-opératoire.
Le choix de la voie d’abord de la chirurgie de stadification était fait selon l’expérience et la préférence du chirurgien. Chaque fois que cela a été possible, la patiente a bénéficié des mesures de réhabilitation améliorée après chirurgie comme précédemment publié (26). Les principales mesures sont : l’ablation du sondage urinaire en fin d’intervention, le retour en service conventionnel immédiatement après la surveillance en SSPI, la prise en charge antalgique d’emblée par voie orale. La chirurgie de stadification complète comportait une hystérectomie totale, annexectomie complémentaire, curages pelviens et aortique, omentectomie le plus souvent infracolique, appendicectomie, biopsies péritonéales et cytologie. La préservation de la fertilité chez les patientes jeunes (< 40 ans) et nulligestes était systématiquement discuté en fonction du stade et du grade tumoral avec alors une préservation de l’ovaire controlatéral et de l’utérus.
Suivi post-opératoire
Les patientes ont été revues en consultation à un mois de l’intervention puis surveillées tous les trois à six mois en l’absence de traitement adjuvant. L’indication de chimiothérapie (carboplatine taxol) était discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire. Elle était retenue dans les stades FIGO > IA avec critères pronostics péjoratifs (grade > 1, âge jeune).
Recueil des données et analyses statistiques
Les données démographiques habituelles ont été recueillies (âge, IMC, intoxication tabagique ; comorbidités), ainsi que les caractéristiques tumorales avant la chirurgie de stadification (type histologique, grade, stade FIGO présumé) ; et les données péri-opératoires dont la durée opératoire, la durée d’hospitalisation, le taux de complications, le nombre ganglions prélevés, le RIOT (Return to intended oncologic treatment) et le stade FIGO final. La survie globale et la survie sans récidive étaient calculées à partir du temps écoulé entre la fin du traitement (chirurgie ou chimiothérapie) et le dernier examen de suivi ou la survenue de la récidive. Toutes ces données ont été analysées par le logiciel SPSS pour Windows (IMB-SPSS Inc., Chicago, USA). Les variables qualitatives étaient comparées entre les groupes CC et CRA par le test du chi-deux ; en cas d’effectif réduit, on préfèrait le test exact de Fisher. Les variables quantitatives ont été comparées par le test t de Student. Les analyses de survie ont été conduites en utilisant la méthode de Kaplan-Meier. Une valeur de p était considérée statistiquement significative si elle était < 0,05.
DISCUSSION
La restadification chirurgicale des stades précoces de cancers de l’ovaire est un élément clé de la prise en charge thérapeutique. Quelle que soit la voie d’abord, les résultats sont sensiblement équivalent dans la littérature avec un taux d’environ 20% de patientes surstadifiées. Cependant, si les résultats de notre série rétrospective confirment les données de la littérature concernant la faisabilité et la sécurité de la CC ou CRA dans la prise en charge du cancer de l’ovaire à un stade précoce, il est important d’évaluer le devenir oncologique de ces patientes prises en charge par voie mini invasive.
Les taux d’incidents per opératoire et la durée opératoire demeurent équivalents depuis l’introduction de cette voie d’abord dans cette indication. On observe une plus grande disparité dans les taux de complication au long cours selon les auteurs, notamment Koo et al (14), elle est liée à la mise en évidence systématique des lymphocèles rétropéritonéales. Ces taux plus ou moins élevés sont à mettre en relation avec le nombre de ganglions prélevés et la durée de suivi. Seul Facer et al décrit (24) une différence dans le taux de conversion en laparotomie en faveur de la chirurgie robotique (7.2% vs 17.9%, P < 0.001). Cette différence s’explique probablement par un défaut d’appariement sur l’IMC des patientes mais se retrouve dans bien d’autres pathologies utilisant cette technologie (27).
Ce biais de sélection retentit aussi sur le taux de récidives. Il est en effet supérieur à 10% dans les cohortes de suivi prolongé avec un faible nombre de tumeurs non épithéliales incluses. Le principal reproche fait à la voie mini invasive est le caractère limité de l’exploration précise de la cavité abdominale ; en effet, certaines zones anatomiques comme l’espace de Morrison, la partie postérieure des coupoles diaphragmatiques, la racine du mésentère ou la totalité du grêle, ne sont pas toujours explorables. Néanmoins, les récidives péritonéales survenues dans notre étude impliquent trois patientes dont une se manifestait précocement (4 mois). L’atteinte péritonéale a dû être sous-estimée dans cette situation lors de la stadification. Minig et al (20) rapporte un taux de récidive de 12% en coelioscopie conventionnelle, la première récidive est ganglionnaire et survient à 13 mois. Malgré l’absence de différence significative de survie sans récidive entre les deux voies mini-invasives dans notre étude, on remarque une tendance à la rechute plus précoce (trois cas avant 12 mois) dans le groupe CRA (Fig 2). Dans un premier cas, il s’agissait d’un rare cas de carcinome à petites cellules au pronostic réputé péjoratif (tableau 8). Deux autres récidives précoces concernaient des patientes surstadifiées pour une atteinte ganglionnaire lombo-pelvienne. Les sites métastatiques étant extra-pelviens, on suggère la possibilité d’une atteinte étendue préexistante à la chirurgie de stadification.
Les études comparatives avec la laparotomie sont regroupées dans le tableau 9. Celles-ci décrivaient toutes, de manière constante, une diminution significative de la durée de séjour hospitalier en faveur de la voie mini invasive. Cette observation concorde avec nos résultats puisque toutes les cohortes de patientes traitées par voie ouverte quittaient l’hôpital, en moyenne, au-delà de quatre jours. Les données sont plus contradictoires dans l’analyse de la durée opératoire. Alors que l’intervention est plus fréquemment décrite comme raccourcie ou de durée équivalente (10, 13, 14, 20), on peut prendre le contre-exemple de l’étude de Ditto et al (16) dans laquelle la voie mini-invasive est significativement plus longue (207.2 (71.6) minutes vs. 180.7 (47.0) minutes ; p=0.04). Cette hétérogénéité s’explique par plusieurs facteurs. Le plus évident est l’hétérogénéité des équipes avec des différences d’expérience entre chirurgiens d’une même équipe. Le second est celui de l’innovation et l’intégration de nouveaux dispositifs de chirurgie coelioscopique (Airseal, Ultracision…) ainsi que l’amélioration des systèmes de chirurgie robotiques plus récemment (Da Vinci Si puis Xi).
|
Table des matières
Table des matières
RESUME
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODE
Procédure chirurgicale
Suivi post-opératoire
Recueil des données et analyses statistiques
RESULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES
Télécharger le rapport complet