Tรฉlรฉcharger le fichier pdf d’un mรฉmoire de fin d’รฉtudes
Biogenรจse des miARNs : aperรงu gรฉnรฉral
La Figure 2A illustre les diffรฉrentes รฉtapes rรฉgissant la biogenรจse ou processing des miRs. Seul le modรจle dit canonique est reprรฉsentรฉ. Dโautre mรฉcanismes de biogenรจse ont รฉtรฉ aussi mis en รฉvidence mais sembleraient รชtre moins prรฉpondรฉrants (cf. ยง2.2.2). La biogenรจse des miRs consiste en deux รฉtapes sรฉquentielles, lโune nuclรฉaire et lโautre cytoplasmique, qui conduisent ร la production dโun petit ARN de 21-23 nuclรฉotides ayant la capacitรฉ de rรฉguler lโexpression dโun nombre variable de transcrits. Comme pour les ARNs messagers, les miARNs sont, pour la plupart, produits sous forme de transcrits primaires par lโARN polymรฉrase II (PolII) : on les appelle pri-miRs (ou miARNs primaires) (Lee 2004). Ces transcrits sont capรฉs, polyadรฉnylรฉs et sont capables de se replier pour donner une structure secondaire en รฉpingle ร cheveux ou hairpin. Cette structure, caractรฉrisรฉe par une tige dโARN double brin (dite imparfaite puisque renfermant quelques mรฉsappariements) et une boucle terminale de taille assez variable, est reconnue par la ribonuclรฉase III Drosha et son partenaire DGCR8 (DiGeorge syndrome critical region 8), nommรฉ รฉgalement Pasha chez la drosophile et le nรฉmatode. Durant cette รฉtape nuclรฉaire, Drosha clive les deux brins du pri-miR et libรจre une tige-boucle dโenviron 60-70 nuclรฉotides nommรฉe pre-miR (ou miARN prรฉcurseur) (Lee 2002; Lee 2003). Les microARNs, comme nous venons de le voir, peuvent faire partie de sรฉquences introniques, auquel cas le pri-miR correspondrait en rรฉalitรฉ ร une partie de lโintron, et lโรฉtape catalysรฉe par Drosha permettant de gรฉnรฉrer le pre-miR se dรฉroulerait co-transcriptionnellement et au mรชme moment que la rรฉaction dโexcision-รฉpissage (splicing) (Figure 2B) (Kim 2007; Morlando 2008; Kim 2009). Le processing des miARNs exoniques est moins bien connu. Une รฉtude rรฉcente du miR-155 a montrรฉ que le pre-miR peut รชtre produit ร partir de transcrits รฉpissรฉs ou non รฉpissรฉs. Lโรฉpissage et le transport cytoplasmique des transcrits รฉpissรฉs constituerait cependant des mรฉcanismes permettant de rรฉguler le taux de miARNs exoniques (Slezak-Prochazka 2013).
Le pre-miR est reconnu et transportรฉ vers le cytoplasme grรขce au complexe Exportine-5 couplรฉ ร la GTPase Ran (Yi 2003; Bohnsack 2004; Lund 2004). Une fois dans le cytoplasme, le pre-miR est pris en charge par Dicer, รฉgalement une RNase III, qui sรฉpare la tige de la boucle et libรจre un duplex ยซ miR/miR* ยป ou ยซ miR-5p/miR-3p ยป dโenviron 22 pb. La coupure se fait ร deux tours dโhรฉlice de lโextrรฉmitรฉ gรฉnรฉrรฉe par Drosha (Bernstein 2001; Hutvagner 2001). Le duplex se caractรฉrise entre autre par la prรฉsence de 2 nuclรฉotides qui dรฉpassent des extrรฉmitรฉs 3โ (et quโon appelle 3โ overhang). Cette asymรฉtrie est la rรฉsultante directe des coupures effectuรฉes par Drosha et Dicer (cf. ยง2.3.1). Un seul des deux brins du duplex (miARN guide) est prรฉfรฉrentiellement incorporรฉ dans le complexe RISC (pour RNA-induced silencing complex), lโautre brin (miR* ou brin passager) est gรฉnรฉralement dรฉgradรฉ (Matranga 2005). Actuellement, et suite aux avancรฉes majeures dans les techniques de nouvelles gรฉnรฉrations et de sรฉquenรงage ร haut dรฉbit, il est de plus en plus conseillรฉ dโutiliser lโappellation miR-5p/miR-3p, les deux brins รฉtant gรฉnรฉralement exprimรฉs dans les cellules*.
RISC est un complexe formรฉ par lโassemblage du miR avec plusieurs protรฉines, dont les plus importantes et les plus รฉtudiรฉes sont les protรฉines Argonautes (AGO). Il permet au miR mature dโinteragir avec son ARNm cible (il sโagit principalement du 3โUTR) et de rรฉprimer son expression. Cette reconnaissance requiert la prรฉsence dโune complรฉmentaritรฉ parfaite entre les nuclรฉotides 2-7 du miR (quโon appelle sรฉquence seed) et le 3โUTR de lโARNm. La reconnaissance dโun ARNm par le complexe RISC conduit la plupart du temps au blocage de la traduction de lโARNm cible (par rรฉpression de la traduction suivie รฉventuellement par le clivage exonuclรฉotidique de lโARNm) ou au clivage endonuclรฉotidique de lโARNm (catalysรฉ par AGO2, la seule protรฉine AGO ร possรฉder une activitรฉ catalytique) si la complรฉmentaritรฉ entre le miR et lโARNm est parfait ou quasi-parfaite sur les 22 nuclรฉotides (He 2004; Kim 2009).
Ce modรจle de biogenรจse est globalement conservรฉ chez toutes les espรจces. Cependant des diffรฉrences existent. Les quelques exemples que nous citerons sont loin dโรชtre exhaustifs, mais ils illustrent bien la grande diversitรฉ des mรฉcanismes mis en jeu par diffรฉrentes espรจces pour gรฉnรฉrer des microARNs. Chez les plantes par exemple, la transition pri-miR โ pre-miR et pre-miR โ duplex miR/miR* est prise en charge par une seule RNase III jouant ร la fois le * ยซ Mature sequences from all human, mouse, and C. elegans precursors are now designated -5p and -3p, rather than miR/miR* ยป. Source : ftp://mirbase.org/pub/mirbase/18/README. rรดle de Drosha et de Dicer : il sโagit de Dicer-Like1 ou DCL1 et son partenaire HYL1 (Hyponastic leaves 1). La structure des prรฉcurseurs miARNs chez les plantes est รฉgalement diffรฉrente, et nรฉcessite plusieurs clivages par DCL1 avant que le duplex miR/miR* puisse รชtre libรฉrรฉ (Czech 2011). Les plantes possรจdent รฉgalement trois autres protรฉines DCL nommรฉes DCL 2-4, et qui seraient impliquรฉes dans la biogenรจse des siARNs et des tasiARNs (trans-acting siRNA) (Qi 2005). Par ailleurs, la drosophile, possรจde deux enzymes Dicer, nommรฉs Dicer-1 (avec son partenaire Loquacious ou LOQS-PB) et Dicer-2 (avec son partenaire LOQS-PD ou R2D2) qui gรฉnรจrent les miARNs et les siARNs, respectivement. Chez les mammifรจres (lโhomme en particulier) une seule enzyme se charge ร la fois des miARNs et des siARNs (Czech 2011). Lโhomme possรจde quatre protรฉines AGO, nommรฉes AGO 1 ร 4, qui nโont visiblement pas de prรฉfรฉrence pour le substrat, quโil soit miARN ou siARN. La drosophile ne possรจde que deux protรฉines AGO (AGO 1 et 2), qui, comme pour Dicer 1 et 2, se chargent respectivement des miARNs et des siARNs (mรชme si lโon trouve plusieurs exceptions ร cette rรจgle) (Czech 2011).
Les modรจles non canoniques de biogenรจse des miRs
Comme nous venons de le voir, certains microARNs se trouvent inclus dans les sรฉquences introniques (Figure 2B). Dans des cas particuliers, la totalitรฉ de la sรฉquence intronique, si elle est assez courte et si elle est capable de se replier en รฉpingle ร cheveux, constitue un pre-miR : ce type de prรฉcurseurs est appelรฉ mirtrons. Le processing des mirtrons est indรฉpendant de Drosha, mais nรฉcessite deux รฉtapes supplรฉmentaires : le dรฉbranchement du lasso formรฉ durant la rรฉaction dโexcision-รฉpissage des messagers et le repliement de lโintron en hairpin. Les pre-miRs issus dโun intron rejoignent ensuite la voie classique de biogenรจse des miRs (Okamura 2007). Une รฉtude rรฉcente dรฉnombre environ 240 mirtrons chez lโhomme et 237 mirtrons chez la souris (Ladewig 2012). La biogenรจse des mirtrons, si elle est indรฉpendante de Drosha, peut nรฉcessiter parfois la prรฉsence dโexonuclรฉases 5โ-3โ et 3โ-5โ qui servent ร raccourcir le mirtron dans le cas oรน lโune de ces extrรฉmitรฉs est un peu plus longue que lโautre (trimming). Les mirtrons raccourcis ร lโextrรฉmitรฉ 3โ ont รฉtรฉ retrouvรฉs uniquement chez la drosophile et sembleraient impliquer le complexe de lโExosome, alors que les mirtrons raccourcis ร lโextrรฉmitรฉ 5โ ont รฉtรฉ annotรฉs uniquement chez les vertรฉbrรฉs sans quโune exonuclรฉase 5โ-3โ nโait รฉtรฉ expรฉrimentalement identifiรฉe (Yang 2011). Dโautres mรฉcanismes, indรฉpendants de Drosha, ont รฉgalement รฉtรฉ mis en รฉvidence. Nous citerons les pre-miRs dรฉrivรฉs des snoRNA (small nucleolar RNA, petits ARNs nuclรฉolaires rรฉgissant les modifications enzymatiques post-transcriptionnelles des ARNs ribosomaux), les miARNs dรฉrivรฉs des shARNs endogรจnes (small hairpin RNA) tels que les miRs 320, 484 et 1980 et les miARNs dรฉrivรฉs des esiARNs (Endogenous small interfering RNAs) chez la drosophile. Dans la plupart des cas, lโenzyme qui libรจre les pre-miRs nโa toujours pas รฉtรฉ identifiรฉe (Miyoshi 2010; Yang 2011). Certains miRs peuvent aussi dรฉriver dโARNs de transferts : lโARNt de lโisoleucine renferme le miR-1983 et peut adopter, en conformation alternative, une structure en รฉpingle ร cheveux pouvant constituer un substrat pour Dicer (Miyoshi 2010; Yang 2011). Par ailleurs, il existe รฉgalement dans la cellule des voies de biogenรจse indรฉpendantes de Dicer. Le pre-miR-451, produit par Drosha, est exportรฉ vers le cytoplasme, oรน, au lieu dโรชtre pris en charge par Dicer, est incorporรฉ dans AGO2. AGO2 est capable de cliver un des deux brins de la tige du pre-miR et une RNAse cellulaire rogne lโextrรฉmitรฉ 3โ jusquโร lโobtention dโun miR-451 mature (Cheloufi 2010).
Les RNases III, Drosha et Dicer
Drosha et Dicer font partie de la famille des end oribonuclรฉases ou RNAses III. Cette famille dโenzymes est capable de cliver les ARNs doubles brins (miARNs, siARNs et autres ARNs doubles brins) et cela en prรฉsence dโions magnรฉsium Mg2+. Le clivage gรฉnรจre une extrรฉmitรฉ caractรฉrisรฉe par deux nuclรฉotides qui dรฉpassent de lโextrรฉmitรฉ 3โ (3โ overhang) qui est due au positionnement inter ou intramolรฉculaire des sites catalytiques. Trois classes de RNases.
III ont jusquโร prรฉsent รฉtรฉ dรฉcouvertes. La classe I, retrouvรฉe exclusivement chez les bactรฉries et la levure, possรจde un seul domaine RNase (RIIID) et est active sous forme de dimรจre. La classe II, dans laquelle figure Drosha, possรจde deux domaines RNases en tandem (RIIIDa et RIIIDb) qui forment un seul centre catalytique. Finalement la classe III, incluant Dicer, possรจde en plus des deux domaines RNases, un domaine PAZ (Piwi/Argonaute/Zwille) fixant lโextrรฉmitรฉ 3โ des ARNs doubles brins (Figure 3) (Tomari 2005; MacRae 2007).
Drosha, seule, est incapable de fixer lโARN double brin et nรฉcessite la prรฉsence du cofacteur protรฉique DGCR8, les deux formant alors ce quโon appelle le complexe Microprocesseur (la spรฉcificitรฉ de lโinteraction ARN-Microprocesseur sera dรฉtaillรฉe par la suite) (Gregory 2004). Les formes les plus simples de Dicer (celle du protozoaire Giardia intestinalis par exemple) contiennent uniquement le domaine PAZ et les RNases en tandem. La forme humaine de Dicer contient plusieurs domaines supplรฉmentaires qui rรฉgulent la rรฉaction de clivage et jouent un rรดle dโรฉchafaudage molรฉculaire aidant ร la fixation de plusieurs cofacteurs protรฉiques. Il sโagit dโun domaine de fixation au cofacteur TRBP et aux protรฉines Ago, dโun domaine putatif de liaison ร lโARN double brin nommรฉ DUF283, mais dont la fonction rรฉelle nโest toujours pas connue (Domain of Unknown Function 283), et dโun domaine C-terminal de liaison ร lโARN double brin (Figure 3) (Kim 2009; Lau 2009). La forme humaine contient รฉgalement un grand domaine N-terminal DExD hรฉlicase-like dont la fonction nโa รฉtรฉ quโen partie รฉlucidรฉe (cf. ยง2.3.4) (Lau 2009; Sawh 2012).
Lโรฉtape catalysรฉe par Drosha
La premiรจre รฉtape de maturation des miARNs correspond au clivage du pri-miR afin de libรฉrer lโรฉpingle ร cheveux que constitue le pre-miR. Cette รฉtape nuclรฉaire, est catalysรฉe par un complexe protรฉique formรฉ par la RNase III Drosha et son cofacteur DGCR8, et leur capacitรฉ ร reconnaรฎtre un pri-miR dรฉpend largement de la structure du prรฉcurseur (Kim 2009). Lโune des premiรจres รฉtudes essayant de rรฉpondre ร la question de savoir quels sont les dรฉterminants structuraux qui permettent ร Drosha et DGCR8 de reconnaรฎtre un pri-miR, a rรฉvรฉlรฉ lโimportance du segment terminal ARN simple brin. Zeng et al. ont gรฉnรฉrรฉ une petite librairie de pri-miRs, variant en taille et en sรฉquence, et ont montrรฉ, in vitro, quโindรฉpendamment de la sรฉquence, lโun des prรฉrequis serait la prรฉsence de la rรฉgion simple brin (Zeng 2005). En รฉliminant cette rรฉgion ou en introduisant des mutations lui confรฉrant une structure secondaire, ils ont montrรฉ que Drosha รฉtait incapable de reconnaรฎtre et de cliver le pri-miR. En parallรจle, la mรชme รฉquipe avait montrรฉ que le clivage par Drosha รฉtait รฉgalement dรฉpendant de la prรฉsence dโune boucle terminale relativement grande (โฅ 10 nuclรฉotides). Le site de clivage serait alors dรฉterminรฉ principalement par la distance (~2 tours dโhรฉlice, soit environ 22 nuclรฉotides) qui le sรฉpare de la boucle terminale (Zeng 2005). Han et al., sans totalement rรฉfuter lโimportance dโune grande boucle terminale, soulignent principalement le rรดle de la rรฉgion simple brin (Han 2006). Ils concluent que, si une grande boucle terminale serait dans une certaine mesure avantageuse, le clivage Drosha se ferait plutรดt ร une distance dโun tour dโhรฉlice (soit environ 11 nuclรฉotides) depuis la jonction entre lโARN simple brin et la tige. Les auteurs ont รฉgalement montrรฉ que DGCR8 fonctionnerait comme point dโancrage molรฉculaire pour Drosha, รฉtant la seule protรฉine capable dโinteragir directement avec les segments simples brins et dans une certaine mesure avec la boucle terminale (Figure 4) (Han 2006).
La structure minimale dโun pri-miR pouvant รชtre reconnue par le complexe microprocesseur consisterait alors en une tige dโenviron 33 pb (3 tours dโhรฉlice), une boucle terminale (de taille relativement variable) et un segment basal ARN simple brin (Kim 2009). Cependant, de nombreuses รฉtudes ont remarquรฉ que tous les ARNs qui se replient de cette faรงon ne forment pas nรฉcessairement des prรฉcurseurs de miARNs. Rรฉcemment, Auyeung et al. ont essayรฉ de comprendre quels autres รฉlรฉments assurent la spรฉcificitรฉ de la reconnaissance du pri-miR par le complexe microprocesseur (Auyeung 2013). Les auteurs montrent, tout dโabord, que la plupart des pri-miRs de Caenorhabditis elegans (qui ressemblent assez aux pri-miRs humains dโun point de vue structural) nโรฉtaient pas pris en charge par la machinerie de biogenรจse, et ne donnaient pas de miRs matures une fois transfectรฉs dans les cellules humaines. Ils ont รฉmis alors lโhypothรจse quโun dรฉterminant ยซ sรฉquence ยป devait sโajouter au dรฉterminant ยซ structure ยป et que le dรฉterminant ยซ sรฉquence ยป serait spรฉcifique aux espรจces. Gรฉnรฉrant de nombreux variants de pri-miRs humains et sรฉquenรงant ceux qui restent fonctionnels, ils ont identifiรฉ trois principaux dรฉterminants ยซ sรฉquence ยป conservรฉs chez lโhomme (Figure 4B) : un motif CNNC de fixation de la protรฉine SRp20 (trouvรฉ en aval de la tige, dans la rรฉgion simple brin), un motif UG basal (au niveau de la jonction tige et ARN simple brin), et un motif GUG apical (au niveau de la boucle terminale). La protรฉine SRp20, qui dโailleurs est connue pour รชtre impliquรฉe dans la rรฉgulation de lโรฉpissage, le transport des ARNm et lโinitiation de la traduction, serait dans ce cas capable dโamรฉliorer la reconnaissance et le processing des pri-miRs. Auyeung et al. notent en concluant que mรชme si ces motifs sont trรจs conservรฉs dans les pri-miRs humains, tous ne sont pas prรฉsents en mรชme temps dans un pri-miR donnรฉ. Le modรจle actuel qui se dรฉgage met alors en valeur le fait que la reconnaissance des pri-miRs est un phรฉnomรจne modulaire oรน chaque pri-miR dรฉpendrait de certains modules (motifs structuraux ou sรฉquences) ร des degrรฉs qui varient entre les pri-miRs (Auyeung 2013).
Transport nuclรฉocytoplasmique des pre-miRs
Lโรฉtape, nuclรฉaire, catalysรฉe par Drosha conduit ร la production dโun miARN prรฉcurseur ou pre-miR qui doit รชtre transportรฉ dans le cytoplasme pour donner un miR mature. Son transport ร travers le complexe du pore nuclรฉaire nรฉcessite la prรฉsence de lโExportine-5 (XPO-5), membre dโune famille conservรฉe de transporteurs nuclรฉaires (incluant รฉgalement les importines) connus sous le nom de karyopherines (Figure 5) (Lund 2004). Lโactivitรฉ des kariopherines est rรฉgulรฉe par la petite GTPase Ran (Ras-related nuclear protein). Dans la cellule, Ran existe sous deux formes : une forme liรฉe au GTP (Ran-GTP) dans le noyau, et une forme liรฉe au GDP (Ran-GDP) dans le cytoplasme. Le gradient RanGTP-RanGDP ร travers la membrane nuclรฉaire est รฉtabli par lโaction de deux rรฉgulateurs: RanGEF (Ran-GDP-exchange factor) dans le noyau et RanGAP (Ran-GTPase-activating protein) dans le cytoplasme. Dans le noyau, le complexe XPO-5/Ran-GTP lie directement et spรฉcifiquement les pre-miRs produits par Drosha. Aprรจs translocation vers le cytoplasme, le GTP est hydrolysรฉ en GDP grรขce ร lโaction de la RanGAP (qui active la fonction GTPase de Ran). XPO-5/Ran-GDP perd son affinitรฉ pour le pre-miR qui est alors libรฉrรฉ et pris en charge par Dicer. XPO-5/Ran-GDP transite ensuite vers le noyau ร travers le complexe du pore nuclรฉaire, oรน le GDP est รฉchangรฉ avec du GTP grรขce au facteur RanGEF (Kohler 2007; Guttler 2011) (Figure 5C).
XPO-5 reconnait et se lie spรฉcifiquement aux pre-miRs. La structure de lโXPO-5 liant un pre-miR a rรฉcemment รฉtรฉ rรฉsolue. Elle montre que la reconnaissance des pre-miRs se fait de maniรจre sรฉquence-indรฉpendante mais structure-dรฉpendante. En effet, XPO-5 forme une sorte de sandwich en forme de U qui lie environ 16 pb du pre-miR. Les deux nuclรฉotides qui dรฉpassent ร lโextrรฉmitรฉ 3โ des pre-miRs jouent dans ce contexte un rรดle particuliรจrement important : ils sont spรฉcifiquement reconnus et insรฉrรฉs dans une poche de XPO-5 chargรฉe positivement (3โ recognition tunnel) permettant la distinction entre les pre-miRs et leurs prรฉcurseurs (Figure 5B) (Okada 2009; Guttler 2011).
Lโรฉtape catalysรฉe par Dicer
La deuxiรจme รฉtape catalytique du processing des miRs se caractรฉrise par la prise en charge du pre-miR par une autre endoribonuclรฉase multi-domaine, la RNase III Dicer. Dicer et son cofacteur TRBP reconnaissent le pre-miR, clivent la boucle terminale et libรจrent un duplex miR/miR*. La majoritรฉ des รฉtudes qui se sont consacrรฉes ร lโรฉtude structurale de Dicer, lโont fait sur une forme simple de lโenzyme (en lโoccurrence celle du protozoaire Giardia intestinalis, qui fait environ 82 KDa), mais qui nโest pas reprรฉsentative du Dicer des mรฉtazoaires, bien plus large (la forme humaine fait environ 3 fois plus en taille que celle de Giardia, soit 219 KDa) (Lau 2012). La premiรจre structure cristalline du Dicer de Giardia a รฉtรฉ obtenue en 2006 (Figure 6A). Cette structure suggรจre que Dicer fonctionnerait comme une sorte de rรจgle molรฉculaire, reconnaissant lโextrรฉmitรฉ libre dโun ARN double brin (par extension, celle du pre-miR), et clivant lโARN ร une distance fixe de cette extrรฉmitรฉ. La structure a permis de localiser le domaine PAZ capable de lier lโextrรฉmitรฉ libre de lโARN double brin (et plus particuliรจrement son extrรฉmitรฉ 3โ) et le domaine catalytique formรฉ par les sites ribonuclรฉase III (RIIIDa et b). Une surface plane, chargรฉe positivement (platform domain) assure une distance de 65ร
(soit 25 pb, taille typique des miARNs de Giardia) entre les domaines PAZ et RNases III (Macrae 2006).
Chez lโhomme, la taille et la complexitรฉ structurale ont jusquโร prรฉsent empรชchรฉ lโobtention dโune structure cristalline stable de Dicer, mais quelques รฉtudes ont rรฉussi ร avoir une image peu rรฉsolutive du complexe. Il sโagirait dโune molรฉcule en forme de L avec une branche longue (de 150 ร
environ) et une branche plus courte (de 100 ร
environ) (Figure 6B) (Lau 2009; Wang 2009). Rรฉcemment, un travail rรฉalisรฉ par Lau et al. a permis dโavoir une vision relativement complรจte du complexe Dicer-TRBP et de son mode dโaction (Figure 6B et C). Les auteurs ont rรฉussi ร modรฉliser la structure de Dicer ร partir dโun certain nombre dโimages obtenues par cryo-microscopie รฉlectronique. Ils ont montrรฉ quโun rรฉarrangement des diffรฉrents domaines par rapport ร Giardia permettrait dโexpliquer pourquoi les microARNs humains sont plus courts. Dans ce modรจle, le domaine PAZ serait localisรฉ au niveau apical de lโenzyme. Les domaines hรฉlicases (HEL1, HEL2 et HEL2i), quโon ne retrouve pas chez Giardia, seraient proches du domaine RNAse et formeraient une structure en forme de pince permettant de bien fixer lโARN double brin (Figure 6B). Le clivage de lโARN a lieu une fois que lโARN ait transitรฉ ร travers le domaine HEL et que son extrรฉmitรฉ soit fixรฉe par le domaine PAZ (Figure 6C) (Lau 2012). De maniรจre intรฉressante, le domaine hรฉlicase possรฉderait plusieurs propriรฉtรฉs qui diffรจrent en fonction du substrat ARN. Chez la drosophile, Welker et al. et ensuite Cenik et al. ont montrรฉ que le domaine hรฉlicase de Dicer-2 serait crucial pour le processing des siARNs par Dicer-2. Ces auteurs ont remarquรฉ que le domaine hรฉlicase permettait ร Dicer-2 de gรฉnรฉrer plusieurs siARNs ร partir dโun mรชme long ARN double brin. Le rรดle du domaine hรฉlicase serait alors de bien fixer lโARN double brin et dโassurer la processivitรฉ de Dicer-2, grรขce ร lโhydrolyse de lโATP et ร son activitรฉ translocase-like (Figure 6C, รฉtape 3) (Cenik 2011; Welker 2011). Alternativement, Tsutsumi et al. proposent que le domaine hรฉlicase de Dicer-1 (qui chez la drosophile est impliquรฉ dans le processing des pre-miARNs), serait capable de reconnaitre spรฉcifiquement et de fixer la partie simple brin de la boucle des pre-miRs. La distance qui sรฉpare le domaine hรฉlicase du domaine PAZ est alors mesurรฉe, ce qui permettrait ร Dicer-1 ยซ dโinspecter rigoureusement ยป lโauthenticitรฉ des pre-miRs (Tsutsumi 2011). De maniรจre intรฉressante, le domaine hรฉlicase de la forme humaine de Dicer ressemble plus ร Dicer-1 quโร Dicer-2. Dans ce contexte, il a รฉtรฉ rรฉcemment montrรฉ que chez lโhomme, le domaine hรฉlicase serait รฉgalement capable de lier la boucle des pre-miRs et dโassurer la spรฉcificitรฉ de reconnaissance par Dicer (Ma 2012). Par ailleurs, et de maniรจre totalement inattendue, les mรชmes auteurs avaient observรฉ prรฉcรฉdemment que, in vitro, le domaine hรฉlicase possรจde un rรดle inhibiteur et que son absence (par mutation ou dรฉlรฉtion) accรฉlรฉrait considรฉrablement lโactivitรฉ enzymatique de Dicer et la rendait catalytiquement plus efficace. Lโinteraction de la forme sauvage de Dicer avec son partenaire TRBP permettait la levรฉe partielle de lโinhibition (Ma, 2008). Il a donc รฉtรฉ proposรฉ que le domaine hรฉlicase permettrait de contrรดler lโactivitรฉ endonuclรฉotidique de Dicer, qui dans un environnement riche en ARNs serait prรฉjudiciable ร la cellule. La fixation des partenaires de Dicer et le rรฉarrangement molรฉculaire qui sโensuit serait alors capable dโassurer la spรฉcificitรฉ de reconnaissance des miARNs par le complexe Dicer (Ma 2012; Nicholson 2012). Finalement, nous citerons une รฉtude rรฉalisรฉe par Park et al. ayant rรฉvรฉlรฉ lโexistence dโune poche supplรฉmentaire au niveau de Dicer capable de lier le phosphate ร lโextrรฉmitรฉ 5โ des miARNs. Cette poche se situe ร proximitรฉ de la poche 3โ du domaine PAZ qui, jusquโร prรฉsent, รฉtait connu pour pouvoir fixer prรฉfรฉrentiellement lโextrรฉmitรฉ 3โ des pre-miRs. Les auteurs montrent en mรชme temps que lโexistence de cette poche est cruciale pour la biogenรจse des miARNs ; la mesure de la distance entre le domaine PAZ et les sites catalytique se faisant principalement ร partir de lโextrรฉmitรฉ 5โ. Dicer-1 chez la drosophile possรจde ce motif, mais pas Dicer de Giardia (Park 2011).
Les mรฉcanismes dโaction des microARNs
La rรฉaction catalysรฉe par Dicer libรจre un duplex miR/miR* qui est pris en charge par les protรฉines Argonautes. Les protรฉines Argonautes forment avec Dicer le complexe RISC et ne sont capables de fixer quโun seul brin (le miR ou miARN guide qui va cibler les ARNm), lโautre brin (miR*) รฉtant gรฉnรฉralement dรฉgradรฉ. Ce processus est connu sous le nom de RISC loading. Les miRs รฉtant continuellement sous pression sรฉlective pour cibler un set particulier de gรจnes, un changement du brin chargรฉ dans AGO conduirait ร des effets indรฉsirables, voire nรฉfastes pour la cellule (Czech 2011). Deux รฉtudes parues en 2003 ont montrรฉ que le chargement du brin fonctionnel dans le complexe RISC dรฉpendait des propriรฉtรฉs thermodynamiques du duplex miR/miR* et plus particuliรจrement au niveau de ses extrรฉmitรฉs 5โ. Le brin qui possรจde lโextrรฉmitรฉ la moins stable est celui qui est prรฉfรฉrentiellement incorporรฉ dans le complexe RISC (Khvorova 2003; Schwarz 2003). Caractรฉristiques des protรฉines Argonautes. La rรฉgulation post-transcriptionnelle se fait ร travers les protรฉines Argonautes, qui sont guidรฉes par les petits ARNs vers les ARNm cibles. La famille des protรฉines Argonautes est subdivisรฉe en deux sous-catรฉgories : celle des protรฉines AGO et celles des protรฉines PIWI (P-element induced wimpy testis). Les protรฉines AGO, ubiquitaires, se lient aux siARNs et miARNs (dont la taille varie entre 21 et 23 nuclรฉotides), alors que les protรฉines PIWI se lient aux piARNs (Piwi-interacting RNA, qui sont gรฉnรฉralement plus grands et font entre 23 et 30 nuclรฉotides). Briรจvement, les piARNs et leurs protรฉines associรฉes sont principalement exprimรฉes dans les lignรฉes germinales et assurent la stabilitรฉ du gรฉnome en inhibant lโactivitรฉ des รฉlรฉments transposables. Chez lโhomme il existe 4 protรฉines Argonautes (AGO 1-4) alors que la drosophile, par exemple, nโen possรจde que deux (AGO 1-2) (Cenik 2011; Czech 2011).
Les protรฉines AGO (et รฉgalement PIWI) possรจdent 3 domaines protรฉiques conservรฉs (Figure 7A). Le domaine amino-terminal PAZ contient une cavitรฉ hydrophobe qui reconnait particuliรจrement les deux nuclรฉotides dรฉpassant de lโextrรฉmitรฉ 3โ du duplex. Ce domaine fixe รฉgalement lโextrรฉmitรฉ 3โ du petit ARN guide. Vient ensuite le domaine MID, qui se lie prรฉfรฉrentiellement au phosphate ร lโextrรฉmitรฉ 5โ. Cette liaison, forte, permet de recycler le miR ou le siARN afin quโil puisse cibler successivement plusieurs ARNm. Finalement, vient le domaine carboxy-terminal PIWI. Ce domaine ressemble structuralement ร lโendoribonuclรฉase RNase H (enzyme qui clive lโARN dans les hรฉtรฉroduplex ARN/ADN) et se caractรฉrise par la prรฉsence de trois rรฉsidus nรฉgativement chargรฉs et conservรฉs (Aspartate-Aspartate-Glutamate ou motif DDE) assurant lโactivitรฉ catalytique dโAGO (le site de clivage se situant entre les nuclรฉotides 10 et 11 du brin guide). Chez lโhomme, seule AGO2 est capable de cliver les ARNm et est donc nommรฉe ยซ Slicer ยป (Cenik 2011). Lโactivitรฉ catalytique dโAGO2 permet รฉgalement de cliver le brin passager du duplex (miR*) et facilite sa dรฉgradation par diverses exonuclรฉases. Cette activitรฉ dรฉpend de la complรฉmentaritรฉ parfaite ou quasi parfaite entre les deux brins (Matranga 2005; Rand 2005). Pour AGO 1, 3 et 4 la dissociation entre le miR et le miR* est indรฉpendante de toute activitรฉ catalytique. Le brin passager est libรฉrรฉ par dรฉbobinage ou unwinding, une rรฉaction rendue possible par la prรฉsence de un ou plusieurs mรฉsappariements aux extrรฉmitรฉs du duplex (Czech 2011). Lโinteraction entre les protรฉines AGO et les petits ARNs se fait par le biais de leurs squelette sucre-phosphate, les bases sont donc libres dโinteragir avec les ARNm cibles (Ender 2010).
Le tri des microARNs et association aux Argonautes. Chez la drosophile, il a รฉtรฉ dรฉmontrรฉ que gรฉnรฉralement les miARNs (produits par Dcr-1) sโassociaient avec AGO1 et les siARNs (produits par Dcr-2) sโassociaient avec AGO2 (Czech 2011). Ce modรจle a cependant รฉtรฉ rapidement rรฉvoquรฉ et lโimage qui se dรฉgage ร prรฉsent souligne le fait que diffรฉrents รฉlรฉments structuraux rรฉgissent lโassociation des petits ARNs avec les protรฉines AGO. Plus particuliรจrement, il a รฉtรฉ montrรฉ que les duplex libรฉrรฉs par Dcr-1 pouvaient sโassocier avec AGO1 mais aussi avec AGO2 ; et que si globalement les miARNs sโassociaient avec AGO1 et les siARNs avec AGO2, cela ne dรฉpendait pas du fait quโils soient produits par Dcr-1 ou Dcr-2 (Forstemann 2007; Tomari 2007). Kawamata et al. ont รฉtabli les dรฉterminants structuraux derriรจre ces associations. Les duplex siARNs, du fait de la parfaite complรฉmentaritรฉ entre les deux brins, sont systรฉmatiquement dirigรฉs vers AGO2. Lโexistence dโun mรฉsappariement central dans le duplex miR/miR* dirigerait le duplex vers AGO1, et dรฉfavoriserait en mรชme temps la liaison avec AGO2 en bloquant son activitรฉ catalytique. Par contre les duplex miR/miR* qui ne possรจdent pas le mรฉsappariement central mais des mรฉsappariements aux extrรฉmitรฉs sont incorporรฉs dans AGO2. Lโexistence ร la fois du mรฉsappariement central et de un ou plusieurs mรฉsappariements aux extrรฉmitรฉs du duplex seraient capables de promouvoir la formation dโun complexe RISC mature et fonctionnel (Kawamata 2009). Dโune faรงon moins importante, le premier nuclรฉotide en position 5โ du miR joue รฉgalement un rรดle dans lโassociation avec les protรฉines AGO. Chez la drosophile, AGO1 se lie prรฉfรฉrentiellement avec les miRs commenรงant par un U, alors que AGO2 prรฉfรจre les miRs commenรงant par un C (Czech 2009; Ghildiyal 2010; Czech 2011). Chez lโhomme, jusquโร prรฉsent, une association prรฉfรฉrentielle dโun duplex avec lโune des protรฉines AGO nโa pas encore รฉtรฉ รฉtablie (Czech 2011; Dueck 2012). Le couplage molรฉculaire des complexes RISC et Dicer. En 2005, Gregory et al. ont observรฉ, aprรจs immunoprรฉcipitation du complexe RISC chez lโhomme, que Dicer et son cofacteur TRBP co-purifiaient avec AGO2 et le duplex miR/miR*. Ce complexe molรฉculaire a รฉtรฉ appelรฉ RISC loading complex (RLC). Les auteurs ont alors proposรฉ un modรจle oรน la production du duplex par Dicer et son chargement dans AGO, mรชme si dโun point de vue temporel ils se faisaient de maniรจre sรฉquentielle, se dรฉrouleraient en rรฉalitรฉ au niveau dโun mรชme complexe. Le RLC constituerait alors un รฉtat de transition entre le processing des pre-miRs (pre-RISC caractรฉrisรฉ par lโassociation dโun duplex miR/miR* avec les protรฉines AGOs) et le complexe RISC mature (seul le brin guide reste associรฉ aux AGOs) et permettrait lโincorporation de duplex juste aprรจs sa production par Dicer (Gregory 2005). A lโรฉpoque, les bases molรฉculaires de cette association รฉtaient encore inconnues, et le rรดle, voire mรชme lโexistence du RLC chez lโhomme a รฉtรฉ contestรฉ (Yoda 2010).
Une รฉtude structurale rรฉalisรฉe par Wang et al. a montrรฉ que dโun point de vue molรฉculaire ce complexe peut thรฉoriquement exister chez lโhomme. Les auteurs ont en effet rรฉussi ร modรฉliser en mรชme temps Dicer et AGO2, et observent que la forme en L de Dicer (en gris sur la figure) serait adaptรฉe pour recevoir AGO2 (en jaune sur la figure) et pour interagir avec elle (Figure 7B) (Wang 2009). Rรฉcemment, un travail rรฉalisรฉ par Noland et al. a permis de comprendre โ du moins en partie โ le rรดle et les implications dโune association entre Dicer et les protรฉines AGO (plus particuliรจrement AGO2). Le RLC ne constituerait pas un complexe molรฉculairement figรฉ : son assemblage et son dรฉsassemblage constitueraient des รฉtapes clรฉs dรฉterminant le choix du brin guide et la dรฉgradation du brin passager. Les auteurs ont dรฉmontrรฉ quโune fois produit, le duplex dโARN est libรฉrรฉ dans le milieu interstitiel et subissait ensuite un repositionnement au sein de Dicer. Ce repositionnement ne serait pas alรฉatoire et permettrait dโorienter le duplex en fonction de ses propriรฉtรฉs thermodynamiques. Cโest en se basant sur cette orientation que le choix du brin guide va รชtre pris par la protรฉine AGO. Selon ce modรจle, Dicer serait capable lui-mรชme de dรฉtecter lโasymรฉtrie thermodynamique du duplex, et possรจderait deux sites de liaison ร lโARN : le premier pour le processing des pre-miRs et le deuxiรจme pour la dรฉtection de lโasymรฉtrie thermodynamique du duplex (Noland 2011). De maniรจre intรฉressante, la prรฉsentation du duplex ร AGO serait facilitรฉe par dโautres protรฉines connues pour interagir avec le RLC telles que Hsc70 (heat shock cognate 70) et Hsp90 (heat shock protein 90), et nรฉcessiterait lโhydrolyse de lโATP. Cette hydrolyse induirait des changements structuraux au niveau des protรฉines AGO et leur permettrait dโaccepter plus facilement le duplex (Czech 2011). Mรชme si AGO2 chez la drosophile est structuralement diffรฉrente de AGO1 et des AGOs 1-4 chez lโhomme, Tomari et al., lโavaient associรฉe ร ce mรชme mรฉcanisme. Leurs rรฉsultats montrent que R2D2, un partenaire de Dcr-2 serait capable de lier lโextrรฉmitรฉ la plus stable, et Dcr-2 lโextrรฉmitรฉ la moins stable du duplex, les deux constituant des ยซ capteurs ยป dโasymรฉtrie thermodynamique (Tomari 2004).
La reconnaissance des ARNm cibles
Il est actuellement รฉtabli que chez les animaux, la grande majoritรฉ des miARNs forment des duplex imparfaits avec les 3โUTRs de leur ARNm cibles (Bartel 2009; Brodersen 2009; Pasquinelli 2012). Cette interaction nรฉcessite cependant la prรฉsence dโune complรฉmentaritรฉ parfaite sur les nuclรฉotides 2-7 du miR, rรฉgion connue sous le nom de sรฉquence seed. En accord avec cette affirmation, plusieurs รฉtudes ont รฉtรฉ publiรฉes montrant que la partie 5โ des miARNs serait conservรฉe, et quโune substitution de nuclรฉotides perturbant lโappariement avec la sรฉquence seed aurait pour consรฉquence une perte de lโactivitรฉ rรฉgulatrice des miARNs (Lai 2002; Lim 2003; Doench 2004). Cโest dโailleurs en se basant sur cette conservation de la sรฉquence seed et de la partie complรฉmentaire au sein de lโARNm que plusieurs algorithmes tels que TargetScan (http://www.targetscan.org/) et PicTar (http://pictar.mdc-berlin.de/) rรฉussissent ร prรฉdire les cibles dโun miARN donnรฉ : si, au niveau de lโARNm, certains sites sont conservรฉs, il est fort probable quโils soient sous pression sรฉlective et quโils aient une fonction biologique. Ces algorithmes, combinant donnรฉes expรฉrimentales, gรฉnomiques, voire mรชme parfois thermodynamiques, essayent dโen ressortir des rรจgles qui expliqueraient la reconnaissance miARN-ARNm. Cependant, lโhรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ des cibles et la multitude de facteurs cellulaires (protรฉiques et structuraux) qui entrent en jeu, limitent considรฉrablement la mise en place de modรจles prรฉdictifs fiables. Le critรจre ยซ conservation de la sรฉquence seed ยป par exemple, ne dรฉtermine pas en soit la reconnaissance des cibles : la cellule nโayant pas le moyen distinguer entre une sรฉquence conservรฉe et une autre non conservรฉe. Il constitue cependant un outil trรจs utile permettant de sรฉlectionner les candidats les plus probables parmi une liste de cibles pouvant inclure des milliers de gรจnes dont la plupart constitueraient des faux-positifs (Bartel 2009; Friedman 2009). Le contexte structural et molรฉculaire du 3โUTR joue รฉgalement un rรดle trรจs important. Le site de reconnaissance doit : (1) se situer au moins ร 15 nuclรฉotides du codon stop ; (2) รชtre proche du codon stop ou de la queue polyA, pour les longs 3โUTRs ; (3) se trouver dans une rรฉgion riche en AU, ou tout autre รฉlรฉment structural facilitant lโaccessibilitรฉ ร lโARNm ; (4) coexister avec des sites de reconnaissance dโautres miARNs pour une plus grande efficacitรฉ de rรฉgulation (Grimson 2007; Bartel 2009).
La Figure 8 rรฉsume les diffรฉrents types dโinteractions qui peuvent exister entre un miARN et son ARNm cible (Bartel 2009). Les exemples donnรฉs sont ceux qui ressortent, in silico, en utilisant le logiciel TargetScan pour prรฉdire les cibles dโun miARN donnรฉ (Friedman 2009). Les cases A ร C reprรฉsentent les modes dโinteraction dits canoniques, qui ร eux seuls reprรฉsentent environ 60% du total des ARNm ciblรฉs par un miARN-type (case H). Il sโagit dans le premier cas, dโune complรฉmentaritรฉ parfaite sur les 6 nuclรฉotides de la sรฉquence seed et une adรฉnine en position 1 de lโARNm (7mer-A1 site). Dans le second, la sรฉquence seed sโรฉtend au 8รจme nuclรฉotide du miARN (7mer-m8 site), alors que le troisiรจme cas combine les deux premiers cโest-ร -dire, une complรฉmentaritรฉ parfaite sur les nuclรฉotides 2-8 du miARN et un A en position 1 de lโARNm (8mer site). Dans ces 3 cas, le nuclรฉotide en position 1 du miARN nโinteragit pas avec lโARNm, et se trouve la plupart du temps face ร une adรฉnine. Ce mรฉsappariement a tout dโabord รฉtรฉ suggรฉrรฉ par une รฉtude gรฉnomique chez les vertรฉbrรฉs, qui montre la surreprรฉsentation des adรฉnosines flanquant les sites conservรฉes complรฉmentaires aux sรฉquences seed (Lewis 2005). Il a รฉtรฉ ensuite confirmรฉ par plusieurs รฉtudes protรฉomiques montrant quโun appariement A-U entre le nuclรฉotide en position 1 du miARN et lโARNm rรฉduisait lโefficacitรฉ de la rรฉgulation (Nielsen 2007; Baek 2008).
D) et dans le deuxiรจme cas, dโun dรฉcalage de la sรฉquence seed (offset 6mer site) qui se retrouve aux positions 3-8 du miARNs (case E). Ces sites de reconnaissance sont globalement peu efficaces et dans beaucoup de cas, leur conservation apparait plus liรฉe au hasard quโร une pression de sรฉlection (Bartel 2009).
Lโimportance de la rรฉgion 3โ du miARN. Plusieurs รฉtudes rรฉalisรฉes chez la drosophile et les mammifรจres montrent que, dโun point de vue conservation des sรฉquences, la rรฉgion 3โ du miARN, trรจs peu conservรฉe, semblerait ne pas jouer un rรดle majeur dans la reconnaissance des cibles (Brennecke 2005; Lewis 2005). Cependant, il reste envisageable quโune complรฉmentaritรฉ entre la partie 3โ du miR et lโARNm puisse complรฉmenter lโappariement avec la sรฉquence seed, renforรงant la spรฉcificitรฉ et lโefficacitรฉ de lโinteraction avec la cible (Bartel 2009). Une รฉtude trรจs intรฉressante rรฉalisรฉe en 2007 par Grimson et al. basรฉe sur une approche ร la fois expรฉrimentale et computationnelle, a permis de mettre en รฉvidence certaines caractรฉristiques permettant dโamรฉliorer lโefficacitรฉ de reconnaissance de la cible : il sโagit notamment, et en synergie avec la complรฉmentaritรฉ avec la sรฉquence seed, dโune complรฉmentaritรฉ parfaite sur les nuclรฉotides 13-16 (et parfois 12-17) du miARN (en orange, case F) (Grimson 2007). Ces sites complรฉmentaires coexistent, dโune faรงon plus ou moins importante, avec les sites canoniques et marginaux (barres oranges, case H). Ils sont certes trรจs spรฉcifiques, mais sont par contre plus rares (sites atypiques) (Bartel 2009; Friedman 2009). De maniรจre trรจs intรฉressante, dans certains cas peu nombreux, cette complรฉmentaritรฉ permet de compenser des mรฉsappariements survenant au niveau de la sรฉquence seed (case G). Le miR let-7 avec sa cible lin-41 et le miR-196 avec sa cible Hoxb8 font partie de cette catรฉgorie. Dans le cas du miR-196, la complรฉmentaritรฉ en 3โ est tellement importante que le duplex miR-196/Hoxb8 est dirigรฉ vers la protรฉine AGO2 qui catalyse le clivage de lโARNm (Yekta 2004; Bartel 2009).
Les diffรฉrents modes dโaction des miARNs
Comment un miARN peut-il rรฉguler lโexpression de sa cible ? Rรฉpondre ร cette question nรฉcessite prรฉalablement une comprรฉhension de la structure des ARNs messagers et des diffรฉrentes protรฉines avec lesquelles ils interagissent. Un ARNm se caractรฉrise en particulier par sa coiffe (7-methylguanosine en position 5โ terminale) et sa queue Poly(A). Ces deux รฉlรฉments coopรจrent pour promouvoir la traduction de lโARNm. La coiffe en 5โ est reconnue par le facteur dโinitiation de la traduction eIF4F (eukaryotic initiation factor 4F). eIF4F est un complexe protรฉique formรฉ entre autres, par les facteurs eIF4E (liaison ร la coiffe), eIF4G (รฉchafaudage molรฉculaire permettant de recruter la petite sous-unitรฉ 40S du ribosome) et eIF4A (une ARN hรฉlicase). La queue poly(A) est recouverte par une protรฉine spรฉcifique, la PABP (poly(A) binding protein), qui elle-mรชme interagit avec eIF4G ce qui conduit ร une circularisation de lโARNm (Figure 9, structure centrale). Ceci permet le rapprochement du 5โUTR et du 3โUTR et augmente lโefficacitรฉ de la traduction en facilitant le recrutement de plusieurs facteurs protรฉiques et le turnover des sous-unitรฉs ribosomiques. La traduction des ARNm procรจde selon trois รฉtapes : (1) lโinitiation, qui correspond au recrutement des diffรฉrents facteurs eIF, leur phosphorylation et lโassemblage de la petite sous unitรฉ ribosomique ; (2) lโรฉlongation, qui correspond au recrutement des diffรฉrents facteurs dโรฉlongation (eIF, eukaryotic initiation factor), leur phosphorylation, lโassemblage de la grande sous-unitรฉ ribosomique et ร la production de la protรฉine et (3) la terminaison de la traduction quand le ribosome arrive au codon ยซ stop ยป (Filipowicz 2008; Huntzinger 2011).
De nos jours plusieurs arguments suggรจrent diffรฉrents mรฉcanismes permettant aux miARNs de rรฉguler lโexpression de leurs ARNm cibles. Ces mรฉcanismes varient entre dรฉstabilisation de lโARNm, rรฉpression de sa traduction et mรชme parfois activation de la traduction (Figure 9) (Huntzinger 2011; Pasquinelli 2012).
Dรฉgradation de lโARNm. Comme nous venons de le voir, une complรฉmentaritรฉ parfaite entre le miARN et sa cible est responsable du recrutement de la protรฉine AGO2 et du clivage endonuclรฉotidique de lโARNm et de sa dรฉgradation (Figure 9a). Ce mรฉcanisme, quโon retrouve surtout chez les vรฉgรฉtaux, reste assez rare chez les animaux (Huntzinger 2011; Pasquinelli 2012). De nombreuses รฉtudes ont nรฉanmoins montrรฉ quโune rรฉgulation par les miARNs se manifestait la plupart du temps par une dรฉstabilisation de la cible et cela indรฉpendamment de la prรฉsence dโune complรฉmentaritรฉ parfaite (Figure 9b). Une รฉtude trรจs intรฉressante, combinant des techniques de sรฉquenรงage profond, de puces dโexpressions et de ยซ ribosome profiling ยป, montre quโร lโรฉchelle du gรฉnome une diminution du niveau dโexpression des ARNm est responsable ร elle seule de plus de 84% de la baisse de lโexpression protรฉique (Guo 2010). Dโautres รฉtudes sont venues corroborer ces rรฉsultats, montrant que la dรฉstabilisation des ARNm cibles serait une consรฉquence gรฉnรฉrale de la rรฉgulation par les miARNs (Huntzinger 2011). Molรฉculairement, il sโagit dโune interaction entre les protรฉines Argonautes et les protรฉines GW182 (Glycine-tryptophan repeats containing proteins) รฉgalement connues sous le nom de TNRC6A, TNRC6B et TNRC6C chez les vertรฉbrรฉs, qui permet le recrutement du complexe de dรฉadรฉnylation CAF1-CCR4-NOT et lโรฉlimination de la queue poly(A). La perte de la queue poly(A) sensibilise les ARNm : la coiffe est รฉliminรฉe par le complexe DCP2 et ses partenaires, et les ARNm dรฉcoiffรฉs sont finalement dรฉgradรฉs par XRN1, une exonculรฉase 5โ-3โ. Ces diffรฉrents complexes protรฉiques sont organisรฉs dans le cytoplasme au sein de structures appelรฉes P-bodies, ou GW-bodies dโaprรจs les protรฉines GW182 qui les constituent (Filipowicz 2008; Huntzinger 2011).
Rรฉpression de la traduction. Les premiรจres รฉtudes qui ont รฉtรฉ rรฉalisรฉes sur les microARNs et leurs modes dโaction ont montrรฉ que la rรฉgulation de lโexpression des protรฉines par les miARNs se fait avec peu ou pas d’effet sur lโabondance des ARNm (Olsen 1999). Nous savons bien รฉvidemment que ceci est loin dโรชtre gรฉnรฉralisable sur tous les miARNs. Lโรฉtude rรฉalisรฉe par Olsen et al. a par contre permis de montrer, quโen absence de dรฉgradation des ARNm, alors que la production de protรฉines est inhibรฉe, les ARNm de LIN-14 et LIN-28 restent attachรฉs au polysomes, suggรฉrant que la rรฉpression a lieu une fois que la traduction a รฉtรฉ initiรฉe (Figure 9d) (Olsen 1999). Lโinhibition de la production des protรฉines serait alors due soit ร une dรฉgradation du polypeptide durant la traduction, soit ร une dissociation prรฉmaturรฉe des deux sous-unitรฉs ribosomiques (Huntzinger 2011; Pasquinelli 2012). En dรฉpit de ces donnรฉes, dโautres rรฉsultats semblent indiquer que les microARNs sont capables dโinhiber lโรฉtape dโinitiation de la traduction (Figure 9c). Dans une รฉtude publiรฉe en 2005, Pillai et al. montrent que les ARNm qui ne dรฉpendent pas de la coiffe pour leur traduction nโรฉtaient pas sujets ร la rรฉpression par les miARNs, laissant suggรฉrer que le complexe RISC interagirait directement avec la coiffe pour inhiber la traduction. Ils montrent รฉgalement quโen prรฉsence de miARNs, les ARNm cibles ne co-sรฉdimentent pas avec la fraction contenant les polysomes sur gradient de saccharose mais avec les fractions plus lรฉgรจres appauvries en ribonuclรฉoprotรฉines (Pillai 2005).
Activation de la traduction. Les microARNs sont รฉgalement capables de stimuler la traduction de certains gรจnes, mรชme si cela reste encore assez rare (Figure 9e) (Pasquinelli 2012). Pendant un arrรชt du cycle cellulaire, les sรฉquences riches en A-U (ARE, AU-rich elements) de lโARNm de TNFฮฑ sont capables de recruter diverses protรฉines Argonautes et autres facteurs associรฉs au miARNs. Dans ce contexte, le miR-369-3 serait capable dโactiver la traduction de TNFฮฑ (Vasudevan 2007). Les auteurs ont รฉgalement constatรฉ que dโautres miRs tel que let-7, connus pour rรฉprimer la traduction, sont capables dโactiver la traduction suite ร un arrรชt du cycle cellulaire (Vasudevan 2007). Un cas assez intรฉressant a รฉtรฉ dรฉcrit par รrom et al. Il sโagit particuliรจrement dโune interaction entre le miR-10a et le 5โUTR des ARNm de diverses protรฉines ribosomiques capables dโactiver leur traduction (Orom 2008).
SNP, single-nucleotide polymorphism dans les gรจnes de microARNs
De maniรจre gรฉnรฉrale, des variations de sรฉquences dans les gรจnes de microARNs (que ce soit le miR mature ou ses prรฉcurseurs) ont potentiellement pour consรฉquences un effet sur la biogenรจse et/ou la fonction des miRs matures (Ryan 2010; Slaby 2012). Les SNP et leurs consรฉquences fonctionnelles peuvent รชtre classรฉs en trois catรฉgories : (1) des polymorphismes en cis ou trans du promoteur du gรจne de miARN, ou du gรจne dans lequel se trouve le pri-miR pouvant influer sur les niveaux de transcription ; (2) des variations dans la sรฉquence mรชme du pri- ou du prรฉ-miARN (miR-SNP) affectant la biogenรจse du miR mature et (3) des variations dans la sรฉquence du miR mature (que ce soit au niveau de la sรฉquence seed ou de la partie 3โ du miR) ayant des consรฉquence sur sa capacitรฉ ร rรฉguler une cibler et/ou sa stabilitรฉ. Nous pouvons รฉgalement inclure les polymorphismes qui affectent les 3โUTR des ARNm (miR-TS-SNP, TS pour target site) et qui peuvent moduler, crรฉer ou รฉliminer des sites de fixation des miARNs, et que nous discuterons trรจs briรจvement dans ce chapitre.
Une รฉtude in silico rรฉalisรฉe par Saunders et al., a eu pour but dโรฉvaluer ร quelle frรฉquence les sรฉquences de pre-miR รฉtaient polymorphes et cela par rapport aux rรฉgions flanquantes en 5โ et 3โ (environ 100 nuclรฉotides de part et dโautre du pre-miR) (Saunders 2007). Sur les 474 pre-miRs รฉtudiรฉs, environs 90% ne prรฉsentaient aucun polymorphisme, et pour ceux qui รฉtaient polymorphes, la rรฉgion seed nโรฉtait pratiquement pas affectรฉe. Ils conclurent alors quโune forte pression de sรฉlection nรฉgative (purifying selection) agissait afin de limiter les consรฉquences potentiellement dรฉlรฉtรจres que pourrait avoir un changement dans la sรฉquence des miRs matures. Dans une รฉtude plus rรฉcente, Quach et al., sรฉquenรงant 92 rรฉgions contenant des microARNs (soit 117 miRs matures) chez 91 individus de diffรฉrentes populations, ont รฉgalement montrรฉ quโune pression sรฉlective, particuliรจrement au niveau du miR mature, limitait considรฉrablement le polymorphisme de ces gรจnes (Quach 2009).
Malgrรฉ ces donnรฉes, plusieurs exemples dans la littรฉrature montrent quโil existe bel et bien un polymorphisme (quoique relativement limitรฉ) au niveau des gรจnes de microARNs (Ryan 2010; Slaby 2012). Les premiรจres รฉtudes fonctionnelles qui ont รฉtรฉ rรฉalisรฉes dans ce domaine semblent indiquer que le polymorphisme nโa aucun effet sur la biogenรจse des miRs. Particuliรจrement, une รฉtude rรฉalisรฉe par Diederichs et al., qui montre que des SNP au niveau des gรจnes de microARNs (la majoritรฉ รฉtant au niveau du pri-miR), mรชme sโils entrainent la plupart du temps des changements structuraux assez visibles, nโauraient aucun effet sur lโexpression des miRs matures (Diederichs 2006). Par opposition, Duan et al. ont identifiรฉ un SNP localisรฉ en position 8 du miR-125a mature et qui, de maniรจre inattendue, bloquait la biogenรจse du miR et plus particuliรจrement, le passage pri-miR vers pre-miR (Duan 2007). Nous citerons รฉgalement une รฉtude rรฉalisรฉe par Sun et al., oรน les auteurs montrent quโen plus dโun effet nรฉgatif sur la biogenรจse et lโexpression des miRs matures, les SNP peuvent, dans certains cas, amรฉliorer lโefficacitรฉ du processing (cas de la transition G โ A au sein du pri-miR-510) (Sun 2009). De maniรจre trรจs intรฉressante, les auteurs montrent รฉgalement que les SNP peuvent parfois altรฉrer les sites de coupures de Drosha ou Dicer. Une conversion T โ G au niveau du premier nuclรฉotide du miR-934-5p conduit dโune part ร lโapparition dโune espรจce 5p plus grande et en moindre quantitรฉ, et dโautre part ร la production en grande quantitรฉ de miR-934-3p. Il sโagit en effet dโune inversion, suite au polymorphisme, entre le brin guide (5p) et le brin passager (3p) (Sun 2009).
De maniรจre assez remarquable, plusieurs SNP touchant les gรจnes de microARNs ont รฉtรฉ associรฉs ร diverses pathologies humaines, y compris les cancers (Ryan 2010; Slaby 2012). En 2008, Jazdzewski et al. ont identifiรฉ un polymorphisme au niveau du pre-miR-146a qui conduisait ร une diminution de lโexpression du miR mature et prรฉdisposait au carcinome papillaire de la thyroรฏde (Jazdzewski 2008). Le miR-146a ciblait, entre autres, des gรจnes appartenant aux voies de signalisations des cytokines et des rรฉcepteurs de type Toll, frรฉquemment surexprimรฉs dans ce type de cancers. Quelques mois plus tard, Hu et al. รฉtudiant un polymorphisme au niveau du miR-196a2 ont observรฉ quโil รฉtait associรฉ ร un mauvais pronostic chez les patients homozygotes possรฉdant ce SNP et atteints de cancer bronchique non ร petites cellules (non-small cell lung carcinoma) (Hu 2008). De faรงon plus gรฉnรฉrale, une รฉtude rรฉcente de 149 SNP chez 6 espรจces animales a permis de localiser ces polymorphismes au niveau de divers Locus de caractรจres quantitatifs (QTL, quantitative trait loci), de sites fragiles de chromosomes et de sites de susceptibilitรฉ au cancer, et leur a attribuรฉ un rรดle potentiel dans le contrรดle gรฉnรฉtique de diffรฉrents caractรจres complexes (Zorc 2012). En ce qui concerne les cancers colorectaux, une รฉtude rรฉalisรฉe par Lee et al. sur 436 patients, a permis dโidentifier un polymorphisme au niveau du pre-miR-492. Ce SNP serait alors associรฉ ร une mauvaise survie sans progression (PFS, progression free survival) chez les patients hรฉtรฉrozygotes et homozygotes possรฉdant ce SNP, mais nโaurait aucun effet sur la survie globale des patients (Lee 2010). Toujours dans les cancers colorectaux, nous citerons un polymorphisme qui se trouve dans un site complรฉmentaire au miR let-7 (lcs6, let- 7 complementary site) au niveau du 3โUTR du gรจne KRAS. Il est en fait connu que des mutations du proto-oncogรจne KRAS sont associรฉes ร une rรฉsistance aux thรฉrapies basรฉes sur des anticorps monoclonaux ciblant le rรฉcepteur EGF. Zhang et al. ont donc montrรฉ que pour 130 patients atteints de cancer colorectal mรฉtastatique et qui sont sauvages pour KRAS, la prรฉsence du SNP au niveau de lcs6, qui conduit ร une forte expression de KRAS, serait associรฉe ร une meilleure rรฉponse au traitement monoclonal (cetuximab) (Zhang 2011). Ce mรชme polymorphisme a dโailleurs รฉtรฉ รฉgalement associรฉ ร un plus grand risque de dรฉveloppement de cancer bronchique non ร petites cellules, et ร un mauvais pronostic (survie globale rรฉduite) chez les patients atteints de HNSCC (head and neck squamous cell carcinoma) (Chin 2008; Christensen 2009).
Des mutations germinales et somatiques dans les gรจnes de microARNs
Peu de mutations germinales ou somatiques ont รฉtรฉ identifiรฉes dans les gรจnes de microARNs. Lโexemple le plus connu et le plus important reste une mutation germinale des miR-16-1โmiR-15a (Calin 2005). Dans les leucรฉmies lymphoรฏdes chroniques (LLC), une dรฉlรฉtion frรฉquente affecte le chromosome 13q13.4 dans lequel se trouvent ces deux microARNs suppresseurs de tumeurs (ils agissent sur BCL2 et rรฉpriment son activitรฉ anti-apoptotique). Calin et al. ont montrรฉ que la perte de lโexpression des miR-16-1 et miR-15a serait รฉgalement due ร une mutation constitutionnelle CโT au niveau de leur prรฉcurseur (pri-miR) et que lโon retrouve uniquement chez les patients atteint de LLC. Cette mutation serait associรฉe, la plupart du temps, ร une dรฉlรฉtion du second allรจle normal, rappelant le modรจle de Knudson dโinactivation des gรจnes suppresseurs de tumeurs (Calin 2005).
|
Table des matiรจres
PARTIE I โ LES MICROARNS
1. INTRODUCTION โ LA DECOUVERTE DES MICROARNS
2. LA BIOGENESE DES MICROARNS
2.1 ORGANISATION GENOMIQUE DES GENES DE MICROARNS
2.2 BIOGENESE DES MIARNS : APERรU GENERAL
2.2.1 Le Modรจle canonique
2.2.2 Les modรจles non canoniques de biogenรจse des miRs
2.3 LES BASES MOLECULAIRES DE LA BIOGENESE DES MIARNS
2.3.1 Les RNases III, Drosha et Dicer
2.3.2 Lโรฉtape catalysรฉe par Drosha
2.3.3 Transport nuclรฉocytoplasmique des pre-miRs
2.3.4 Lโรฉtape catalysรฉe par Dicer
3. LES MECANISMES DโACTION DES MICROARNS
3.1 LE COMPLEXE RISC
3.2 LA RECONNAISSANCE DES ARNM CIBLES
3.3 LES DIFFERENTS MODES DโACTION DES MIARNS
4. VARIATIONS GENETIQUES : SNP ET MUTATIONS SOMATIQUES
4.1 SNP, SINGLE-NUCLEOTIDE POLYMORPHISM DANS LES GENES DE MICROARNS
4.2 DES MUTATIONS GERMINALES ET SOMATIQUES DANS LES GENES DE MICROARNS
5. MODIFICATIONS POST-TRANSCRIPTIONNELLES DES MIARNS
5.1 MISE EN EVIDENCE
5.2 FREQUENCE
5.3 BASES MOLECULAIRES
5.3.1 Le rรดle de Drosha et DICER1
5.3.2 Le rรดle des exoribonuclรฉases et des nuclรฉotidyltransfรฉrases
5.3.3 ADAR et editing des microARNs
5.4 CONSEQUENCES FONCTIONNELLES
5.4.1 Variabilitรฉ ร lโextrรฉmitรฉ 5โ : liaison aux Argonautes et changement de cibles
5.4.2 Editing : consรฉquences physiologiques et physiopathologiques
5.4.3 Consรฉquences de lโuridylation et de lโadรฉnylation
PARTIE II โ MICROARNS ET CANCERS COLORECTAUX MSI
6. CANCERS COLORECTAUX INSTABLES SUR LES MICROSATELLITES
6.1 GENERALITES SUR LES CANCERS COLORECTAUX
6.2 LE SYSTEME MMR ET SA PERTE DANS LES CANCERS COLORECTAUX
6.3 GENES CIBLES DE LโINSTABILITE MICROSATELLITAIRE
6.4 CARACTERISTIQUES CLINICO-PATHOLOGIQUES DES CANCERS COLORECTAUX DE TYPE MSI
6.4.1 Cancers MSI sporadiques et hรฉrรฉditaires
6.4.2 Pronostic tumoral et rรฉponse aux traitements de chimiothรฉrapie
7. MICROARNS ET DEREGULATION DE LEUR EXPRESSION DANS LES CCRS
7.1 INTRODUCTION : MICROARNS ET CANCERS
7.2 GENERALITES SUR LES MICROARNS DANS LES CANCERS COLORECTAUX
8. MICROARNS ET CANCERS COLORECTAUX MSI
8.1 DEREGULATION DES MICROARNS DANS LES CANCERS COLORECTAUX MSI
8.2 VARIATIONS GENETIQUES ET MSI DANS LES GENES DE BIOGENESE DES MICROARNS
8.3 LES PROTEINES MMR SONT LA CIBLE DE CERTAINS MICROARNS
9. CANCER, INFLAMMATION ET MICROARNS
9.1 LA NOTION DE DEFAUT DE CHAMP
9.2 CANCERS COMPLIQUANT LES MALADIES INFLAMMATOIRES CHRONIQUES INTESTINALES
9.2.1 Quโest-ce que les MICI ?
9.2.2 Les MICI peuvent se compliquer par des cancers colorectaux
9.2.3 Dรฉveloppement et progression de cancers colorectaux compliquant les MICI
9.2.4 Comment lโinflammation peut-elle favoriser lโapparition des CCR MSI ?
9.3 INFLAMMATION ET CANCER : LE ROLE DES MICROARNS
9.3.1 Inflammation et expression des miARNs
9.3.2 Plusieurs microARNs se trouvent dรฉrรฉgulรฉs dans les MICI
9.3.3 Rรดles multiples des miRs 155 et 21
VUE SYNOPTIQUE DES TRAVAUX DE RECHERCHE
DISCUSSION
PERSPECTIVES
CONCLUSION
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE
Tรฉlรฉcharger le rapport complet