La mise en place d’un projet théâtre dans une classe de CM2
Objet de la recherche
On cherche à identifier les impacts que la mise en place d’un projet théâtre en cycle 3 peut avoir sur les apprentissages des élèves. Pour cela, nous inscrirons principalement nos recherches dans le cadre théorique que définit Meirieu (2002) concernant les trois principes fondamentaux sur lesquels repose le théâtre ainsi que sur la conception de la pédagogie de projet de Perrenoud (1999). Nous nous concentrerons notamment sur le fait que le théâtre permettrait aux individus d’accéder à une médiation afin de mieux comprendre le monde et de s’inscrire dans une histoire collective.
Hypothèse
Notre hypothèse sera la suivante :
Grâce à un projet théâtre, les élèves développent des compétences sociales de communication et de vivre-ensemble dans l’intérêt d’un collectif. Ils sont ainsi capables d’aller au-delà des conflits individuels dans l’intérêt du projet collectif.
Contexte
Présentation de l’école
Nos recherches ont lieu à l’école d’application Saint Charles I située dans le centre-ville marseillais entre la gare Saint Charles et les bâtiments de l’Université d’Aix Marseille. L’école se trouve dans une zone dite « de violence » et fait partie du Réseau d’Éducation Prioritaire + . Les objectifs du projet d’école se déclinent de la manière suivante :
• améliorer les résultats académiques des élèves – notamment en français et en mathématiques ;
• développer l’oral dans toutes ses dimensions – notamment en repensant la prise de parole ;
• développer le partenariat avec les parents d’élèves ;
• et développer le parcours citoyen, culturel et sportif.
Présentation de l’action THÉÂ
Dans le cadre de ce dernier objectif, l’école s’inscrit dans l’action nationale THÉÂ de l’Office Central de la Coopération à l’École pour le développement de l’éducation artistique et du théâtre à l’école. Cette action a pour but de permettre aux enfants :
• de se former en tant que personne en prenant en compte les autres identités en construction dans leur classe ou dans leur école ;
• de donner plus de sens aux apprentissages en les inscrivant dans une dimension culturelle ;
• d’explorer des espaces symboliques et poétiques par l’exploration de la langue et du théâtre en tant qu’art ;
• et de s’inscrire dans un projet de classe mêlant une coopération entre adultes, entre professionnels et entre structures différentes et/ou complémentaires. Dans le cadre de cette action, notre étude concerne ici la mise en place d’un projet théâtre dans la classe de CM2 de 23 élèves de Mme Innocent.
Organisation du projet théâtre
Notre projet s’articule autour de plusieurs phases respectant et liant toujours les différentes dimensions nécessaires à l’apprentissage du théâtre que l’on retrouve dans les trois piliers du PEAC :
– la fréquentation des lieux et la rencontre avec des professionnels ;
– la pratique du théâtre par les ateliers ;
– et l’appropriation des connaissances en rapport avec le théâtre .
La mise en œuvre de l’étude
Méthode et dispositif de recherche
Dans le cadre de nos recherches, ce mémoire poursuit d’abord une méthode clinique. Le choix de cette méthode est justifié par le fait qu’elle met en jeu des rapports humains. L’« objet» de la recherche est un sujet individuel ou collectif. Il s’agit de collecter des informations subjectives – représentations, sentiments, émotions, expérience – témoignant de la singularité d’un élève impliqué dans un projet théâtral. Il est également question d’observer et de questionner le groupe classe afin de comprendre les conséquences possibles du théâtre à l’école. En plus de s’appuyer sur une démarche clinique, nos recherches dressent également un inventaire méthodique des comportements d’un sujet dans une situation donnée. Il s’agit ici d’une recherche de type descriptive visant à analyser les comportements de certains élèves vis-à-vis d’autres lors des ateliers théâtre.
Ces méthodes permettent d’utiliser les outils nécessaires pour mener à bien les recherches et ainsi obtenir des données pertinentes permettant de valider ou non notre hypothèse de départ. Ce processus relève d’une démarche hypothéticodéductive.
Les critères de vérification de notre hypothèse concernent ainsi les indicateurs suivants :
• la mixité : l’évolution du comportement des filles avec les garçons, et réciproquement, lors des temps de travail collectif et lors des temps de récréation ;
En effet, l’apprentissage du « vivre ensemble » (MEN, 2015, p.91) est un élément structurant de la vie scolaire. Dans une école aux publics hétérogènes, chacun doit apprendre à vivre et à travailler avec l’autre. Dès lors, il est du devoir de l’enseignant, au moyen d’une multitude de processus quotidiens subtils, de mettre en place des situations d’apprentissage collectif favorisant la mixité entre filles et garçons. Or, cette mixité est une procédure d’autant plus difficile à mettre en place qu’elle se situe à une période sensible du développement des élèves de CM2 : les prémices de la puberté.
Sur le plan psychologique, le préadolescent vit une situation ambiguë. Il est tiraillé entre la volonté de vouloir changer et la peur de ne plus correspondre à la norme et donc de se sentir exclu. Sur le plan social, le jeune enfant accorde une grande importance à l’amitié : c’est l’époque des bandes de copains. Les élèves se placent dans un groupe, sexué ou non, dans lequel l’honneur, la réputation et la hiérarchie au sein du collectif se construit bien souvent à travers des processus de socialisation qui les incitent à adopter certains comportements. Lors des temps d’apprentissage, la gestion des corps est commandée par les différentes modalités mises en place par l’enseignant. A contrario, la cour de récréation se présente comme un lieu de liberté dans lequel cette gestion des corps se fait de manière spontanée par les élèves. Les observations recueillies et mises en parallèle lors de ces deux temps vont ainsi permettre de relever si le travail mené lors des activités théâtrales a un éventuel impact sur une collaboration et une fréquentation spontanée entre les filles et les garçons.
• la qualité des productions écrites en lien avec le théâtre : l’analyse d’écrits d’«élève-comédien » avec la création d’une relation « je-nous ».
• et la réflexion des élèves sur les apports de leur pratique théâtrale avec leurs camarades de classe .
Notre dispositif de recherche a permis le recueil et l’analyse croisée de différents types de données parmi lesquelles :
• des paroles d’acteurs constituant un corpus grâce aux carnets de comédien(nes) individuels remplis par les élèves ou de questionnaires posés aux élèves. Les paroles rapportées dans ce mémoire feront l’objet d’un toilettage orthographique.
• des données issues de l’observation par une prise de notes ou un pointage précis de critères lors des ateliers, de la classe ou du temps de récréation.
Construction de recueil de données
Élaboration du questionnaire
Le questionnaire est distribué aux vingt-trois élèves de la classe avant même le commencement des ateliers théâtre. Il comporte deux questions fermées pour lesquelles les élèves interrogés sélectionnent un seul choix parmi des réponses préétablies ( Annexe 2 ). La première question, « Selon toi, à quoi peut servir le théâtre ? », s’intéresse au but qu’attachent les élèves à cet art vivant. En relation avec ce qu’expose Meirieu (2002), les propositions de réponses sont axées autour de la double fonction du théâtre ; c’est-à-dire une pratique en tant que formation de l’individu dans un groupe mais aussi en tant que production d’un spectacle. Parmi le panel propositions de réponses, deux catégories distinctes se cachent volontairement :
• une catégorie relevant des apprentissages : les élèves considèrent-ils la pratique théâtrale comme une manière ludique d’apprendre ?
• une catégorie relevant du relationnel : les élèves trouvent-ils dans cette pratique des apprentissages transversaux, non disciplinaires. Il s’agit ici de notion de respect et de connaissances de l’autre.
La deuxième question, « Est-ce que faire du théâtre avec les autres changerait quelque chose pour toi ? », interroge sur l’utilité de cette pratique dans la classe. Il s’agit plus particulièrement de mettre en exergue les avantages liés aux activités théâtrales sur le groupe classe. L’élève est amené à réfléchir sur les apports de sa pratique théâtrale avec ses camarades de classe : envisage-t-il le théâtre en tant que vecteur d’intégration des élèves et de leur bien-être en classe ? La panel de réponse se construit de la manière suivante : quatre réponses positives avec des conséquences différentes – sur la prise de parole, sur l’aisance en classe, sur la connaissance de l’autre et sur la timidité – et une réponse négative.
Élaboration de l’enquête sur la mixité des groupes
Il s’agit, dans un premier temps, d’un pointage à chaque séance de théâtre, lors des exercices d’échauffements, du nombre de groupes mixtes ou non composés par les élèves présents. Le nombre total de filles dans la classe s’élevant à 8 et celui des garçons s’élevant à 15, le but serait que la totalité des filles se mélange avec les garçons. Ce mélange doit s’opérer de manière volontaire et spontanée. Autrement dit, l’enseignant ne donnera aucune indication visant à commander les élèves sur la constitution de groupes mixtes. La mise en place et la progression dans les ateliers sont construit de manière à favoriser cette progression spontanée. Ainsi, comme le reprend l’Annexe 1, la planification des ateliers est organisée de telle sorte que l’élève se découvre d’abord lui-même, puis il découvre l’autre et enfin il s’inscrit dans une collaboration avec cet autre.
Les résultats concernant cette étude seront répertoriés dans un tableau ( Annexe 3.). Ce tableau répertorie pour chaque séance :
– le nombre de présents ;
– le nombre de filles présentes ;
– le nombre de garçons présents ;
– la présence éventuelle de l’enseignant dans la constitution des groupes dans le cas d’un nombre de présents impairs afin de permettre la constitution complète de binômes ;
– le nombre de couples Fille/Fille ;
– le nombre de couples Garçon/Garçon ;
– le nombre de couples Fille/Garçon
– et enfin le pourcentage de répartition des filles dans les groupes mixtes.
Ce relevé sur ces constitutions de groupes sera ensuite mis en parallèle avec les comportements des filles et des garçons lors des temps de travail en groupe en classe et lors des temps de jeu dans la cour de récréation. Le croisement de ces données permettra d’analyser les impacts des travaux menés lors des ateliers théâtres sur une éventuelle socialisation que l’on qualifiera de spontanée ou non lors de la vie des élèves dans l’établissement scolaire.
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Table des matières
Introduction
1. – Un projet artistique et culturel théâtre
1.1. La pédagogie de projet
1.2. Le projet artistique et culturel
1.3. Le choix du théâtre dans un projet
1.3.1. Le Théâtre dans les Instructions Officielles
1.3.2. Les spécificités du théâtre
2. – La mise en place d’un projet théâtre dans une classe de CM2
2.1. Objet de la recherche
2.2 Hypothèse
2.3 Contexte
2.3.1. Présentation de l’école
2.3.2. Présentation de l’action THÉÂ
2.4. Organisation du projet théâtre
3. – La mise en œuvre de l’étude
3.1. Méthode et dispositif de recherche
3.2. Construction de recueil de données
3.2.1. Élaboration du questionnaire
3.2.2. Élaboration de l’enquête sur la mixité des groupes
3.2.3. Élaboration d’un outil d’analyse de corpus
4. – Les résultats de l’étude
4.1. Analyse des données
4.1.1. Réponses au questionnaire post-ateliers
4.1.2. Résultat de l’enquête lors des ateliers
4.1.3. Résultat de l’analyse du corpus sur les pronoms
4.2 Interprétation des données
4.2.1. Des motivations différentes pour la pratique théâtrale
4.2.2. Un effet sur la mixité
4.2.3. L’apparition d’un lien « individu / groupe »
5. – Discussion
5.1 Des résultats discutables
5.2 D’autres perspectives de recherches et de réflexions sur le métier
Conclusion
Références Bibliographiques
Annexe