Des molécules énergétiques aux formulations insensibles

Des molécules énergétiques aux formulations insensibles

L’obtention du label MUnition à Risques ATténués (MURAT) a mené les industriels munitionnaires à développer des formulations pouvant être classées comme Matières Détonantes Extrêmement Peu Sensibles (MDEPS) L’élément clé d’une MDEPS. provient, en partie, de la réponse des molécules énergétiques aux agressions thermiques ou mécaniques. En reliant les paramètres microscopiques de ces molécules à ces deux types d’agression par des tests en laboratoire, l’échelle de sensibilité peut être dressée et servir de référence dans la formulation d’explosif insensible. Ces formulations insensibles sont actuellement mises en œuvre par deux procédés. D’une part, l’injection permet l’élaboration des substances nommées Plastic Bonded eXplosives (PBX). Ces explosifs composites sont constitués d’une matrice polymérique thermodurcissable dont les caractéristiques assurent à l’ensemble du matériau fini des propriétés mécaniques et chimiques très satisfaisantes. Le point faible de ce type de formulation vient du caractère irréversible de la macromolécule ; en fin de mise en œuvre elle devient infusible et insoluble. Ces formulations sont donc à exclure d’un contexte de démilitarisation. D’autre part, le procédé de Coulée-Fondue lié à la mise en œuvre de formulations dont la matrice est constituée de matières fusibles (en général du 2,4,6 trinitrotoluène et des additifs). Ces formulations sont communément appelées XF (pour les formulations françaises) ou AFX (pour les formulations américaines). Travaillant à la température de fusion des espèces fusibles, la difficulté majeure reste le contrôle drastique des transferts thermiques dans la chaîne du procédé. Quoiqu’il en soit, ces deux classes de formulation énergétique (PBX et AFX ou XF) ont un point commun : une fraction volumique solide élevée, supérieure dans les deux cas à 0,50. Dans le cas de l’injection, cette suspension concentrée est véhiculée via l’action mécanique d’un piston entraînant la matière visqueuse. Mais dans le cas d’un écoulement gravitaire, où le transport de la matière n’est assuré que par la seule action de la gravité, elle devient un paramètre essentiel prédominant dans l’art de formuler une suspension concentrée coulable.

Sensibilité des molécules énergétiques 

Sensibilité au choc thermique 

Les réactions conduisant une molécule énergétique à se décomposer sous l’effet de la température sont généralement des réactions lentes. Cependant, elles demeurent complexes du fait des connections et rétroactions qu’elles peuvent avoir entre elles. Les lois cinétiques représentatives de ces phénomènes sont des paramètres importants à connaître pour estimer la sensibilité [2]. La dégradation thermique par analyse thermique différentielle (ATD) ou par calorimétrie différentielle (DSC) permet la caractérisations des cinétiques de décomposition par des lois phénoménologiques (OZAWA, KISSINGER [3]). Par ces techniques, d’autres données intrinsèques à la molécule énergétique tels l’influence de la taille des particules, le polymorphisme de la phase cristalline, l’imperfection des cristaux, le comportement à la fusion, à l’évaporation et à la sublimation peuvent être reliées à la stabilité d’une substance explosive. MAKSIMOV [4] a, par exemple, montré que la stabilité thermique du cyclotriméthylène trinitramine (cf. annexe 1) dépendait légèrement de sa taille de particule. L’application de ces techniques d’analyse thermique produit ainsi une « empreinte » de la stabilité d’un explosif en acquérant une large base de données physiques et chimiques [5].

Sensibilité au choc mécanique

Mesure de la sensibilité à l’impact 

Cette mesure se base sur le fait que la probabilité de réaction d’une matière énergétique soumise à un choc mécanique croît avec l’énergie mise en jeu lors de l’impact. Elle consiste à provoquer la réaction d’une faible quantité d’explosif lors de la chute d’une masse depuis une hauteur donnée. A partir des résultats d’une série d’essais où la hauteur de chute varie et donc l’énergie, une estimation par méthode statistique de BRUCETON est faite pour déterminer l’énergie (ou la hauteur de chute) correspondant à 50% des réactions positives [6]. Les résultats obtenus sont soit exprimées en hauteur de chute (h50% ) soit en Indice de Sensibilité à l’Impact (I.S.I.) exprimé en Joule.

Relation Balance en Oxygène – choc mécanique 

Les molécules explosives n’empruntent pas l’oxygène nécessaire à leur combustion au milieu extérieur. Elles portent souvent des fonctions chimiques riches en oxygène telles que – NO2 ou –O–NO2 qui permettent l’oxydation partielle ou totale des autres atomes de la molécule. Un explosif est dit suroxygéné ou à combustion complète lorsque sa structure chimique comporte plus d’atomes d’oxygène qu’il n’est nécessaire pour assurer l’oxydation totale des atomes de carbone et d’hydrogène le constituant. Le calcul permettant de déterminer si une substance est sur- ou sousoxygénée passe par la détermination de sa balance en oxygène. Soit un explosif de formule brute CxHyOzNu :

• si z ≥ 2x + y/2, l’explosif est sur oxygéné,
• si z < 2x + y/2, l’explosif est sous oxygéné.

Relation entre la structure moléculaire et le choc mécanique 

Le Naval Weapons Center [9] a publié une étude systématique sur les polynitroaromatiques et particulièrement sur l’influence de la structure moléculaire avec la sensibilité au choc mécanique exprimée par leh50% . Pour le 2-amino-3,4,5,6-tétranitrotoluène (36 cm), le 3-amino-2,4,5,6-tétranitrotoluène (37 cm) et le 2,4-diamino-3,5,6-trinitrotoluène (47 cm), la plus grande sensibilité (donnée par les hauteurs de chute les plus faibles) des deux premiers composés est probablement due à la présence de trois (ou quatre) groupe NO2. La combinaison de l’encombrement stérique et des effets électroniques facilite la rupture des liaisons.

Elaboration d’une Matière Détonante Extrêmement Peu Sensible (MDEPS) 

Sensibilisation et flegmatisation 

Les molécules énergétiques proposent des degrés de sensibilité différents selon leur nature chimique, leur procédé d’élaboration ou leurs caractéristiques granulaires (densité, granularité, polymorphisme,…). La caractérisation de ces matériaux aux agressions thermiques et mécaniques constitue donc une première étape essentielle dans l’élaboration d’explosifs formulés insensibles. Cependant, par le terme même de formulation, la molécule énergétique représente certes une substance essentielle mais elle entre en interaction avec d’autres « ingrédients » modifiant les propriétés finales de sensibilité. Ainsi l’adjonction dans une formulation de faibles quantités d’un matériau inerte peu changer les propriétés de sensibilité de celui-ci, soit dans le sens d’une moindre sensibilité (flegmatisation), soit dans le sens d’une vulnérabilité plus grande (sensibilisation) vis-àvis d’une agression donnée [2]. Les explosifs ainsi formulés tentent de répondre à un critère de sensibilité particulier.

Le critère MDEPS 

Les niveaux d’immunité souhaités (tenue à l’incendie, aux échauffements lents, à l’impact de balle,…) impliquent que les associations de matériaux énergétiques et inertes soient les moins réactives possibles dans les nouvelles munitions pour répondre au critère MDEPS – Matières Détonantes Extrêmement Peu Sensibles, ou en anglais, EIDS – Extremely Insensitive Detonating Substances. Les MDEPS sont affectées à la division des risques 1.6 et sont décrites comme « objets extrêmement peu sensibles, ne présentant pas de risques d’explosion en masse. Cette division comprend les objets qui contiennent les matières détonantes extrêmement peu sensibles et pour lesquelles il est démontré qu’il y a une probabilité négligeable d’amorçage accidentel ou de propagation » [19]. Pour répondre à la division des risques 1.6, une formulation énergétique doit subir les épreuves dites épreuves de la série 7 de l’ONU. Si, lors de ces tests, la matière énergétique n’entre pas en régime de détonation, elle sera classée MDEPS.

Quelques exemples de MDEPS 

Il existe dans le milieu munitionnaire deux technologies pour formuler des MDEPS. La première est celle des explosifs composites plus communément appelés Plastic Bonded eXplosive (PBX). La deuxième est liée à la technologie Coulée-Fondue. Dans les deux cas, le choix de la technologie employée ainsi que les constituants utilisés dépend du compromis recherché entre les performances, la vulnérabilité et les coûts attendus.

Les formulations PBX 

Les formulations PBX sont des mélanges de liants polymériques et d’explosifs granulaires. Elles se composent donc d’une charge solide énergétique (l’explosif secondaire de type ONTA, RDX, HMX, NQ…) de charges inertes (oxydants ou réducteur) et d’une matrice polymère composée soit d’un matériau inerte (polybutadiène à terminaison hydroxy (HTPB), polyéther,…), soit d’une macromolécule énergétique. Ces explosifs composites présentent l’avantage de pouvoir contenir un chargement dense en espèces solides énergétiques, soit jusqu’à plus de 80% en pourcentage massique. Cette particularité offre donc des performances détoniques assurées. L’inconvénient est évidemment, avec une quantité aussi important en espèces granulaires, la difficulté de mise en œuvre (difficulté de malaxage, de coulabilité) [20]. Des procédés d’élaboration comme l’extrusion, ou l’injection sont alors nécessaires pour provoquer le mouvement de la matière. Autre inconvénient lié à la nature de la matrice polymérique ; il s’agit en général d’une macromolécule thermodurcissable. La mise en œuvre, sous l’action de la chaleur et/ou de catalyseurs ou de durcisseurs, correspond à la création de  nouvelles associations entre les molécules courtes. Cette transformation chimique est irréversible ; les nouvelles liaisons sont covalentes et il faut, pour les détruire, des énergies très importantes. Ces matériaux ont donc la particularité de ne pas pouvoir être refondus ; ce qui pose problème dans une phase de recyclage de la matière énergétique.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I. DES MOLECULES ENERGETIQUES AUX FORMULATIONS INSENSIBLES
1) Introduction
2) Sensibilité des molécules énergétiques
2.1) Sensibilité au choc thermique
2.2) Sensibilité au choc mécanique
2.2.1) Mesure de la sensibilité à l’impact
2.2.2) Relation Balance en Oxygène – choc mécanique
2.2.3) Corrélations paramètres moléculaires – choc mécanique
2.2.4) Relation entre la structure moléculaire et le choc mécanique
2.2.5) Corrélation entre l’indice de sensibilité à l’impact (I.S.I.) et enthalpie maximale de réaction
3) Procédés de synthèse des molécules énergétiques utilisées dans l’étude expérimentale
3.1) 2,4,6-trinitrotoluène
3.2) 3-nitro-1,2,4-triazole-5-one
4) Elaboration d’une Matière Détonante Extrêmement Peu Sensible (MDEPS)
4.1) Sensibilisation et flegmatisation
4.2) Le critère MDEPS
4.3) Quelques exemples de MDEPS
4.3.1) Les formulations PBX
4.3.2) Les formulations Coulée-Fondue
4.4) Les procédés de mise en œuvre des MDEPS
4.4.1) Le procédé d’injection
4.4.1.1) Principe
4.4.1.2) Nature des formulations énergétiques
4.4.1.3) Avantages & Inconvénients
4.4.2) Le procédé Coulée-Fondue
4.4.2.1) Principe
4.4.2.2) Nature des formulations énergétiques
4.4.2.3) Avantages & Inconvénients
5) Problèmes de la coulabilité des suspensions énergétiques
5.1) Facteurs dus aux produits
5.1.1) La sédimentation et le crémage
5.1.2) La concentration en espèces solides
5.1.3) La granulométrie
5.1.3.1) Taille des grains
5.1.3.2) Forme des grains et rugosité
5.1.3.3) Répartition granulométrique
5.1.4) La dissolution des espèces solides
5.1.5) Ajout d’agents tensio-actifs
5.1.5.1) Stabilité de l’émulsion énergétique
5.1.5.2) Stabilité de la suspension
5.2) Conditions opératoires
5.2.1) La température
5.2.2) La pression
5.3) Caractéristiques des mélangeurs
5.3.1) La géométrie des mélangeurs
5.3.2) Le transfert thermique
5.3.3) Le temps de mélange
Conclusion
II. RHEOLOGIE DES LIQUIDES
1) Introduction
2) Les fondements de la rhéologie
2.1) Définition
2.2) Un peu d’Histoire
3) Dynamique du liquide
3.1) Caractéristiques d’un liquide
3.2) Origine de la viscosité
3.2.1) Mouvement de cisaillement
3.2.2) Contraintes de cisaillement et coefficient de viscosité
3.2.3) Les paramètres influant sur la viscosité d’un liquide
3.2.3.1) Effet de la température
3.2.3.2) Effet de la pression
3.3) Quantité de mouvement et bilan d’énergie cinétique d’un liquide
3.3.1) Equation de NAVIER-STOKES
3.3.1.1) Expression générale
3.3.1.2) Quantité de mouvement pour un fluide newtonien
3.3.1.3) Forme adimensionnelle de l’équation de NAVIER-STOKES
3.4) Bilan d’énergie d’un liquide parfait
3.4.1) Définition du liquide parfait
3.4.2) Loi d’évolution de l’énergie cinétique
3.4.3) Relation de BERNOULLI
4) Caractérisation rhéologique du liquide
4.1) Les lois de comportement
4.1.1) Le comportement newtonien
4.1.2) Le comportement non-newtonien indépendant du temps
4.1.2.1) Les liquides sans contrainte critique
4.1.2.1.1) Les rhéofluidifiants
4.1.2.1.2) Les rhéoépaississants
4.1.2.2) Les liquides avec contrainte critique
4.2) Les outils rhéométriques adaptés aux liquides
4.2.1) La rhéométrie rotative
4.2.1.1) La géométrie plan-plan
4.2.1.2) La géométrie cône-plan
4.2.1.3) La géométrie COUETTE
4.2.2) La rhéométrie oscillante
4.2.3) La rhéométrie capillaire
5) Conclusion
III. RHEOLOGIE DES SUSPENSIONS
1) Introduction
2) Un intérêt industriel croissant
2.1) …dans le secteur de l’Agroalimentaire
2.2) …dans le secteur de la Cosmétique
2.3) … dans le secteur du Génie Civil
2.4) …et dans le secteur Munitionnaire
3) Les suspensions diluées et semi-diluées
3.1) Définition
3.2) Relations de viscosité
3.2.1) Relation d’Einstein
3.2.2) Relation de GUYON, HULIN et PETIT
4) Les suspensions concentrées
4.1) Définitions
4.1.1) Les pâtes
4.1.2) Les matériaux granulaires
4.1.3) Les pâtes granulaires
4.2) Relations de viscosité
4.3) Modélisation de la compacité maximale
4.3.1) Le modèle d’AL-RAOUSH et ALSALEH
4.3.2) Le modèle de JIA et al
4.3.3) Le modèle de DE LARRARD
4.3.3.1) Compacité virtuelle
4.3.3.2) Compacité réelle
5) Lois de comportement des suspensions
5.1) Lois de comportement générales
5.2) Les comportements rhéologiques dépendant du temps
5.2.1) La thixotropie
5.2.2) La rhéopexie
5.2.3) Lois de comportement
5.3) Discussions sur les lois de comportement
5.4) La rhéométrie non-conventionnelle
5.4.1) Contexte
5.4.2) L’analogie de COUETTE
5.4.2.1) Théorie
5.4.2.2) Expression de la constante de cisaillement virtuelle
5.4.2.3) Expression de la constante de contrainte
6) Conclusion
CONCLUSION

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