Des inégalités socio-économiques se révélant autour de l’objet technique 

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Présentation générale du projet

L’étude du réservoir d’eau Kanagan s’inscrit dans le cadre du Water Pondi Project (WPP). Ce projet a pour objec;f principal de déterminer les dynamiques des ressources en eau et leur vulnérabilité. Deux terrains sont étudiés, l’un en zone péri-urbaine (Kanagan), et l’autre en zone semi-rurale (Ossudu). Tous deux situés dans le territoire de Pondichéry, avec des probléma;ques différentes et des usages dis;ncts.
Le WPP a quatre objec;fs principaux :
– l’évalua;on de l’équilibre de l’eau de réservoirs grâce à la surveillance de l’eau de surface et de l’eau souterraine.
– le développement d’instruments de surveillance innovants, u;lisant par exemple les ultrasons.
– l’es;ma;on des impacts de ces bassins sur la ressource en eau, grâce à des ou;ls de modélisa;on
– la proposi;on de recommanda;ons pour maintenir ou pour améliorer la disponibilité et la qualité de la ressource en eau.

L’intégration de notre étude dans le WPP

Notre travail s’inscrit dans le cadre du 4ème axe. Il s’agit de s’intéresser aux représenta;on qu’ont les habitants du réservoir. Cela se traduit par leurs usages, la raison de leur venue autour du lac, leurs idées à propos de celui-ci, les symboles qu’ils y associent, et bien d’autres aspects que nous détaillerons par la suite. Ainsi, nous pourrons mieux évaluer les conséquences, sur les habitants, des changements d’aménagement qui ont eu lieu et mieux comprendre jusqu’à quel point maintenir, valoriser et protéger le tank est essen;el. La rencontre d’ins;tu;ons officielles et de l’hôpital, acteurs essen;els de la ressource (l’hôpital a déversé ses eaux usées dans le réservoir) serait un travail u;le, qu’un prochain groupe de travail pourrait effectuer.

Les premiers tanks et leurs fonctions

Les tanks sont par;culièrement présents en Inde du sud puisque chaque hameau en possède au moins un et il y en a souvent deux ou trois par “village” (Aubriot, 2013). En effet, on en comptait environ 159 000 dans l’état dans le sud de l’Inde et 39 000, spécifiquement dans l’état du Tamil Nadu (Vaidyanathan, 2001). Cependant, aucune uniformité n’est à remarquer à propos de leur taille, ou de leur emplacement géographique (Aubriot ou Igna;us Prabhakar, 2011). Apparus avant la colonisa;on, ils ont historiquement été créés pour pallier des périodes de sécheresse en récupérant des eaux pluviales et fluviales afin d’irriguer, par gravité et à travers des vannes et canaux, les champs agricoles en saison sèche.
En effet, il est évident que l’agriculture nécessite la présence d’eau. A travers l’irriga;on, elle consomme, à l’échelle mondiale, environ 2/3 de l’eau u;lisée, et en Inde 80% (Aubriot, 2006). Le Tamil Nadu est historiquement une région à voca;on agricole. C’est aujourd’hui l’un des producteurs majeurs de maïs et de canne à sucre et le second producteur de riz du sous con;nent indien. Ainsi, la nécessité de dépendre le moins possible de la mousson, de permeSre aux agriculteurs d’irriguer leurs champs en saison sèche et de favoriser de plus nombreuses cultures est rapidement apparue.
Puis, les réservoirs on progressivement occupé d’autres fonc;ons économiques, écologiques et sociales car leur écosystème procure de nombreuses ressources : eau, poisson, arbres, vase… Ainsi, ils sont devenus u;les pour laver des vêtements, la vaisselle et certains habitants avaient pour habitude de boire l’eau du tank.

La diminution de l’utilisation des tanks

Au lendemain de l’indépendance de l’Inde et au début de la Révolu;on verte indienne, de nombreux tanks du Tamil Nadu et du territoire de Pondichéry voient leur surface de stockage des eaux diminuer jusqu’à totalement disparaître. En effet, ils montrent leurs limites par rapport à l’usage de l’eau souterraine, favorisée durant la Révolu;on Verte. La ges;on collec;ve, la dépendance à la pluviométrie, les différences d’accès à l’eau en fonc;on de la situa;on géographique des tanks sur le territoire ont eu raison de l’u;lisa;on des tanks, au profit des eaux souterraines pour lesquelles l’indépendance et l’accès individuel ont fait le succès de celles-ci(Ben Dris, 2017). La plupart des tanks ont aussi le défaut d’être u;lisables pendant 2 à 6 mois de l’année seulement (le reste du temps, ils sont secs) et d’être consommateurs d’espace, dans un pays à forte densité de popula;on (plus de 300 hab/km2) (Aubriot, 2006). Enfin, un élément non négligeable intervient en par;culier dans le district de Pondichéry : sa situa;on sur une nappe alluviale permet un accès rapide à l’eau souterraine. Dès lors, les agriculteurs les plus aisés choisissent d’inves;r dans des pompes, u;lisant l’eau souterraine pour parfois la revendre aux moins aisés, ce qui crée des rela;ons de pouvoir autour de l’eau et diminue fortement le niveau de la nappe phréa;que. Le tableau ci-dessous indique ceSe diminu;on de l’u;lisa;on des tank. Il confirme également la forte présence des tanks en Inde du sud (ici au Tamil Nadu), compara;vement au reste de l’Inde – propos avancé précédemment.

Des inégalités socio-économiques se révélant autour de l’objet technique

Par ailleurs, les nagars (quar;ers) autour du lac abritent des popula;ons ayant des classes sociales très différentes. La présence d’habitants démunis, installés depuis 35 ans pour certains, contraste avec les popula;ons des récents nagars qui rassemblent les personnes ayant étudié, de haute caste et qui disposent de plus de moyens. CeSe différence autour du terrain d’étude peut générer des usages différents du réservoir, des tensions, des conflits.

Kanagan Lake entouré de plusieurs lieux de culte

Historiquement, les temples étaient situés à proximité d’eau parce que celle-ci était u;lisée pour des cérémonies et pour la protec;on des divinités. C’est pourquoi, deux pe;ts temples sont situés sur les bords du lac. Un troisième temple est présent au sud du tank. Un pe;t bâ;ment funéraire est également situé sur le lac, permeSant de faire des cérémonies pour célébrer le mort. Ces lieux de culte sont localisés sur la carte 19, p32.

Un environnement pollué de nombreux déchets

Lors des déplacements sur le terrain, il est remarqué la présence de déchets, principalement sur les berges du tank mais également dans l’eau et sur le chemin. Bouteilles, sacs en plas;que, papiers sont accumulés. Les habitants semblent responsables de ceSe présence de déchets ménagers. Il est en effet possible de les voir jeter leurs déchets très naturellement. Si nous en remarquons une quan;té importante sur la route, la présence d’ordures sur les berges du réservoir d’eau est plus choquante – d’après une vision occidentale de la propreté. La no;on de protec;on de la nature semble en effet bien loin des idées des habitants.
Il ne semble pas non plus évident, pour un habitant, d’imaginer les conséquences de ces actes, bien que certaines soient clairement visibles. Nous pouvons par exemple citer le fait que des buffles présents dans le lac mangent les déchets des habitants. Il est aussi possible de voir des chiens ou des vaches, animal pourtant sacré en Inde, manger ces déchets.
Outre le fait que ces derniers soient nocifs pour la nature et pour les espèces animales, il ne semble pas que leur présence soit dérangeante pour la plupart des habitants. Il serait tout à fait possible de voir quelqu’un en train de marcher autour du lac, ac;vité supposée plaisante de part le paysage environnant, mais également en train de jeter des déchets par terre (donc de nuire à ce paysage). Nous verrons par la suite que la no;on de paysage, différente en Inde et en occident, explique ceSe possibilité (Chapitre 2 – I – A).
Les spécificités de Kanagan en font une zone ayant subi de nombreuses évolu;ons au niveau de l’approvisionnement du tank et des usages. Laissé à l’abandon par les habitants et les services gouvernementaux indiens pendant de nombreuses années, Kanagan évolue encore fortement aujourd’hui. Aussi il est intéressant de collecter les représenta;ons des habitants, de comprendre les impacts de ce réservoir sur les popula;ons.

Un questionnaire semi directif et individuel

Pour réaliser ceSe étude, qui est à la fois qualita;ve et quan;ta;ve sur certains points, seulement il n’a pas été réalisé un ques;onnaire très précis, car ce n’est pas nécessaire pour obtenir des réponses qualita;ves. Les entre;ens sont donc de type semi-direc;fs. L’entre;en semi-direc;f ou l’entrevue semi dirigée (Savoie-Zajc, 1997 in Imbert, 2010) est une technique de collecte de données qui contribue au développement de connaissances favorisant des approches qualita;ves et interpréta;ves relevant en par;culier des paradigmes2 construc;vistes (Lincoln, 1995 in Imbert, 2010).
Le tableau ci-dessous (De Ketele et Roegiers (1996) in Imbert (2010)) a pour but de comparer l’entre;en semi-direc;f à ses deux opposés : l’entre;en libre et l’entre;en dirigé. Il est remarqué que le semi-direc;f est une technique permeSant d’aborder différents thèmes précis et nécessaires à l’étude, tout en laissant la personne enquêtée, libre de plus ou moins développer ses réponses., L’enquêteur peut se permeSre de modifier l’ordre des théma;ques, selon l’évolu;on de la conversa;on.
CeSe technique d’entre;en semble plus efficace que l’entre;en direc;f pour recueillir des discours, points de vue, récits et explica;ons. Elle a aussi pour avantage de permeSre à la personne interviewée, selon son statut (habitant, associa;on, vendeurs), ses connaissances et ses envies, de développer son discours sur un thème plus qu’un autre. Enfin, la nécessité d’obtenir certaines 2 On entend par paradigme « un ensemble de règles implicites ou explicites orientant la recherche scien;fique, pour un certain temps, en fournissant, à par;r de connaissances généralement reconnues, des façons de poser des problèmes, d’effectuer des recherches et de trouver des solu;ons » (Gingras, 1992 in Imbert, 2010).
En effet, les enquêtes se doivent de prendre en compte autant que possible le profil socio-démographique et les indicateurs d’appartenance culturelle des personnes rencontrées. En effet, cela permet de comparer les ques;onnaires entre eux lors de l’analyse. Il a donc été décidé de s’intéresser au sexe, à l’âge, à la profession, au niveau d’études, à la caste, à la façon de se déplacer, à la propriété ou non de sa maison, au quar;er habité.
Ces entre;ens doivent être individuels, car ils permeSent à la personne interrogée de se sen;r plus libre de ses propos. Les entre;ens personnels sont aussi plus faciles à gérer que les entre;ens collec;fs, où de nombreuses personnes parlent et où il est difficile d’iden;fier chaque personne qui s’exprime.
Tout au long de l’entre;en, une difficulté réside également dans la capacité à rebondir sur les réponses des personnes, à deviner ce qu’elles laissent entrevoir, cachent, taisent, déprécient ou valorisent. Par ailleurs, les entre;ens se déroulent en anglais, avec une traduc;on par Antony.

La carte mentale, un outil permettant de s’intéresser aux représentations

La carte mentale permeSra aussi de connaître la représenta;on qu’un individu se fait d’une par;e de son environnement spa;al. L’individu se souvient en effet d’éléments marquants qu’il à pu retenir d’un lieu ou d’un parcours. Ainsi, on pourra proposer à un habitant interrogé de retranscrire sur une carte les lieux qu’il fréquente et dont il garde une trace en mémoire. La carte mentale est un ou;l qui permet la rencontre entre la dimension mentale, cogni;ve, et la dimension matérielle avec ses représenta;ons, d’après le rapport L’analyse des espaces publics – les places (Université de Nice, non daté).
Pour obtenir une carte mentale, on demande aux personnes enquêtées de dessiner sur une feuille de papier blanc, un espace donné (quar;er, centre-ville, aggloméra;on, etc.), sans que la personne interviewée ait la possibilité de regarder le paysage urbain dont on demande la représenta;on. Le but du dessin est en effet de reproduire l’image mentale, filtrée, conceptualisée et mémorisée des lieux connus et fréquentés, sans qu’elle soit influencée par des tenta;ves de se rapprocher d’une réalité visuellement perçue (Université de Nice, non daté). Les cartes mentales montrent donc comment la percep;on des usagers filtre et déforme l’espace physique de la ville.

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Table des matières

Chapitre 1 – Contexte de travail et probléma;ques associées 
I – Cadre de travail
A – Rappels géographiques
B – L’Ins<tut Français de Pondichéry
C – Le Water Pondi Project
Présenta;on générale du projet
L’intégra;on de notre étude dans le WPP
II – Présenta<on des water tanks et de leurs évolu<ons
A – Défini<ons
B – Histoire
Les premiers tanks et leurs fonc;ons
La diminu;on de l’u;lisa;on des tanks
III – Contexte naturel, social et poli<que
A – Evolu<ons de l’approvisionnement du tank en eau et état aujourd’hui
B – Des usages agricoles aux loisirs
C – Le phénomène d’encroachment : un choix poli<que ayant des conséquences naturelles mais aussi sociales
D – Des inégalités socio-économiques se révélant autour de l’objet technique
E – Kanagan Lake entouré de plusieurs lieux de culte
F – Un environnement pollué de nombreux déchets
Chapitre 2 – Matériels et méthodes 
I – Travail préparatoire aux entre<ens
A – Principaux résultats des recherches bibliographiques
Le cycle hydrosocial
La percep;on
La représenta;on
Le système de castes
L’éduca;on
La no;on de propreté en Inde
B – Réalisa<on d’une trame pour les entre<ens
Hypothèses
Un ques;onnaire semi direc;f et individuel
La carte mentale, un ou;l permeSant de s’intéresser aux représenta;ons
Présenta;on de la trame pour les entre;ens
II – Réalisa<on des entre<ens
A – Informa<ons concernant le déroulement des rencontres
Assistance d’un traducteur
Entre;ens réalisés
Difficultés rencontrées
B – Observa<ons issues des entre<ens
Evolu;on du ques;onnaire
Reflexions autour de la langue Tamoul
III – Analyse des entre<ens
A – Ou<ls de retranscrip<on des entre<ens : compte rendus détaillés et tableur d’Excel
B – Techniques d’analyse des résultats
C- Mise en place d’un système perme_ant de comparer les profils
Résultats de l’analyse des caractéris;ques socio-démographiques
Défini;on d’un indicateur de niveau social
Chapitre 3 – Résultats et discussions 
I – Les atouts de Kanagan Eri, du point de vue des habitants
A – Les raisons de l’installa<on des habitants dans le quar<er
B – Le ne_oyage du tank et ses conséquences
II – Les usages du tank
A – Avant le ne_oyage du tank
B – Aujourd’hui
C – L’impact du tank sur les rela<ons humaines
D – Niveau social et usages du tank
III – Les représenta<ons du tank tel qu’il était auparavant
A – Une majorité d’avis néga<fs
B – Explica<ons données à ces chiffres
IV – Représenta<ons actuelles du tank
A – Kanagan Eri, plus apprécié par les habitants qu’auparavant
B – Symboles associés
Fréquence d’appari;on des symboles
Défini;ons associées
C – La sa<sfac<on de vivre ici, aujourd’hui
D – Le sen<ment d’insécurité
V – Les transforma<ons spa<ales et leurs conséquences
A – Transforma<on spa<ale passée : le phénomène d’encroachment
B – Transforma<ons spa<ale récente : la mise en place d’un chemin autour du tank
La sa;sfac;on des habitants
Points posi;fs et néga;fs relevés
C – Transforma<ons spa<ale récente : la mise en place de promenades en bateau
Un second succès auprès des habitants
Points néga;fs relevés
Points posi;fs relevés
D – Transforma<ons spa<ales futures dans l’imaginaire des habitants
VI – Une organisa<on sociale autour du tank
A – Le développement des différents nagars
B – De fortes inégalités socio-économiques entre les nagars autour du tank
Moogambigai Nagar
Sathiya Moorthy naga
C – Raisons expliquant ces inégalités
D – Une associa<on fédératrice, Kanagan Eri Welfare Associa<on
VII – Analyse des cartes mentales
A – Comparaison des cartes mentales selon laercep<on générale du tank
B – Comparaison des cartes mentales selon le niveau social
Conclusion 
Bibliographie

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