Des frontières du corps aux frontières de l’identité

Entre « situations de handicap » et incapacités motrices lourdes : construire une approche à la croisée des modèles 

Cette recherche doctorale porte sur les situations de handicap des personnes présentant des incapacités motrices majeures. Elle analyse le sens donné et les formes possibles de cette vie au quotidien qui nécessite le recours constant à un important dispositif d’aides humaines et techniques. Celui-ci permet à la personne en situation de handicap d’assurer les gestes les plus ordinaires et d’agir sur elle-même ou sur son environnement. On interroge les expériences singulières du corps rencontrées dans ce cadre et leurs articulations avec les constructions identitaires des individus.

La possibilité de vivre en milieu ordinaire constitue une réalité sociale nouvelle pour ce public. Les études sociologiques ont principalement porté jusqu’alors sur le cadre d’une vie institutionnelle. En conséquence, la recherche se centre sur le contexte spécifique d’une existence menée par choix à domicile.

Le public retenu est celui des personnes adultes, âgées entre 20 et 60 ans, hommes ou femmes, présentant une déficience motrice importante. La question de la dénomination du public étudié s’est rapidement posé. Celle-ci s’est avérée difficile à résoudre dans la mesure où le choix pris inscrit l’analyse, au risque de la cantonner, dans un cadre prédéfini. Utiliser uniquement le terme de « personnes en situation de handicap » ne permet pas d’identifier immédiatement le public spécifique auquel on se réfère. La terminologie de « situation de grande dépendance motrice » a dans un premier temps été retenue, pour permettre une approche transversale d’un certain nombre de situations de handicap. Or la référence même au terme de « dépendance » apparait problématique. En effet, dans le contexte institutionnel et conceptuel français, la dépendance renvoie alternativement au champ de la vieillesse, à celui du polyhandicap ou de la déficience mentale sévère.

Par ailleurs, parler de personnes en situation de handicap moteur, ou de personnes en situation de grande dépendance motrice, apparait comme un contresens. En effet, les situations de handicap renvoient à une approche du handicap en tant que construction sociale, non réductrice à la seule déficience des individus.

Dans ce cadre, l’usage du terme « situation de grande dépendance motrice » a été abandonné pour lui substituer celui de « personnes avec des incapacités motrices lourdes » . S’il clarifie le public de cette recherche, sa limite est de renvoyer à la perspective d’un modèle individuel partant des déficiences des personnes pour expliquer leurs conditions sociales . Ces hésitations sémantiques sont au cœur de la réflexion que l’on propose. En se référant à une approche interactive du handicap, la recherche porte sur ce dialogue possible entre dimension sociale et individuelle, en construisant une approche à la croisée des modèles, entre «situations de handicap » et « incapacités motrices lourdes ».

Vivre à domicile : une réalité sociale nouvelle 

Cette recherche porte sur l’expérience de handicap chez les personnes vivant à domicile. Cette focale sur le milieu dit « ordinaire » présente un intérêt dans le contexte actuel. Compte tenu de l’évolution des politiques sociales, le maintien à domicile des personnes présentant des incapacités motrices lourdes, est passé progressivement d’une situation quasi-expérimentale, à une possibilité offerte en terme de choix de vie en alternative à l’institution et ce notamment depuis la loi de 2005 dite de « l’égalité des droits, des chances et la participation à la citoyenneté». Ce public « nouveau » se caractérise par une importante hétérogénéité à la fois en termes d’habitudes de vie, de catégories sociales d’appartenance et reste peu connu des sciences sociales.

L’évolution des dispositifs financiers et réglementaires sur les quarante dernières années a contribué à l’émergence de ces nouvelles conditions de vie pour les personnes présentant des incapacités motrices majeures. La majoration tierce personne (MTP) et l’allocation compensatrice tierce personne (ACTP) ont longtemps constitué les seuls dispositifs de droit commun destinés aux personnes adultes vivant à domicile, pour couvrir les dépenses consécutives au handicap. Ces deux prestations ne permettaient toutefois de rémunérer que quelques heures d’aide humaine par jour.

A partir de 1981 un dispositif expérimental basé sur les « forfaits grande dépendance » a été instauré afin de répondre aux besoins des personnes présentant des incapacités lourdes. La création à cette période des services d’auxiliaire de vie s’est ainsi accompagnée du versement de subventions forfaitaires annuelles par poste, afin de donner les moyens à ces services d’intervenir auprès d’un public ayant des besoins en aide humaine importants. Le dispositif est renforcé en 2002 avec l’augmentation de ces forfaits. Des mesures spécifiquement dédiées aux personnes « très lourdement handicapées vivant à domicile » ont été mises en place pour permettre la rémunération des heures d’aides humaines nécessaires. Plusieurs autres circulaires en 2003 et 2004 complètent et précisent ces subventions en les recentrant à chaque fois sur le public des personnes présentant un handicap lourd. Le principe posé par le Ministère était alors que la personne en situation de handicap ne puisse percevoir elle-même ces forfaits. Ceux-ci transitaient obligatoirement par une association ou un service d’auxiliaires de vie.

La mise en place de la Prestation de Compensation du Handicap dans le cadre de la loi du 11 février 2005 représente une étape majeure dans la prise en charge des besoins en aide humaine des personnes en situation de handicap. D’un dispositif mouvant et aux contours flous avec les forfaits dépendance, on est passé au principe d’un droit ouvert, normalement identique sur l’ensemble du territoire. La prestation de compensation est une aide personnalisée destinée à financer les besoins liés à la perte d’autonomie des personnes. Ces besoins doivent être inscrits dans un plan personnalisé défini par l’équipe pluridisciplinaire des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), sur la base d’un projet de vie exprimé par la personne. Cette prestation doit couvrir les aides humaines, matérielles, animalières ainsi que les dépenses spécifiques ou exceptionnelles consécutives au handicap.

La MDPH reconnait à la personne un besoin en aide humaine correspondant à une enveloppe d’heures pour laquelle elle attribue ensuite chaque mois une prestation correspondante. Son montant diffère selon que l’aide est apportée par un aidant familial, ou par un aidant professionnel (salarié en emploi direct, service prestataire ou mandataire). A chaque activité du quotidien correspond un temps maximum d’aide humaine. Celui-ci peut néanmoins être déplafonné pour parvenir à une prise en charge 24h/24 pour les personnes présentant les incapacités les plus lourdes. Contrairement aux forfaits dépendance, la loi prévoit que la prestation de compensation du handicap soit versée directement aux personnes en situation de handicap. Celles-ci rémunèrent elles-mêmes les salariés ou les services auxquelles elles font appel. Ce n’est qu’à leur demande que la prestation peut être attribuée directement à ces services. Les personnes sont donc dorénavant amenées à gérer des sommes importantes avec cette allocation, la Prestation de compensation du handicap pouvant atteindre un montant mensuel de 12 795euros pour des interventions 24H/24 en prestataire.

A niveau d’incapacité motrice équivalent, vivre à domicile en 2012 ne s’inscrit donc pas dans la même réalité sociale qu’une génération auparavant. L’évolution des lois, les mouvements d’independent living et de désinstitutionalisation dans le secteur du handicap ont progressivement permis de passer d’une situation quasi-exceptionnelle dans les années 70, qui devient peu à peu expérimentale avec les forfaits grande dépendance, à un droit établi à partir de 2005. Les répercussions de ce nouveau contexte législatif furent particulièrement marquées pour les personnes en situation de handicap ayant pour seules ressources les prestations sociales. Il eut un impact moindre pour celles vivant au sein de leur famille, ou bénéficiant de revenus propres (salaires, indemnisation ou capital suite à un accident…) .

Les évolutions du contexte sociétal ont donc permis à de plus en plus de personnes en situation de handicap de se projeter et de concrétiser un projet de vie à domicile. Une génération auparavant, la plupart des personnes en situation de handicap n’étaient en mesure de ne rémunérer que quelques heures d’aide humaine par jour. Si les besoins en aide humaine consécutifs aux incapacités motrices étaient importants, le maintien à domicile passait par l’investissement de l’entourage ou conduisait à une entrée en institution. En offrant la possibilité d’une prise en charge financière intégrale, la loi de 2005 marque un tournant. Avant cette date, vivre « chez soi » revêt encore une dimension atypique. A partir de 2005, vivre en milieu ordinaire pour des personnes avec des incapacités motrices lourdes devient de plus en plus un acquis. L’expérience du corps que l’on analyse s’inscrit donc dans ces modifications des cadres institutionnels du handicap.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *