Des fibres végétales au papier

Des fibres végétales au papier 

Le papier est un matériau complexe dont la composition et les méthodes de fabrication ont sensiblement évolué au fil du temps. Son invention a longtemps été attribuée à Cai Lun, haut fonctionnaire eunuque de la Cour des Han en Chine, vers 105 après J.-C. Ce dernier a proposé à l’empereur Han Hedi d’officialiser une méthode de fabrication à partir d’écorces d’arbres, de tissus usés, de chanvre et de filets de pêches (Hunter 1978). Toutefois, au cours du XXe s., plusieurs papiers de chanvre plus anciens d’au moins deux siècles ont été découverts, par exemple en Mongolie-Intérieure et dans la province du Gansu (Bloom 2001). Ces trouvailles archéologiques permirent de situer la date de fabrication des premiers papiers au plus tard vers le IIe s. avant J.-C. (Biasi 1999). Par la suite, en Asie, outre le bambou et le chanvre, d’autres plantes furent exploitées pour la fabrication des papiers, notamment l’écorce du Broussonetia papyrifera, communément appelé mûrier à papier. En fonction des ressources locales, le rotin, les pailles de riz et de blé, les fibres d’hibiscus, de jute, ou encore de lin commencèrent également à être exploités (Biasi 1999).

Le papier devint un support d’écriture majeur dans le monde arabe à partir du VIIIe s., après que les Arabes firent prisonniers des artisans papetiers à Samarcande, suite à la bataille de Talas contre les Chinois en 751 (Bloom 2001). Remplaçant progressivement le papyrus, les secrets de fabrication se propagèrent progressivement au Moyen-Orient, en Palestine, en Egypte, dans l’ensemble du Maghreb, puis en Sicile et en Espagne aux Xe et XIe s. Les fibres de chanvre et le lin étaient alors les plus utilisées (Biasi 1999).

Les premières utilisations documentées du papier en Italie datent du XIIe s., alors importé du Moyen Orient par des marchands vénitiens et génois (Hunter 1978). Mais le papier ne fut fabriqué sur son sol que bien plus tard. Vers 1270, la ville italienne de Fabriano devint le premier centre connu de production de papier en Occident, rencontrant rapidement un succès commercial considérable. Les centres papetiers se développèrent alors progressivement vers le nord. Les premiers moulins à papier français furent bâtis au XIVe s. Dès lors, les procédés de fabrication du papier, dont les chiffons de lin, de chanvre et plus tard de coton constituaient la matière première, ne connurent qu’une lente évolution jusqu’à la seconde moitié du XIXe s. Par la suite, le papier commença à être produit en grande quantité à partir de bois, qui demeure aujourd’hui le matériau de base phare de la pâte à papier.

Avant de décrire les procédés de fabrication des feuilles, en passant par l’étude des divers procédés de mise en pâte et des additifs papetiers, il est nécessaire de s’attarder sur la composition des fibres végétales, qui constituent la matière première du papier.

Composition des fibres végétales

La cellulose, les hémicelluloses et la lignine sont les trois principaux biopolymères constituant les fibres végétales, représentant à eux seuls généralement plus de 80% de ses constituants chimiques . Leurs proportions varient sensiblement selon la source de la fibre. Ainsi, la lignine est en moyenne beaucoup plus abondante dans le bois que dans les fibres du lin, du chanvre, et elle est absente de la graine du coton.

Toute fibre végétale contient un canal central appelé lumen, délimitant une paroi cellulaire. Cette dernière est composée de plusieurs couches : la lamelle moyenne (ML, « Middle Lamella »), la paroi primaire (P), et la paroi secondaire (S), elle-même définie par trois sous-couches S1, S2 et S3. Les microfibrilles cellulosiques de la paroi primaire sont disposées de façon aléatoire, alors qu’elles sont arrangées de façon plus ordonnée dans la paroi secondaire, en enroulement à des angles différents par rapport à l’axe de la fibre selon la sous-couche considérée. La sous-couche S2, la plus épaisse, présente l’angle le plus petit, et détermine les propriétés mécaniques de la fibre (Salmén 1985; Pereira et al. 2015). La lamelle moyenne, quant à elle, sépare et relie les différentes fibres végétales .

Afin de bien comprendre la constitution du papier, il est nécessaire de s’attarder sur les principales molécules composant les fibres végétales.

La cellulose

La cellulose est la principale biomolécule constituant le papier. Présente dans toutes les parois végétales, il s’agit du biopolymère le plus abondant sur Terre, représentant 35 % à 55 % de la biomasse lignocellulosique (Zhou et al. 2016). C’est un polysaccharide biosynthétisé à partir d’un seul type d’ose, le β-D-glucopyranose . Les résidus de glucose sont reliés entre eux par des fonctions acétal, du fait de la liaison covalente entre le OH équatorial du C4 d’une unité, et le C1 d’une autre unité. On parle de liaisons glucosidiques de type β-(1→4). Leur configuration anomérique fait que chaque résidu consécutif est orienté à 180° par rapport à l’autre. Les unités anhydroglucose assemblées forment ainsi une longue chaîne linéaire. Dans la nature, le degré de polymérisation (DP), défini comme le nombre d’anhydroglucoses de la cellulose, se situe entre plusieurs centaines et plus de 10 000 (Zhou et al. 2016). Le cellobiose , disaccharide composé de deux résidus de β-Dglucopyranose, est le motif répétitif de la cellulose. Enfin, la cellulose native comporte un groupe terminal constitué d’un groupe C4-OH (groupe non réducteur), et à l’autre extrémité de la chaîne, un groupe C1-OH (groupe réducteur) qui est en équilibre avec une structure aldéhyde (en présence d’eau) .

La cellulose est hydrophile, du fait de la présence de trois groupes hydroxyle par unité anhydroglucose (sur les C2, C3 et C6), lesquels peuvent établir des liaisons hydrogène intra- et intermoléculaires . De cette façon, les macromolécules de cellulose interagissent entre elles pour former des microfibrilles, elles-mêmes assemblées en fibres.

Les molécules de cellulose adjacentes peuvent former des liaisons hydrogène directement entre elles, ce qui, au sein de la fibre, résulte en des zones inaccessibles pour les molécules d’eau lorsque la densité des liaisons intermoléculaires est maximale. Ces régions très organisées constituent les zones cristallines qui rendent la cellulose insoluble dans l’eau et de nombreux solvants organiques. En revanche, l’eau peut pénétrer dans les zones amorphes où les liaisons hydrogène sont moins denses, et interagir avec les groupes hydroxyle libres, ce qui explique le caractère hydrophile de la cellulose et le gonflement des fibres en présence d’eau. Ainsi, à 100 % HR, l’épaisseur des fibres peut augmenter de plus de 20 % (Banik and Bruckle 2011).

Les hémicelluloses

Les hémicelluloses constituent entre 20 et 35 %m de la biomasse lignocellulosique (Zhou et al. 2016), et sont la deuxième catégorie de polymères naturels la plus abondante dans les fibres, après la cellulose. Présentes dans toutes les couches constituant la fibre végétale, les hémicelluloses sont des polysaccharides entourant les microfibrilles cellulosiques et interagissant avec elles essentiellement via des liaisons hydrogène (Ishii and Shimizu 2001). Comparativement à la cellulose, leurs DP sont bien plus petits, de l’ordre de 100 à 200 (Area and Cheradame 2011; Zhou et al. 2016). Ce sont des copolymères amorphes, linéaires ou ramifiés, constitués notamment de cinq monosaccharides : le D-glucose, le D-mannose, le Dgalactose et le D-xylose sous leurs formes pyranoses (hexoses), et le L-arabinose sous sa forme furanose (pentose) . Les acides uroniques (oses portant un acide carboxylique par l’oxydation du carbone C6) entrent également dans leur composition (Ebringerová et al. 2005; Zhou et al. 2016, 2017).

Les hémicelluloses composant les diverses fibres du monde végétal sont de natures très diverses. Les galactoglucomannanes sont les principales hémicelluloses constituant les bois de résineux (Chen 2014; Zhou et al. 2016; Jones et al. 2017). Il s’agit d’hétéropolysaccharides dont la chaîne principale est composée majoritairement de mannose, mais aussi de glucose, sur laquelle sont greffées quelques unités galactose. Les arabinoglucuronoxylanes , composés d’une chaîne linéaire de xylose sur laquelle des unités arabinose et glucose sont greffées, sont les hémicelluloses majoritaires dans les bois de feuillus (Chen 2014; Zhou et al. 2016). Les arabinoxylanes, qui diffèrent des arabinoglucuronoxylanes par l’absence d’unités glucose, sont abondants au sein des herbacées (Zhou et al. 2016). Des groupes acétyle  peuvent être présents sur les C2 et C3 des chaînes osidiques (Ebringerová et al. 2005; Chen 2014; Zhou et al. 2016). Selon la fibre végétale, le degré d’acétylation peut varier entre 0,1 et 0,7 (Zhou et al. 2016). La présence d’acides uroniques (en noir sur la Figure 1.5b) rend les hémicelluloses acides.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Étude bibliographique
1. Des fibres végétales au papier
1.1. Composition des fibres végétales
1.2. La mise en pâte
1.3. La fabrication de la feuille
2. Les réactions de dégradation du papier
2.1. L’hydrolyse acide
2.2. Les réactions d’oxydation
2.3. Réactions avec les bases
2.4. Autres facteurs de dégradation
3. Les propriétés mécaniques du papier
3.1. Les mesures mécaniques
3.2. Facteurs impactant les propriétés mécaniques du papier
4. Les traitements de désacidification et de renforcement
4.1. Agents de désacidification
4.2. Agents de renforcement
4.3. Principaux traitements de masse
5. Les aminoalkylalcoxysilanes (AAAS)
5.1. Généralités sur les AAAS
5.2. Application des AAAS au papier
6. Conclusion
Chapitre II : Étude temporelle de papiers lignocellulosiques traités avec des aminoalkylalcoxysilanes
1. Inventaire des papiers traités à disposition
1.1. Papiers modèles et papier journal J4
1.2. Papiers de livres
2. Traitement des papiers modèles et de J4
3. Étude temporelle des papiers traités
3.1. Évolution du pH
3.2. Évolution de la chromaticité et de l’opacité
3.3. Progression de la polycondensation
3.4. Évolution des propriétés mécaniques
4. Conclusion
Chapitre III : Étude des réactions et des interactions entre les aminoalkylcoxysilanes et les constituants du papier
1. Étude de papiers traités
1.1. Caractérisation physico-chimique des papiers journaux J1, J2 et J3
1.2. Caractérisation physico-chimique des papiers journaux traités
1.3. Étude de papiers traités avec AM à fort uptake
2. Étude de mélanges AM/molécule modèle
2.1. Modèles des polysaccharides
2.2. Modèles de la lignine
2.3. Bilan de l’étude des modèles
3. Conclusion
Chapitre IV : Éléments d’optimisation des traitements à base d’aminoalkylalcoxysilanes
1. Moyens afférant au substrat lignocellulosique
1.1. Pré-traitement de réduction avec le borohydrure de sodium
1.2. Pré-traitement de désacidification avec l’hydroxyde de calcium
1.3. Comparaison des deux pré-traitements réalisés
2. Moyens afférant à l’agent de renforcement. Optimisation de la polycondensation des aminoalkylalcoxysilanes
2.1. Choix des moyens d’accélérer la polycondensation des AAAS
2.2. Suivi cinétique par IRTF de solutions d’AM en présence de catalyseurs et/ou chauffées
2.3. Chauffage de papiers traités
2.4. Bilan sur l’utilité de l’étape thermique post-traitement
3. Conclusion
Conclusion générale

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