Des dispositifs pédagogiques communs aux élèves sourds et à d’autres élèves rencontrant des difficultés en lecture

Le référentiel de compétences des professeurs des écoles indique qu’une des missions fondamentales de l’enseignant est de construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves. La prise en compte de cette diversité d’élèves peut être définie comme de la différenciation pédagogique. Il est en effet primordial, pour faire progresser chaque élève, que l’enseignant différencie en adaptant le contenu de son enseignement aux capacités et aux difficultés de chacun. Cela est d’autant plus important pour les élèves à besoin éducatifs particuliers. Cela a notamment été généralisé suite à la loi du 11 février 2005 : « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » et la loi du 8 juillet 2013 « d’orientation et de programmation pour la refondation de l’Ecole de la république ». L’accueil de ces élèves, bien que représentant une vraie richesse pour la classe, interroge les enseignants de classe ordinaire (et probablement les professeurs des écoles les moins expérimentés) à priori moins armés que les autres enseignants pour travailler auprès de ce public.

Dans le cadre de ce mémoire nous verrons que pour prendre en compte la diversité des élèves, il peut être pertinent de s’inspirer d’outils d’ordinaire pensés pour des élèves à besoins éducatifs particuliers. Ainsi, on peut accompagner des élèves ayant des difficultés en lecture, plus particulièrement en décodage, en s’inspirant de dispositifs adaptés à des élèves sourds puisque ces deux types d’élèves peuvent rencontrer des difficultés communes. D’autre part, cela simplifie le travail de l’enseignant qui différencie pour répondre aux besoins de ces différents élèves mais ne peut pas sans cesse individualiser. Cela demanderait un investissement très important à l’enseignant et ne permettrait pas aux élèves de travailler ensemble, alors que nous savons, à la lumière des théories socioconstructivistes, les bienfaits du travail en groupe.

Cadre Théorique

Elèves à besoins éducatifs particuliers et école inclusive

Ce travail de recherche a pour objectif de proposer des dispositifs communs à des élèves sourds ou malentendants et à des élèves en difficultés dans le domaine de la lecture. Ces deux types d’élèves présentent donc des besoins éducatifs particuliers. Les élèves à besoins éducatifs particuliers ont dans la majorité des cas plus de difficultés à apprendre que la majorité des enfants du même âge ou ont besoin de conditions d’apprentissages spécifiques dues à une situation particulière (dans une situation familiale difficile, enfants intellectuellement précoces, enfants du voyage, certains élèves primo-arrivants …) ou à un handicap qui les empêche ou les gêne dans leurs apprentissages, que ce handicap soit physique, mental ou sensoriel. Cette définition est tirée du préambule d’un document du site éducation.gouv.fr, s’intitulant : Des besoins éducatifs des élèves aux élèves à besoins éducatifs particuliers : une nouvelle posture. Les élèves en situation de handicap sont donc à part entière des élèves à besoins éducatifs particuliers. La loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » définie dans son deuxième article le handicap de cette manière : « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Cette loi, dans son article dix-neuf, fixe l’obligation pour le service public d’éducation d’assurer une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. L’article précise ensuite que l’Etat doit mettre en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. Cette volonté de scolariser tous les enfants en milieu ordinaire était alors une nouveauté, puisque jusque-là nombre d’élèves en situation de handicap étaient scolarisés dans des structures spécialisés (établissements médico-sociaux ou Classes pour l’Inclusion Scolaire ). La loi du 11 février 2005 précise ensuite que les élèves en situation de handicap doivent être le plus souvent possible scolarisés dans l’établissement le plus proche de leur domicile. Les municipalités étant par ailleurs incitées par cette loi à rendre accessibles les bâtiments scolaires aux personnes à mobilité réduite.

Une autre loi a marqué un tournant exclusif dans la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers et la naissance d’une école inclusive. Il s’agit de la loi du 8 juillet 2013, « d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école ». Depuis cette loi, le principe d’inclusion scolaire figure dès le premier article du code de l’éducation : « Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. » Nous pouvons conclure que ces lois ont l’objectif commun d’adapter l’Ecole à une diversité de plus en plus grande d’élèves et aux besoins particuliers de ces différents élèves. Il n’y est pas question uniquement des élèves handicapés mais bien de tous les élèves qui à un moment donné, parce qu’ils sont en difficultés dans un domaine en particulier peuvent présenter des besoins éducatifs particuliers. Les deux publics d’élèves visés par ce travail de recherche (élèves sourds ou malentendants et élèves en difficultés en lecture) sont donc des élèves à Besoins Educatifs Particuliers. Pour que ces élèves puissent s’épanouir dans leur scolarité et progresser au mieux il est important que leurs enseignants différencient leurs pratiques.

La différenciation pédagogique

Comme nous avons pu le voir précédemment, l’Ecole Inclusive cherche à s’adapter aux élèves à besoins éducatifs particuliers. Ce phénomène amène alors les professeurs des écoles à modifier leurs pratiques pédagogiques pour s’adapter au mieux à chacun et permettre à tous d’apprendre dans de meilleures conditions. La différenciation pédagogique constitue un moyen privilégié pour l’enseignant d’accompagner au mieux tous ses élèves. Il en existe bien entendu d’autres (mise en place de Plans d’Accompagnement Personnalisés, appel au Réseau d’Aide Spécialisé aux Elèves en Difficultés…), mais nous nous centrerons ici sur les dispositifs pédagogiques internes à la classe, pensés et mis en place par l’enseignant pour certains élèves dont les besoins sont spécifiques.

La conférence de Consensus organisée par le CNESCO (Conseil National d’Evaluation du Système Scolaire) définit la différenciation comme la prise en compte par les acteurs du système éducatif des caractéristiques individuelles (besoins, intérêts et motivations ; acquis, non acquis et difficultés ; modes d’apprentissage (style, rythme, pouvoir de concentration, engagement…) ; potentialités à exploiter… de chaque élève en vue de permettre à chacun d’eux de maîtriser les objectifs fondamentaux prescrits et de développer au mieux leurs potentialités, et de permettre au système éducatif d’être à la fois plus pertinent, efficace et équitable. La différenciation pédagogique peut intervenir de différentes manières dans une séance pédagogique : différenciation par la tâche (les élèves réalisent des tâches différentes mais gardent l’objectif d’acquérir une même compétence), différenciation par le matériel, les supports de travail, par les modalités de travail (travailler seul, en groupe, avec l’étayage d’un pair…selon les besoins et les capacités de chacun).

Les dispositifs pédagogiques communs que nous allons présenter concerneront les élèves rencontrant des difficultés en lecture, plus particulièrement dans le domaine du décodage. Ils seront mis en place pendant des temps de classe communs aux autres élèves mais avec un étayage particulier de l’enseignant. Ils pourront être utilisés à la fois avec des groupes d’élèves entendants et des groupes d’élève malentendants.

L’apprentissage de la lecture et les difficultés rencontrées par les élèves sourds

Dans cette partie nous nous intéresserons aux difficultés que peuvent rencontrer différents publics d’élèves en lecture, et notamment les élèves sourds et malentendants.

Décodage, conscience phonologique, principes alphabétique et orthographique 

En 1985, la psychologue du développement allemande Uta Frith a prouvé que l’apprenti lecteur passe obligatoirement par trois stades d’apprentissage pour atteindre le statut de lecteur expert. Elle les a définis de cette façon : stade logographique, stade alphabétique et stade orthographique.

Une des étapes primordiales du stade alphabétique est l’acquisition progressive d’une conscience phonologique. Celle-ci correspond à la capacité de reconnaitre, différentier, manipuler… les différentes unités sonores de la langue française. Par ces unités sonores on désigne le travail sur les rimes et les syllabes qui interviennent en première position dans l’apprentissage de l’élève. Cela est travaillé en classe dès la grande section de maternelle et poursuivis au CP avec un travail sur les phonèmes qui se poursuit jusqu’à un niveau de maitrise satisfaisant du décodage. C’est donc très tôt une source de difficultés pour les élèves sourds ou malentendants car ce travail se fait principalement à l’oral par des jeux de repérage, de répétitions, de frappés (frapper des mains à chaque syllabe distinguée à l’intérieur d’un mot par exemple…). Pourtant cette prise de conscience des plus petites unités sonores de la langue (phonèmes) joue un rôle fondamental dans la découverte du code et dans la capacité d’identification des mots. Un faible niveau de conscience phonologique peut donc handicaper de façon assez conséquente un élève qu’il soit sourd ou non. Elle aide aussi à la découverte du principe alphabétique de la langue française, selon lequel l’écriture du français est un code au moyen duquel on transcrit des sons. On parle ici de la correspondance phonèmes graphèmes, qu’il est indispensable de comprendre et de maîtriser pour savoir lire et écrire le français. C’est la transcription par un signe graphique (une ou plusieurs lettres) d’une unité sonore : le phonème. Cette connaissance du lien phonie-graphie qui permet de décoder, c’est-à-dire d’identifier des mots nouveaux s’appelle la voie d’assemblage. Cette voie est utilisée dans la majorité des cas par les lecteurs débutants mais elle doit cependant être maîtrisée par tous car elle permet à un lecteur expert de déchiffrer des mots nouveaux, c’est donc une compétence qui doit être travaillée autant par les élèves sourds que par les élèves entendant. Le chercheur en psycholinguistique Alegria (1999) a montré que cette stratégie était sous-développée chez les lecteurs experts atteints de surdité. Ceux-ci passent majoritairement par une autre voie possible pour lire, la voie d’adressage, et fonctionnent donc grâce à des stratégies idéographiques de lecture. Les lecteurs sourds éprouvent moins de difficultés à retenir et reconnaitre les formes écrites des mots (leur image globale) qu’à identifier des mots nouveaux. Et si pour un lecteur expert ou du moins en voie de le devenir, une stratégie peut en remplacer une autre, un lecteur débutant ne peut faire l’économie d’un passage par le code alphabétique pour lire : savoir lire c’est entrer dans un code (Richet, 2009).

D’après la théorie des stades d’apprentissage de la lecture d’Uta Frith, tout lecteur expert est passé également par un troisième stade d’apprentissage : le stade orthographique. A ce stade, les apprenants sourds sont dans la majorité des cas moins en difficultés puisqu’il s’agit de reconnaître et d’identifier des mots outils, des morphèmes, des syllabes, des mots orthographiquement connus, etc… déjà stockés en mémoire. Selon le psycholinguiste Jacques Fijalkow (1984) il s’agit de la « couche idéographique » de la langue française ; celle-ci ne comportant pas de dimension phonologique, elle est davantage accessible aux élèves sourds ou malentendants. Les élèves peuvent utiliser des stratégies idéo-visuelles ou idéographiques.

Les stades d’apprentissage de la lecture décrit par Uta Frith sont actuellement remis en question notamment en ce qui concerne leur temporalité. En effet, si l’apprenti-lecteur passe bien par ces trois stades, il ne passe pas de l’un à l’autre de manière cloisonnée. Goignoux (2000) indique par exemple que les élèves sont capables de recourir à des processus lexicaux (ce qui correspond au stade orthographique) en lecture et en production à des moments précoces de l’apprentissage. Il n’y a donc pas de stade uniquement alphabétique où l’élève opère uniquement des stratégies de décodage phonologique ni de stade de focalisation uniquement orthographique (lexical ou grammatical). La théorie d’Utah Frith nous éclaire cependant sur les différents processus par utilisés par un apprenti-lecteur pour identifier un mot. Connaitre ces différents processus et en tenir compte peut permettre à un enseignant de mieux comprendre les réussites et les difficultés éventuelles de ses élèves.

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Table des matières

Introduction
1. Cadre Théorique
1.1. Elèves à besoins éducatifs particuliers et école inclusive
1.2 La différenciation pédagogique
1.3 L’apprentissage de la lecture et les difficultés rencontrées par les élèves sourds
1.3.1 Décodage, conscience phonologique, principes alphabétique et orthographique
1.3.2 Compréhension de l’écrit
1.4 Des dispositifs pédagogiques communs aux élèves sourds et à d’autres élèves en difficultés en lecture
2. Méthodologie
2.1 Les élèves concernés
2.2 Le contexte d’expérimentation
2.3 La séquence d’enseignement-apprentissage
2.4 Outils d’évaluation
2.4.1 Le Test d’Habilités Phonologiques (TAPHO)
2.4.2 La grille d’observations
3. Les résultats
3.1 L’épreuve de catégorisation syllabique (T1A)
3.2 L’épreuve de catégorisation phonémique (T1B)
3.3 Les autres axes d’observations
4. Discussion des résultats
4.1 Bilan
4.2 Perspectives
Conclusion
5. Bibliographie
6. Annexes
Annexe n°1 : fiche de préparation de la première séance d’ateliers Borel-Maisonny
Annexe n°2 : fiche de préparation de la deuxième séance d’ateliers Borel-Maisonny
Annexe n°3 : fiche de préparation de la troisième séance d’ateliers Borel-Maisonny
Annexe n°4 : fiche de préparation de la quatrième séance d’ateliers Borel-Maisonny
Annexe n°5 : fiche de préparation de la cinquième séance d’ateliers Borel-Maisonny
Annexe n°6 : transcription d’une séance
Annexe n°7 : exemple de cartes mémo des gestes Borel-Maisonny utilisées lors des ateliers
Annexe n°8 : tableau de résultats bruts des premiers et deuxièmes passages de l’épreuve de catégorisation syllabique (T1A)
Annexe n°9 : tableau de résultats bruts des premiers et deuxièmes passages de l’épreuve de catégorisation phonémique (T1B)
Annexe n°10 : Grille d’observation n°1 : janvier 2019 (à l’issue de la première séance d’atelier Borel-Maisonny)
Annexe n°11 : Grille d’observation n°2 : mars 2019 (à l’issue de la dernière séance d’ateliers BorelMaisonny)
Quatrième de couverture

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