La diversité des systèmesagraires
«Les qualificatifs ‘‘d’exploitants’’ et plus récemment ‘‘d’entrepreneurs’’ ne recouvrent pas une vision globale de la profession agricole aujourd’hui. [L’entrepreneur] élabore certes, à l’aide de compétences techniques et de machines, des produits agricoles, alimentaires ou autres, mais, par ses pratiques, il mobilise des propositions, des échelles, des rythmes, des couleurs, des ombres et des lumières ; il est aussi créateur de formes. Il y a un langage visuel de l’agriculture qui ,résulte des processus techniques de production» (Deffontaines, 1994, p.337 ; 1995, p.356). C’est ce que l’on identifie par pratique agricole. On observe des «logiques du quotidien [qui] confèrent aux pratiques agricoles plusieurs dimensions imbriquées : une dimension ‘‘utile’’ (dépendant de finalités productives), une dimension ‘‘sociale’’ (répondant à des normes de comportement), et une dimension ‘‘agréable’’ (dépendant d’un système de valeur)» (Caillault et coll., 2009, p.11). C’est exactement par ces piliers que l’on comprend que ce sont les «manières concrètes d’agir des agriculteurs» (Landais et coll., 1988, p.128) et qu’elles impactent directement ou indirectement les paysages. Elles nous permettent alors de considérer les pratiques agricoles comme genèse des formes paysagères et éventuellement des objets paysagers emblématiques d’une région (Ménadier, 2012, p.3).
Comme l’ajoute Lydie Ménadier (2012), les pratiques agricoles et leurs mises en œuvre influencent, de manière réciproque la sensibilité au paysage que l’agriculteur a de son territoire.
Les itinéraires des pratiques agricoles choisies par les agriculteurs amènent à identifier des types d’agricultures cataloguées dans des systèmes agricoles génériques. Sans rentrer dans les détails, nous allons juste exposer ces différents types d’agriculture.
Elles se différencient par la posture et les choix techniques et personnels de l’agriculteur. Par ses choix, sa pratique lui confère une relation spécifique avec son territoire et donc, un paysage marqué par ses actions. On identifie sept formes d’agriculture : l’agriculture biologique ; l’agriculture raisonnée ; l’agriculture durable ; la production fermière ; l’agriculture paysanne ; l’agriculture de précision ; la production intégrée (Brossier, 2008, p.4). La liste n’est pas exhaustive, car de nombreux agriculteurs cherchent de nouvelles alternatives aux types d’agriculture déjà existants. Ils font alors émerger de nouvelles désignations.
Les éléments structurant le paysage : le découpage agraire
Le parcellaire renvoie généralement au sujet de la propriété. Il n’en a pas toujours été ainsi. Il génère un ordonnancement notable dans les paysages. «L’individualisation du droit de propriété généralisé par la Révolution aboutit à la multiplication des haies. Il est nécessaire, en effet, de clore sa propriété, d’en identifier les limites, de la protéger contre les intrusions des voisins et la divagation du bétail» (De Boismenu, 2004, p.7).
Ce maillage parcellaire répandu à travers le territoire marque ainsi un temps dans l’évolution des paysages. Le parcellaire tant foncier que cultural, «contribue à conférer aux paysages et à leur utilisation rigidité et durabilité. Il faut des mutations profondes, techniques (mécanisation lourde), juridiques (remembrement, collectivisation), ou économiques (changement de vocation) pour le bouleverser. §3 […].
Le parcellaire est le support le plus clairement lisible de la confrontation entre le morphologique, le statique et le fonctionnel et le dynamique §4» (Chiva, 1991, p.22) dans le paysage. Il en fait une variable incontournable pour comprendre et faire projet agro-paysager.
Le statut de la propriété privée n’est pas le seule. Il existe celui de la propriété collective. Aujourd’hui, c’est un statut d’exploitation peu répandu. Elle existe encore sur les hautes terres (Montagne) appelées les biens communs ou sectionnaux, etc. La parcelle collective à fonction d’usage ne s’identifie plus que par des «traces» comme «les chemins ruraux (les fossés en pays de bocage) [qui] peuvent être considérés comme un reliquat de cette forme de propriété (entre collective et privée)» (Defontaine et coll., 2002, p.57).
Les propriétaires terriens s’emparent rapidement de mesures, dans le but de faire exploiter le potentiel de leurs parcelles par autrui. Les baux ruraux définissent un cadre qui est contractualisé avec un propriétaire et l’exploitant.
C’est généralement le cas des agriculteurs. Il existe deux formes de baux, le métayage qui n’est aujourd’hui quasiment plus utilisé et le fermage. Ce dernier est le plus utilisé par les «propriétaires, les bailleurs [qui] confient à un preneur, le fermier, le soin de cultiver une terre sous contrat» (Wikipédia, 2020, §1). Le fermage est pour certain un frein dans la liberté des pratiques des agriculteurs, car «[…] il conduit à mettre en doute la capacité des seuls agri culteurs à maîtriser le processus ‘‘production de paysage’’, fût-il qualifié d’agricole. De sur croît, en France, 55 % des terres agricoles sont exploitées en fermage, ce qui réduit la capacité d’une partie des agriculteurs à mettre en œuvre des stratégies à long terme» (Laurent, 1994, p.235). Il cadre d’une certaine manière les actions entreprises à travers leurs pratiques agricoles.
Le paysage agraire, une affaire de perception
Le paysage du quotidien comme définition du paysage
La convention européenne donne cette définition du paysage : Le «‘‘Paysage’’ désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations» (Convention européenne du paysage, 2000). La notion de cadre de vie prend pleinement place dans cette définition du paysage. C’est à travers cette notion qu’il est possible de comprendre les enjeux de la prise en compte du paysage dans les pratiques agraires. L’objectif étant bien de «guider et harmoniser les transformations induites par les évolutions sociales, économiques et environnementales» (Convention européenne du paysage, 2000). «[Et] comment le paysage peutil devenir un outil pour guider la mise en œuvre d’une agriculture contribuant au développement durable des territoires, et faire l’objet d’un projet pour conduire à plus d’harmonie des cadres de vie et des modes d’organisation entre les gens (J.-S. Laumond & coll., 2017)» (Ambroise, 2019, p.2). On prend alors conscience que le paysage est le point névralgique de nombreux enjeux territoriaux, environnementaux, sociétaux, etc. «Les paysages, on le sait bien, sont des créations de l’homme. […]
Ils portent toujours des traces, si menues soient-elles, de l’occupation et du travail des hommes, plus précisément des paysans» (Duby, 1991, p.11). C’est pour cette raison que se pencher sur les pratiques de l’agriculture est essentiel pour la vie de nos territoires.
Pour interroger les paysages, il faut comprendre avant tout, les «déterminations culturelles, sociales et historiques de la perception [que peut avoir un agriculteur sur son territoire]. Autrement dit, ce qui constitue la subjectivité humaine» (Berque, 1995), ici l’agriculteur.
Dans ce «complexe paysager» (Lunginbühl, 1995, p.39), il ne faut pas exclure les «descriptions des éléments objectifs s’appuyant sur les connaissances géographiques et historiques du territoire : «le support physique du paysage ou ‘‘paysage objet’’ est composé d’objets naturels (roche et sol relief ou végétaux, traces d’une histoire naturelle du lieu) et d’empreintes laissées sur les lieux dans les sociétés qui s’y sont succédées» (Ambroise, 2002, p.7).
C’est dans cette formulation du «complexe paysager» (Lunginbühl, 1995, p.39) que l’on comprend qu’« en zone rurale, la création du paysage est d’abord le fait des agriculteurs […] qui structurent l’espace en réseau de parcelles et orientent les dynamiques végétales par leurs pratiques de gestion. On ne peut donc imaginer intervenir sur le paysage sans prendre en compte les stratégies et les motivations des artisans directs de son édification» (Michelin, 2000, §1).
L’agriculteur et son rapport au paysage
Avant de faire l’état de la connaissance sur le rapport qu’entretien l’agriculteur avec les paysages, il est intéressant de remarquer la représentation que ce font les urbains, de la campagne.
Ils n’associent pas directement le paysage de la campagne avec celui des pratiques agricoles (Ambroise, 2002, p.24). Pour comprendre ce rapport mutuel entre agriculteur et paysage, il faut annoncer comment s’élabore cette production de paysage. Jean-Eudes Beuret le définit de cette manière : «La production des paysages cultivés peut mettre en jeu trois types d’actes : des actes productifs non spécifiques (le paysage est un effet induit, la production paysagère n’induit aucun coût pour I’agriculteur), des actes spécifiques de production paysagère (entretenir un muret, planter une haie…), avec un coût direct, ou encore des actes spécifiques liés au fait de renoncer à une action susceptible de dégrader le paysage (comme abattre une haie…), ce qui génère un coût d’opportunité» (Beuret, 2002, p.48). À travers cette production de paysage, l’agriculteur n’accorde pas forcément une grande familiarité au mot «paysage». Le «terme est très rarement employé par les éleveurs [ou plus généralement par les agriculteurs], et même lorsque c’est le cas, c’est toujours rapporté à l’évocation de pratiques, effectives ou envisagées, destinées à assurer le fonctionnement ou parfaire l’état de leur exploitation agricole» (Candau et coll., 2011, §26). C’est alors que l’on identifie les valeurs de ce que représente le paysage à leurs yeux. Il s’agit en particulier de «l’attachement sensible aux objets matériels qu’ils façonnent au quotidien» (Candau et coll., 2011, §26). Il conduit à se demander ce qu’est un joli paysage pour un agriculteur. Yves Lunginbül (2001 et 1995) nous apprend qu’à travers ses travaux, il constate que ce jugement est directement lié au travail bien fait. C’est en observant le paysage que l’agriculteur voit les marques de ses pratiques et qu’ils «[…] observent les bonnes manières de cultiver, comme celles de bien labourer un champ et de n’y laisser aucune trace qui puisse être interprétée comme un travail négligé» (Lunginbühl, 2001, p.6). A contrario, les agriculteurs identifient rapidement les signes d’abandon ou de mauvais entretien par l’apparition de friches ce qu’ils qualifient de paysage laid. Une vision qui est largement partagée par les agriculteurs (Lunginbühl, 1995, p.36). C’est en reprenant, par exemple, le terme de «paysage laid» de Luginbühl que l’on peut aborder la pression sociale que peuvent subir les agriculteurs.
L’esthétique de la ferme fait parties des pressions que subit l’agriculteur. Il réalise des actes spontanés qui visent directement un entretien des abords de la ferme. Jean-Eudes Beuret nous parle «d’embellissement obligatoire des abords de ferme. […] Ces règles ne sont écrites nulle part et pourtant I’agriculteur met un point d’honneur à les respecter» (Beuret, 2002, p.49).
C’est à travers la prise en compte de ce rapport propre entre les agriculteurs et le paysage qu’il est possible de reconnaître les pratiques «agri-paysagères» (Henry, 2005).
L’acte des agriculteurs dans les paysages est conscient même s’ils ne le formalisent pas forcément, mais il s’agit bien d’une conséquence de leurs pratiques agricoles. De facto, on considère ces pratiques comme «délibérément paysagères» (Bigando et coll., 2017, §8). Nous pouvons partir du postulat que l’agriculteur et plus particulièrement les actions de sa pratique fait qu’il appartient à une «société dite “paysagère“» (Berque, 1994).
L’agriculture et le paysage, un projet d’avenir
Les prospectives des projets agricoles paysagers
Les projets agricoles paysagers ou agro-paysagers (Renard, 2017) de par leurs enjeux, prennent progressivement une place particulière dans les projets territoriaux. Ils peuvent se définir par «un accord de tous les acteurs, sur la définition d’un parti paysager et d’un ensemble d’actions pour un territoire donné» (Ambroise et coll., 2002, p.81). Ce parti paysager quant à lui est le fil conducteur du projet.
Il constitue un projet pour les agriculteurs et avant tout pour les générations futures. «Ainsi, la profession agricole est directement mise en cause. On attend d’elle, qu’elle ne baisse pas les bras, qu’elle continue d’entretenir, de maintenir en vie les paysages» (Duby, 1991, p.14). En revanche, elle ne doit pas porter préjudice à l’environnement comme cela a pu l’être durant une période de son histoire.
Le paysagiste à un rôle à jouer dans les projets agricoles. Il est en capacité, avec les praticiens des disciplines adjacentes, de révéler les richesses et dynamiques naturelles de chaque région afin de pouvoir aider les agriculteurs à conduire leur projet. Pour citer les propos de l’ingénieur agronome Régis Ambroise : «Le travail des paysagistes consiste à s’appuyer sur une connaissance fine de l’histoire et de la géographie des lieux pour définir des projets d’aménagement appropriés à chaque territoire. De ce point de vue, ils ont une place à prendre au côté d’agronomes [et d’autres disciplines], qui ont trop laissé de côté l’espace dans leurs réflexions, et sortir de l’esprit les modèles imposant les mêmes formes aux agriculteurs et aux territoires» (Ambroise, 2013).
C’est dans cette perspective que les paysagistes peuvent «aider les agriculteurs à imaginer leurs projets et à communiquer sur ce qu’ils apportent en termes de paysage» (ibid.).
À travers l’expérience de Rémi Janin, celui-ci nous enseigne que «la profession de paysagiste traitait souvent uniquement de l’enveloppe et ne rencontrait pas, ou très peu, le projet agricole» (Janin, 2015, p.9). Il s’attache particulièrement aux aménagements urbains ou les jardins ; mais plus timidement à la question du paysage agricole. Le paysagiste «s’arrête fréquemment à la question des limites, focalisant notamment sur la question de la haie comme réponse paysagère unique pour faire le lien à la fois entre le vocabulaire agricole et l’intérêt environnemental. Il nous semblait pourtant que la nature paysagère même de l’agriculture reposait […] sur d’autres dynamiques» (Janin, 2015, p.9).
La considération de la recherche pour les projets agricoles paysagers
L’immersion dans la recherche nous a permis d’essayer de cerner l’état de la connaissance au sujet de l’agriculture et du paysage. Il a permis, par cette occasion, de sonder le climat et l’intérêt pour cette question.
Avant de devenir objet de préoccupations politiques, de colloques, d’expositions, le paysage agraire a été, dans sa double acception, agricole et rurale, depuis la fin du XVIIIe siècle, mais plus particulièrement durant les trente dernières années, au cœur de travaux innombrables d’ agronomes, botanistes, historiens et géographes (Chiva, 1991, p.21). Il se poursuit par des personnes qui se sont efforcées et s’efforcent encore de mettre en avant l’importance, pour les territoires, de prendre en considération la question des paysages dans les projets agricoles. Nous pensons notamment à Jean-Pierre Deffontaine et Régis Ambroise, etc.
Nous pouvons facilement identifier un exemple d’expérimentation de projet agro-paysager. Nous pouvons notamment citer les frères Janin avec un travail de fin d’études (2005), sur l’exploitation familiale de Vernand (Janin, 2010). Il existe de nombreuses autres initiatives qui ont tout pour être mises davantage en avant comme réel exemple de projet paysager.
J’aimerais, pour bilan, soulever que la littérature concernant ce sujet pourrait être actualisée. Et que les initiatives de projet et recherche sur la question agricole et paysagère soient plus faciles à identifier. Pour raison, mon inventaire dans le cadre de ce travail a été assez court, mais il m’a mis sur la voie de quelques réseaux «clos». Davantage de temps m’aurait peut-être permis d’aller au-delà de ces réseaux afin d’en dénicher de nouveaux. Néanmoins, l’épistémologie de la recherche sur l’agriculture et les paysages, à premier abord, me permet d’en faire ce constat.
Cela dit, nous pouvons retracer que l’Homme depuis sa sédentarisation a fait évoluer les paysages avec une remarquable finesse au sein de son milieu ambiant. À partir de la mécanisation de l’agriculture, de nouvelles dynamiques et enjeux apparaissent. Les paysages en sont bouleversés. Les politiques agricoles accompagnent délibérément cette évolution de la pratique sans forcément prendre part à toutes les branches gravitant autour de la sphère agricole. On identifie une diversité des systèmes agraires qui ont un point indiscernable. C’est qu’ils lient l’utile, les normes sociales et l’agréable qui en font l’acte d’agir pour l’agriculteur. Ils portent ses attentions sur des parcelles qui peuvent avoir des organisations et des statuts (fermage et propriété) varié. De là, un paysage est en bout de chaîne, un palimpseste paysager continu. Se forme alors un duo, l’agriculteur et le paysage. On peut identifier une réciprocité dans les projets agro-paysagers.
Les enjeux du paysage pour l’agriculture : l’investigation
Ce parcours réalisé à travers l’état de la connaissance nous amène sur-le-champ de la réflexion. Nous considérons que le paysage et l’agriculture sont, et seront, des sujets majeurs pour l’avenir de notre société. La sphère agricole entretient une intime relation avec le paysage, pour autant, depuis l’industrialisation de l’agriculture, il y a une distanciation entre les deux.
Les personnes concernées sont les agriculteurs mais aussi l’ensemble de la population. Certes, la population l’est indirectement, mais c’est elle qui jouit des paysages agricoles à travers son cadre de vie et qui y trouve en plus toute son alimentation. C’est bien eux, les agriculteurs qui sont en première ligne. Ils sont le point névralgique des questions environnementales, alimentaires, paysagères, etc. La contribution à la réflexion sur ce sujet peut permettre de valoriser le savoir-faire paysan, l’enjeu de leur présence dans nos territoires, leur rôle dans les paysages et même,d’aborder les projets agricoles différemment. Il nous faut, pour avoir un regard transversal, une compréhension plus objective de la réalité du monde agricole. Il nous permettra de mieux appréhender la relation de celle-ci avec les paysages. Sur le profil du projet agricole d’avenir, le paysage peut être un outil pour l’investir, le penser et le dessiner.
Il nous amène à étudier la façon dont les agriculteurs entretiennent leurs relations avec les paysages et plus particulièrement, l’influence réciproque de la pratique agricole sur les paysages.
Il nous permettra ainsi de donner notre avis sur l’avenir de l’agriculture et de la prise en compte des paysages. Dans cet entrain, le fait de porter matière à la transition agro-écologique permet aujourd’hui, de prendre une place dans les politiques agricoles tout en mettant en avant les projets agropaysagers.
Pour entreprendre cette réflexion, il nous faut des outils pour la tester.
C’est à travers trois hypothèses que nous allons mettre en œuvre notre réflexion. Chacune complémentaire les unes aux autres, vont aborder un horizon, qui sont : la spatialité, à travers l’échelle et la géospacialisation des pratiques agricoles de l’exploitation ; la perception sensible du paysage par l’agriculteur ; la dynamique temporelle d’évolution des pratiques agricoles garantes des richesses paysagères.
Après avoir identifié nos horizons d’étude, nous pouvons émettre clairement nos hypothèses à tester.
Celles-ci peuvent prendre une forme de pari.
La première, annonce que les pratiques agricoles dans les paysages sont en lien avec l’échelle d’exploitation et leur organisation parcellaire.
L’objectif est bien de déceler si les actions de l’agriculteur dans sa pratique sont influencées ou non, par des facteurs spatiaux qui impactent visuellement ou non les paysages.
Avant de poursuivre, nous entendons par échelle d’exploitation plusieurs facteurs qui sont : la surface d’exploitation, le nombre d’animaux, le nombre d’individus travaillant et la propre perception de la taille d’exploitation par l’agriculteur lui même. C’est dans l’imbrication de ces caractéristiques que nous définissons l’échelle d’exploitation.
Le cas des agriculteurs en moyenne montagne du Livradois-Forez
La démarche de recherche vise à collecter des matériaux qui seront les matières premières de l’analyse.
Elle vise à vérifier les hypothèses de recherche pour ensuite répondre à la problématique. Sa mise en place demande donc un «bricolage» ingénieux pour qu’elle soit la plus adéquate et la plus efficace ; un modelage de la démarche unique pour des matériaux propres à ce que l’on recherche.
Le contexte géographique similaire est une caractéristique importante pour l’objectivité de la recherche. La moyenne montagne du LivradoisForez sera commune à toutes les exploitations. L’objectif étant d’avoir une unité paysagère(LOI n° 93-24) assez comparable entre les structures.
Nous pouvons situer plus précisément les fermes étudiées sur la Montagne Thiernoise (figure 1).
Le paysage de ce pays est pour une grande partie boisée de résineux ; ce fait revient d’ailleurs souvent dans les sujets de discussion.
C’est aussi un paysage polycultural constitué d’élevage, de champs pour le fourrage et de quelques parcelles céréalières. Cette campagne est constituée de nombreux petits villages s’identifiant par des champs sur leur pourtour. Cette singularité paysagère est appelée ici, village clairière . Le climat de moyenne montagne reste rude durant certaines périodes de l’année, ce qui conduit à des temporalités saisonnières dans le territoire.
Rencontres et échanges avec les agriculteurs sur leur exploitation : tentative d’acquérir une parole spontanée et intérieure
La démarche figure comme une enquête sociale avec un entretien semi-directif. Les postures de l’enquêteur sont doubles : être observateur d’un dialogue entre enquêteur-enquêté, observer les cheminements qu’emprunte la rencontre ; et être l’interlocuteur guide de l’enquête avec une souplesse dans l’évolution du dialogue tout en ayant pour but d’aborder tous les sujets.
L’enquêteur doit prendre un rôle dans cette rencontre, se fondre dans le contexte. Le statut pris est celui d’être jeune étudiant paysagiste, qui réalise un travail scolaire dans sa région natale. Un étudiant qui, de plus, est issu du milieu agricole.
Ce statut conditionne en partie les matériaux que l’on va en tirer.
Les discours hétéroclites des agriculteurs face au paysage en moyenne montagne du Livradois-Forez
Le choix des personnes enquêtées est crucial. Les profils recherchés sont ipso facto liés à la problématique. Tous les enquêtés sont des agriculteurs. Ils ont chacun, une pratique différente : pratique agricole biologique, conventionnelle, conventionnelle raisonnée ; et ils sont : producteurs laitiers et/ou éleveurs bovins, ovins, caprins et avicoles. L’ambition étant d’avoir des profils d’agriculteurs aux pratiques et postures les plus hétérogènes.
L’enquête a commencé fin août 2020, une période qui semble être la plus adéquate pour les agriculteurs.
Les rencontres se sont faites au sein de leurs fermes. Elles ont permis la possibilité de déambuler à travers leur cadre de vie et d’entrer au cœur de leur lieu de travail. Cette approche permet, comme le dit Henry Dominique : «[l’agriculteur a] l’impression de moins perdre son temps, ses paroles sont comme plus libres et plus profondes aussi» (Henry, 2012). Une fois les rencontres avec les agriculteurs faites, un travail de hiérarchisation et d’analyse a dû être mis en place.
Les matériaux bruts ont été traités pour y extraire ce dont nous avons besoin afin de les confronter à nos hypothèses.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 — Les discours du paysage agraire
1 • L’Homme, l’agriculture et le paysage : une attache continuelle
2 • Le paysage agraire, une affaire de perception
3 • L’agriculture et le paysage, un projet d’avenir
4 • Les enjeux du paysage pour l’agriculture : l’investigation
Partie 2 – La considération du paysage dans la pratique agricole en moyenne montagne du Livradois-Forez
1 • Le cas des agriculteurs en moyenne montagne du LivradoisForez
2 • Rencontres et échanges avec les agriculteurs sur leur exploitation : tentative d’acquérir une parole spontanée et intérieure
3 • Les discours hétéroclites des agriculteurs face au paysage en moyenne montagne du Livradois-Forez
Partie 3 – Des discours aux projections : la réflexion des agriculteurs soucieux et tributaires de leurs paysages
1 • Le paysage dans une conjoncture spatiale : les agriculteurs tributaires
2 • Des agriculteurs avec un regard de paysagiste : une influence dans leurs pratiques
3 • Les préoccupations des agriculteurs pour l’avenir de leur pays
4 • Regard transversal : les obstacles au génie paysagiste de l’agriculteur
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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