Des ciments Portland aux liants bas pH
La prรฉdiction de lโhydratation du bรฉton lorsque celui-ci est constituรฉ dโun mรฉlange de diffรฉrents constituants, nรฉcessite une bonne maรฎtrise des processus physico-chimiques au cours de lโhydratation. En effet, ils vont conditionner la nature des hydrates et leurs fractions volumiques occupรฉes dans la pรขte en fonction du temps, ce qui rรฉgira les comportements physique, chimique et mรฉcanique du bรฉton et donc sa tenue en phase dโexploitation. Cette premiรจre partie est consacrรฉe aux processus dโhydratation physico-chimiques des ciments Portland et composรฉs.
Ciment Portland
Description de la compositionย
Le ciment Portland CEM I (sans ajout) est un des ciments le plus couramment utilisรฉs en Gรฉnie Civil. Il est constituรฉ ร plus de 90% de clinker broyรฉ, environ 3-5% de rรฉgulateur de prise (gypse ou anhydrite) et dโune quantitรฉ de constituants secondaires (< 5%). Dans la composition minรฉralogique, selon la norme [NF EN 197-1, 2012], la proportion massique du clinker est au moins รฉgale ร 2/3 de C3S et C2S (en notation conventionnelle de la chimie des ciments) et le tiers restant est constituรฉ de C3A et de C4AF.
Rรฉaction dโhydratation du clinker
Le processus dโhydratation du ciment Portland est complexe et implique des rรฉactions chimiques, exothermiques et thermoactivรฉes entre un matรฉriau pulvรฉrulent aux grains polyphasiques (ciment) et un milieu de dispersion liquide (eau de gรขchage). Cette eau provoque la rรฉaction simultanรฉe des diffรฉrentes phases du ciment Portland. Les รฉquations bilans et la stลchiomรฉtrie des rรฉactions dโhydratation du clinker se rรฉsument ร celles des quatre principaux constituants. Les รฉquations pour dรฉcrire les rรฉactions dโhydratation du ciment Portland [Bogue et Lerch, 1934 ; Mindess, 1981 ; Lea, 1998] peuvent sโรฉcrire de la maniรจre suivante :
Pour lโhydratation du C3S :
Lโhydratation des phases C3S conduit ร la formation des silicates de calcium hydratรฉs (C-S-H), de la portlandite (CH) et sโaccompagne dโun dรฉgagement de chaleur (Q) important puisque la rรฉaction est exothermique.
?3? + (3 + ? โ ?)? โ ????? + (3 โ ?) ?? + ??3? (I โ 1)
Pour lโhydratation du C2S :
La rรฉaction d’hydratation du C2S est beaucoup plus lente et moins exothermique que celle du C3S. La prรฉsence rรฉsiduelle dโune fraction de C2S est souvent constatรฉe mรชme aprรจs plusieurs mois dโhydratation selon [Brunauer et al., 1958] citรฉ par [Adenot, 1992]. Cependant, les produits de lโhydratation sont similaires ร ceux du C3S.
?2? + (2 + ? โ ?)? โ ????? + (2 โ ?) ?? + +??2?ย (I โ 2)
Caractรฉristiques des hydrates formรฉsย
Le principal produit de lโhydratation du clinker est le silicate de calcium hydratรฉ. Il prรฉsente une structure lamellaire avec des feuillets constituรฉs dโune couche dโions calcium intercalรฉe entre des chaรฎnes linรฉaires de silicates. La structure atomique รฉvolutive au cours du temps ainsi que le caractรจre amorphe des C-S-H rendent la dรฉtermination de la stลchiomรฉtrie de la rรฉaction complexe (coefficients m et n des รฉquations I โ 1 et I โ 2). Selon [Adenot, 1992], la structure et les caractรฉristiques thermodynamiques de ces hydrates dรฉpendent des conditions de leurs formations, cโest-ร -dire de la quantitรฉ de calcium et de silicium disponibles et de la composition de la solution interstitielle. La stลchiomรฉtrie des C-S-H, plus prรฉcisรฉment le rapport molaire CaO/SiO2 (C/S en notation cimentaire) varie en fonction de la composition aqueuse et de la concentration en calcium selon [Menetrier, 1977] citรฉ par [Adenot, 1992]. Plusieurs auteurs [Brunauer et al, 1958, Brown et al, 1984 ; Adenot, 1992 ; Richardson, 2000] sโaccordent pour un rapport de C/S des C-S-H du ciment Portland variant entre 1,5 et 2. La teneur en eau des C-S-H souvent exprimรฉe par le rapport H2O/SiO2 (H/S en notation cimentaire) dรฉpend de lโรฉtat de saturation du C-S-H. [Nguyen, 2009] propose un rapport H/S proche de 1 pour un C-S-H complรจtement sรฉchรฉ par la mรฉthode ยซ D-drying ยป (sรฉchage sous vide ร -79ยฐC). Lorsque lโhumiditรฉ relative est de 11%, ce rapport est รฉgal ร 2 et quand le matรฉriau est saturรฉ, le rapport H/S est รฉgal ร 4. Selon dโautres auteurs [Adenot, 1992 ; Brouwers, 2004], la demande en eau des C-S-H dรฉpend du rapport C/S, et il est donc nรฉcessaire de prendre cela en compte pour la modรฉlisation de lโhydratation du liant. [Copeland, 1967] a observรฉ que, lors dโun mรฉlange de C-S-H avec des phases AFm, il y a disparition des phases AFm et insertion de lโaluminium dans la structure des C-S-H. Il est maintenant รฉtabli que les ions aluminates dans le ciment hydratรฉ peuvent remplacer en partie des ions silicates [Richardson et Brough, 1993 ; Thomas et al., 2003 ]. Une รฉtude menรฉe par [Chen, 2007] sur la caractรฉrisation structurale a montrรฉ que cette substitution se fait dans trois sites tรฉtraรฉdriques diffรฉrents correspondant aux environnements des siliciums de type Q3, Q2 et Q2p. Seule la prรฉsence dโaluminiums en site Q3 implique un pontage entre deux chaรฎnes avec des rรฉpercussions sur la structure des C-S-H. Dโun point de vue mรฉcanique, [Jennings, 2000] sรฉpare le gel de C-S-H en deux catรฉgories, de faible densitรฉ (Low Density LD) et de forte densitรฉ (High Density HD) avec des propriรฉtรฉs diffรฉrentes. Les C-S-H LD ont un module dโรฉlasticitรฉ de lโordre de 21-22 GPa tandis que celui des C-S-H HD est plus proche de 30 GPa [Acker, 2001]. Certains auteurs [Lothenbach et al., 2011 ; ZhiHai et al., 2013] montre que plus le rapport C/S des C-S-H est faible et plus la proportion de C-S-H HD, par rapport au volume total de C-S-H, est importante.
La portlandite notรฉe Ca(OH)2 ou CH en notation cimentaire est une phase cristalline relativement pure avec une faible quantitรฉ dโions รฉtrangers. Sa structure en feuillets se prรฉsente sous forme de fines plaquettes hexagonales avec un clivage marquรฉ suivant le plan de base [Taylor, 1997 ; Nonat, 2008]. La surface spรฉcifique de la portlandite est faible en raison de la grande taille des cristaux (plusieurs dizaines de ยตm). Sa solubilitรฉ dans lโeau est de lโordre de 22 mmol/L ร 25ยฐC, ce qui correspond ร un pH dโรฉquilibre de 12,6 [Lothenbach et al., 2008]. Ce minรฉral a รฉgalement un impact sur la concentration de calcium en solution et maintient donc le pH รฉlevรฉ de la solution interstitielle. Cโest aussi la phase la plus soluble de la pรขte de ciment hydratรฉe. Elle conditionne รฉgalement la tenue du bรฉton vis-ร -vis de certaines pathologies. Par exemple, [Grandet, 1975] observe que la portlandite se carbonate prรฉfรฉrentiellement en la phase la plus stable du carbonate de calcium, la calcite.
Enfin, des phases AFm et AFt sont รฉgalement formรฉes lors de lโhydratation du clinker. Les phases AFm (Al2O3-Fe2O3-mono) sont des aluminates de calcium hydratรฉs qui existent sous plusieurs formes [Taylor, 1997]. Ces phases se prรฉsentent sous la forme de fines plaquettes hexagonales avec un clivage marquรฉ selon le plan de base. Leurs structures dรฉrivent de celle la portlandite avec une structure en feuillets. Enfin, les AFt dรฉsignent une famille de phases minรฉrales de mรชme structure cristalline. Lors de lโhydratation du clinker, cโest principalement lโettringite, une phase AFt sulfatรฉe, qui se forme. Cette phase est prรฉsente sous la forme de la colonne de cristaux aciculaires ร base hexagonale.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
INTRODUCTION
I.1. DES CIMENTS PORTLAND AUX LIANTS BAS PH
I.1.1. Ciment Portland
I.1.1.1. Description de la composition
I.1.1.2. Rรฉaction dโhydratation du clinker
I.1.1.3. Caractรฉristiques des hydrates formรฉs
I.1.2. Ciments avec ajouts
I.1.2.1. Ciment avec de la fumรฉe de silice
I.1.2.2. Ciment avec des cendres volantes
I.1.2.3. Ciment avec des laitiers hauts fourneaux
I.1.2.4. Caractรฉristiques des hydrates formรฉs
I.1.3. Liant bas pH
I.1.3.1. Principe de formulation
I.1.3.2. Liants ternaires
I.1.3.3. Liants bas pH ร lโinternational et ร lโAndra
I.1.4. Conclusions
I.2. EVOLUTION PHYSICO-CHIMIQUE DES LIANTS BAS PH AU COURS DE LโHYDRATATION
I.2.1. Description des hydrates
I.2.1.1. Influence de la tempรฉrature
I.2.1.2. Influence de lโhumiditรฉ
I.2.2. Etude de la solution interstitielle
I.2.2.1. Composition chimique de la solution interstitielle
I.2.2.2. Influence de la cure
I.2.2.3. Lien entre les phases hydratรฉes et la solution interstitielle
I.2.3. Approche de lโรฉtat dโรฉquilibre des liants bas pH
I.2.3.1. Hydratation accรฉlรฉrรฉe
I.2.3.2. Systรจme modรจle
I.2.3.3. Comparaison des approches
I.2.4. Modรฉlisation de lโhydratation
I.2.4.1. Modรจles dโhydratation macroscopiques
I.2.4.2. Modรจles dโhydratation microscopiques
I.2.4.3. Modรจle pour lโhydratation des liants composรฉs
I.2.4. Conclusions
I.3. COMPORTEMENT A LโETAT FRAIS DES BETONS BAS PH
I.3.1. Conditions de mise en ลuvre considรฉrรฉes
I.3.1.1. Solution de pompage
I.3.1.2. Solution de la centrale ร bรฉton sur chantier
I.3.1.3. Solution de lโacheminement du bรฉton
I.3.2. Propriรฉtรฉs ร lโรฉtat frais
I.3.2.1. Ouvrabilitรฉ du bรฉton
I.3.2.2. Echauffement associรฉ ร la prise
I.3.2.3. Dรฉformation au jeune รขge
I.3.3. Rhรฉologie ร lโรฉtat frais des bรฉtons
I.3.3.1. Dรฉfinition des paramรจtres rhรฉologiques
I.3.3.2. Thixotropie des bรฉtons
I.3.4. Conclusions
I.4. COMPORTEMENT A LโETAT DURCI DES BETONS BAS PH
I.4.1. Propriรฉtรฉs mรฉcaniques
I.4.1.1. Rรฉsistance en compression
I.4.1.2. Evolution des propriรฉtรฉs mรฉcaniques
I.4.1.3. Modรฉlisation de lโendommagement
I.4.2. Dรฉformations diffรฉrรฉes
I.4.2.1. Retrait du bรฉton
I.4.2.2. Fluage du bรฉton
I.4.2.3. Modรฉlisation des dรฉformations diffรฉrรฉes
I.4.3. Conclusions
I.5. PROPRIETES DE TRANSFERT
I.5.1. La structure poreuse
I.5.2. Permรฉation
I.5.3. Diffusion des chlorures
I.5.4. Les isothermes de sorption/dรฉsorption
I.5.5. Lixiviation
I.5.6. Modรฉlisation des transferts hydriques
I.5.6.1. Principes du modรจle
I.5.6.2. Modรฉlisation de lโisotherme
I.5.6.3. Modรฉlisation des permรฉabilitรฉs relatives
I.5.7. Conclusions
CONCLUSIONS
CHAPITRE 2 : MATERIAUX ET FORMULATION
INTRODUCTION
II.1. MATIERES PREMIERES UTILISEES
II.1.1. Caractรฉristiques des liants bas pH
II.1.1.1. Composition des liants bas pH
II.1.1.2. Prรฉsentation des constituants
II.1.1.3. Propriรฉtรฉs physico-chimiques des constituants
II.1.2. Caractรฉristiques des granulats
II.1.3. Rapport E/L
II.1.4. Superplastifiant
II.2. ETABLISSEMENT DES FORMULES DE REFERENCE TCV ET TL
II.2.1. Rรฉcapitulatif des critรจres du cahier des charges
II.2.2. Reproductibilitรฉ des formules de bรฉtons bas pH
II.2.3. Solutions adoptรฉes et consรฉquences sur les formulations des bรฉtons bas pH
II.3. AJUSTEMENT DES PARAMETRES DE FORMULATION
II.3.1. Matรฉriels et mรฉthodes
III.3.1.1. Protocole de cobroyage
III.3.1.2. Dรฉtermination de la compacitรฉ optimale
II.3.2. Rรฉsultats et discussions
II.3.2.1. Cobroyage du liant
II.3.2.2. Optimisation du squelette granulaire
II.3.3. Bilan des formules bas pH
CONCLUSIONS
CHAPITRE 3 : COMPORTEMENT A LโETAT FRAIS
INTRODUCTION
III.1. MATERIELS ET METHODES
III.1.1. Gรขchage des bรฉtons
III.1.2. Simulation des modes de transport
III.1.3. Caractรฉrisation ร lโรฉtat frais
III.1.3.1. Essai au cรดne dโAbrams
III.1.3.2. Teneur en air occlus
III.1.3.3. Masse volumique apparente ร lโรฉtat frais
III.1.3.4. Essai Langavant
III.1.3.5. Retrait au jeune รขge
III.1.4. Caractรฉrisation de la rhรฉologie
III.1.4.1. Protocoles expรฉrimentaux
III.1.4.2. Mesure des donnรฉes expรฉrimentales
III.1.4.3. Exploitation des donnรฉes brutes
III.2. EVOLUTION DES PROPRIETES DES BETONS A LโETAT FRAIS
III.2.1. Propriรฉtรฉs ร lโรฉtat frais ร lโinstant initial
III.2.2. Durรฉe pratique dโutilisation
III.2.2.1. Impact du temps de mise en ลuvre sur les propriรฉtรฉs ร lโรฉtat durci
III.2.3. Echauffement au cours de lโhydratation
III.2.4. Retrait au jeune รขge
III.3. PROPRIETES RHEOLOGIQUES DES BETONS BAS PH
III.3.1. Evolution des propriรฉtรฉs rhรฉologiques dans le temps
III.3.1.1. Le seuil de cisaillement statique
III.3.1.2. Le seuil de cisaillement dynamique
III.3.1.3. La viscositรฉ apparente
III.3.2. Evaluation de la thixotropie des bรฉtons bas pH
Impact de la thixotropie sur la mise en ลuvre
CONCLUSIONS
CHAPITRE 4 : ETUDE DE LโHYDRATATION DES LIANTS BAS PH
INTRODUCTION
IV.1. MATERIELS ET METHODES
IV.1.1. PROGRAMME EXPERIMENTAL
IV.1.2. Diffractomรฉtrie de rayons X
IV.1.3. Microscopie รฉlectronique ร balayage et microsonde
IV.1.4. Extraction de la solution interstitielle
IV.1.5. La chaleur dโhydratation
IV.1.5.1. Essai en condition semi-adiabatique
IV.1.5.2. Essai en condition isotherme
IV.1.6. Analyse thermogravimรฉtrique
IV.2. RESULTATS EXPERIMENTAUX
IV.2.1. Diffraction des rayons X
IV.2.2. Microscopie รฉlectronique ร balayage et microsonde
IV.2.2.1. Cartographie de la microstructure des bas pH
IV.2.2.2. Estimation des rapports Ca/Si et Al/Si de la pรขte
IV.2.3. Evolution du pH de la solution
IV.3. MODELISATION DE LโHYDRATATION
IV.3.1. Rappel du modรจle initial
IV.3.1.1. Loi de cinรฉtique dโhydratation
IV.3.1.2. Dรฉtermination des paramรจtres de la loi de cinรฉtique
IV.3.1.3. Calage des paramรจtres du modรจle
IV.3.1.4. Analyse de la prรฉcision du modรจle initial
IV.3.2. Adaptation du modรจle aux liants fortement diluรฉs
IV.3.2.1. Identification des origines du dรฉcalage
IV.3.2.2. Implรฉmentation des effets physiques dans le modรจle
IV.3.2.3. Lois dโรฉvolution pour les effets de dilution et nuclรฉation hรฉtรฉrogรจne
IV.3.2.4. Dรฉtermination des fonctions ???? et ?????
IV.3.3. Modรจle dโhydratation des liants binaires
IV.3.3.1. Nouveau calage des additions
IV.3.3.2. Chaleur dโhydratation
IV.3.3.3. Quantitรฉ de portlandite
IV.3.3.4. Teneur en eau liรฉe
IV.3.4. Validation du modรจle sur les liants ternaires
IV.3.4.1. Chaleur dโhydratation
IV.3.4.2. Quantitรฉ de portlandite
IV.3.4.3. Teneur en eau liรฉe
IV.3.4.4. Simulation du degrรฉ dโhydratation
CONCLUSIONS
CONCLUSION GENERALE