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Le matériau déchu
La révolution industrielle a exilé un peu plus le bois dans la construction : le bois apparaît vieux et démodé. Fini le temps des innovations, il tombe peu à peu dans l’oubli, ne servant que dans les ouvrages secondaires. La charpente, autrefois oeuvre magistrale dans la construction, vient même à être remplacée par ces nouveaux matériaux dits plus résistants, plus innovants, plus modernes. La France est séduite par la nouveauté.
Le 19e et le 20e siècle voient donc se développer les ouvrages de fer et le béton. Ce dernier est largement utilisé dans le langage architectural français, grâce à son histoire et surtout, à ses acteurs puissants. Depuis, il domine le secteur. Paraissant moderne, offrant de nombreuses possibilités en terme de formes, il vient devancer le bois, qui, délaissé, n’avait pas suivi l’évolution de la construction, ou alors secrètement.
Le bois relégué en arrière plan peine à se faire une place dans ce nouveau contexte.
Pourtant, comme le souligne Bernard Marrey, le bois ne peut pas être uniquement considéré comme un matériau traditionnel, l’Histoire l’a démontré, les grands architectes aussi.
En remettant en perspective chaque grand ouvrage en bois dans leur contexte – des temples grecs avec leur charpente triangulée, une première dans la construction, à la Halle au Blé à Paris, en passant par les oeuvres d’Alto, de Wright et de Kahn – nous ne pouvons en douter.
Ainsi, par le biais des architectures d’exemples, il conserve encore, pendant ces siècles industriels, un attrait pour certains qui oeuvrent pour une ouverture et un développement de l’architecture bois, dans les années d’après-guerre, comme nous le verrons par la suite.
Les Cycles du bois
constructions bois ne représentent que 10% du marché, aux États-Unis et en Scandinavie, les habitations en bois occupent une forte place, avec, respectivement, 90% et 35% des constructions.
Construire en bois n’est donc pas seulement un idéal mais une réelle possibilité.
Le cycle des forêts et la nécessité de l’entretien est donc l’élément clé pour le développement de la filière.
Où en est-on en France ? Les périodes de défrichement intense du Moyen-Âge ont-elles laissé des traces sur nos ressources actuelles ?
Une ressource sous-exploitée
Utiliser le bois dans la construction est souvent synonyme de déforestation dans l’esprit des gens. Cette idée, longtemps diffusée par la politique intensive de production de bois des années d’après-guerre, est pourtant désormais une idée reçue. Couper le bois dans les forêts ne dessert pas, bien au contraire.
Souvent critiquées, les pratiques sylvicoles sont loin d’être néfastes à la forêt lorsqu’elles sont appliquées à bonne escient et dans la connaissance du métier.
En effet, pour développer les arbres, ceux-ci ont besoin de subir des coupes lors de la croissance de la forêt. Au début, le resserrement qui les conduit à prendre de la hauteur, pour rechercher un maximum de lumière, est indispensable, puis ce resserrement vient les étouffer si l’Homme n’intervient pas pour leur permettre de s’agrandir et de se développer dans de bonnes conditions. La société craint un trop plein d’interventions sur cette ressource dite naturelle.
Pourtant, l’Homme doit agir pour la Nature.
Depuis quelques années, tous les professionnels s’accordent sur l’idée de protéger et de gérer avant tout les ressources, notamment par la création des labels et d’une politique de gestion, et afin de rassurer les citoyens lors de leur achat. Bien que ne répondant pas seulement aux volontés écologiques qui se développent depuis 1980, les deux labels FSC et PEFC viennent certifier la provenance des bois dans une production gérée durablement. Tout le monde le sait : les forêts, à l’image de la construction bois, ne sont pas une ressource rapide, il faut en prendre soin, la contrôler, la planifier pour les besoins des années futures, anticiper quelles ressources seront utilisées à l’avenir. Leur création a donc eu une conséquence sur l’image de la filière : l’image d’une forêt amazonienne qui perdait de la surface par des abattages successifs, rapprochés et non contrôlés bloquait le développement d’une filière pour les français soucieux depuis les années 1990 de cette ressource vivante et naturelle, une ressource qui peut être renouvelable lorsqu’elle est suivie.
Ces craintes de mal faire et de la déforestation ont entraîné ainsi une sous-exploitation de la ressource, une sous-exploitation qui contribue à une mauvaise gestion et donc à long terme, à une mauvaise qualité des bois, le strict opposé de la volonté première.
De plus, il faut savoir que tous les rapports depuis 1945 se recoupent : les forêts s’accroissent mais leur surface est nettement supérieure à la récolte réalisée.
Les coupes annuelles nécessaires ne sont pas toutes utilisées dans la construction et bien souvent, ne trouvent pas preneur. Jusqu’en 1970, l’architecture bois est synonyme d’architecture d’urgence, de cabanes dans les arbres et est souvent associée à l’idée du loisir, comme nous pouvons le constater à partir de 1950 sur la Côte Atlantique où le bois est souvent utilisé pour des maisons secondaires et des bases nautiques. Pourtant, aujourd’hui, ce marché se développe : en constante augmentation depuis 2000, elle subit, à moindre effet, la crise que subit la France depuis 2008.
Le bois survit !
Cette sous-exploitation constatée propose donc un avenir à la construction bois : il est possible d’augmenter son utilisation en Architecture et d’aller chercher une part de 20%, au lieu de 10% actuellement.
Photographie. Forêt de Bercé, Jupilles, Sarthe (72)
Les ressources ne sont pas éternelles et, à l’heure où le changement climatique prend toute sa place dans la politique et les us et coutumes de la société, le bois se démarque. Le manque à venir des matières premières comme le sable ou le pétrole incite à se demander comment construire demain ? Le bois est donc une solution envisagée pour contribuer au devenir des constructions même si la déforestation est encore une idée omniprésente dans l’esprit des citoyens. Alors qu’en est-il ? Le bois est-il une matière qui, à long terme, est amenée à disparaître ? Le caractère renouvelable prôné par la communication des interprofessions de la filière est-il un idéal ou la réalité ?
Tout le monde le reconnaît : le bois est une matière vivante qui se renouvelle facilement. Les domaines forestiers se recyclent, et même s’il fut un temps où les ressources diminuaient rapidement, notamment par un mauvais usage et une consommation excessive, aujourd’hui elles sont abondantes et variées, propices à un développement de la filière dans la construction.
Pourtant, encore aujourd’hui, les constructions bois en France sont peu nombreuses contrairement à d’autres pays. En effet, si ici, les 2. Cycle des forêts : échelle spatiale Cycle : n.m. Du latin cyclus, période.
Série de phénomènes se renouvelant à une certaine fréquence et dans un ordre déterminé.
Chimie. Enchaînement de transformations chimiques d’un corps depuis son état initial.
Biologie. Toute succession régulièrement répétitive de la même suite de phénomènes, à intervalles réguliers, dans l’existence d’un être vivant, d’une lignée ou de l’ensemble du monde vivant.
Un autre frein au développement de la filière est le morcellement de nos forêts. L’entretien des forêts : élagage, abattage… est souvent considéré comme une lourde charge économique pour les particuliers possédant des terres. En effet, en France, la caractéristique première du domaine forestier est la privatisation qui en est faite. Découpée en petites surfaces, bien souvent inférieure à 3 ha, la forêt française peine à être entretenue, les propriétaires préférant souvent la laisser à son libre arbitre dans le but de protéger la faune vivant dans les bois. Les activités de chasse et de loisir intéressent bien souvent plus, aussi par le manque de connaissances sur les capacités et les attraits économiques d’une forêt entretenue.
Désormais, de plus en plus de propriétaires s’associent afin de partager les frais qui peuvent être élevés lors de la venue d’entreprises de gestion des forêts. De même, l’inverse se produit : la décision d’entretenir d’un seul propriétaire rebute les entreprises à se déplacer pour peu d’hectares. La carte de nos forêts doit donc évoluer pour permettre à la filière de se développer.
Résineux, feuillus ?
Le choix d’une diversité d’essences dans nos forêts est donc l’une des principales qualités pour l’utilisation des bois de notre pays : résineux, feuillus… Ainsi, avec ses 128 essences différentes réparties sur 29% du territoire français, notre forêt a de quoi tirer son épingle du jeu, notamment le massif aquitain, le plus grand d’Europe.
Aujourd’hui, la forêt française, composée d’un tiers de résineux et 2/3 de feuillus, est l’une des plus grandes ressources d’Europe en feuillus.
Un paradoxe pour la filière bois : cette ressource n’est plus adaptée au domaine de la construction qui utilise essentiellement les résineux. Il faut donc importer des bois venus de la Forêt Noire et de la Scandinavie pour les importations les plus proches, de Sibérie et des États-Unis pour les lointaines importations, ce qui pose la question du caractère écologique de la matière : quel est l’intérêt d’une matière naturelle, renouvelable, aux bénéfices écologiques qu’on doit aller chercher à travers le monde, avec des moyens de transport pas forcément écologiques, alors que la France possède une infinie richesse?
De plus, cette forte importation déséquilibre la balance économique de la filière. En effet, avec 1,8 Milliards de $ d’importation en 2005 contre peu d’exportation, la filière française n’arrive pas à se développer. La France accumule donc un retard dans les entreprises de la filière. Alors, faut-il désormais planter en majorité des résineux ou adapter le champs de la construction comme nous pourrons le voir dans la partie III.3) de ce mémoire ?
En France, la répartition des surfaces forestières n’est pas équitable selon les départements et les régions. Fortement imprégné par cette utilisation, l’Est de la France est l’une des grandes ressources mises à contribution. L’architecture bois y est plus développée, tout comme dans les Landes où le massif aquitain propose une ressource de proximité et donc une culture du bois qui s’est conservée au fil des années. Néanmoins, cette question de la ressource de proximité et de la culture constructive d’une région est indéniable : faut-il construire partout en bois, toujours de la même manière ? Probablement pas. La bonne connaissance de notre territoire et le respect des pratiques ancestrales sont les piliers d’une architecture maîtrisée.
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Table des matières
Introduction
I. Les Cycles du bois
1. Cycle de la construction bois : échelle temporelle
Des cabanes primitives à l’époque du Moyen-Âge •
Cache-cache avec le bois • Le matériau déchu
2. Cycle des forêts : échelle spatiale
Une ressource sous-exploitée • Résineux, feuillus ? • Et chez nous ?
3. Cycle et recycle de la matière
Notre Oxygène • De l’arbre à la matière •
Non pas une, mais des filières bois ! • Une vie après l’autre
II. 1980’s – 1990’s : Un grand retour ?
1. Le savoir français
L’Histoire pour réapprendre • De Jean Prouvé à Dominique Gauzin-Müller •
Le développement de l’apprentissage
2. E ntre innovation et économie
Au fil des innovations • L’État au coeur d’un retour possible • La déception •
Tout schuss sur le Bois !
3. Un matériau «militant» ?
La crise de 1973 • 1988 : au-delà de l’image de marque •
La crise environnementale
III. 2000’s – 2020’s : Matériau du nouveau millénaire ?
1. Un matériau politique ? 52
La répétition politique • La commande publique, comme vitrine de la construction bois •
Un précurseur public • Un matériau pour répondre à la crise économique
2. U n matériau devenu marketing
«Le bois, c’est essentiel !» • «Résolument bois !» •
«Je dis OUI au bois pour dire NON au CO2 !» • «Préférez le bois Français !» •
Une communication à toute épreuve !
3. Les feuillus : le nouvel avenir
Les bois locaux • Hêtre ou pas ? • Un exemple paradoxal
Conclusion
Annexe : Entretien avec Samuel Rialland
Bibliographie / Webographie
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