Derrière la crise de l’Occident : le capitalisme

Derrière la crise de l’Occident : le capitalisme

Un besoin de justice sociale

Le retour de la question économique comme question politique
La question du meilleur régime économique a longtemps paru réglée, le capitalisme passant pour la contrepartie naturelle, sur le plan économique, de la démocratie libérale sur le plan politique – la chute du bloc soviétique venant par surcroit confirmer sa supériorité en termes d’efficacité, et disqualifier pour longtemps la recherche d’alternatives. Pourtant, l’actualité médiatique accorde depuis des années, en particulier depuis la crise de 2007-2008, une place sans cesse croissante aux questions économiques. Dans le même temps des intellectuels à succès comme Thomas Piketty, David Graeber ou Frédéric Lordon, ainsi que de nouvelles formations politiques (comme Podemos, la France Insoumise ou encore les Démocrates américains radicaux ou socialistes comme Bernie Sanders, Elizabeth Warren ou Alexandria Ocasio-Cortez) entament une critique parfois très virulente du régime capitaliste. Cette tendance entre en écho avec des mouvements sociaux spontanés comme les mouvements des places (Occupy Wall Street, los Indignados, Nuit Debout…), les « Gilets Jaunes », ou encore des mouvements écologiques comme la ZAD de Notre-Dame des Landes ou « Extinction Rebellion ». La contestation qui monte est multiforme et de plus en plus véhémente – sans être toujours très claire sur l’alternative proposée. Nous assistons donc bien à un retour de la question économique comme question politique majeure.

La question économique et sociale non-résolue à ce jour (comme en témoigne la persistance du chômage de masse, l’accroissement de la pauvreté ou l’essor continu des inégalités) semble d’ailleurs entrainer, en retour, une critique plus proprement politique, au sens classique du terme – qui se déploie à l’échelle stato-nationale plutôt que globale, nous y reviendrons. Cette critique porte sur la dérive oligarchique des systèmes de représentation occidentaux, et nourrit en réponse une tendance « dégagiste » très claire dans plusieurs pays (pensons à l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis en 2016 ou à l’élection présidentielle française de 2017 qui a vu l’élimination des deux grands partis traditionnels du second tour). La critique porte également sur le cadre institutionnel de la mondialisation (accords de libre-échange, construction européenne, etc.), alimentant un débat sur la souveraineté politique – par exemple avec le Brexit. In fine, le mécontentement populaire croissant en matière économique et sociale aboutit à une remise en cause des formes du régime démocratique lui-même, que ce soit par la revendication d’une démocratie «radicale» (par exemple, chez les Gilets Jaunes, à travers le Référendum d’Initiative Citoyenne, le tirage au sort des représentants ou les ateliers constituants), ou par la tentation d’une démocratie « illibérale ». Le retour de la question économique, sociale et démocratique opère un recentrage du débat politique sur ce qui faisait à l’origine le cœur de la justice sociale. Sans nier l’importance des questions de justice de genre, de justice ethnoculturelle, de bioéthique, etc., on peut en effet déplorer que le développement de ces thématiques dites « sociétales » au cours des dernières décennies (au moins depuis mai 1968) ait sans doute participé à occulter quelque peu la question sociale , c’est-à-dire celle des inégalités économiques, du partage de la valeur ajoutée, mais aussi du pouvoir dans la sphère de la production, des échanges et du financement de la valeur marchande. On peut d’ailleurs se demander si, inversement, le retour du social qui se profile à présent ne reviendra pas à occulter les sujets sociétaux, mais tel ne semble pas être le cas pour l’instant, les questions sociétales étant toujours présentes dans le débat public : la France continue par exemple de nourrir des débats sur la PMA, le bien-être animal, l’accueil des migrants ou le voile islamique.

En France comme dans les autres pays occidentaux, l’opposition au capitalisme néo-libéral reste d’ailleurs divisée entre droite populiste et gauche radicale essentiellement sur la base d’un clivage sociétal. Daniel Cohen et ses coauteurs, montrent même par une méthode économétrique que les deux camps semblent irréconciliables sur le plan des valeurs humanistes et, plus fondamentalement, du degré de confiance interpersonnelle . Certes, cette partition des forces « anti-système » repose aussi sur des fondements proprement économiques et sociaux puisque dans les différents pays occidentaux où elle prospère, la droite populiste s’avère hostile à la redistribution. Pour autant, il ne faut pas surévaluer ces divergences sur le registre social : même la droite populiste adopte des positions de rupture très tranchées sur certains sujets proprement économiques, comme le libre échange, remis en cause par Donald Trump, la construction européenne, dénoncée par le Brexit, l’appartenance à la zone euro, critiquée par la Lega, ou la déliquescence des services publics, vilipendée par le Rassemblement National. De plus, l’effet de la précarisation ou du déclassement social sur le vote en faveur de la droite populiste est attesté, preuve que, si cette offre politique se caractérise d’abord par la recherche de boucs émissaires (l’immigré musulman en France, latinos aux Etats-Unis, polonais en Angleterre…), son ressort profond est bien d’ordre social. La question sociale mérite donc pleinement d’être traitée, sans être occultée par la question des crispations identitaires qui se laisse largement interpréter comme un symptôme.

De la justice mondiale à la justice sociale : renouer avec le cadre national

Qu’est-ce qui nourrit ce malaise social, qui est le terreau de la contestation protéiforme du « système » ? La vieille critique marxiste de l’exploitation du travail par le capital n’est a priori pas la plus mobilisée aujourd’hui, ni la plus mobilisatrice. Elle n’a en réalité rien perdu de sa pertinence : on connait d’innombrables cas de multinationales exploitant des travailleurs sous-payés du tiers-monde, notamment des enfants ou des prisonniers, dans des conditions par ailleurs dangereuses (il n’est que de se rappeler les plus de 1 100 morts lors de l’effondrement de l’immeuble Rana Plaza le 24 avril 2013 au Bangladesh, dont les usines textile fournissaient de nombreuses marques de vêtements internationales ). Ces sujets ont d’ailleurs été depuis longtemps portés par l’altermondialisme et les tenants du commerce équitable, qui semblèrent un temps remplacer la vieille lutte des classes menée à l’échelle nationale : l’essentiel de la question sociale semblait alors se résumer, à l’heure de la mondialisation, à celle de la justice globale. Cependant, ce thème ne fait plus, semble-t-il, l’actualité de la critique sociale du capitalisme, sans doute parce que la mondialisation des chaînes de production (aujourd’hui décriée par les tenants de la relocalisation, que la crise sanitaire et écologique rend de plus en plus audibles) éloigne trop le consommateur final du travailleur, érodant les motivations de la lutte sociale pour les pays désindustrialisés. La tendance de plus en plus affirmée, dans les classes moyennes supérieures, à acheter local, répond d’ailleurs à un désir de reprise de contrôle sur les conditions de production des biens consommés, ce qui peut s’interpréter comme une forme de responsabilisation, mais elle est souvent défendue sur une base écologique ou sanitaire (dans le cas par exemple de l’agriculture biologique) qui concerne directement le consommateur dans sa santé ou son environnement. Les scandales écologiques ou  sanitaires récurrents touchant les multinationales sont donc une base solide, et tendanciellement croissante, de la remise en cause du capitalisme (typiquement, dans le contexte actuel, la dénonciation de « Big Pharma »), mais centrée sur la figure du consommateur (de lasagnes au cheval, de Mediator, de prothèses PIP, de voitures concernées par le dieselgate, de vaccins, etc.) ou de l’habitant (voisin, par exemple, de l’usine AZF ou de champs aseptisés par des pesticides contenant des perturbateurs endocriniens) plutôt que du travailleur. Cela n’exclut pas des mobilisations moins directement intéressées, notamment contre le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité ou l’épuisement des ressources naturelles, problèmes qui concernent chacun, mais qui sont d’emblée mondiaux – comme d’ailleurs la pandémie de COVID19. Cependant, même parmi les mobilisations les plus désintéressés, la question de l’exploitation demeure au second plan : les mobilisations anti-spécistes, contre l’exploitation et la souffrance des animaux, apparaissent aujourd’hui plus visibles médiatiquement et politiquement que celles qui s’opposent à l’exploitation des enfants du tiers-monde…

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Table des matières

Introduction générale
I. Derrière la crise de l’Occident : le capitalisme
A. Un besoin de justice sociale
B. Le cœur de l’injustice : l’ennemi historique, le capital
II. A la recherche d’un nouvel anticapitalisme, non plus marxiste, mais libéral
A. L’adieu à Marx
B. Le régime économique : une question institutionnelle située en amont du débat sur les politiques keynésiennes ou le laisser-faire
C. Deux écueils historiques : la sur-intervention et la sous-intervention de l’État dans les relations économiques
III. L’institutionnalisme libéral : la voie médiane entre républicanisme et libertarianisme
A. Contre le républicanisme : s’en tenir aux institutions
B. Contre le libertarianisme : tenir compte des institutions
C. L’horizon authentiquement libéral : une économie de marché post-capitaliste
Partie 1 – Partie épistémologique et positive : définir le capitalisme
Chapitre 1 – Enjeux épistémologiques : comment articuler l’analyse positive et normative ?
I. Quel cadre épistémologique pour penser l’économie ? Les apports de l’école de la régulation
A. La valeur marchande : fait naturel ou fait social ?
B. Le mimétisme du désir et de la violence
C. La puissance de la multitude et l’affect commun
II. Les trois axiomes de la science sociale girardo-spinoziste et leur contrepartie normative
A. L’hétéronomie du désir : une question de point de vue
B. Le fait institutionnel : l’émergence de structures collectives entre individualisme et holisme méthodologique
C. L’historicité : penser l’ordre et la crise
III. Intégrer l’enseignement de l’histoire sur les institutions pour borner la réflexion normative
A. Apprécier par la réflexion historique les limites du pouvoir souverain sur les institutions et les comportements
B. Pouvoir de l’État et indépendance de la société civile : une question d’abord purement positive
C. Contre l’utopie d’une destitution générale permanente
Conclusion
Chapitre 2 – Economie de marché et capitalisme
I. L’économie de marché ou le mystère de l’ordre décentralisé
A. Quelques définitions : marché, économie de marché, échange marchand, société marchande et concurrence
B. La question de la coordination marchande : ordre stable ou chaos violent ?
C. Des néoclassiques à l’école autrichienne : des tentatives pour penser l’ordre marchand
D. L’institution monétaire, fondement de l’économie de marché et de son ordre
II. Le capital : une inversion du rapport marchand
A. La guerre des farines ou l’invalidation de la théorie libérale du marché autorégulateur dès le siècle des Lumières
B. Le capital, un rapport social par lequel l’argent créé de l’argent
C. Les différentes formes institutionnelles du capital
III. Du capital au mode de production capitaliste
A. Le capital précède le mode de production capitaliste
B. La tendance du capital à s’emparer de tous les rapports sociaux
C. La capture des institutions de la production marchande par le capital
D. L’historicité du capitalisme : les modes de régulation
IV. Classes et lutte des classes
A. Capital et classes sociales
B. La portée heuristique du concept de lutte des classes
V. Relecture anthropologique du capitalisme : une réalité qui entremêle échange, hiérarchie, communisme fondamental et rapports sociaux communautaires
A. La dimension irréductiblement hiérarchique du capitalisme
B. La complexité du social : la part de communisme perdurant au sein même du capitalisme
C. Le grand oubli de David Graeber : les rapports sociaux communautaires
Conclusion
Partie 2 – Partie prescriptive : juger le capitalisme
Chapitre 1 – Fonder l’objectivité de la justice sociale
I. L’impasse de l’économie du bien-être et des théories du choix social et l’originalité de l’approche rawlsienne
A. Justice et satisfaction : deux manières de penser l’objectivité des choix politiques
B. Les comparaisons interpersonnelles : le renoncement à l’objectivité scientifique
C. La théorie du choix social : imaginer des procédures de choix collectif plutôt que fonder l’objectivité des jugements normatifs
D. Voile d’ignorance et kantisme : fonder l’objectivité des jugements normatifs sur les procédures d’universalisation de la raison
II. Institutionnalisme et rationalisme : pour une défense de l’approche rawlsienne face à ses critiques
A. La critique libertarienne : l’abandon du rationalisme, des institutions et de la responsabilité collective
B. Amartya Sen : retour à la théorie du choix collectif et refus du transcendantal
C. De Rawls à Sen : des institutions économiques au développement mondial, une régression théorique ?
D. Rawls ou Dworkin : construire des principes pour juger les institutions ou choisir par un mécanisme de marché une répartition des ressources ?
Conclusion
Chapitre 2 – Evaluer le capitalisme selon les trois principes de justice rawlsiens
I. Le capitalisme transgresse le principe d’égales libertés de base
A. Le principe de liberté s’applique-t-il à la question du régime économique ?
B. La domination du capital, ou comment la dynamique inégalitaire mine le sentiment démocratique
C. Quand la puissance de l’argent fausse le jeu démocratique
II. Le capitalisme ignore le principe de juste égalité des chances
A. Définir l’égalité des chances en renonçant à l’argument du mérite
B. Inégalités d’héritage et de talent : notre régime économique viole-t-il l’égalité des chances ?
III. Le capitalisme viole le principe de différence
A. Le refus universaliste de sacrifier les plus démunis dans la coopération sociale
B. Inégalités économiques et délitement généralisé du lien social
Conclusion
Chapitre 3 – La dynamique inégalitaire du capitalisme et le principe de différence
I. Appliquer le principe de différence : un défi méthodologique
A. Restriction du distribuendum à la richesse monétaire
B. La radicalité trop souvent inaperçue du critère de différence
C. Une version radicale et applicable du principe de différence
II. Le capitalisme en longue période : une dynamique inégalitaire injuste
A. L’apport des études statistiques de Thomas Piketty : taux de croissance, rendement du capital et inégalités
B. La réponse libertarienne : le Grand Enrichissement concomitant de l’explosion des inégalités
III. Accumulation du capital et application projective du principe de différence : une disqualification sans appel du capitalisme
A. La part des 1% dans le revenu national croit au détriment de la majorité
B. « Loi de Piketty » et interprétation projective du principe de différence : le capitalisme, un régime injuste
C. Les institutions capitalistes au cœur de l’injustice sociale
Conclusion : le régime capitaliste viole le principe de différence
Conclusion générale

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