Dérangement douloureux intervertébral (=DDIM)
Rappel examen clinique de l’épaule douloureuse non traumatique :
La prise en charge de l’épaule douloureuse non traumatique repose sur un examen clinique fin et bien mené à visée diagnostique. Il est essentiel compte tenu de la fréquence de cette pathologie en médecine générale.
Un rappel des différents éléments à rechercher est indispensable à la compréhension des mécanismes pathologiques impliqués. Nous nous appuierons sur des éléments issus de revues de la littérature en s’adaptant à la pratique quotidienne.
Il se déroule de manière méthodique de la façon suivante : interrogatoire, inspection, analyse des amplitudes articulaires, testing musculaire de la coiffe, examen acromio claviculaire, examen du rachis cervical et palpation musculaire fine. Il doit être complété par un examen neurologique précis en cas de doute sur une atteinte d’une racine nerveuse.
Interrogatoire
Le thérapeute faisant face à un patient atteint d’une douleur chronique d’épaule sans élément traumatique récent doit faire préciser des paramètres importants pour en comprendre l’étiologie.
L’âge nous oriente vers plusieurs situations pouvant expliquer la nature et la physiopathologie de la plainte des patients. Chez les sujets âgés, on retrouve préférentiellement une origine dégénérative ou des microtraumatismes répétés pouvant entrainer des ruptures tendineuses de la coiffe (qu’elles soient primaires ou secondaires à une autre dysfonction). Chez le sujet jeune, nous évoquons en priorité les instabilités répétées ou les syndromes canalaires. Cet élément de l’interrogatoire nous renvoie aux stades évolutifs de Neer (19) (Tableau II).
Les activités domestiques, professionnelles mais aussi sportives sont essentielles à la compréhension des mécanismes impliqués. La décomposition du geste réalisé est primordiale pour le praticien afin d’assimiler les structures anatomiques les plus sollicités. Les principaux facteurs de risque professionnels sont la répétition des mouvements, la charge et la posture du bras en flexion ainsi qu’une abduction de plus de 60° (24). Le travail au-dessus de l’épaule, défini par un travail exigeant que les mains dépassent la hauteur des épaules (25), est également un facteur favorisant les troubles musculo squelettiques de l’épaule. En France, cette pathologie peut être reconnue comme maladie professionnelle dans un certain nombre de cas répondant à des critères spécifiques selon le geste effectué. (Tableau 39A du régime agricole et 57A du régime général) (26).
En terme sportif, les gestes réalisés de manière répétée à des vitesses angulaires importantes et/ou des amplitudes extrêmes favorisent la survenue de lésions du complexe articulaire de l’épaule(27). Les sports les plus à risque sont notamment les sports de lancer et la natation(28). Concernant les sports collectifs nécessitant l’utilisation préférentielle des membres supérieurs, il faut interroger le patient à propos des spécificités du poste occupé afin d’évaluer la proportion de gestes réalisés mais aussi le risque de lésions traumatiques extrinsèques. Est également à considérer le nombre d’heures d’activité hebdomadaires et la qualité des échauffements réalisés.
Il faut tenir compte des travaux domestiques faisant appel au membre supérieur notamment le jardinage, le bricolage et les activités ménagères.
Le coté dominant représente un élément important à rechercher. En cas d’atteinte de douleur d’épaule du coté dominant, les conséquences fonctionnelles seront plus marquées(29).
Les antécédents médicaux généraux sont un préalable indispensable à l’orientation diagnostique. Ils peuvent faire suspecter une arthropathie gléno-humérale inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde, pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR), spondylarthropathie), une origine métabolique (chondrocalcinose), capsulite rétractile (diabète, dysthyroïdie, déficit neurologique moteurs central) ou bien même une origine extra articulaire pleuro-pulmonaire (tabagisme actif et exposition professionnelle en tant que facteur de risque de cancer de l’apex pulmonaire), cardiaque (facteurs de risque cardio vasculaire), digestive (antécédents hépato-biliaires) (Fig 24).
La iatrogénie doit être recherchée notamment la prise d’un traitement antibiotique par Fluoroquinolone pourvoyeur de tendinopathie.
Les antécédents traumatiques de la région scapulo humérale même anciens peuvent nous guider sur le mécanisme physiopathologique expliquant la plainte du patient. Ils peuvent être de plusieurs types : direct (ex : fracture tubérosité humérale, rupture traumatique de coiffe dégénérative), indirect (rupture tendineuse par contraction/étirement brutal) ou mixte (luxation gléno-humérale antéro-interne avec rupture de coiffe dégénérative associée). Il faut également penser à demander la notion de traumatisme cervical ancien pouvant générer des douleurs projetées secondaires.
Après avoir récolté les éléments concernant le terrain, il s’agit de s’intéresser aux symptômes pour lequel le patient consulte.
En premier lieu, la douleur et ses caractéristiques (siège, irradiation, intensité, type, horaire, mode de début, facteur aggravant et facteur apaisant) sont fondamentales. C’est à ce stade que l’on doit éliminer les « red flag ou drapeaux rouges » nous faisant suspecter une étiologie non mécanique de type inflammatoire, infectieuse ou tumorale. Des éléments tels qu’une altération de l’état général (asthénie, anorexie, amaigrissement), une fièvre, une douleur de rythme inflammatoire, un antécédent de tumeur maligne ou bien des signes inflammatoires locaux (rougeur, chaleur, oedème) doivent alerter le clinicien et l’orienter vers une étiologie autre que mécanique (7). Pour certains, le caractère nocturne de la douleur peut s’intégrer dans les problème de tendinopathie de la coiffe en fonction de la position du membre supérieur pouvant mettre en tension les structures péri-articulaires (31). L’origine extra articulaire sera suspectée également à ce moment de l’interrogatoire.
En présence d’une douleur mécanique pure, le siège de la douleur et ses caractéristiques nous guident vers le diagnostic étiologique.
• Aigue, intense associée à une impotence fonctionnelle importante évoque une bursite aigue sous acromiale par souffrance tendineuse avec +/- résorption d’une calcification.
• Sous-acromiale antérieure, augmentée à l’antéflexion et l’abduction de l’épaule en rotation externe oriente vers une tendinopathie du long biceps
• Sous-acromiale latérale, en regard du V deltoïdien, augmentée à l’abduction, évoque une tendinopathie du supra-épineux.
• Antérieure, majorée par adduction horizontale évoque une tendinopathie par conflit antéro-interne ou une pathologie acromio-claviculaire, et aussi un dysfonctionnement sterno-claviculaire.
• Profonde, sourde, à type de brûlure, à horaire mixte avec prédominance nocturne, péri scapulaire évoque une origine neurologique que ce soit le nerf supra-épineux ou thoracique long mais aussi radiculaire en cas d’irradiation ascendante cervico-scapulaire.
A cela, il faut intégrer la présence de cervicalgie associée à une éventuelle restriction de mobilité qui peut orienter vers une douleur d’origine cervicale irradiée.
L’impotence fonctionnelle peut être de deux types :
• En lien avec la poussée douloureuse et limitant les mobilités de l’épaule dans différents plans.
• Non en lien avec les douleurs, il est alors indispensable d’évoquer une rupture dans la chaine neuro-myo-teno-osseuse à la recherche d’une lésion neurologique (plexique ou radiculaire), d’une insuffisance musculaire, d’une tendinopathie ou fracture éventuelle.
La perception d’un ressaut correspond à un défaut de congruence entre deux surfaces ou d’une mobilité tendineuse anormale sur le relief osseux (tendon du long biceps sub-luxé au niveau de la gouttière).
Un arc douloureux souvent entre 60 et 120° lors d’un mouvement combiné de flexion et abduction peut faire évoquer une tendinite de la coiffe ou une bursite (32). Il correspond à une mise en contrainte des parties molles péri-articulaire lors de l’insertion des tubercules de la tête humérale dans l’espace sous acromio-coracoïdien. Cet élément est peu spécifique et reste sujet de controverse.
Enfin, l’instabilité est également un symptôme rencontré en pratique courante. Elle peut être en lien avec une laxité capsulo ligamentaire confirmée à l’examen physique ou liée à une dysfonction neuro musculaire. L’instabilité est présente lorsque les éléments passifs (labrum, capsule articulaire, ligaments gléno-huméraux) ou actifs (tendinopathie de coiffe, déficit neurologique, insuffisance musculaire, déséquilibre des rotateurs) de l’articulation gléno-humérale sont défaillants. La tête humérale peut alors se décentrer et avoir une tendance à ascensionner. Associé à un craquement, l’instabilité nous oriente vers une déchirure potentielle du labrum (33).
Examen clinique
Il s’effectue de manière programmée selon six étapes consécutives : inspection, évaluation des amplitudes articulaires actives et passives, testing musculaire, manoeuvre de conflit, instabilité et palpation.
➢ Inspection
Elle se réalise successivement de face et de dos au patient de manière statique puis dynamique.
Tout d’abord, de face, il s’agit de repérer une éventuelle cicatrice non définie à l’interrogatoire. Une déformation au niveau acromio-claviculaire et/ou sterno-claviculaire ou parfois gléno-humérale peuvent être séquellaires de disjonction ou fracture ancienne. Au niveau de la face postérieure de la scapula en statique, l’intérêt est de rechercher une amyotrophie des fosses supra et/ou infra-épineuses pouvant être le témoin d’une amyotrophie des muscles supra ou infra-épineux en lien avec une rupture de la coiffe ou bien une lésion du nerf sus-épineux. Dans de rares cas, une amyotrophie de la partie postéro supérieure de la fosse supra-épineuse dans la cadre d’une épaule tombante avec perte d’asymétrie de la région scapulo-cervicale, peut être le reflet d’une amyotrophie du trapèze secondaire à une atteinte du nerf spinal XI. Enfin, nous pouvons retrouver une asymétrie en regard du moignon de l’épaule en faveur d’une amyotrophie secondaire du deltoïde dans la cadre d‘atteintes neurologiques (Parsonage Turner ou lésion nerf axillaire).
L’inspection dynamique du complexe scapulo-huméral effectuée de manière bilatérale et comparative apporte des informations essentielles. C’est lors de ce moment que peuvent être mis en évidence un déficit des mouvements de bascule et de sonnette interne et/ou externe témoins d’une dysfonction des muscles impliqués dans le rythme scapulo-huméral (cf chapitre précédent). Un décollement du bord interne de la scapula oriente vers un déficit des muscles fixateurs de la scapula (rhomboides, trapèze, grand dentelé). Si ce décollement se majore lors des mouvements d’élévation antérieure, alors il est en faveur d’un déficit du grand dentelé en rapport avec une atteinte du nerf thoracique long (ou nerf de Charles Bell).
La dernière partie de l’inspection consiste à rechercher des troubles posturaux tels qu’une hypercyphose thoracique, une hypolordose cervicale avec bascule de tête antérieure et/ou une position antériorisée des moignons de l’épaule. Ces troubles posturaux entrainent la scapula en avant et latéralement avec pour conséquence un réajustement de la tonicité des muscles scapulaires mais également un déséquilibre entre rotateurs médiaux et latéraux du fait de la perte de force des rotateurs médiaux. A terme, cela favorise un décentrage de la tête humérale et peut être source de conflit sous acromial antérieur. Cette étape de l’examen comprend la recherche de scoliose thoraco lombaire entrainant une asymétrie posturale majorée et pourvoyeur de déséquilibres importants notamment au niveau scapulaire.
➢ Amplitudes articulaires
Les amplitudes articulaires sont étudiées de manière bilatérale et comparative classiquement lors des mouvements passifs (sans participation du patient) puis lors de mouvements actifs (effectués par le patient seul). Ces amplitudes peuvent être mesurées à l’aide d’un goniomètre.
Les mouvements passifs sont réalisés debout ou en décubitus dorsal pour certains auteurs (le décubitus permettant de limiter les compensations rachidiennes). Les gestes effectués sont une flexion antérieure (FA), une abduction (Abd), puis les rotations externes selon 3 positions (RE1, RE2 et RE3) (Fig 20). Enfin, la dernière cotation se réalise en mettant la main dans le dos du patient permettant de coter la rotation interne et l’abduction de manière combinée selon le niveau rachidien atteint. Cette position est souvent la plus douloureuse lors des manoeuvres mis en oeuvre.
Les mouvements actifs sont réalisés debout afin d’observer correctement la mise en action du complexe scapulo-huméral et du rachis. Le patient opère les gestes de manière synchrone avec les deux membres supérieurs afin de potentialiser la découverte d’une anomalie du rythme scapulo-huméral (Figure 24). La séquence des positions est la même que celle des mouvements passifs. Le respect d’un enchainement standardisé selon l’examinateur permet de limiter le risque d’oubli. Les éléments à rechercher sont une limitation d’amplitude (douloureuse ou non), une rupture du rythme scapulo-huméral ou un arc douloureux.
La rupture du rythme scapulo huméral correspond principalement à une compensation de l’articulation scapulo-thoracique dans les mouvements limités par une atteinte de l’articulation gléno-humérale (cpasultire, arthropathie). Il s’agit d’une dysfonction du complexe scapulo-thoraco huméral où dès les premiers degrés du mouvement, l’articulation scapulo-thoracique se met en action précocement et de manière excessive notamment en flexion et en abduction. Cette rupture du rythme peut également être secondaire à une dysfonction de la chaine neuro-myo-téno-osseuse (neuropathies de l’épaule, tendinopathie simple, rompue ou calcifiante du supra-épineux, fracture tubérositaire humérale).
L’analyse et la comparaison des restrictions de mobilités actives et passives informent sur les différents tableaux :
Lorsque les amplitudes actives et passives sont limitées, nous faisons face soit à :
• Une restriction capsulaire sur capsulite rétractile se traduisant par une limitation des mouvements notamment en abduction et en rotation externe.
• Une restriction articulaire au niveau de la gléno-humérale (d’origine dégénérative ou inflammatoire). La restriction de mobilité est moins systématisée, s’y associent souvent des douleurs de rythme inflammatoire dans le cas des arthropathies inflammatoires.
Lorsque les amplitudes actives sont altérées comparativement aux amplitudes passives conservées, nous sommes en présence d’une rupture de la chaine neuro-myo-téno-osseuse. Cette dysfonction peut être causée par une atteinte neurologique, une dysfonction tendino-musculaire ou une éventuelle fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus.
La reproductibilité inter et intra examinateur des amplitudes actives et passives évaluée au cours de plusieurs études récentes est considérée comme forte (Cci/Coefficient ƙ> 0.8) (34,35).
Examen de la coiffe des rotateurs
Il existe de nombreux tests cliniques décris pour explorer la coiffe mais également les conflits et l’instabilité du complexe de l’épaule. Nous détaillerons dans ce chapitre les tests les plus fréquemment pratiqués et validés. Ils ont pour but d’orienter le diagnostic de la lésion tendineuse et d’aider à comprendre le mécanisme à l’origine de la souffrance du patient. Certains tests ont été validés par des études bien menées. L’examen de l’épaule est soumis à l’expérience de l’examinateur mais aussi à l’importance de la douleur du patient qui peut parfois limiter la validité des tests pratiqués.
Nous tiendrons également compte des tests les plus fréquemment utilisés en pratique de médecine générale (8). Plusieurs auteurs ont réalisé des revues de littérature récemment à propos des tests les plus courants(36–38). Les différentes études n’ont pas de critère de référence standard (confrontation chirurgicale, radiologique ou infiltration anesthésique locale), ce qui tend à prouver que ces tests doivent encore faire l’objet de travaux bien menés.
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Table des matières
RESUME
INTRODUCTION
1. Epaule douloureuse chronique non traumatique :
1.1. Données générales
1.2. Etat des lieux en France
1.3. Médecine manuelle ostéopathique (MMO) et douleur d’épaule
2. Rappel d’anatomie descriptive et fonctionnelle :
2.1. Principes fondamentaux et conventions
2.2. Anatomie descriptive
2.3 Anatomie fonctionnelle
3. Rappel examen clinique de l’épaule douloureuse non traumatique :
3.1. Interrogatoire
3.2. Examen clinique
4. Point sur l’imagerie
4.1. Radiographie standard
4.2. Echographie
MÉTHODES
RÉSULTATS
1. Généralités
2. Caractéristiques de la population étudiée
3. Signes cliniques de médecine manuelle ostéopathique
3.1. Dérangement douloureux intervertébral (=DDIM)
3.2. Syndromes myofasciaux
3.3. DDIM et zones gâchettes musculaires
3.4. Pathologies communes
3.5. Cervicalgies et pathologie de médecine manuelle ostéopathie
DISCUSSION
1. Généralités
2. Méthodologie
3. Résultats et validité
4. Réflexion et enseignement
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIERES
ANNEXE I
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