Dépression et grossesse

De la conception d’un enfant à la première année de vie du bébé, la période périnatale constitue une transition psychologique et sociale majeure (Brotherson, 2007 ; de Montigny, Lacharité, & Devault, 2012 ; Halle et al., 2008 ; Ryan, Toloni, & Brooks-Gun, 2009). Toute période de transition peut révéler des vulnérabilités personnelles, or la grossesse et la naissance d’un enfant au sein d’une famille peuvent représenter des facteurs de stress potentiels, d’où une situation de particulière vulnérabilité (Kurtz Landy, Sword, & Ciliska, 2008 ; Lessick et al., 1992; Rogers, 1997).

La période périnatale est notamment une période à risque pour le développement de difficultés psychologiques chez les mères, et ceux de type dépressif se révèlent relativement fréquents. Les conséquences de telles difficultés sur la femme, sur l’enfant et plus globalement sur l’entourage peuvent être potentiellement graves. Malgré ces constats largement diffusés dans la littérature internationale et par les organismes de santé publique, les troubles dépressifs périnataux restent insuffisamment repérés et traités. Ces difficultés peuvent provenir du manque de connaissances sur les troubles de la part des professionnels de la santé périnatale, tout comme sur leurs facteurs de risque potentiels. Peut s’en suivre un défaut de repérage et donc d’adressage de ces femmes vers des spécialistes de la santé mentale et donc un défaut d’accès aux soins psychiques chez ces dernières.

Toute femme ayant eu un enfant serait susceptible de développer une symptomatologie dépressive, cependant la littérature rapporte des facteurs de risque spécifiques pour de tels troubles (Gaynes et al., 2005). Concernant l’étiologie des troubles dépressifs périnataux, il est maintenant admis qu’il n’existe pas de cause unique. Les études sur les facteurs biologiques et génétiques des troubles de l’humeur montrent qu’il s’agit de pathologies complexes, et concluent que même si un individu présente une vulnérabilité ou une prédisposition génétique pour développer une dépression, interagissent aussi des facteurs psychosociaux et environnementaux pouvant venir déclencher la pathologie dépressive (Robertson, Grace & Stewart, 2003). Pourtant, relativement peu d’études se sont intéressées aux interrelations potentielles et processus sous jacents entre les facteurs de risque de survenue de difficultés psychologiques au cours de la période périnatale. Quelques modèles théoriques multifactoriels explicatifs des problèmes de santé mentale maternelle ont été développés mais aucun, à notre connaissance, n’a été testé au sein d’un large échantillon de femmes en France.

DEPRESSION ET PERINATALITE

Dépression et grossesse

Prévalence et sémiologie 

Les troubles dépressifs au cours de la grossesse sont aujourd’hui mieux explorés, bien que la littérature sur ce sujet soit moins dense que pour les troubles dépressifs postnataux. Les taux de prévalence mis en évidence varieraient en fonction de l’intensité de la dépression. La méta-analyse de Gaynes et al. (2005), ayant conduit à un rapport pour « l’Agency for Health Care Research and Quality », met en avant une prévalence allant de 8,5% à 11% aux différents trimestres de la grossesse lorsque à la fois les épisodes dépressifs majeurs et mineurs sont considérés. Lorsque seuls les épisodes dépressifs majeurs sont pris en compte, des taux plus faibles sont mis en évidence : de 3,1 à 4,9%, aux différents trimestres de la grossesse (Gaynes et al., 2005). L’étude de Benett (2004), montre une prévalence qui varie selon le trimestre de la grossesse, avec des taux de 7,4%, 12,8% et 12% respectivement pour le premier, deuxième et troisième trimestre.

La dépression anténatale ne présente pas de caractéristiques sémiologiques spécifiques : elle prend le plus souvent la forme d’une dépression classique d’intensité légère. Le début est le plus souvent insidieux, avec apparition d’une humeur triste, d’une asthénie, d’une irritabilité, mais également une péjoration de l’avenir et une mauvaise estime de soi. La spécificité de cette dépression tient à la fréquence des inquiétudes par rapport à la grossesse, l’accouchement et la santé du nouveau-né. Des préoccupations disproportionnées quant au devenir de l’enfant ou sur la capacité à devenir mère sont également souvent décrites (Murray, Cooper, & Hipwell, 2003). L’expression du malaise peut, pour certaines femmes, être formulée au travers de plaintes somatiques au premier plan. L’identification par les professionnels obstétriciens, sages-femmes ou médecins traitants peut être délicate car les symptômes dépressifs peuvent être difficiles à distinguer des « maux de la grossesse » (troubles du sommeil, fatigue) (Bowen & Muhajarine, 2006). Cet état de fait peut en partie expliquer pourquoi la dépression anténatale est souvent non reconnue et non traitée (Marcus, 2009).

Conséquences pour la mère et l’enfant

La dépression anténatale serait un facteur de risque pour la survenue de complications physiques et psychiques au cours de la grossesse et/ou dans le postpartum pour la mère comme pour l’enfant.

o Sur le déroulement de la grossesse et l’accouchement

D’un point de vue biologique, la dépression pendant la grossesse pourrait induire des modifications de la physiologie chez le fœtus. Les fœtus de mères déprimées pendant la grossesse présenteraient un rythme cardiaque plus rapide (Allister, Lester, Carr, & Liu, 2001), des niveaux d’activité plus élevés (Dieter et al., 2001) et une réactivité physiologique augmentée (Monk et al., 2004). Quelques études ont trouvé des liens significatifs entre l’existence d’une dépression anténatale et la survenue d’avortements spontanés dans le premier trimestre de la grossesse (Nakano et al., 2004 ; Sugiura-Ogasawara et al., 2002), des taux élevés d’anomalies placentaires (Jablesky, Morgan, Zubrick, Bower, & Yellachich, 2005) ou des pré-éclampsies (Kurki, Hiilesmaa, Raitasalo, Mattila, & Ylikorkala, 2000). Les femmes déprimées pendant la grossesse accoucheraient significativement plus prématurément que les autres (Jesse, Seaver, & Wallace, 2003 ; Moncuso, Schetter, Rini, Roesch, & Hobel, 2004 ; Orr, James & Blackmore Prince 2002) et leurs bébés nécessiteraient davantage d’hospitalisations du fait de complications postnatales (dysplasies pulmonaires ou encore hémorragies intraventriculaires) que ceux dont les mères accouchent à terme (Chung, Lau, Yip, Chlu, & Lee, 2001). Un plus grand risque de bas poids de naissance (< 2500 grammes) a pu également être retrouvé chez des nouveau-nés de mères déprimées (Field et al., 2004 ; Hoffman & Hatch, 2000).

Dans leur revue de littérature, Alder et al. (2007) montre une augmentation du risque de complications de la grossesse lorsque la mère présente des symptômes dépressifs et/ou anxieux de la grossesse. Par la suite, la méta-analyse de Grote et al. (2010) portant sur l’association entre la présence d’une dépression maternelle au cours de la grossesse et (i) un retard de croissance intra-utérin, (ii) un risque d’accouchement prématuré et/ou (iii) un bas poids de naissance a montré un risque augmenté d’accouchement prématuré et de bas poids de naissance chez des femmes déprimées au cours de la grossesse. Encore plus récemment, la méta-analyse de Grigoriadis et al. (2013) a montré que la présence d’une dépression chez les femmes au cours de la grossesse était surtout associé à un risque augmenté d’accouchement prématuré bien que l’effet était jugé modeste (OR=1,37 ; IC95%, 1,04-1,81 ; p=0,02).

Aucune association significative n’a été retrouvée dans cette étude entre la survenue d’une pré-éclampsie, l’âge gestationnel, le bas poids de naissance, le score d’Apgar (à 1 et 5 minutes) ou encore une admission en néonatalogie et la présence d’une dépression maternelle au cours de la grossesse dans les analyses principales. Cependant, selon les auteurs de ces méta-analyses, la comparabilité des résultats des études est rendue compliquée par la diversité des définitions et des mesures de la dépression utilisées ainsi que par les périodes d’évaluation considérées au cours de la grossesse. De plus, ces travaux ne prennent que rarement en compte l’existence d’une consommation de substances et/ou d’éventuels traitements psychotropes au cours de la grossesse, ce qui est potentiellement fréquent dans cette population de femmes. Pourtant, l’augmentation du risque de complications néonatales chez les enfants exposés in utéro à des traitements psychotropes a pu être soulignée par de nombreux travaux (Boden et al., 2012 ; Calderon-Margalit, Qiu, Ornoy, Siscovick, & Williams, 2009 ; Huang, Coleman, Bridge, Yonkers, & Katon, 2014 ; Reis & Kallen, 2010; Ross et al., 2013 ; Sadowski, Todorow, Yazdani Brojeni, Koren, & Nulman, 2013; SutterDallay et al., 2015).

o Sur le bébé, l’enfant

Certaines travaux ont étudié le comportement à la naissance de bébés de mères déprimées au cours de la grossesse, à partir d’évaluations dans les premiers jours de vie, via l’échelle néonatale de comportement de Brazelton : the Neonatal Behavioral Assessment Scale (NBAS) . Cette échelle s’utilise depuis la naissance jusqu’au premier mois d’âge corrigé du bébé et permet notamment de renseigner 7 dimensions : habituation ; orientationinteraction ; organisation motrice ; organisation des états d’éveil ; régulation des états d’éveil ; stabilité du système nerveux autonome ; réflexes. Les bébés de mères déprimées pendant la grossesse présentaient une irritabilité plus importante et des scores plus faibles aux items d’orientation et moteurs (Field, Hernandez-Reif, & Diego, 2006). Ils étaient également moins attentifs et moins réceptifs à la stimulation visuelle et vocale (Field, Diego, & Hernandez-Reif, 2009).

Dans d’autres études, des pleurs plus fréquents ont été mis en évidence chez des bébés âgés de 3 mois dont les mères étaient déprimées au cours de la grossesse (Milgrom, Westley, & McCLoud, 1995 ; van der Wal, van Eijsden, & Bonsel, 2007). Chez des enfants plus grands, une étude prospective entre 2004 et 2006 de Gerardin et al. (2011) a montré, une prédominance de troubles anxieux et de troubles du sommeil chez des enfants âgés d’un an dans des cas de stress et de dépression anténatale maternelle, surtout chez les garçons. Enfin, l’étude de cohorte ALSPAC (Avon Longitudinal Study of Parents and Children) montre la présence de retards développementaux chez des enfants de 18 mois dont les mères étaient déprimées au cours de la grossesse (Deave, Heron, Evans, & Emond, 2008).

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Table des matières

Introduction
A – Partie théorique
I. DEPRESSION ET PERINATALITE
1. Dépression et grossesse
1.1. Prévalence et sémiologie
1.2. Conséquences pour la mère et l’enfant
1.3. Facteurs de risque
1.4. Evolution
2. Dépression et post-partum
2.1. Le « Blues » du postpartum
2.2. La « Dépression postnatale » (DPN)
2.2.1. Définition et sémiologie
2.2.2. Prévalence
2.2.3. Diagnostic
2.2.3.1. Problèmes nosographiques
2.2.3.2. Méthodes d’évaluation
2.2.4. Conséquences potentielles
3. Les facteurs de risque de DPN
3.1. Facteurs de risque les plus impliqués : ceux relatifs à une vulnérabilité personnelle
3.1.1. Les symptômes dépressifs et/ou anxieux au cours de la grossesse
3.1.2. Les antécédents personnels et familiaux de dépression
3.2. Facteurs de risque ayant un impact modéré : facteurs psychosociaux et ceux relatifs à l’enfant
3.2.1. Les événements de vie
3.2.2. Le soutien social
3.2.3. Les facteurs liés à l’enfant et aux interactions
3.3. Facteurs ayant un impact modéré à faible : facteurs psychologiques et interpersonnels
3.3.1. La Personnalité et les facteurs psychologiques
3.3.2. Les relations interpersonnelles stressantes
3.4. Facteurs de risque les moins impliqués : facteurs obstétricaux et statut socioéconomique
3.4.1. Les complications obstétricales
3.4.2. Le statut socioéconomique
3.5. Facteurs biologiques
4. Synthèse de la partie « Facteurs de risque de DPN»
II. MODELISATIONS THEORIQUES
1. Les modèles linéaires
2. Le modèle intégratif et multifactoriel en psychologie de la santé
3. Les modèles biopsychosociaux dans le contexte périnatal
3.1. Exemple d’un modèle biopsychosocial périnatal testé
3.2. Le modèle biopsychosocial de Milgrom, Martin, & Negri (1999)
3.2.1. Facteurs de vulnérabilité
3.2.2. Facteurs déclenchants
3.2.3. Facteurs de persistance
3.2.4. Facteurs culturels
3.3. Le modèle psychosocial de la dépression anté et postnatale et du stress parental de Leigh & Milgrom (2008)
4. Synthèse de la partie « Modélisations Théoriques »
III. PREVENTION ET DEPISTAGE
1. Le contexte périnatal
2. La question du dépistage systématique dans les pays étrangers
3. Le cas de la France
IV. ACCES AUX SOINS EN PERIODE PERINATALE
1. Accès aux soins liés au suivi de la grossesse
2. Accès aux soins psychiques
B – Problématique et objectifs
C – Méthodologie de l’étude ELFE
I. CADRE DU TRAVAIL DE RECHERCHE
1. Présentation générale de l’étude ELFE
2. Méthodologie de l’étude ELFE
2.1. Population et critères d’inclusion
2.2. Procédure
2.2.1. Enquête à la naissance
2.2.2. Enquête à 2 mois post-partum
D – Etudes personnelles
Conclusion

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