Emergence du thème
Définition du thème
Le thème général de cette recherche mérite d’être éclairci. En nous basant sur les champs disciplinaires cités auparavant, les termes « santé mentale », adulte », « troubles dépressifs » et « approche ergothérapique » seront développés.
❖ Adulte
Le thème de cette recherche porte sur un public adulte, qui est un terme fréquent mais qui reste à définir. En effet, le concept de l’adulte et l’âge adulte sont deux sujets différents mais intimement liés. Définir le concept de l’adulte est complexe, bien que ce terme fasse partie du langage courant. La notion de l’adulte a évolué au cours du temps et selon les cultures. A ce jour, le sens courant renvoie à des « caractéristiques convergentes », telles que « la maturité acquise et vécue ; la normalité qui sert de continuelle référence ; le modèle idéalisé auquel s’identifient jeunes et vieux sur un mode anticipateur pour les premiers, nostalgique pour les seconds » (1). De nombreuses définitions sont développées dans différents champs de pratique, tels que les sciences sociales, médicales, philosophiques, psychologiques. Si ce concept varie selon les cultures, il n’est pas étonnant d’observer à travers le monde, des âges de « majorité civile » différents selon les législations des pays : c’est à cette majorité civile qu’une personne sera reconnue par l’Etat comme étant responsable et actrice de ses dispositions d’ordre civil et d’ordre pénal. En France, la loi fixe la majorité à 18 ans . La recherche s’appuiera implicitement sur les différentes législations des pays interrogés tout au long de l’étude, sans détailler l’âge de majorité de chaque pays.
❖ Troubles dépressifs
Le questionnement de départ porte sur les adultes souffrant de troubles dépressifs. Afin de mieux cerner la pathologie, la recherche se basera sur le terme utilisé dans le DSM-5 : troubles dépressifs. Cependant, le manuel classifie plusieurs types de troubles dépressifs : trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle, trouble dépressif caractérisé (ou épisode dépressif caractérisé), trouble dépressif persistant (ou dysthymie), trouble dysphorique prémenstruel, trouble dépressif induit par une substance ou un médicament, trouble dépressif dû à une autre affection médicale, trouble dépressif autre spécifié, trouble dépressif non spécifié. Ces troubles comportent des « caractéristiques communes », telle que « la présence d’une humeur triste, vide ou irritable, accompagnée de modifications somatiques et cognitives qui perturbent significativement les capacités de fonctionnement de l’individu. Ces troubles se différencient entre eux par leur durée, leur chronologie et leurs étiologies présumées » (2). Afin de préciser le thème de la recherche, il est nécessaire de définir la population à étudier. La recherche exclue les troubles disruptifs avec dysrégulation émotionnelle qui sont relatifs aux enfants, ce qui ne correspond pas à la population étudiée pour la recherche. Les troubles dysphoriques prémenstruels sont également exclus car sont spécifiques à une population restreinte qui ne concerne pas le thème général de cette recherche, de la même manière que pour les troubles dépressifs induits par une substance ou un médicament. Les troubles liés à une autre affectation médicale, spécifiés et non spécifiés ne sont également pas retenus. Les troubles dépressifs persistants, ou dysthymies, se distinguent des troubles dépressifs caractérisés par une notion de temporalité : les troubles dépressifs persistants font partie des affectations chroniques avec une durée des symptômes supérieure à deux ans, tandis que les troubles dépressifs caractérisés requièrent une durée des symptômes entre deux semaines et deux ans. Le DSM-5 précise que « les individus dont les symptômes remplissent les critères de trouble dépressif caractérisé pendant 2 années doivent recevoir un diagnostic de trouble dépressif persistant et d’un trouble dépressif caractérisé ». Cependant, « une dépression caractérisée peut précéder le trouble dépressif persistant et des épisodes dépressifs caractérisés peuvent survenir au cours d’un trouble dépressif persistant ». Les troubles dépressifs persistants sont donc exclus. (2) La CIM-10 regroupe, de la même manière que le DSM-5, les symptômes de l’épisode dépressif caractérisé. Les symptômes majeurs permettant le diagnostic sont « une humeur dépressive, une diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir, une réduction de l’énergie ou une augmentation de la fatigabilité ». D’autres signes cliniques sont notables, comme le sentiment de dévalorisation, de culpabilité, la présence d’idées noires voire suicidaires, la présence de troubles cognitifs et de la concentration notamment, des difficultés à élaborer une pensée, la présence de troubles du sommeil et de troubles alimentaires.
L’approche psychodynamique propose une autre classification des dépressions selon la structure psychique de la personne. Trois sont notables : la dépression névrotique, la dépression sur une structure limite, et la dépression psychotique. Ces dénominations ne sont pas retenues car n’appartiennent pas au langage de la plupart des études portant sur les troubles dépressifs. Un tableau récapitulatif des différents types de dépressions selon cette approche est répertorié en annexe .
➔ La recherche retient donc seulement les troubles dépressifs caractérisés, ou épisodes dépressifs caractérisés. Nous gardons en tête les difficultés diagnostiques des troubles dépressifs, qui pourraient biaiser certaines étapes de la recherche.
Les traitements des troubles dépressifs caractérisés consistent à la « réduction des symptômes et de leurs conséquences fonctionnelles » et à « la prévention de rechutes et récidives ultérieures ». Les symptômes peuvent perdurer entre 6 à 12 mois, « en l’absence de prise en charge ». La rémission est possible, malgré des « risques de rechute (au cours du traitement), de récidive (après une rémission), et de chronicité ». (4) La Haute Autorité de Santé (HAS) s’est appuyée sur de nombreuses études afin de créer un guide de recommandation de bonne pratique dans le cas d’un épisode dépressif caractérisé de l’adulte en prise en charge en soins de premier recours (Cf. Annexe 3 p.50). Les différentes approches psychothérapiques probantes sont : « la psychothérapie de soutien ; les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ; les psychothérapies psychodynamiques ou d’inspiration analytique ; les thérapies systémiques ». La HAS note également « la psychothérapie interpersonnelle (TIP) ou la thérapie d’acceptation et d’engagement ». Les traitements antidépresseurs sont recommandés selon le degré de sévérité des troubles dépressifs, pour une durée totale de 6 mois à 1 an. Il est également spécifié que la prise en compte de l’entourage des personnes souffrant de troubles dépressifs est importante .
❖ Approche ergothérapique
L’ergothérapie est une discipline qui se base sur les sciences de l’occupation. Reconnue par l’Etat comme une profession de rééducation, réadaptation et réinsertion auprès des personnes en situation de handicap, l’ergothérapie a surtout une approche centrée sur les « interactions entre personne – activité – environnement ». L’occupation est spécifiée, selon la définition anglo-saxonne, comme « un groupe d’activités, culturellement dénommées, qui ont une valeur personnelle et socioculturelle et qui sont le support de la participation à la société ». Cette définition illustre parfaitement la spécificité de l’ergothérapie : le « potentiel thérapeutique de l’activité ». L’ergothérapeute intervient dans l’adaptation du trio interactif personne – activité – environnement : il évalue et accompagne la personne en situation de handicap à réaliser une activité qui a du sens pour elle dans son environnement. Le but est de lui permettre ou d’améliorer la réalisation d’activités diverses.
Une approche est une « représentation mentale simplifiée d’un processus qui intègre la théorie, les idées philosophiques sous-jacentes, l’épistémologie et la pratique ». En ergothérapie, MorelBracq parle de « modèles conceptuels » : les modèles généraux, les modèles appliqués et les modèles de pratique. Tandis que les modèles généraux « peuvent être utilisés dans de nombreuses situations professionnelles », les modèles appliqués « s’adaptent à certaines pathologies ou situations », et engendrent les modèles de pratique « qui décrivent des évaluations et des techniques spécifiques ». La recherche parlera essentiellement des modèles appliqués tout au long de l’étude. Il est à noter qu’il n’y a pas de modèle plus valable qu’un autre, puisque ceux-ci sont utilisés selon les « courants qui guident la démarche […] de l’ergothérapeute ». En d’autres termes, l’approche en ergothérapie permet d’orienter le processus d’intervention, d’avoir une vision spécifique en prenant de la hauteur sur une situation.
Enjeux et utilité professionnelle
Enjeux de santé publique
D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les troubles dépressifs sont la cause la plus importante responsable d’incapacités à l’échelle mondiale. Un quart de la population européenne présenterait des troubles dépressifs au moins une fois au cours de sa vie, ce qui représente un coût considérable en matière de santé (12). Les troubles dépressifs seraient des facteurs ou des conséquences fréquentes de comorbidités, ce qui explique des coûts en santé d’autant plus conséquents. La rechute de troubles dépressifs est fréquente, ce qui augmente le risque accru de chronicisation de la pathologie (2). Le risque de suicide constitue également « un enjeu majeur de santé publique » ainsi que des enjeux éthiques : en effet, le taux de suicides varie entre 5 et 20%, un chiffre impactant (13,14). Les recommandations mises en place par l’OMS ainsi que les chiffres, montrent qu’il y a un enjeu au niveau de la santé publique.
Enjeux professionnels
L’ergothérapie est une discipline qui intervient auprès de tous les publics se retrouvant en situation de handicap, dont les personnes souffrant de troubles dépressifs. Le métier prône, par différentes approches et modèles de pratique, l’importance de l’activité et de l’occupation : notions étroitement en lien avec le thème général de la recherche. Cette recherche montre des enjeux professionnels, par un apport de questionnements et de réflexions sur les pratiques ergothérapiques, ce qui servira l’intérêt de la profession. En effet, la compétence « évaluer et faire évoluer sa pratique professionnelle », détaillée dans le référentiel des compétences ergothérapiques , encourage les praticiens à améliorer leurs compétences d’auto évaluation et leur regard critique afin d’améliorer leur pratique. Il est indéniable alors que cette recherche servira le domaine de l’ergothérapie dans le mieux-comprendre des pratiques liées aux différentes approches ergothérapiques, ou liées à la population avec troubles dépressifs.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Emergence du thème
1.1.1 Définition du thème
1.1.2 Enjeux et utilité professionnelle
1.2 Revue de littérature
1.2.1 Méthodologie
1.2.2 Analyse critique de la revue de la littérature
1.2.3 Problématisation pratique
1.3 Enquête exploratoire
1.3.1 Méthodologie
1.3.2 Confrontation des résultats de l’enquête exploratoire avec la revue de la littérature
1.3.3 Analyse critique de l’enquête exploratoire
1.4 Question initiale de recherche
1.5 Cadre de référence
1.5.1 Concept de l’alliance thérapeutique
1.5.2 Concept de l’empowerment
1.6 Question et objet de recherche
2 Matériel et méthode
2.1 Choix de la méthode de recherche
2.2 Les critères de la recherche
2.2.1 Les hypothèses
2.1.2 Les variables de la recherche
2.1.3 La population enquêtée
2.1.4 Les sites d’exploration
2.3 Outil théorisé de recueil des données
2.3.1 Choix de l’outil
2.3.2 Anticipation des biais et stratégies pour les atténuer
2.3.3 Construction de l’outil
2.3.4 Test de faisabilité et de validité du dispositif de recherche
2.4 Déroulement de l’enquête
2.5 Choix des outils de traitement et d’analyse des données
3 Résultats
4 Discussion
Bibliographie