Dépôts atmosphériques, eaux usées et autres sources d’émissions anthropiques

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Sources et puits du protoxyde d’azote

Les émissions naturelles

Les émissions de protoxyde d’azote à l’échelle globale sont estimées à environ 18 TgN.an−1 (Solomon et al., 2007a; Syakila and Kroeze, 2011). La part des sources naturelles est évaluée entre 10 et 11 TgN.an−1 constituant ainsi entre 55 et 61% des émissions totales de N2O. Entre 55 et 70% de ces émissions provient des surfaces continentales tandis que la contribution des océans constitue 30 à 40% des émissions naturelles. Le protoxyde d’azote est également produit naturellement par la chimie troposphérique et cette production constitue entre 6 et 10% des émissions naturelles de N2O.

Les émissions anthropiques

L’agriculture

L’activité agricole constitue la plus large source d’émissions anthropiques de protoxyde d’azote (cf. Figure 1.4). Les émissions de N2O liées à l’agriculture s’élèvent à plus de 4.1 TgN.an−1 (Bouwman et al., 2013; Syakila and Kroeze, 2011) soit plus de 66 % des émissions anthropiques de N2O. On distingue d’une part, les émissions directes par les sols agricoles dues à l’utilisation des engrais azotés et autres fumiers organiques qui représentent plus des trois quarts des émissions liées à l’agriculture et d’autre part, les émissions indirectes essentielle-ment liées au lessivage et au ruissellement d’une partie de ces fertilisants. Le principal facteur responsable des émissions de N2O liées à l’agriculture est l’inefficience dans l’utilisation des fertilisants. On estime en effet que près de la moitié de l’apport en azote aux sols agricoles, par l’application des engrais azotés, n’est pas assimilé par les plantes.

Dépôts atmosphériques, eaux usées et autres sources d’émissions anthropiques

Les émissions de protoxyde d’azote via les eaux usées représentent environ 3% des émis-sions anthropiques. Cette catégorie d’émission inclut aussi bien les émissions directes à travers les effluents que les émissions indirectes par les bioréacteurs servant à éliminer l’azote dans les eaux usées (Law et al., 2012). On estime aussi à environ 1% des émissions anthropiques, les émissions de protoxyde d’azote dues à l’aquaculture. Les composés azotés émis dans l’atmo-sphère par l’activité humaine peuvent se déposer sur les surfaces terrestres et océaniques stimu-lant ainsi l’activité microbienne de nitrification et de dénitrification. Ce dépôt atmosphérique de composés azotés peut donc entraîner des émissions supplémentaires de protoxyde d’azote. Les émissions de N2O dans les océans dues à ces dépôts atmosphériques sont estimées à environ 3% des émissions anthropiques (Suntharalingam et al., 2000).
Notons néanmoins que ces estimations d’émission, à l’image des estimations des contri-butions des différentes activités humaines sur le processus de fixation de l’azote moléculaire, sont sujettes à de fortes incertitudes. On a effet près de 30% d’incertitude sur les émissions liées à l’agriculture, plus de 50% d’incertitude sur les émissions liées à la combustion de la biomasse et près de 40% d’incertitude sur les émissions liées à l’industrie et à la combustion fossile (Bouwman et al., 2013).

SOURCES ET PUITS DU PROTOXYDE D’AZOTE

Puits de protoxyde d’azote

Le protoxyde d’azote est essentiellement détruit par pholotyse (∼ 90%) dans la stratosphère (cf. eq 1.3). Cependant, une partie du N2O stratosphérique restant réagit avec l’atome d’oxygène excité (cf. eq 1.4 et 1.5) O(1D)(Minschwaner et al., 1993).
N2O + hν −→ O(1D) + N2 (1.3)
N2O + O(1D) −→ 2N O (1.4)
N2O + O(1D) −→ N2 + O2 (1.5)
De plus, la réaction 1.4 est la principale source de composés azotés de type NOx dans la stratosphère contribuant ainsi indirectement à la destruction de l’ozone stratosphérique (Ra-vishankara et al., 2009). Il existe, par ailleurs un autre puits de N2O à travers les sols et les océans. En effet, les bactéries dénitrifiantes sont capables de convertir directement le protoxyde d’azote en diazote. La plupart des études considèrent l’impact du puits terrestre et océanique de N2O comme étant négligeable. Cependant, de récentes études ont montré la possibilité qu’une quantité non négligeable du protoxyde d’azote atmosphérique soit détruite par le mécanisme de dénitrification notamment à l’échelle nationale (Syakila et al., 2010).

Le modèle LMDz-OR-INCA

Le modèle de chimie-transport LMDz-Or-INCA est constitué du modèle chimique INCA (INteraction between Chemistry and Aerosol), du modèle de circulation générale LMDz et du modèle de végétation ORCHIDEE (Organizing Carbon and Hydrology in Dynamic Ecosys-tems). LMDz est un modèle de circulation générale développé par le Laboratoire de Météoro-logie Dynamique (LMD) à partir des années 1970 (http ://lmdz.lmd.jussieu.fr) et qui permet de simuler la dynamique de l’atmosphère terrestre mais aussi celle d’autres planètes telles que Mars, Venus, Titan etc. La version terrestre de LMDz constitue la partie atmosphérique du « Modèle intégré de climat » de l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL) qui permet d’investiguer l’évolution future du climat. Il s’agit donc d’un modèle de recherche développé principalement pour des applications dans le domaine du climat mais qui a aussi une version dite « zoomée » qui permet des applications en mode semi-opérationnelle comme le transport de polluants. Le couplage LMDz-INCA (http ://www-lsceinca.cea.fr) permet de simuler la chimie troposphé-rique de l’ozone, le transport et la distribution des gaz à effet de serre à longue durée de vie ainsi que la chimie de plusieurs types d’aérosols. Le couplage de LMDz-INCA avec le modèle de végétation ORCHIDEE permet d’intégrer aux simulations les échanges d’énergie et d’hu-midité entre le sol et l’atmosphère. Le modèle LMDz-OR-INCA est constitué de 39 niveaux verticaux en coordonnées hybrides σ-p. Il existe plusieurs résolutions horizontales du modèle LMDz-Or-INCA. Nous avons au cours de nos travaux utiliser 2 versions différentes du modèle : une version dite basse résolution (LMDz-Or-INCA Low res) avec une résolution horizontale de 3.75◦ de longitude × 1.9◦ de latitude et une version standard de résolution horizontale de 2.5 ◦ de longitude × 1.3◦ de latitude. Outre les résolutions horizontales, les deux versions du modèle utilisent des sources d’émissions différentes, la version standard utilisant des données d’émis-sions plus récentes que la version basse résolution. En effet, les données d’émissions naturelles et anthropiques de LMDz-Or-INCA sont respectivement issues des travaux de Bouwman et al. (2002) et de la version 4.1 de la base de données EDGAR (ftp ://cidportal.jrc.ec.europa.eu/jrc-opendata/EDGAR/datasets/v41/) . Quant à la version basse résolution, les données d’émissions à la fois naturelles et anthropiques sont issues des travaux de Bouwman and Taylor (1996). De plus, les émissions issues de la combustion de la biomasse de LMDz-Or-INCA et LMDz-Or- INCA Low res proviennent respectivement des versions 4 et 3 de la base de données GFED (Global Fire Emissions Database) (Giglio et al., 2013; van der Werf et al., 2010). Ainsi, LMDz-Or-INCA a un flux annuel d’émission globale de protoxyde d’azote plus élevé que LMDz-Or-INCA Low res (16.08 TgN.an−1 contre 13.27 TgN.an−1) et plus particulièrement dans les zones de fortes émissions estivales de l’est asiatique et d’Inde (Cf. Figure 1.9). Le schéma utilisé pour la résolution numérique est le schéma semi-Lagrangien. Concernant les puits de protoxyde d’azote, en plus de la perte due à la photolyse (∼ 90%), les taux de destruction du protoxyde d’azote dans la stratosphère dus aux réactions 1.4 et 1.5 ont été fixés respectivement à 6.7 × 10−11 cm3.molécule−1.s−1 et 4.4 × 10−11 cm3.molécule−1.s−1 (Thompson et al., 2014). Le temps de vie du protoxyde d’azote dans ce modèle est compris entre 124 et 130 ans.
Les simulations utilisées dans notre étude ont été réalisées en mode dit « guidé ». Elles ont été en effet réalisées à partir de forçages météorologiques extérieurs au modèle et provenant d’ana-lyses du Centre Européen pour les Prévisions Météorologiques à Moyen Terme (CEPMMT). Il est à noter également que les sorties du modèle LMDz-Or-INCA que nous avons utilisées représentent des moyennes mensuelles de rapport de mélange de protoxyde d’azote à l’échelle globale.

Le modèle ACTM

Le modèle de chimie-transport ACTM (Atmospheric general circulation model-based Chemistry-Transport Model) a été développé conjointement par trois organismes japonais : le CCSR (Cen-ter for Climate System Research), le NIES (National Institute for Environmental Studies) et le FRCGC (Frontier Research Center for Global Change). Il est constitué d’une partie dynamique (AGCM) en interaction avec des modules de chimie atmosphérique et d’aérosols (Developers, 2004). Le modèle est utilisé avec une résolution horizontale de 2.8◦ × 2.8◦ sur 67 niveaux ver-ticaux en coordonnées σ-p [Patra et al., 2009]. Les émissions anthropiques de N2O sont issues de la version 4.2 de la base de données EDGAR (http ://edgar.jrc.ec.europa.eu/overview.php ?v=42) tandis que les émissions naturelles des sols sont issues des travaux de Bouwman et al. (1995). Les émissions océaniques sont tirées de Nevison et al. (1995). Le flux d’émission globale uti-lisé dans ACTM s’élève ainsi à 18 TgN.an−1 pour l’année 2009 avec un taux d’augmentation de 6 à 8 TgN.an−1 sur la période 1980-2009 (Xiong et al., 2014). Le schéma numérique utilisé est le schéma semi-Lagrangien et les taux de destruction du protoxyde d’azote dans la strato-sphère dus aux réactions 1.4 et 1.5 ont été fixés respectivement à 6.7 × 10−11 × exp(20/T) cm3.molécule−1.s−1 et 4.4 × 10−11 × exp(20/T) cm3.molécule−1.s−1, où T est la température de l’air pour chaque grille du modèle (Ishijima et al., 2010). La version du modèle utilisée dans nos travaux représente les rapports de mélange de protoxyde d’azote à l’échelle globale avec une résolution temporelle de 3 heures. Elle permet donc entre autres de suivre l’évolution journalière du protoxyde d’azote au dessus d’une région donnée (cf. 1.10).

Physique de la mesure

Rayonnement électromagnétique

Le rayonnement électromagnétique est constitué d’une superposition d’ondes électromagné-tiques. Ces ondes sont associées au déplacement et aux vibrations du champ électromagnétique correspondant ainsi à un transport d’énergie ou de quanta d’énergie aussi appelés photons. Les ondes électromagnétiques permettent la propagation de l’énergie à très grande distance du fait de la conservation du flux d’énergie sur toute surface entourant la source. Les ondes électro-magnétiques ont une grande diversité énergétique (ou spectrale) qu’on peut diviser en plusieurs domaines : γ, X , ultraviolet (UV), visible, infrarouge (IR), micro-ondes, radio (cf. Figure 2.1).
On caractérise généralement le rayonnement électromagnétique par sa répartition en fonc-tion de la fréquence ou de la longueur d’onde (spectre), de la polarisation (liée à la direction du champ électrique) et de la cohérence spatiale et temporelle. Le rayonnement électromagnétique est utilisé dans différents domaines. Ainsi en télécommunication, les modulations des ondes électromagnétiques sont utilisées pour transporter de l’information numérique ou analogique à très grande distance. Nous nous intéressons à l’application de l’étude du rayonnement au do-maine de la télédétection c’est-à-dire à l’observation de la Terre depuis l’espace. En effet, le rayonnement observé depuis l’espace est caractérisé par les processus d’émissions de la source ainsi que par les interactions avec les milieux biophysiques et chimiques rencontrés au cours du trajet. L’étude de ces interactions ainsi que l’analyse du rayonnement observé permettent de remonter aux propriétés physiques de la source et des milieux traversés.

Interaction rayonnement-matière

Un corps en équilibre thermodynamique avec son rayonnement émet un rayonnement qui obéit à la loi de rayonnement dite du corps noir ou loi de Planck : les rayonnements absorbés et émis par un corps noir sont égaux à toutes les longueurs d’onde et ne dépendent que de sa température. La répartition spectrale du rayonnement du corps noir est donnée par : hc λ5 (e − 1) λkT Bλ(T ) = 2hc2 (2.1) où Bλ est la luminance spectrale (aussi appelée radiance) du corps noir et est exprimée en Watts.mètres2.stéradian−1.mètres−1 (W 2 −1 −1) ; T est la température du corps en Kelvin (K) ; h=6.6256 10−34 Joules.Secondes (J.s), la constante de Planck ; c=3 108 m −1, la vitesse de la lumière dans le vide ; k=1.3806488 10−23 J.K−1, la constante de Boltzmann.
Les corps réels ne sont en général pas des corps noirs. Ainsi, on définit la température de brillance d’un corps réel à une longueur d’onde donnée comme étant la température d’un corps noir qui rayonnerait la même énergie que le corps à cette même longueur d’onde.
L’une des applications de la loi de Planck est la loi de Wien qui permet de relier la longueur d’onde du maximum d’émission à la température du corps noir : λmaxT = 2898µm (2.2).
Le soleil qui rayonne presque comme un corps noir (cf. Figure 2.2) a son maximum d’émis-sion dans le visible à ∼ 0.5 µm et a une température de surface ≈ 5900 K. Quant à la Terre, avec une température entre 270 et 300 K, elle a son maximum d’émission dans l’infrarouge thermique entre 10 et 15 µm. Tout rayonnement émis réagit avec les différents milieux tra-versés. Il est ainsi atténué par absorption et/ou par diffusion. Le niveau d’extinction représenté généralement par un coefficient d’extinction (coefficient d’absorption + coefficient de diffusion) dépend des caractéristiques du rayonnement et du milieu. Ainsi, le rayonnement solaire reçu à la surface de la mer diffère du rayonnement reçu au sommet de l’atmosphère du fait de ces processus d’extinction. De même, le rayonnement terrestre reçu au sommet de l’atmosphère diffère du rayonnement émis en surface du fait entre autres de son interaction avec les particules et les constituants gazeux de l’atmosphère. L’interaction du rayonnement et des gaz dépend du domaine spectral. Lorsqu’on mesure le rayonnement observé d’une source moléculaire ou atomique, on observe un fond continu du rayonnement représentant le rayonnement de corps noir de la source sur lequel se superpose des raies, soient plus intenses (émission), soit moins intenses (absorption). Ces raies sont en fait dues au passage d’un niveau d’énergie à un autre de la molécule qui se traduit par l’émission ou l’absorption d’un photon d’énergie. La largeur des raies dépend des paramètres environnementaux (température, pression …) ce qui peut don-ner une bande d’absorption atmosphérique (cf. Figure 2.3). L’étude des spectres des différentes molécules absorbantes de l’atmosphère constitue la base de la télédétection de la composition chimique de l’atmosphère.

Le sondeur TANSO-FTS

TANSO-FTS (Thermal And Near infrared Sensor for carbon Observation-Fourier Trans-form Spectrometer) est un sondeur infrarouge de la plateforme japonaise GOSAT (Greenhouse gases Observing SATellite). Lancé le 23 Janvier 2009, GOSAT a été conjointement développé par trois organismes japonais : le ministère japonais de l’environnement, l’institut national ja-ponais pour les études environnementales et l’agence japonaise pour l’exploration aérospatiale. GOSAT comporte également un imageur : TANSO-CAI (Cloud and Aerosol Imager). Son or-bite est héliosynchrone, à altitude basse (∼666 km), avec une inclinaison de 98.05◦ par rapport au plan équatorial et un passage au nœud descendant à ∼13h15 heure locale (Kuze et al., 2009). GOSAT parcourt ainsi ∼14 orbites par jour avec un passage au même point tous les 3 jours. Le sondeur TANSO-FTS est dédié à la mesure du CO2 et du CH4. Il comporte 4 bandes : une bande dans le visible (12900-13200 cm−1), deux bandes dans le proche infrarouge (5800-6400 cm−1 et 4800-5200 cm−1) et une bande dans l’infrarouge thermique (700-1800 cm−1). La bande in-frarouge thermique de TANSO-FTS sert à restituer des profils de CH4 (Saitoh et al., 2012) et de CO2 (Saitoh et al., 2016). Du fait de l’existence d’une bande d’absorption de N2O dans la même région spectrale que la bande d’absorption du CH4 dans l’infrarouge thermique, les profils de N2O sont restitués simultanément avec ceux du CH4 (Kangah et al., 2017) (cf. Chapitre 3). Le tableau 2.2 résume les principales caractéristiques du sondeur TANSO-FTS dans sa bande infrarouge thermique tandis que la figure 2.7 représente le champ de vue du capteur.

Les modèles de transfert radiatif : le modèle RTTOV

Plusieurs types de modèles sont utilisés pour simuler le rayonnement reçu par un satellite. On distingue généralement deux grandes familles de modèles : les modèles de transfert ra-diatif raies par raies et les modèles de transfert radiatif rapide. Comme leur nom l’indique, la première famille de modèle consiste à résoudre en utilisant des méthodes numériques (N-flux, Monte Carlo, approximations successives, etc.), l’ETR en prenant en compte toutes les raies de transition énergétique des molécules. Ces modèles permettent ainsi d’obtenir avec une très grande précision la radiance spectrale à une altitude et une direction de visée donnée et à la résolution spectrale voulue. Cependant, ces modèles étant assez coûteux en temps de calcul, on préférera parfois utiliser, en opérationnel ou pour le traitement de données sur une longue période, des modèles moins précis mais plus rapides notamment dans le cadre de l’inversion de mesure qui utilise souvent des schémas itératifs nécessitant plusieurs appels du modèle de transfert radiatif (cf. section 2.4). Les modèles de transfert radiatif rapide reposent sur un ap-prentissage supervisé des transmittances calculées par un modèle raies par raies en fonction des paramètres de surfaces et atmosphériques. On obtient ainsi des modèles de prédiction (par-fois sous forme d’abaques ou d’atlas) permettant de simuler rapidement les radiances spectrales avec une résolution spectrale fixe. En intégrant les caractéristiques instrumentales d’un capteur donné (fonction d’appareil, bande spectrale et résolution spectrale, altitude du satellite), on peut ainsi bâtir un modèle de prédiction spécifique aux radiances observées par ce capteur. C’est le principe de fonctionnement du modèle de transfert radiatif RTTOV.
RTTOV (Radiative Transfer for Tiros Operational Vertical sounder) est un modèle de transfert radiatif rapide qui simule les transmittances des gaz atmosphériques à partir d’un jeu de coeffi-cients de régression linéaire généré en utilisant le modèle de transfert radiatif LBLRTM (Line By Line Radiative Transfert Model) (Saunders et al., 1999). Plusieurs jeux de coefficients cor-respondant à différents capteurs spatiaux (IASI, IASI-NG, AIRS, HIRS, etc.) sont ainsi générés. Dans la version 11.2 de RTTOV (Hocking et al., 2015) utilisée dans le cadre de cette thèse, les prédicteurs de la régression linéaire dépendent des profils des gaz traces atmosphériques sui-vant : N2O, H2O, CH4, CO, CO2, O3. Le transfert radiatif simulé par RTTOV dépend donc des bandes d’absorption et de la variabilité de tous ces gaz. Ces derniers peuvent par conséquent être restitués en utilisant les simulations de RTTOV. La simulation des radiances observées consistant en une simple régression linéaire multiple, On observe donc une très grande rapidité d’exécution du modèle. A titre d’exemple, RTTOV est capable de simuler en 25 millisecondes 183 canaux IASI en utilisant en entrée des profils atmosphériques sur 54 niveaux verticaux en plus des paramètres de surface (émissivité et température) (Rundle, 2014). En ciel clair et sur mer, les biais moyens de simulation des températures de brillance de IASI par RTTOV ont été évalués à ±1 K entre 645 et 2000 cm−1 et à ±1.6 K entre 2200 et 2300 cm−1 (Matricardi, 2009).

L’inversion de mesures spatiales

Généralités

L’inversion de mesures spatiales consiste à estimer un ou plusieurs paramètres atmosphé-riques et de surface à partir des mesures de radiances des capteurs spatiaux. Il s’agit en fait de résoudre le problème inverse du transfert radiatif à savoir déterminer le profil vertical de concentration d’un composé chimique et/ou d’un paramètre physique à partir de la mesure de rayonnement :
y = f (x) (2.9).
xˆ = f −1(f (x)) + ǫx (2.10).
où y est la mesure qui dépend du paramètre d’état x via la physique de la mesure f ; xˆ est l’estimation du paramètre d’état x entaché d’une erreur ǫx.
Il existe plusieurs techniques d’inversion de mesure. Certaines sont basées sur un appren-tissage statistique des relations entre les paramètres d’entrée (les radiances spectrales, l’angle solaire zénithal etc.) et les paramètres de sortie (les paramètres géophysiques). Dans cette caté-gorie d’inversion, on utilise notamment les réseaux neuronaux artificiels (Turquety et al., 2004). Certaines méthodes d’inversion sont basées sur la connaissance des mécanismes du transfert radiatif via un modèle de transfert radiatif. Parmi ces méthodes, la plus utilisée est la méthode d’estimation optimale. Cette méthode permet en effet une évaluation détaillée des erreurs sur la restitution. Dans ce qui suit nous présenterons cette méthode en utilisant le formalisme déve-loppé par Rodgers (2000).

La méthode de l’estimation optimale

La méthode de l’estimation optimale se base sur la théorème de Bayes : P (x|y) = P (y|x)P (x) (2.11)
où P (x) et P (y) sont respectivement les densités de probabilité du vecteur d’état x et de la mesure y ; P (y|x) et P (x|y) sont respectivement les densités de probabilité conditionnelle de y sachant x et de x sachant y.
La relation entre la mesure y et sa simulation via un modèle de transfert radiatif F peut s’écrire : y = F (x, b) + ǫy (2.12) où b représente l’ensemble des paramètres du transfert radiatif qui n’étant pas restitués ne font donc pas partie du paramètre d’état cible x.
En supposant gaussiennes et de moyenne nulle les erreurs sur la mesure et sur la connais-sance a priori (xa) du vecteur d’état, il vient que : −2ln(P (x|y)) = (y − F (x, b))T Sy−1(y − F (x, b)) + (x − xa)T Sa−1(x − xa) + c (2.13).

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Table des matières

1 Le protoxyde d’azote dans l’atmosphère 
1.1 Le cycle de l’azote
1.1.1 La fixation de l’azote
1.1.2 La nitrification
1.1.3 La dénitrification
1.1.4 Impact de l’activité humaine
1.2 Sources et puits du protoxyde d’azote
1.2.1 Les émissions naturelles
1.2.2 Les émissions anthropiques
1.2.2.1 L’agriculture
1.2.2.2 L’industrie et la combustion fossile
1.2.2.3 Combustion de la biomasse
1.2.2.4 Dépôts atmosphériques, eaux usées et autres sources d’émissions anthropiques
1.2.3 Puits de protoxyde d’azote
1.2.4 Tendances d’émissions
1.3 Modélisation
1.3.1 Généralités
1.3.2 Le modèle LMDz-OR-INCA
1.3.3 Le modèle ACTM
1.4 conclusion
2 La télédétection spatiale de l’atmosphère 
2.1 Physique de la mesure
2.1.1 Rayonnement électromagnétique
2.1.2 Interaction rayonnement-matière
2.1.3 Transfert radiatif
2.2 Les capteurs spatiaux
2.2.1 Généralités
2.2.2 Les interféromètres de Michelson
2.2.3 Le sondeur IASI
2.2.4 Le sondeur TANSO-FTS
2.3 Les modèles de transfert radiatif : le modèle RTTOV
2.4 L’inversion de mesures spatiales
2.4.1 Généralités
2.4.2 La méthode de l’estimation optimale
2.4.2.1 Sensibilité verticale
2.4.2.2 Bilan d’erreurs
2.4.2.3 Restitution simultanée de paramètres indépendants
2.5 Conclusion
3 Etude des processus d’émissions et de transport de N2O entre l’Asie et la Méditerranée à partir des mesures du capteur spatial TANSO-FTS et des sorties du modèle LMDz-Or-INCA. 
3.1 Résumé étendu de l’article
3.2 Article 1
4 Restitution des profils de N2O à partir des observations du capteur spatial IASI 
4.1 Résumé étendu de l’article
4.2 Article 2
5 Intercomparaison entre les capteurs IASI et IASI-NG pour la mesure du N2O 
5.1 Méthodologie
5.2 Sensibilité verticale
5.3 Facteurs de contamination sur l’estimation de N2O
5.4 Caractérisation des erreurs
5.5 Comparaison des estimations à 303 hPa
5.6 Conclusions
Conclusion générale et perspectives
Appendices 
A Les différents types de spectromètres
B Simulations théoriques

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