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Dépôt par diélectrophorèse
L’application d’un champ électrique alternatif ou continu non-uniforme entre deux électrodes situées dans le même plan et immergées dans une suspension ou une solution, entraine le déplacement des colloïdes présents. Ces déplacements peuvent avoir lieu à cause de divers effets électrocinétiques, tel que l’électro-osmose, l’électrothermie, l’électrophorèse et la diélectrophorèse. En ajustant les divers paramètres du système il est possible d’amplifier un effet par rapport aux autres. Le phénomène qui nous intéresse dans le domaine du dépôt est la diélectrophorèse, nous nous concentrerons donc sur celui-ci. Lors de l’application du champ électrique si le colloïde est chargé il sera attiré par l’électrode de charge opposée, comme pour l’électrophorèse. Si le colloïde est polarisé, il se dirige alors vers les gradients de champ les plus intenses46. Les particules sont alors dirigées différemment selon leurs états. Dans le but d’un dépôt localisé se sera le comportement des particules polarisées qui est intéressant, puisqu’elles sont attirées, et donc se déposent, dans le gap des électrodes. En effet, en fixant la tension et sa fréquence et en faisant varier le temps de l’expérience, il est possible de gérer la quantité de particules de ZnO de 9 nm dans un gap de d’électrodes de 60 nm47, tout comme il est possible de localiser le dépôt sur des nanotubes de carbone en s’en servant d’électrodes48.
La gestion de la tension et de la fréquence permet un contrôle des dépôts comme le montre Brian C. Gierhart et al. en déposant des nanoparticules entre deux électrodes distantes de 3 µm à différents voltages et/ou fréquences49. Les différentes fréquences utilisées changent la morphologie du dépôt comme le montre la Figure I-15a.
Dépôt par électrospray
L’électrospray ou électronébuliseur est une technique qui permet de vaporiser une solution conductrice et polaire sous forme de gouttes micrométriques multichargées et monodisperses. Pour ce faire un fort champ électrique est appliqué à l’extrémité d’un capillaire dans lequel la solution est injectée (cf. Figure I-23).
En 1968, M. Dole62 a été le premier à utiliser l’électrospray pour produire un faisceau de macromolécules multichargées initialement diluées dans la solution électro-vaporisée. Il proposa le mécanisme nommé charge residue model (CRM) pour expliquer l’ionisation des macromolécules à partir des gouttes chargées. Quelques années plus tard, Iribarne et Thomson63 proposent un mécanisme différent, l’ion evaporation model (IEM) pour expliquer le mécanisme de formation d’ions chargés.
C’est en 1984, que l’équipe de Fenn64 révolutionne la spectrométrie de masse (MS) en utilisant l’electrospray comme source ionique (il reçut le prix Nobel de physique en 2002 pour ses travaux). Cette combinaison de techniques permettra d’obtenir des informations sur la masse et la composition de biomolécules, l’électrospray étant une source plus douce que celles utilisées auparavant (Impact Electronique, Ionisation Chimique, Désorption par effet de champ, Bombardement Atomique Rapide) pour produire des biomolécules chargées et non détériorées. L’avancée sur la spectrométrie de macromolécules multichargées aura pour conséquence une meilleure compréhension des mécanismes que sont le CRM et l’IEM, ce qui motiva plusieurs équipes à utiliser l’électrospray en tant que technique de dépôt. Elle se révéla être une technique très polyvalente. Elle a, par exemple, été utilisée pour déposer des films poreux65 ou synthétiser des films d’alliages. A. A. Van Zomeren et al66 ont synthétisé en 1994 un film de LiMn2O4 sur une surface de platine, Chen67 a synthétisé quant à lui un film de LiCoO2 sur un disque d’acier inoxydable ou d’alumine poreuse en 1996. Deux ans plus tard68 il déposa un film de nanoparticules de TiO2 sur une surface d’aluminium.
Plusieurs équipes ont aussi utilisé l’électrospray pour déposer des films de particules (organiques ou inorganiques69,70). Hamann et al.69 ont déposé des molécules de MnTPPS+ sur des surfaces d’or à différents taux de recouvrements, allant de 30% de la surface, à une mono couche complète, recouverte d’un début de double couche. Alors que Miao71 a réussi à déposer un double film de SiC-ZrO2 de 2×20 µm, où la première couche est constituée de particules de ZrO2 de 470 nm, et la seconde de particules de SiC de 1 µm. Lee70 et son équipe se sont concentrés quant à eux sur le dépôt d’une monocouche de particules magnétiques de FePt, en enlevant les ligands de surface tout en effectuant une transition de phase par chauffe à 800°C lors du vol des particules. Ils obtiennent ainsi une monocouche de 5 nm de particules de FePt tétragonales faces centrées, à partir de particules de FePt cubiques faces centrées de 5 nm.
Dans le cas de dépôts moins denses, plus en adéquation avec nos besoins, Suh et al72 ont déposé des nanoparticules de trois diamètres différents, allant de 4,2 nm à 25 nm, avec une densité de dépôt relativement faible, comme l’atteste leurs images TEM après dépôt. Nous pouvons aussi citer Satterley et al73 pour le dépôt de fullerènes C60 en amas multicouches assemblés en hexagonal compact sur une surface d’or. Tous ces dépôts, plus ou moins contrôlés, nous montrent qu’il est possible de déposer des nanoparticules avec une grande disparité de densité de surface.
D’autres équipes ont déposé des nanoparticules synthétisées pendant le spray et ont même réussi la synthèse de particules cœur-coquilles74 par encapsulation en utilisant un double electrospray. Bien que ces techniques ne nous concernent pas dans l’absolu, elles appuient la polyvalence de l’électrospray comme technique de dépôt.
L’étude qui nous concerne plus particulièrement et qui a motivé en partie ma thèse a été réalisée dans l’équipe de Junhong Chen60,75. En effet, ils ont utilisé l’électrospray pour déposer des nanoparticules isolées et non sous formes de films, sur des nanotubes de carbone. Dans un premier temps, les nanotubes de carbone présents sur la surface de dépôt ont été décorés de nanoparticules de SnO2 et Ag de l’ordre de 5 nm de diamètre. Dans un deuxième temps, ces mêmes types de nanotubes de carbone, ont été partiellement recouverts de nanocristaux d’or de 40 nm ou de CdSe de 3 nm. L’électrospray se révèle donc être un bon candidat pour effectuer un dépôt de nanoparticule unique sur un nanotube de carbone. En effet, ces expériences montrent la possibilité de maitriser la quantité de particules à déposer. De plus, les tailles des objets utilisés sont de l’ordre de grandeur de celles que nous synthétisons au LPCNO. Enfin, la totalité de ces dépôts sont faits sous vide, ce qui nous conforte dans notre choix de technique de dépôt, un résonateur mécanique à nanotube fonctionnant sous vide secondaire.
La méthode de dépôt par électrospray se présente performante pour réaliser un dépôt d’une nanoparticule magnétique unique sur un résonateur à nanotube de carbone, puisqu’il est théoriquement possible de déposer des particules de façons isolées, et de détecter en quasi-temps réel le dépôt d’une seule sur le tube. Toutefois, et comme il a été présenté dans l’état de l’art, le résonateur n’est pas la seule technique que nous voulons utiliser pour mesurer le moment magnétique d’une particule unique. En effet, nous avons présenté la méthode de mesure par conduction, or pour cette technique il n’est pas possible de détecter la présence de la nanoparticule lors de son dépôt sur le tube par électrospray. C’est pour cette raison qu’une deuxième technique de dépôt a été étudiée. Il s’agit de la technique de nanolithographie par microscopie à sonde locale appelée NADIS, qui, comme diverses méthodes de dépôt local, a été développée en utilisant des pointes d’AFM. Pour mieux comprendre le fonctionnement et le choix d’utiliser NADIS pour effectuer nos dépôts, je présente dans la partie suivante les évolutions qui ont menées à son développement, issues des avantages et inconvénients des précédentes techniques. Elles ont toutes pour origine le procédé Dip-Pen76,77.
Dépôt par écriture
Les dépôts par écritures sont différents de ceux présentés jusqu’ici puisque ces techniques sont dérivées de méthodes de microscopie en champ proche. Il en résulte une résolution théorique élevée, et une localisation précise des dépôts. Ce sont ces deux aspects qui nous ont conduits à utiliser NADIS.
Dip-Pen Nanolithography
La technique Dip-Pen permet de déposer différents types de molécules78,79,80, de manière localisée, sur une surface. En contrôlant le mouvement de la pointe il est possible de contrôler la géométrie du dépôt. Le Dip-Pen permet de faire des spots uniques, des réseaux, des lignes ou des structures plus complexes. Le principe est identique à celui employé pour les plumes servant à écrire. La pointe AFM est plongée dans une solution contenant les molécules à déposer, qui vont jouer le rôle de l’encre. Cette solution sèche sur la pointe laissant seulement les molécules d’intérêt, avant dépôt sur le substrat. Lors de l’approche de la pointe sur le substrat, il se forme un ménisque d’eau par condensation capillaire, il y a alors diffusion des molécules de la pointe à la surface par le ménisque d’eau ainsi formé. Le dépôt se passe donc en deux étapes : la formation du ménisque dans un premier temps, et la diffusion des molécules jusqu’au substrat dans un deuxième. Ce type de dépôt est schématisé en Figure I-25.
Le mécanisme de dépôt est donc relativement complexe et n’est pas entièrement élucidé81,82. Néanmoins, il est clairement établi que la dimension latérale des structures dépend de divers paramètres, comme la solubilité des molécules dans la solution, dans l’eau, des conditions d’obtention du ménisque (température, Humidité Relative (RH)…), du rayon de courbure de la pointe, ainsi que de l’affinité entre l’encre et le substrat (fonctionnalisation éventuelle de la surface). Ainsi, la résolution ultime de 15 nm (Figure I-26), a été obtenue avec un alcanethiol sur de l’or80, le soufre possédant une forte affinité avec l’or.83
Figure I-26 : Image AFM de l’acronyme de Northwestern University écrit avec Dip-Pen en acide 16-mercaptohexadecaneoïque (MHA) sur une surface d’or80.
Il a été déterminé qu’en plus des paramètres cités liés au choix du système étudié, la taille des dépôts dépend du temps de contact entre la pointe et le substrat pour les spots (diamètre proportionnel à ), et de la vitesse de dépôt pour les lignes (proportionnel à ).
Mais si cette technique fonctionne bien avec de petites molécules, et particulièrement avec des groupements –SH sur des surfaces d’or, il n’en va pas de même avec des biomolécules volumineuses ou des nanoparticules : leur masse molaire relativement élevée en comparaison des molécules ne permet pas leur diffusion de la pointe vers le substrat. C’est pour cette raison que, pour les nano-objets, il a été nécessaire d’adapter la technique. Deux méthodes différentes ont été étudiées : la méthode directe et la méthode indirecte.
Méthode indirecte
La faible diffusion d’une particule ou molécule volumineuse de la pointe jusqu’au substrat empêche un dépôt direct de celles-ci. Néanmoins, il est possible de déposer par Dip-pen des molécules en monocouches qui feront office de sites d’accroche de diverses nanoparticules (Or 15 nm, Fe3O4 10 nm… ) 84,85, comme par exemple des sites terminés en NH3+ se liant à l’acide carboxylique COO- des ligands des particules85. Pour effectuer ce type de dépôt un traitement de surface doit être choisi. Celui-ci doit posséder une affinité particulière avec les sites d’accroche : il faut, par exemple, recouvrir le substrat d’une couche d’or pour recevoir des molécules possédant des groupements thiols, ou utiliser une surface avec des sites OH- pour faciliter l’écriture de silanes85. Pour que les sites d’accroche soient efficaces, les ligands des nanoparticules nécessitent d’être complémentaires avec les groupements actifs des sites, ce qui se fait par fonctionnalisation spécifique de leurs surfaces (échanges ou ajout de ligands). Une fois ces traitements chimiques opérés, les molécules d’accroche peuvent être déposées par Dip-Pen, elles se chimisorbent alors sur la surface du substrat. Puis, par immersion du substrat dans la solution de nanoparticules, celles-ci s’auto-assemblent sur les sites d’accroche. Grâce à ces différentes étapes il est possible de déposer des nanoparticules aux endroits souhaités. Les différentes étapes sont présentées en Figure I-27.
L’écriture des sites d’accroche se faisant par dépôt direct, ceux-ci dépendent de l’humidité relative RH84,85. Pour une meilleure efficacité de l’auto-assemblage des nanoparticules, certaines équipes passivent la surface après écriture des sites d’accroche, en immergeant la surface dans une solution de molécules empêchant toute liaison avec les ligands des nanoparticules84,86,87. Les tailles minimum obtenues par cette technique diffèrent selon les molécules utilisées ainsi que des paramètres comme la température ou RH. Ces tailles sont de l’ordre de la cinquantaine de nanomètres, que ce soit pour les diamètres des spots ou les largeurs de lignes84. En routine, les tailles de spots sont de l’ordre de quelques centaines de nanomètres. Les influences des temps de contacts et vitesses de dépôts sont illustrées en Figure I-28. Toutefois, ces tailles minimum ne correspondent pas toujours à la taille des sites d’accroche, ceux-ci pouvant diffuser sur la surface lors de l’immersion du substrat dans la solution de nanoparticules85.
Le nombre d’étapes importantes avant l’auto-assemblage final, la nécessité des traitements chimiques des surfaces et des particules, et la résolution limitée par la diffusion de l’encre, empêchent cette technique d’être réellement polyvalente. Dans l’optique de limiter le nombre d’étapes pour améliorer la résolution et la localisation des dépôts, divers équipes ont tenté d’effectuer des dépôts directs de nanoparticules par Dip-Pen.
Méthodes directes
Dépôt direct
Le principal verrou pour le dépôt direct de nanoparticules est comme il a été déjà expliqué, leur trop grande masse molaire empêchant leur diffusion. Une des manières de passer outre est de garder les nanoparticules en solution pour faciliter leur diffusion. Pour que cela soit possible il faut que le liquide de la solution de nanoparticules ne sèche pas ou peu sur la pointe AFM. Dans le cas de nanoparticules d’or hydrophobes ceci est réalisable en utilisant des ligands organiques à longues chaînes en surface des nanoparticules. En effet, avec le solvant adéquat (toluène ou mésitylène), celui-ci ne séchera pas entre les chaînes aliphatiques des nanoparticules88. L’encre contenant les nanoparticules se comporte alors non pas comme un solide, mais plutôt comme un liquide ou plus probablement comme un gel qui est déposé sur le substrat. Au contraire, dans le cas de courtes chaînes (inférieures à 12 carbones dans le cas du toluène), le solvant n’est pas prisonnier et donne une encre « sèche » qui se dépose peu ou pas du tout. Prime et al.89 ont aussi montré un dépôt qu’ils définissent comme « sporadique » de particules d’or prélevées avec la pointe dans un dépôt sec. Ceci confirme la nécessité d’avoir une encre liquide pour un dépôt contrôlé. En conséquence, la forme du dépôt dépend fortement du caractère mouillant de la surface, et donc de son traitement. Ainsi, on obtient des monocouches sur des substrats hydrophiles (donnant un mouillage total) alors que des gouttes sont observées sur un substrat hydrophobe (mouillage partiel)88. L’inconvénient majeur est toutefois l’état définitif de gel de nanoparticules, le solvant ne séchant pas par la suite sur la surface.
Senesi et al12 ont utilisé des nanoparticules d’or hydrophiles, solubles dans l’eau. Dans ce cas, pour une humidité supérieure à 40% l’encre est également hydratée et se dépose par dip-pen. Le traitement de surface joue ici aussi un rôle prépondérant. Il est intéressant de noter que le traitement de surface est plus important par les propriétés de mouillage qu’il confère au solvant employé qui contrôlent l’extension du ménisque d’eau, plutôt que par une éventuelle interaction particules/surface, par exemple dans le cas d’interaction entre charges opposées90. La conséquence est une forte influence de la température et de RH. Cette diffusion reste cohérente avec le fait que des nanoparticules sèches ne puissent pas diffuser. De plus, il a été observé que, lors de ce type de dépôt, les nanoparticules se déposent toujours par ordre de taille croissante, en accord avec le fait que la forte masse molaire des nanoparticules est un frein dans le mécanisme de diffusion90.
Si le nombre d’étapes comparé au dépôt indirect est plus faible, le nombre de paramètres rentrant en jeu reste important. Néanmoins, ceci n’empêche pas d’obtenir une bonne précision de dépôt, comme l’atteste le dépôt ciblé, et reproductible, effectué par Ben Ali et al88, qui ont déposé un gel d’environ 80 nanoparticules de 5 nm de diamètre dans le gap d’une nanojonction, voir Figure I-29 suivante :
Fort de ces observations, différentes stratégies ont été mises en jeux pour maintenir les particules dans un milieu liquide. La première est l’utilisation d’un gel d’agarose servant de matrice aux nanoparticules.
Dépôt par Matrice-assistée
La technique consiste à mettre les objets à déposer en solution dans un gel servant de matrice, ici de l’agarose91, qui servira d’encre (Figure I-30):
De la même manière que pour un dépôt direct, la pointe est immergée dans l’encre. Celle-ci étant un gel elle ne sèche pas, et forme un réservoir entre la pointe et le levier. En faisant varier la fluidité du gel grâce à un additif (de la Tricine dans l’agarose par exemple91) ainsi que le temps de contact, il est possible d’obtenir des spots de 50 nm de diamètre. La quantité d’objets déposés dépend alors de leur concentration initiale dans l’encre.
L’équipe de Senesi91 utilise cette méthode pour déposer non pas des nanoparticules, mais des protéines et des oligonucléotudes. Huang et al92quant à eux, ont déposé des nanoparticules d’or (13 nm de diamètre), de Fe3O4 (5 nm de diamètre) et de C60 (1 nm de diamètre) en utilisant du poly éthylène glycol (PEG) comme matrice. La taille des dépôts en fonction du temps de contact est reproductible quelles que soient les nanoparticules utilisées. La précision des dépôts est démontrée par le dépôt de ligne de 500 nm par 100 nm de C60-PEG entre 4 électrodes formant au final une photorésistance, présentée en Figure I-31.
Cette technique possède une bonne résolution latérale, mais encore éloignée du dépôt de thiol par Dip-Pen, et permet de déposer un grand nombre de particules différentes. Toutefois, le problème rencontré par M. Ben Ali88, du dépôt d’un gel et non pas de particules, reste identique. Il faut donc une fois le dépôt terminé, trouver un moyen d’éliminer la matrice, chose peu pratique selon l’expérience effectuée.
Dépôt par pointe poreuse
La deuxième méthode de dépôt direct de nanoparticules par Dip-Pen, est l’utilisation d’une pointe poreuse. Cette technique consiste à rendre la surface de la pointe AFM poreuse, pour qu’elle agisse comme une éponge avec l’encre à déposer. La fabrication d’une pointe poreuse est la suivante : dans un premier temps la pointe est recouverte d’un certain nombre de monocouches93 alternées de polymères A et B (traitement couche-par-couche), et dans un deuxième temps elle est immergée dans un solvant dégradant seulement le polymère B. Il apparaît alors des pores dont la quantité et la taille dépendent du temps d’immersion de la pointe dans le solvant. Il est aussi possible d’obtenir une pointe poreuse en faisant croître un polymère sur une pointe recouverte d’initiateur, la rugosité dépendant du temps laissé à la réaction de polymérisation94.
La technique par pointe poreuse permet des dépôts de particules relativement lourdes, comme de virus adéno associé de 25 nm de diamètre94, ou des protéines de 100 kDa95. En fonction de la porosité de la pointe et du temps de contact il est possible d’obtenir des spots de 80 nm de diamètre. Toutefois la porosité de la pointe est fonction de l’épaisseur de la couche de polymère, ce qui a pour conséquence d’augmenter le rayon de courbure initial de l’apex, et donc la taille minimum de dépôt comparé à un dépôt Dip-Pen classique94.
La technique couche-par-couche et des images de la technique par croissance sont présentées Figure I-32 ci-après.
Fonctionnalisation des surfaces
Les propriétés de mouillage des surfaces et de la pointe sont les deuxièmes paramètres de contrôle de la taille du dépôt. Ces propriétés peuvent être modifiées en fonctionnalisant ces surfaces par des monocouches auto-assemblées.
Pour les dépôts, nous utilisons des substrats de silicium recouvert d’une couche d’oxyde de silicium. Tous les substrats comportent 9 réseaux d’électrodes d’or permettant de fabriquer les résonateurs mécaniques à nanotube de carbone. Ces réseaux nous permettent aussi de localiser les dépôts NADIS invisibles à l’optique. Le choix de ce type de surface est lié à la fois au process de fabrication des résonateurs mécaniques à nanotube de carbone mais aussi à la faible rugosité et la bonne planéité de la silice permettant une imagerie AFM précise des dépôts. Selon le critère empirique de Zisman les surfaces des substrats et des pointes employées sont de haute énergie critique γc≈150 mN/m, ce qui implique que les liquides mouillent fortement ces surfaces110. γc dépend essentiellement des groupements de surfaces, il est donc possible de le diminuer en recouvrant uniformément la surface d’une couche de molécules abaissant l’énergie de surface. L’efficacité de la fonctionnalisation de surface sur la pointe ou la surface, mais également l’observation par AFM des dépôts imposent une très grande propreté des surfaces. En effet, la qualité des images AFM des objets nanométriques à observer et ainsi leur identification sans ambigüité suppose que la surface ait une rugosité très inférieure à la taille des objets. Les surfaces sont donc nettoyées selon un protocole strict. Afin de protéger les substrats de diverses particules ceux-ci sont recouverts d’une résine protectrice à la fin de leur fabrication. Pour ôter cette résine et les éventuelles poussières, les substrats sont passés aux ultrasons dans trois solvants successifs, acétone VLSI (contamination métallique < 100ppb), isopropanol VLSI et eau désionisée, 15 min par solvant. Toutefois, les pointes ne devant pas être soniquées, elles ne passent pas par cette étape. Pour enlever la matière organique restante, les substrats et les pointes sont immergés dans une solution piranha (2 volumes d’acide sulfurique pour 1 volume d’eau oxygénée 30% en masse) pendant 15 min pour la pointe et 1 h pour les substrats. Passé ce délai les surfaces sont rincées à l’eau désionisée dans un bac à débordement, puis séchées avec une soufflette de diazote. Ce traitement piranha permet aussi de rendre les surfaces très hydrophiles par formation de groupements -OH.
Les fonctionnalisations sont faites dans la foulée pour éviter toute contamination des surfaces. Elles sont réalisées dans un dessiccateur. Ce dessiccateur est surmonté d’un T, branché d’un côté sur une rampe à vide permettant de faire des cycles vide/argon, et de l’autre sur une ampoule contenant les molécules sous forme liquide à déposer en phase gazeuse. Dans un premier temps, l’ampoule est isolée du dessiccateur par un robinet, pour effectuer trois cycles vide/argon, permettant d’évacuer le maximum d’air de l’enceinte, le dessiccateur est schématisé en Figure II-6. Une fois l’air évacué, l’enceinte est laissée sous vide dynamique pendant 1 h puis statique pendant 15 min, le robinet de l’ampoule ouvert. Il se forme alors une vapeur dont une partie des molécules s’auto-assemble en monocouche sur la surface.
Nous avons utilisé deux traitements de surface différents pour la pointe : le dodécanethiol (CH3(CH2)11SH) et le perfluorododecanethiol (CF3(CF2)7CH2CH2SH). L’affinité du groupement avec l’or assure sa liaison avec la couche d’or et la chaîne carbonée ou fluorée hydrophobe à l’extrémité apparente111 abaisse l’énergie de surface du substrat. Cette énergie de surface est de l’ordre de γc≈20 mN/m pour le dodécanethiol et de γc≈10 mN/m pour le composé fluoré. Les groupements thiols se fixant exclusivement sur l’or, l’intérieur de la pointe et le canal décapés par la solution piranha resteront très hydrophiles, permettant à la solution de remplir complètement le creux et d’ensuite s’écouler à travers le canal lors des dépôts. La couche d’or préservée à l’extérieur de la pointe est donc recouverte d’une monocouche hydrophobe réduisant ainsi la taille du ménisque et celle des dépôts. La qualité du perçage par l’apex montre ici toute son influence, comme exposée dans le paragraphe I.A.4.3, et réexposé ici : Pour ce qui est des substrats en silice, les molécules employées sont des silanes se chimisorbant sur les groupements silanols (Si-OH) de la surface. Les groupements présents à l’autre extrémité confèrent le caractère voulu à la surface. Nous avons choisi le 1H,1H,2H,2H-perfluorodécyltrichlorosilane (γc≈10 mN/m ), silane avec des groupements fluorés identiques à ceux utilisés pour la pointe pour rendre la surface hydrophobe et l’aminopropyltriéthoxysilane (APTES), silane terminé par une amine qui abaisse l’énergie de surface et charge la surface positivement pour une interaction électrostatique avec des nanoparticules chargées négativement. Dans le cas de l’APTES, le temps de réaction nécessaire à la fonctionnalisation est beaucoup plus court : il est de 3 min en vide dynamique puis 30 s en vide statique contre 1H+15min pour les autres composés.
Il est possible de vérifier le caractère hydrophile ou hydrophobe des surfaces après traitement, en mesurant l’angle de contact d’une goutte de solvant avec un goniomètre (DSA10, Krüss). Pour les surfaces des substrats nous avons fait des tests avec de l’eau et obtenus des angles d’avancés (θav) proches de 15° après un traitement piranha, un θav supérieur à 90° pour des traitements perfluorodécyltrichlorosilane, et θav de 50° et un angle de reculée (θrec) de 12° pour le traitement APTES. Ces angles (θav et θrec) correspondent aux angles de contact au niveau de l’ancrage de la goutte sur la surface (ligne triple) lors de l’application d’une surpression sur la goutte (θav) ou d’une dépression (θrec). Ces angles sont aussi observables lorsqu’une goutte se trouve sur un plan incliné (Figure II-8):
La surface des pointes étant trop petite pour des mesures au goniomètre, nous avons utilisé des surfaces recouvertes d’or. Les tests ont été effectués avec de l’eau et du dibutylphthalate (DBPh) qui est le solvant de nos dépôts. Son choix est expliqué dans la partie II.B.2 Les résultats sont présentés dans le Tableau II.1 suivant :
Eau dibutylphthalate
Dodécanethiol θav = 103° θav= 60° θrec = 83° θrec = 51°
Perfluorododécanethiol θav = 113° θav= 72° θrec= 96° θrec= 55° APTES θav= 50° θav= 30° θrec= 12° θrec= 25°
La mouillabilité des surfaces employées varie donc largement selon le traitement utilisé. Pour les deux liquides testés, comme attendu à partir des valeurs de tensions de surface critiques γc, les angles de contact augmentent nettement lorsqu’on passe de l’APTES aux molécules avec une chaîne aliphatique ou fluorée. Le tableau montre également la dépendance des angles de contact avec le solvant utilisé. Le DBPh de tension de surface = 35 mN/m est plus mouillant que l’eau de tension de surface = 72.4 mN/m. On peut donc anticiper que, toutes choses égales par ailleurs, la taille des dépôts sera plus importante avec le DBPh qu’avec l’eau.
Lorsqu’un dépôt est terminé la pointe NADIS est rincée par du dichlorométhane puis séchée avec une soufflette de diazote. Cette manipulation évite l’obstruction du canal de la pointe par les nanoparticules, et permet ainsi de réutiliser la pointe plusieurs fois. Toutefois, des nettoyages successifs éliminent peu à peu le traitement de surface, il faut donc penser à la fonctionnaliser après deux nettoyages. Il est d’ailleurs possible d’ôter entièrement le traitement de surface de la pointe en nettoyant la pointe au Piranha, ce qui permet de faire des tests avec des mouillabilités différentes pour une même ouverture, sans avoir à fabriquer une autre pointe.
Chargement de la pointe
Une fois la pointe traitée, celle-ci est montée sur l’AFM afin d’effectuer un premier réglage du Laser. Pendant ce temps, la solution de nanoparticules est dispersée aux ultrasons. Ensuite, celle-ci est chargée sur la pointe grâce à un micromanipulateur (The Micromanipulator Inc.). Il est composé de trois parties principales, présentées en Figure II-9 :
• Un microscope optique muni d’une caméra reliée à un ordinateur.
• Un bras mécanique terminé par un capillaire en verre et contrôlé à l’aide d’un joystick.
• Un système de micro-injection (Narishge PC-10) relié au capillaire permet de manipuler la solution en contrôlant la pression appliquée. Une dépression permettra de remplir le capillaire alors qu’une sur pression est nécessaire pour l’injection.
Le diamètre des capillaires commerciaux est trop élevé (1 mm) pour faire des dépôts de 30 µm de diamètre. Les capillaires commerciaux sont alors étirés à chaud pour obtenir des diamètres compris entre 2 et 10 µm. Ensuite le capillaire est monté sur le bras du micromanipulateur et branché au micro-injecteur (Narishige PC-10). La solution est introduite dans le capillaire directement à partir du flacon contenant la solution en faisant une dépression dans le capillaire grâce au micro-injecteur. Puis grâce à une succession de surpressions, différentes gouttes sont déposées sur une lame de microscope, pour déterminer la pression idéale à administrer pour déposer une goutte d’environ 30 µm de diamètre sur la pointe. Le capillaire est alors mis en contact sur le levier de la pointe proche du trou percé par FIB, la pression prédéterminée est alors appliquée, la solution s’écoule jusqu’à l’obtention de la taille désirée. Cette taille peut être optimisée en ajustant la pression. Une fois la taille voulue obtenue, le capillaire est relevé. La Figure II-10 montre une pointe chargée.
Le risque de cette méthode est de recouvrir intégralement le levier par le liquide lors de traitements hydrophiles, ou lors de chargements après plusieurs lavages de la pointe au dichlorométhane. Les pressions appliquées doivent être faibles.
Une fois la pointe chargée elle est réintroduite dans l’AFM, où les réglages du laser permettant de détecter le mouvement de la pointe sont affinés. Pour le DBPh, les dépôts doivent être faits dans un délai de 40 min pour éviter l’évaporation totale du réservoir. Dans le cas du glycérol, ce délai passe à une heure.
Procédure de dépôt
Les dépôts sont effectués avec deux microscopes différents, le premier est un Multimode équipé d’un scanner Picoforce (Bruker), le deuxième est un Dimension 3000 (Bruker) équipé d’une table de nanopositionnement NPS3330 (Queensgate Intruments). Le mode de dépôt reste le même avec les deux AFM, il s’agit d’utiliser l’AFM en mode contact. Ce mode, contrairement au mode tapping où la pointe oscille proche de la fréquence de résonance du bras de levier et touche la surface par intermittence, consiste à mesurer la déflexion du levier sans excitation.
Le mode contact est basé sur la dépendance de l’interaction entre la pointe et la surface en fonction de la distance qui les sépare. La courbe d’énergie potentielle U représentative de l’interaction en l’absence de forces capillaires peut être modélisée par un potentiel de Lennard-Jones. Cette courbe est représentée sur la Figure II-11, où l’énergie potentielle dépend de la distance pointe-surface.
On note que la courbe est découpée en trois domaines :
– Le domaine a, où la pointe est encore loin de l’échantillon, il n’y aucunes interactions
– Le domaine b, où il y a une interaction attractive pointe-échantillon, due aux forces de Van der Waals (flexion du cantilever vers le bas)
– Le domaine c, où la pointe est en contact avec l’échantillon, il y a donc une interaction pointe-échantillon répulsive (flexion du cantilever vers le haut).
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Table des matières
Introduction
Chapitre I Etat de l’art
Partie A Techniques de dépôt
I.A.1 Dépôt à partir de précurseurs
I.A.2 Dépôt à partir de nanoparticules synthétisées
I.A.2.1 Drop casting
I.A.2.2 Dépôts par spin-coating
I.A.2.3 Dépôt par dip-coating
I.A.2.4 Dépôt par tape-casting
I.A.2.5 Dépôt par électrophorèse
I.A.2.6 Dépôt par diélectrophorèse
I.A.2.7 Dépôt par fonctionnalisations de surfaces
I.A.3 Dépôts par projections
I.A.3.1 Dépôt par électrospray
I.A.4 Dépôt par écriture
I.A.4.1 Dip-Pen Nanolithography
I.A.4.2 Dépôt par nanofountain pen
I.A.4.3 NADIS
Partie B Conclusion
Chapitre II Dépôt de nanoparticules par technique NADIS
Partie A Méthodes expérimentales
II.A.1 Fabrication des pointes
II.A.2 Fonctionnalisation des surfaces
II.A.3 Chargement de la pointe
II.A.4 Procédure de dépôt
II.A.4.1 Dépôt par AFM Picoforce
II.A.4.2 Dépôt par AFM D3000
Partie B Dépôts de Nanoparticules
II.B.1 Nanoparticules de polystyrène
II.B.2 Nanoparticules magnétiques
II.B.2.1 Synthèse des nanoparticules
II.B.2.2 Dispersion des nanoparticules
II.B.2.3 Dépôts par Picoforce
II.B.2.4 Dépôt au D3000
II.B.2.5 Imagerie AFM des dépôts
Partie C Conclusion
Chapitre III Dépôt de nanoparticules magnétiques par électrospray
Partie A Fonctionnement d’un électrospray
III.A.1 Introduction
III.A.2 Fonctionnement de l’électrospray
III.A.2.1 Formation du cône de Taylor
III.A.2.2 Mécanismes d’expulsion des charges
Partie B Partie expérimentale
III.B.1 Montage Général
III.B.1.1 Source ionique
III.B.1.2 Sas de décompression
III.B.1.3 Enceinte sous vide
III.B.2 Obtention d’un dépôt de nanoparticules
Partie C Résultats et interprétations
III.C.1.1 Nombre de charges nécessaires selon le nombre de nanoparticules
III.C.1.2 Evolution des gouttes par CRM
III.C.2 Nanoparticules de Fe(0) et FeCo Synthèse chimique
III.C.2.1 Dépôt
III.C.2.2 Résultats
III.C.2.3 Interprétation des résultats
III.C.3 Nanocubes de 16 nm
III.C.4 Nanobâtonnets de 150 nm de long et 30 nm de diamètre
Partie D Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie
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