Dépôt de fluide sur une surface lisse

Expériences de dépôt

Régime étudié 

De nombreux procédés industriels requièrent de déposer une épaisseur déterminée de liquide sur une surface solide : dépôt de la couche photosensible sur les pellicules, zincage de plaques d’acier, fabrication de verres de lunettes, etc[47]. Cette épaisseur, comprise entre une fraction de micromètres et une fraction de millimètres, doit être précisément ajustée que ce soit pour des raisons de coûts, ou parce qu’elle participe à la fonction de l’objet (comme pour les traitements anti-reflets des verres de lunette). Nombre de ces procédés s’appuient sur la méthode de « dip coating » (littéralement « enduction par trempage »), qui consiste à immerger l’objet à enduire dans un bain du liquide dont on veut le recouvrir, puis à l’en retirer à vitesse constante. Il s’y dépose alors un film de fluide dont l’épaisseur peut être ajustée à l’aide de la vitesse de tirage. L’avantage principal de cette méthode est sa facilité de mise en oeuvre, qui ne nécessite qu’un système de translation à vitesse constante. L’épaisseur déposée est en effet entièrement déterminée par les propriétés du liquide et la vitesse de tirage. Cette propriété ne va pas sans un inconvénient : lorsque l’épaisseur du film à déposer et le liquide sont fixés, il n’y a qu’une vitesse possible. Modifier cette vitesse, par exemple pour des questions de rendement, nécessite d’utiliser une autre technique de dépôt, .

Il est naturel (et utile…) de se demander quels phénomènes déterminent l’épaisseur du dépôt dans ce régime de faibles épaisseurs. Comment dépend-elle de la vitesse d’extraction du solide ? Des propriétés du liquide ? Dépend-elle de l’état de surface du solide ? Ce chapitre rappelle l’état de l’art sur ces questions et permet de présenter le dispositif expérimental utilisé, puis souligne quelques-unes de ses limites.

Dispositif expérimental

Nous avons utilisé au cours de cette thèse une version bien contrôlée du procédé d’enduction par trempage mise au point par Mathilde Reyssat et David Quéré [61].

La surface (S) à enduire est fixe. C’est le bain de liquide qui se déplace verticalement (sur une distance de 13 cm), mû par un moteur pas à pas via une vis micrométrique. Le moteur permet d’atteindre des vitesses d’extraction (V ) variant de 1 µm ·s −1 à 1 cm ·s−1 . L’épaisseur de liquide déposée est mesurée par interférométrie à l’aide de la fibre optique (f), le principe de cette mesure est présenté au paragraphe suivant. La fibre peut ellemême être déplacée verticalement et latéralement (parallèlement à la surface enduite) sur une course d’environ 4 cm à l’aide de deux moteurs pas à pas entraînant deux platines micrométriques, ce qui permet d’effectuer une « cartographie » de la surface. Nous avons choisi d’utiliser des huiles silicones de différentes viscosités (2,7 mPa ·s < η < 1 Pa ·s) pour enduire les surfaces étudiées. Le premier avantage de ces huiles réside dans le fait qu’elles mouillent totalement la plupart des solides, et notamment le silicium sur lequel nous avons effectué l’essentiel de nos expériences. Elles se comportent de plus comme des liquides newtoniens jusqu’à des taux de déformation de l’ordre de 103 s−1 , bien supérieurs à ceux rencontrés dans nos expériences (au maximum de 10 s⁻¹ ), et sont peu volatiles aux températures usuelles. Enfin, leurs autres propriétés physiques (notamment leur masse volumique ρ et leur tension de surface γ) varient peu dans la gamme de viscosités étudiées : 890 kg · m−3 < ρ < 970 kg · m−3 et 18,9 mN/m < γ < 21,1 mN/m [84].

Mesure de l’épaisseur de liquide par réflectométrie

Principe de la mesure 

Nous avons vu que l’épaisseur de liquide attendue est inférieure à 100 µm, ce qui rend sa mesure parfaitement adaptée aux techniques de réflectométrie[95][46].  et s’appuie sur le fait que le film liquide agit comme un filtre interférentiel. Schématiquement, un faisceau de lumière blanche est pointé sur l’échantillon : une partie de la lumière se réfléchit sur la surface du film liquide, tandis qu’une autre fraction de la lumière se réfléchit sur le substrat. Notant ed l’épaisseur de liquide, la différence de chemin optique entre ces deux contributions est égal à δ = 2ned où n est l’indice optique du liquide. Il y a des interférences destructives si δ = (2p + 1)λ/2, p étant un entier quelconque. Certaines longueurs d’ondes λp = 4ned/(2p + 1) sont donc moins bien réfléchies que d’autre. Plus précisément, on peut montrer que le spectre de la lumière réfléchie (intensité réfléchie vs longueur d’onde) présente des oscillations de la forme cos(4ned/λ). Connaissant n, un ajustement du spectre mesuré de l’intensité réfléchie permet donc de déterminer l’épaisseur ed.

En particulier, plus la couche de liquide est épaisse, et plus les oscillations du spectre sont resserrées, et nombreuses. Inversement, une couche mince produit peu d’oscillations. Nous avons utilisé un réflectomètre commercial équipé d’une lampe dont le spectre s’étend de 350 nm à 1100 nm. La mesure est effectuée à l’aide d’une fibre optique, qui éclaire l’échantillon et collecte la lumière réfléchie par deux trous d’environ 0,5 mm. La taille de la zone sondée est du même ordre de grandeur que la taille des trous. La lumière collectée est analysée par un spectromètre, puis le spectre obtenu , est ajusté à l’aide du logiciel fourni, le paramètre d’ajustement étant justement l’épaisseur de la couche de fluide. Il est à noter que le temps nécessaire à l’ajustement  peut atteindre quasiment une seconde, ce qui peut être gênant si l’on essaie d’effectuer des mesures très rapprochées, pour cartographier par exemple un dépôt.

Limites de la mesure
La première limitation de l’appareil est qu’il ne permet d’effectuer de mesure que sur un substrat réfléchissant. Néanmoins, cette contrainte est plus lâche qu’il n’y paraît de prime abord : la mesure est possible (mais un peu plus délicate) sur du verre. L’épaisseur maximale que peut mesurer l’appareil est donnée par la résolution de son spectromètre : si le film est trop épais, les oscillations du spectre sont si rapides qu’elles ne peuvent être capturées. Or, le spectromètre utilisé a une résolution nominale de 1 nm. Si l’on requiert des oscillations au moins 10 fois plus grandes que cette résolution, on obtient une épaisseur maximal emax ≈ 100 µm, ce qui correspond à ce qui est annoncé par le fabricant du réflectomètre. L’épaisseur minimale est donnée par l’étendue du spectre mesuré : si l’épaisseur est trop faible, on n’observe qu’une portion d’oscillation du spectre. L’épaisseur minimale indiquée par le fabricant (à savoir 20 nm, beaucoup plus faible que les épaisseurs minimales que nous mesurerons) correspond à l’observation d’environ 10 % d’une oscillation.

En pratique
Avant de commencer la mesure proprement dite, il faut déterminer l’intensité réfléchie par le substrat en l’absence de film liquide. Cette mesure est ensuite utilisée pour normaliser l’intensité réfléchie en présence de liquide, afin que le coefficient de réflexion mesuré soit toujours compris entre 0 et 1. Cette première étape permet également de positionner au mieux la fibre optique, afin que l’intensité réfléchie soit la plus grande possible. La distance optimale du bout de la sonde au substrat est d’environ 1 mm ± 0,5 mm, ce qui est assez faible pour poser quelques problèmes pratiques. En particulier, l’ensemble de l’expérience est monté le plus rigidement possible, et la surface à enduire doit être maintenue parallèle au plan de déplacement de la sonde. De plus, celle-ci doit pouvoir être éloignée de quelques cm pour permettre l’immersion de la surface, puis retournée à sa position d’origine. La sonde doit également être bien parallèle à la surface. Après le réglage de la position de la sonde, l’intensité reçue par le spectromètre est ajustée en réglant le « temps d’intégration » du réflectomètre, c’est à dire le « temps d’exposition » pendant lequel l’appareil acquiert le signal. Pour des matériaux bien réfléchissants comme le silicium, ce temps vaut environ 70 ms, mais il peut atteindre 300 ms pour des matériaux moins réfléchissants comme le verre (ce qui peut être gênant si l’on essaie d’effectuer des mesures très rapprochées, pour cartographier par exemple un dépôt). L’appareil est alors bon pour le service…

Ménisque statique 

La tension de surface γ d’un liquide caractérise le coût énergétique de création d’une surface S interface : E = γS. En l’absence de tout autre phénomène (gravité en particulier), une quantité donnée de liquide adopte ainsi une forme qui minimise sa surface, et donc son énergie. C’est ce qui explique la forme sphérique des petites gouttes, et les mêmes considérations régissent les formes des films de savon[7]. Lorsque le liquide entre en contact avec le solide, la situation est plus complexe. En fonction de la nature du solide et du liquide, ce dernier peut avoir tendance à s’y étaler, ou au contraire à limiter la zone de contact. On caractérise les propriété de mouillage par l’angle de contact θc à l’équilibre entre la surface du liquide et le solide[108]. La situation de mouillage total dans laquelle nous nous plaçons ici correspond à un angle de contact nul. Au contraire, certains couples solide/liquide (notamment de l’eau sur un substrat superhydrophobe[12, 4, 77] ou certaines feuilles[5, 68]) possèdent un angle de contact proche de 180◦ : des gouttes posées ne s’étalent quasiment pas et restent sous forme sphérique.

Lorsqu’une surface verticale est mise en contact avec un bain de liquide mouillant ou partiellement mouillant (0◦ < θc < 90◦ ), ces effets tendent à faire remonter la liquide le long de la paroi pour satisfaire la condition de mouillage total θc = 0. Comme l’illustre la figure 1.5, cette ascension de liquide est bien sûr limitée par la gravité, et seul un ménisque de taille millimétrique s’élève du bain.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

I Dépôt libre de fluide
1 Dépôt de fluide sur une surface lisse
1.1 Expériences de dépôt
1.1.1 Régime étudié
1.1.2 Dispositif expérimental
1.1.3 Mesure de l’épaisseur de liquide par réflectométrie
1.1.4 Épaisseur déposée
1.2 Théorie de Landau Levich Derjaguin
1.2.1 Les forces en présence
1.2.2 Ménisque statique
1.2.3 Loi d’échelle pour l’épaisseur déposée
1.2.4 Théorie de LLD
1.2.5 Précision du montage expérimental
1.3 Anomalies et corrections à la loi de Landau
1.3.1 Effet de la gravité
1.3.2 Effet de l’inertie
1.3.3 Effet des tensioactifs
1.3.4 Le paradoxe de l’eau
1.4 Conclusion
2 Entraînement texturé
2.1 Un système modèle
2.1.1 Motivations
2.1.2 Des surfaces à la rugosité bien contrôlée
2.2 Expériences de dépôt
2.2.1 Effet de la viscosité du liquide
2.2.2 Deux régimes extrêmes de dépôt
2.2.3 Influence du pas du réseau p
2.3 Modèle à deux couches pour l’enduction de surfaces texturées
2.3.1 Caractéristiques du modèle
2.3.2 Adaptation de la théorie de LLD
2.3.3 Forme du ménisque dynamique
2.3.4 Détermination de l’épaisseur libre entraînée
2.4 Confrontation du modèle aux l’expérience
2.4.1 α comme paramètre d’ajustement
2.4.2 Accroissement de viscosité et géométrie de la surface
2.5 Importance de l’écoulement dans la texture
2.5.1 Glissement entre couches
2.5.2 Écoulement dans la texture
2.6 Perspectives
3 Drainage texturé
3.1 Expériences de drainage
3.1.1 Importance (éventuelle) du drainage
3.1.2 Drainage sur une surface lisse
3.1.3 Drainage sur une surface texturée
3.2 Régime de drainage « lent »
3.2.1 Évolution du film libre
3.2.2 Interprétation à l’aide du modèle à deux couches
3.3 Marche
3.3.1 Rôle du film captif
3.3.2 Vitesse de translation du film libre
3.3.3 Épaisseur du film libre 0
3.3.4 Blocage de l’écoulement dans la texture
3.4 Épaisseur d’équilibre en fin de drainage
3.4.1 Gradient d’épaisseur de film
3.4.2 Mesure du gradient d’épaisseur
3.5 Dépôt et drainage sur des surfaces ultra-diluées
3.5.1 Expériences de drainage
3.5.2 Expériences de dépôt
3.6 Conclusion
II Dépôt forcé de fluide
4 Dépôt de fluide par une membrane élastique
4.1 Dispositif expérimental
4.1.1 Motivations
4.1.2 Présentation du montage expérimental
4.1.3 Méthodes de mesure de l’épaisseur
4.2 Forme du racloir
4.2.1 Résistance à la flexion
4.2.2 Équilibre mécanique
4.2.3 Forme statique du racloir
4.3 Expériences de dépôt dans la configuration « mouillante »
4.3.1 Épaisseur entraînée en fonction de y˜0
4.3.2 Mesure de l’épaisseur déposée
4.3.3 Prédiction en loi d’échelle de l’épaisseur déposée
4.3.4 Comparaison avec les expériences
4.3.5 Un dépôt élastique « à la LLD » ?
4.4 Coefficient de la loi de dépôt
4.4.1 Présentation du modèle
4.4.2 Forme du racloir dynamique
4.4.3 Couplage entre élasticité et contraintes visqueuses
4.4.4 Conditions aux limites
4.4.5 Raccord avec le racloir statique, et coefficient
4.5 Différences avec l’expérience
4.5.1 Une situation expérimentale bien décrite ?
4.5.2 Effet de la largeur de racloir
4.6 Prise en compte de la largeur finie du dépôt
4.6.1 Correction au modèle
4.6.2 Correction constante
4.7 Autres régimes de dépôt
4.7.1 Régime très appuyé : y0 < ym
4.7.2 Régime de « mouillage partiel » : y0 > ym
4.8 Conclusion
5 Dépôt de fluide par une membrane rigide
5.1 Dispositif expérimental
5.1.1 Une limite du cas flexible ?
5.1.2 Montage expérimental
5.2 Épaisseur déposée
5.2.1 Le couteau à enduire de Taylor
5.2.2 Vérification de la prédiction
5.3 Conclusion sur les racloirs flexibles
III Conclusion

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *