Dépistage et titrage des inhibiteurs anti FVIII et anti FIX

Structure de la protéine du FVIII

     Le FVIII est synthétisé principalement dans le foie, mais la rate et les reins pourraient aussi en produire. C’est un facteur thermolabile qui se retrouve dans les euglobulines. Il est cryoprécipitable non absorbable est consommé pendant la coagulation. Dans le plasma, il est associé au facteur Willebrand (FvW) par une liaison non covalente qui le protège d’une protéolyse rapide. Sa demi-vie est de 10 à 16 heures. C’est une glycoprotéine de masse moléculaire de 170 à 330 kilodaltons. Selon le degré d’hydrolyse du domaine B, il comprend 2332 AA et comporte 25 sites de glycosylation. Il comprend (figure 2) :
 Un domaine «A» avec 3 zones (A1, A2, A3) homologues à la céruléoplasmine, et comportant 330 acides aminés chacun
 Un seul domaine «B» central (980 acides aminés), principal site de liaison des hydrates de carbone,
 Un domaine «C» avec 2 zones de 150 AA, sites de liaison des phospholipides.
La séquence peut être schématisée ainsi : A1, A2, B, A3, C1, C2. Le clivage de la protéine par des protéases plasmatiques, peu après sa sécrétion, permet sa circulation sous forme bicaténaire, comprenant :
 une chaîne lourde contenant les domaines A1, A2 et une portion variable du domaine B de 90 à 200 kilodaltons,
 une chaîne légère (A3-C1-C2) de 80 kilodaltons reliée au niveau des domaines A1/A2 et C par un ion métallique divalent.

Concentrés de FVIII

    Les concentrés de FVIII sont le traitement privilégié de l’hémophilie A [1]. Il existe plusieurs catégories de concentrés de FVIII :
 Les CFCs à demi-vie standard dont la demi-vie est courte < 12 heures:
 Le FVIII de très haute pureté : traité par solvant détergent et obtenu par technique de chromatographie par échange d’ions [10].
 Le FVIII immunopurifié : obtenu à partir du plasma.
La très grande pureté de ces produits les rend instables et leur stabilité est assurée par l’albumine humaine.
 Le FVIII recombinant avec modification structurale de la protéine du facteur.
 Les CFCs à demi-vie prolongée (tableau I)
 Le FVIII recombinant par fusion avec l’albumine ou avec la partie Fc de l’immunoglobuline IgG : rFVIIIFc [11,12].
 Le FVIII recombinant par pegylation : glycoPEG-FVIII* [13].
Ces facteurs recombinants sont fabriqués par génie génétique et leur avantage est de pouvoir éviter la transmission d’agents infectieux. Ils peuvent être recombinés avec ou sans protéines d’origine humaine ou animale [14]. La technique utilisée pour modifier la demi-vie peut être :
 Par Fusion du FVIII avec la partie Fc des Immunoglobulines G ou avec l’albumine ; toutes les deux, l’albumine et les IgG, restent dans la circulation pendant des semaines ; le récepteur Fc néonatal (FcRn) recycle les protéines de fusion ; le Fc-IgG est responsable de l’induction de la tolérance et du transfert placentaire du FVIII ;
 Par Pégylation au niveau d’un site spécifique BAY 94-9027 par mutation de la cystéine ; les sucres permettent une liaison au facteur de coagulation N8-GP avec une lente dégradation de la molécule.
Ces CFCs ont une demie-vie plasmatique plus longue et variable avec une meilleure efficacité et innocuité que les facteurs dérivés du plasma. On les appelle les concentrés de facteur à longue durée d’action et celui qui a actuellement la plus longue demi-vie est le rFVIIIFc de l’ordre de 19h [15,16].

Modalités d’administration et posologie

     Avant toute élaboration d’un protocole prophylactique, il y a des paramètres à prendre en considération : l’âge de début de la prophylaxie, l’âge actuel du patient, l’accès veineux, la morbidité de la maladie, la disponibilité des CFCs, les conditionnements disponibles pour les CFCs. En fonction de la dose administrée, on distingue [25] :
 la prophylaxie à haute dose : pratiquée en Suède, USA et Canada
 La prophylaxie à dose intermédiaire : appliquée en Hollande.
 La prophylaxie à faibles doses : adoptée dans les pays à ressources limitées.
À l’heure actuelle, les deux protocoles prophylactiques utilisés pour lesquels la FMH dispose de données à long terme sont [1]:
 Le protocole Malmö : injections de 25 à 40 UI/kg administrées 3 fois par semaine pour les hémophiles A, et 2 fois par semaine pour les hémophiles B.
 Le protocole Utrecht : injections de 15 à 30 UI/kg administrées 3 fois par semaine pour les hémophiles A, et 2 fois par semaine pour les hémophiles B.
Dans les pays ne disposant pas de suffisamment de ressources, l’administration plus fréquente de doses moins importantes (c’est-à-dire, des injections de 10 à 15 UI/kg, deux à trois fois par semaine) peut s’avérer efficace. Des études sont en train d’être menées pour démontrer l’efficacité de la prophylaxie à faibles doses dans les pays en voie de développement particulièrement en Inde (10 UI/kg deux fois par semaine) [21], en Chine [26]et les pays de l’Afrique du nord (20 UI/kg/semaine ou 10-15 UI/kg deux fois par semaine) [22]. Par ailleurs, les nouvelles formules de concentrés de CFCs à demi-vie prolongée visent à maintenir le taux de facteurs dans le sang plus longtemps. Autrement dit, des injections moins fréquentes ou moins nombreuses seront nécessaires pour parvenir au même résultat [27]. La disponibilité de ces médicaments pourrait modifier le mode d’administration du traitement prophylactique. Actuellement, la FMH préconise de personnaliser autant que possible la prophylaxie en fonction de l’âge, de l’accès veineux, du phénotype, du saignement, de l’activité et de la disponibilité des CFCs [18].

Les anticorps anti-FVIII « non fonctionnels »

     Il existe des Acs qui n’interagissent pas avec les propriétés fonctionnelles du FVIII et sont donc non détectables par la technique Bethesda [8]. Ces Acs dénués d’activité inhibitrice et dirigés contre des épitopes dits « non fonctionnels », sont mis en évidence, entre autre, par la technique ELISA, et peuvent exister chez des patients hémophiles avec ou sans inhibiteurs. Les Acs dirigés contre des épitopes du domaine B font partie de cette catégorie [59]. La présence de ces Acs dans la réponse immunitaire anti-FVIII laisse suspecter qu’ils jouent un rôle probablement non négligeable [59,60]. Cependant leurs mécanismes d’action restent à élucider et la détection de tels Acs n’entraîne à ce jour aucune modification dans la prise en charge thérapeutique du patient.

Intensité du traitement et modalités d’administration

     La perfusion continue est évoquée comme un FDR pouvant être due à une modification des caractéristiques du FVIII lié au temps de conservation avant son injection ; un contact prolongé de la protéine avec le plastique du dispositif injectable ; un contact avec la paroi veineuse notamment en cas d’inflammation ou une diffusion sous-cutanée favorisant l’immunisation. Les interventions chirurgicales constituent une situation à risque surtout pour les hémophiles sévères, lorsque la chirurgie est l’une des premières circonstances de traitement. De plus elle entraîne des délabrements tissulaires et une réaction inflammatoire avec génération de cytokines pro-inflammatoires.

CONCLUSION

     L’hémophilie est une maladie hémorragique héréditaire à transmission gonosomique récessive porté par le chromosome X. Elle est caractérisée par un déficit en FVIII (hémophilie A) ou FIX (hémophilie B), prédisposant les patients aux risques de saignements. La gravité de ces saignements est corrélée au taux de facteur plasmatique résiduel. Sa prise en charge se fait essentiellement par la supplémentation en CFCs avec plusieurs protocoles thérapeutiques dont la référence actuellement est la prophylaxie. L’arrivée des nouveaux CFCs recombinant à longue durée d’action a révolutionné le traitement prophylactique, entrainant ainsi une meilleure observance chez les patients. Cependant, au cours de ces traitements par les CFCs, l’apparition d’inhibiteur est la conséquence la plus redoutable et la plus grave. Ces inhibiteurs se comportent comme des ACC neutralisant l’activité biologique du facteur administré, rendant inefficace le traitement. Ils se développent tôt dès les premières perfusions souvent avant la dixième. Cette atteinte immunologique concerne surtout les hémophiles sévères et est plus retrouvée chez les hémophiles A que chez les hémophiles B. Cependant, des études menées sur la prophylaxie ont montré un effet protecteur de cette dernière sur la survenue d’inhibiteur. Par ailleurs, il a été démontré que les CFCs à demi-vie prolongée étaient moins immunogènes que les CFCs à demi-vie standard. Toutes ces données nous permettent de formuler l’hypothèse suivante : la prophylaxie à faibles doses avec l’utilisation des CFCs à demi-vie prolongée pourrait-elle réduire le risque de survenue d’inhibiteur ? Ainsi, dans le cadre du suivi de la prophylaxie, nous avons initié cette étude pour évaluer les inhibiteurs chez des hémophiles sévères sous prophylaxie. Les objectifs spécifiques étaient de :
– Faire le dépistage des inhibiteurs ;
– Titrer ces inhibiteurs anti-FVIII et anti-FIX ;
– Définir le profil de répondeurs ;
– Déterminer le délai de survenue de ces inhibiteurs en fonction du nombre de JCPA ;
– Etudier les facteurs de risque de survenue de ces inhibiteurs ;
– Evaluer l’impact des inhibiteurs sur la morbidité de la maladie.
Ainsi, nous avons mené une étude prospective et longitudinale sur une période au total de 42 mois allant du 11 février 2016 au 31 aout 2019 (32 mois de PFD avec CFCs à demi-vie prolongée et 10 mois de PFD avec CFCs à demi-vie standard). Ont été inclus 15 hémophiles sévères sous prophylaxie dont 13 HA et 2 HB régulièrement au CNTS dont les critères d’inclusion étaient :
 Hémophile sévère dont le diagnostic a été confirmé devant un taux de facteur < 1%
 Suivi régulièrement dans le service (au moins 2 consultations annuelles)
 Agé de moins de 10 ans
 N’ayant pas encore développé d’inhibiteurs anti FVIII ou anti FIX
 N’ayant pas encore de complications chroniques liées à la maladie
 Ayant au moins un épisode de saignement antérieur.
Le protocole de substitution prophylactique consistait à administrer aux patients une dose hebdomadaire de 25 UI/kg de CFCs pour les hémophiles A et 30 UI/kg pour les hémophiles B. Le protocole de dépistage des inhibiteurs consistait à faire des prélèvements chez les patients à T0 (une semaine avant le début de la prophylaxie), à T1 (Après 10 JCPA), à T2 (après 25 JCPA), à T3 (après 50 JCPA) et à T4 (10 mois après être passé aux CFCs à demi-vie standard). Au terme de ce travail, nous avons obtenu les résultats suivants :
Concernant le dépistage et le titrage des inhibiteurs :
 L’incidence globale était de 33,3% avec une prévalence périodique respectivement de 6,7% à T2, 13,3% à T3 et 13,3% à T4.
 Le patient qui avait un dépistage positif à T2 avait des inhibiteurs transitoires et correspondait au PUP.
 Les 4 autres patients avaient des inhibiteurs permanents et étaient répartis en 3 faibles répondeurs et 1 fort répondeur. Leur nombre moyen de jour d’exposition était de 223 jours (194 – 292 jours).
Concernant les facteurs de risque de survenue des inhibiteurs :
 Nous avons noté une influence très significative de l’infection (p=0,004) sur la survenue des inhibiteurs.
 Aucune différence significative n’a été notée entre les deux groupes pour les autres facteurs de risque (observance thérapeutique, âge 1ère exposition, antécédents familiaux d’inhibiteurs, changement de produits, chirurgie).
Concernant la morbidité de la maladie chez les patients avec inhibiteurs :
 l’ABR n’a changé que chez un patient avec inhibiteur à fort répondeur.
 Dans 6% des cas, les saignements étaient majeurs et nécessitaient 2 injections de CFCs.
 Nous n’avons pas noté de survenue de nouvelle articulation cible chez ces patients.
Au total, ce travail nous a permis de montrer que le développement d’inhibiteurs anti facteur VIII / IX est une complication immunologique fréquente au cours du traitement prophylactique chez les hémophiles. Cependant, son incidence n’est pas plus élevée lors de la prophylaxie à faibles doses avec les CFCs à demi-vie prolongée qu’avec les CFCs à demi-vie standard. Par ailleurs, cette étude montre la difficulté de mettre en œuvre ces programmes de traitement continu en Afrique, en particulier chez les jeunes qui doivent se l’approprier, pour assurer une stricte observance au traitement. Cependant, certains obstacles ont été rencontrés :
 Le coût élevé des tests
 Les ruptures occasionnelles de réactifs et consommables
Nos perspectives sont les suivantes :
 Rendre disponible les traitements spécifiques pour les patients avec inhibiteurs (induction de tolérance immune, Emicizumab) ;
 Généraliser le dépistage régulier des inhibiteurs chez tous les hémophiles suivis ;
 Faire la recherche des mutations génétiques causales chez les patients sous prophylaxie.

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Table des matières

PREMIER PARTIE
I- Notion de base
I-1- Définition
I-2- Facteur VIII (FVIII)
I-2-1- Gène du FVIII
I.2.2.Structure de la protéine du FVIII
I.3. FIX
I.3.1. Gène du FIX
I.3.2. Structure du FIX
I.4. Role des FVIII et FIX dans la coagulation
II- Traitement substitutif de l’hémophilie
II-1- Concentrés de facteurs
A. Concentrés de FVIII
B. Concentrés de FIX
II-2- Type de protocole
II-2-1- Traitement à la demande
II- 2- 2- Traitement prophylactique
II- 2- 2- 1- Définition
II-2-2-2- Epidémiologie
II- 2- 2- 3- Type de prophylaxie
II- 2- 2- 4- Modalités d’administration et posologie
III- Généralités sur les inhibiteurs
III-1- Définition
III-2- Epidémiologie
II-3-Physiopathologie des inhibiteurs
II-3-1-Isotopes et sous classes des anticorps anti FVIII
II-3-2-Classification des inhibiteurs
II-3-3-Mécanismes d’action
II-3-3-1-Les inhibiteurs anti-domaine A2
III-3-3-2-Les inhibiteurs anti-domaine C2
II-3-3-3-Les inhibiteurs anti-domaine A3
II-3-3-4- Les inhibiteurs anti-régions acides a1 et a3
III.3.3.5.Les inhibiteurs anti-domaine C1
II-3-3-6-Les anticorps catalytiques
II-3-3-7- Les anticorps anti-FVIII « non fonctionnels »
II-3-3-8-Les anticorps anti-idiotypes
II-3-4- Allo-anticorps anti FIX
III-4- Facteurs de risque de survenue des inhibiteurs FDR
III-4-1- Facteurs liés au patient
III-4-2- Facteurs liés au traitement
III-5- Diagnostic d’un inhibiteur
III-5-1-Circonstance de Découverte
III-5-2-Diagnostic biologique
III-5-2-1- étape préanalytique
III-5-2-2-Dépistage
III-5-2-2- Détection et titration des inhibiteurs
II-6- Stadification
II-7- Prise en charge des inhibiteurs
DEUXIEME PARTIE
I-Contexte et justification de l’étude
I-1- Contexte
I-2- Justification de l’étude
II-Objectif de l’étude
II-1- Objectif général
II-2- Objectifs spécifiques
III-Cadre d’étude
IV- Méthodologie
IV-1- Type d’étude et période d’étude
IV-2- Population d’étude
IV-3- Protocoles d’étude
IV-3-1- Protocole de la prophylaxie
IV-3-2- Protocole de dépistage des inhibiteurs
IV-4- Variables étudiés et leurs mesures
IV-4-1- caractéristiques des patients
IV-4-2- dépistage et titrage des inhibiteurs
IV-4-3- Facteurs de risque de survenue des inhibiteurs
IV-4-4- Aspect évolutif chez les hémophiles avec inhibiteurs
IV-4-5- Considérations éthiques
IV-5- Analyses statistiques
V- Résultats
V-1- Caractéristiques générales des patients
V-2- Prévalence Globale
V-3- Période de survenue
V-4- Titre
V-5- Evolution
V-6- Caractéristique des patients avec inhibiteurs permanents
V-7- Facteurs de risque de survenue des inhibiteurs
V-8- Morbidité des inhibiteurs
VI-Discussion
VI-1- Prévalence
VI-2- Titre et évolution
VI-3- Facteurs de risque de survenue d’inhibiteurs
VI-4- Morbidité chez les patients avec inhibiteurs
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXE

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