Le cancer du sein est le cancer féminin le plus fréquent en France, avec plus de 48000 nouveaux cas par an [1]. Il reste la première cause de décès par cancer chez les femmes bien que la mortalité soit en diminution de par les améliorations thérapeutiques et le diagnostic précoce. Près d’une femme sur neuf sera touchée au cours de sa vie [2]. Le taux d’incidence du cancer du sein augmente dès l’âge de 30 ans et ce jusqu’à 70 ans [3], avec 10% de ces cancers survenant chez la femme de moins de 40 ans [4]. Parallèlement à ces données, l’âge moyen de la première grossesse augmente, se situant aux 30 ans de la femme. Ainsi, le nombre de femmes qui auront un cancer avant la fin de leur projet parental augmentera dans les années à venir. On estime que 10 à 15% des femmes en âge de procréer présenteront une grossesse après leur cancer du sein [4], apportant des questions sur la fertilité et la qualité de vie après ce cancer.
En France, le dépistage organisé ne concerne que les femmes de 50 à 74 ans, si elles ne présentent pas de facteur de risque, et consiste en une mammographie tous les deux ans. En plus de cela, un examen clinique des seins est recommandé tous les ans dès l’âge de 25 ans [3]. L’importance de ce dépistage est prouvée par le fait que dépisté à un stade précoce le cancer du sein pourra être guéri dans plus de 90% des cas [5]. En 2004, l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation en Santé) a publié un rapport concernant l’opportunité d’étendre le programme de dépistage du cancer du sein aux femmes âgées de 40 à 49 ans. Ce rapport avait conclu que les données scientifiques actuelles ne justifiaient pas un dépistage avant 50 ans. Cependant, de nombreux pays débutent le dépistage dès l’âge de 40 ans (Suède, Islande, Australie[6].
Le cancer du sein, comme nous l’avons introduit, est un cancer multifactoriel et donc complexe. Nous savons qu’il est fréquent chez la femme de plus de 50 ans mais, la femme jeune n’est pas épargnée : 10% des cancers du sein surviendront chez la femme de moins de 40 ans [2]. Sur les 65 patientes de notre étude, 14 (21,5%) étaient âgées de moins de 35 ans au moment du diagnostic.
Le dépistage consiste donc pour les femmes ayant entre 25 et 50 ans en une palpation mammaire annuelle. Ces modalités de dépistages peuvent être adaptées à la patiente suivant son niveau de risque, évalué par le professionnel de santé ayant connaissance des antécédents et facteurs de risque de celle-ci.
Le cancer du sein étant un cancer hormono-dépendant, l’exposition aux œstrogènes est l’un des facteurs de risque les plus connus :
– L’âge moyen des premières règles est de 12,5 ans dans notre population, pour un risque augmenté de cancer du sein lorsqu’elles surviennent avant 12 ans [11].
– L’âge moyen lors de la première grossesse menée à terme est de 27,1 ans, contre 28,1 pour la population française [12]. Le risque augmentant avec l’avancée de l’âge auquel la femme donne naissance à son premier enfant : réduction du risque de 2/3 pour une première naissance avant 18 ans par rapport à l’âge de 35 ans [13].
– Le nombre d’enfants par femme en France, est de 2,1 contre 1,7 dans notre cohorte [12]. Une plus grande parité étant associée à une réduction du risque de cancer du sein : le risque de développer la maladie pour les femmes ayant eu 5 enfants ou plus est estimé entre 40 et 60% du risque des nullipares [13]. A noter, qu’une augmentation transitoire du risque est observée dans les 5 années suivant la grossesse [11].
– La prise de contraception oestro-progestative augmente de façon minime le risque de cancer du sein après une utilisation prolongée. La durée d’utilisation du contraceptif n’était pas spécifiée dans les dossiers consultés.
– L’allaitement que nous avons également étudié, n’est pas un facteur de risque, mais peut être protecteur si prolongé au-delà de 12 mois [11]. 43,1% des femmes de notre populations avaient allaité, pour 66% d’allaitement à la naissance au national [13]. La durée d’allaitement a également été recherchée [Tableau 2] mais non interprétable car renseignée dans trop peu de dossiers.
Nous savons que le risque de présenter un cancer du sein est multiplié par 2 lorsqu’il existe un antécédent familial au premier degré [9]. Dans notre série, il en a été retrouvé chez moins de 20%. Dans le cas d’une mutation BRCA, ce risque est augmenté de 80% [14].
Les facteurs liés au mode de vie interviennent également dans le risque de développer un cancer du sein. Nos patientes ne se distinguaient pas par leur IMC. Il est cependant à noter que l’obésité à un effet protecteur chez la femme jeune, à mettre en balance avec le fait que les lésions de petite taille sont plus facilement détectées chez la femme mince [15]. Après lecture de nos résultats, nous constatons qu’aucun facteur de risque n’est significatif. Cette observation rejoint celle réalisée par Merviel P., et al : après avoir réparti les patientes incluses en deux groupes, l’un à fort risque, l’autre à faible risque, les proportions dans chacun des groupes étaient comparables, relativisant les rôles des différents facteurs prédisposants [11]. En ce qui concerne notre population, le seul moyen de dépistage est donc, en dehors de l’apparition de signes cliniques détectés par la patiente elle-même, la palpation des seins. Or, la palpation mammaire doit être un examen suivant une méthodologie rigoureuse et mainte fois répété par le professionnel afin d’être indicatif. Cet examen retrouvera des adénopathies chez 30% des patientes « normales » [16]. Le risque est donc que la possibilité d’un cancer ne soit pas évoquée de par sa rareté et comparativement à la fréquence des pathologies bégnines du sein chez la femme jeune (douleurs liées à l’imprégnation hormonale, adénofibromes, kystes …).
Les résultats de notre étude montrent cependant que l’examen clinique ne sera utilisé par le professionnel de santé que pour confirmer une manifestation clinique déjà observée par la patiente : 80% (n=52) d’entre-elles avaient constaté une anomalie. Tendance retrouvée dans l’étude de Bakkali et al., où dans 90% des cas le signe révélateur était un nodule mammaire [17]. Notre étude a montré que le gynécologue reste encore en majorité le premier professionnel de santé que rencontrent ces femmes. Le médecin généraliste est le second acteur privilégié. Aucune consultation par une sage-femme n’a été mentionnée dans aucun dossier. Cependant, depuis la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé et Territoire) du 21 Juillet 2009, les sages-femmes sont habilitées à assurer des consultations en matière de gynécologie préventive (selon les recommandations de l’HAS, afin d’orienter en consultation d’oncogénétique lorsque cela s’avère nécessaire). Savoir dépister ce cancer, et surtout savoir y penser, est une nécessité. La seconde difficulté apparaît au moment de réaliser le diagnostic : des examens complémentaires doivent être réalisés. La mammographie, qui est utilisée dans le dépistage organisé, se révèle moins sensible chez la femme jeune. Cette perte de sensibilité est due à la densité plus importante des seins, pouvant gêner l’individualisation de la lésion. Cependant, deux études s’attachant au diagnostic du cancer du sein chez la femme de 40 ans montrent qu’une anomalie était retrouvée à la mammographie dans 86 et 72% des cas après dépistage clinique [18]. L’association à l’échographie est courante chez les patientes de moins de 40 ans, sa sensibilité serait plus importante que celle de la mammographie dans cette population, pour une spécificité égale [19].
Le cancer du sein chez la femme jeune est un cancer plus agressif, évoluant plus rapidement et étant de moins bon pronostic que chez la femme de plus de 50 ans. Cela se confirme au travers de notre étude. En effet, nous constatons que nos patientes ont consulté rapidement : délai inférieur à 1 mois pour 35 patientes (53,8%). Malgré cela, la taille de la lésion au dépistage était supérieure à 20mm pour 37 patientes (56,9%). Une telle dimension est rarement retrouvée chez les patientes bénéficiant de mammographies : le but du dépistage organisé étant de détecter des cancers de petite taille, inférieurs à 10mm [20].
De plus, une grande majorité de nos patientes présentait un cancer classé grade 3 sur l’échelle de Scarff, Bloom et Richardson (28, soit 43,1%). Cela signifie que les cellules retrouvées au niveau de la lésion ont perdu toutes leurs caractéristiques originelles, signant une évolution rapide du cancer. Cette donnée tranche avec le fait que chez plus de 70% de nos patientes (73,8% RE+, 70,8% RP+) des récepteurs hormonaux étaient présents. En effet, les récepteurs hormonaux ne sont normalement plus retrouvés dans les lésions de grade 3, de par la rapidité de prolifération, entraînant la perte des caractéristiques propres au cellules mammaires. Colleoni et al., ont retrouvé dans un groupe de femmes de moins de 35 ans 61,9% de cancers de grade 3 dont 38,8% RE- et 49,1% RP-. Par opposition, chez les femmes plus âgées ont été retrouvés 37,4% de grade 3, dont 21,6% RE- et 35,3% RP- [21]. Dans notre série, les tumeurs ont, malgré leur développement rapide, gardé leurs récepteurs aux hormones, permettant la mise en place d’une hormonothérapie, en complément des autres traitements.
Bien que nous ne bénéficiions que de peu de recul sur les cas observés (5 ans maximum, pour les patientes dépistées en janvier 2011), un nombre important de prolifération métastatique post-traitement est observé : 13 patientes, soit 20%. Une patiente a également présenté une rechute concernant le sein controlatéral. Rechute et envahissement métastatique constituent des récidives du cancer traité. Nous savons que le cancer du sein de la femme de moins de 40 ans est à risque de récidive plus élevé, sans que les facteurs d’agressivité connus chez celles-ci ne suffisent à l’expliquer.
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Table des matières
Sommaire
1. Introduction
2. Recherche
2.1 Type d’étude
2.2 Population d’étude
2.3 Méthodologie de la recherche
2.4 Exploitation des résultats
3. Résultats
3.1 Le dépistage
3.2 Caractéristiques de la lésion
3.3 Facteurs de risque
4. Discussion
5. Conclusion
6. Références
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