Dépistage du cancer du col de l’utérus par méthodes visuelles

Le cancer du col utérin constitue un véritable problème de santé publique. En 2012, le nombre de nouveaux cas était de 528 000 femmes avec 266 000 décès dans le monde [1]. Le cancer invasif du col de l’utérus était, en 2012, le 11éme cancer chez la femme en France métropolitaine avec 3 028 cas estimés, et le 12 eme le plus meurtrier avec 1102 décès estimés [1]. Au Sénégal, chaque année, il y a 1800 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus et 795 décès [63]. Ces chiffres rapportés à la population Sénégalaise qui est estimée à 14 millions d’habitants sont alarmants [63]. La morbidité et la mortalité du cancer du col dans les pays industrialisés est relativement faible du fait de la qualité du plateau technique et de l’existence de programmes de dépistage organisé. Par contre, dans les pays sous-développés, la difficulté de mise en œuvre de programmes de dépistage est liée à des insuffisances de personnel qualifié notamment de cytologistes, mais aussi à une insuffisance de plateau technique et surtout à la pauvreté. L’histoire naturelle du cancer du col, et l’accès « facile » du col rendent le dépistage de cette affection facile. Plusieurs moyens du dépistage sont disponibles. Il s’agit de l’inspection visuelle après application d’acide acétique (IVA) et de l’inspection visuelle après application de lugol (IVL), du frottis cervico-vaginal (FCV), de la colposcopie, et du typage viral HPV, etc [120, 123]. Dès le début des années 80, des études rapportaient que la simple observation du col au spéculum et surtout, après l’application d’acide acétique et de lugol sur le col, permettait de dépister des lésions précancéreuses et cancéreuses opérables du col, avec une sensibilité comparable, sinon meilleure que celle du frottis cervico-vaginal [10]. Dans les pays sous-développés, en particulier au Sénégal, la simplicité, la reproductibilité et l’accessibilité financière aux méthodes visuelles font qu’elles sont de plus en plus utilisées dans le dépistage du cancer col [13, 47, 61].

DEFINITIONS

Cancer du col de l’utérus

Le cancer du col de l’utérus est défini de manière abuse comme étant le « carcinome de l’exocol et de l’endocol » utérin.

Dépistage
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le dépistage consiste à identifier, de manière présomptive, à l’aide de tests, d’examens ou d’autres techniques susceptibles d’une application rapide, les sujets atteints d’une maladie ou d’une anomalie passée jusque-là inaperçue [107, 108].

Principes et stratégies de dépistage 

Les tests de dépistage doivent permettre de distinguer les personnes apparemment en bonne santé, mais qui sont probablement atteintes d’une maladie donnée, de celles qui en sont probablement exemptes. Ils n’ont pas pour objectifs de poser un diagnostic [107, 108]. Les personnes pour lesquelles les résultats sont positifs ou douteux doivent être orientées vers un médecin pour vérification du diagnostic et, si besoin est, pour la mise en place d’un traitement. Le dépistage doit répondre à un certain nombre de critères définis par l’O.M.S :
– la maladie dépistée doit constituer une menace grave pour la santé publique (fréquence de la pathologie, gravité des cas, …) ;
– il doit exister un traitement d’efficacité démontrée ;
– il faut disposer de moyens appropriés de diagnostic et de traitement ;
– la maladie doit être décelable pendant une phase de latence ou au début de la phase clinique ;
– il existe un examen de dépistage efficace ;
– il nécessaire que l’épreuve utilisée soit acceptable pour la population ;
– il est indispensable de bien connaître l’histoire naturelle de la maladie ;
– il faut que le choix des sujets qui recevront un traitement soit opéré selon des critères préétablis ;
– il est nécessaire que le coût de la recherche des cas ne soit pas disproportionné par rapport au coût global des soins médicaux ;
– il est opportun d’assurer la continuité d’actions dans la recherche des cas et non la considérer comme une opération exécutée « une fois pour toutes ».

Il existe différents types de dépistage :
– systématique dans lequel la population recrutée est non sélectionnée ;
– sélectif, la population recrutée est sélectionnée sur des critères préalablement ciblés ;
– organisé ou communautaire, qui cible la population recrutée dans la communauté. Il est proposé dans le cadre de campagne de dépistage et s’appuie sur la participation volontaire des sujets ;
– opportuniste, qui concerne une population recrutée pour le dépistage lors d’un recours aux soins ;
– multiple, qui consiste en la recherche simultanée de plusieurs affections par l’utilisation de plusieurs tests de dépistage.

EPIDEMIOLOGIE DU CANCER DU COL UTERIN

A l’échelle mondiale, le cancer du col de l’utérus est le deuxième cancer touchant les femmes derrière celui du sein avec un peu plus de 500000 cas de cancer invasif du col utérin qui sont recensés chaque année [13]. L’incidence de ce cancer est très inégale selon les pays et ce en faveur des pays industrialisés. Dans ces pays industrialisés, il est noté une baisse de l’incidence du cancer du col depuis plus de 30 ans, alors que le nombre de néoplasies intra-épithéliales a nettement augmenté en raison de l’introduction de programmes de dépistagesystématique qui permettent de détecter le cancer à des stades précoces [13, 47].

L’Amérique centrale, l’Amérique du Sud, les Caraïbes, l’Afrique SubSaharienne et certaines régions d’Océanie et d’Asie sont les plus touchées et figurent également parmi les régions les plus pauvres du monde. Ainsi en raison de l’insuffisance des moyens de dépistage et de traitement, le risque d’être atteint d’un cancer du col utérin au cours de la vie est estimé à 4 % dans les pays en voie de développement, et est inférieur à 1 % dans les pays industrialisés [47, 61]. D’après l’OMS, la mortalité par cancer du col utérin est de 250 000 décès par an dont les trois quart sont enregistrés dans les pays en voie de développement [13]. En Afrique, selon l’OMS en 2008, le taux d’incidence du cancer du col utérin était de 50 pour 100000 avec un taux de mortalité de 40 pour 100000 [13, 47, 61]. Au Sénégal, chaque année, il y a 1800 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus et 795 décès [63].

RAPPELS SUR LE COL DE L’UTERUS 

Rappel embryologique

L’utérus a pour origine la fusion de la portion caudale des deux canaux de Müller qui s’effectue lors de la septième semaine de gestation. Ces canaux sont aussi à l’origine des trompes utérines, du col, et du tiers supérieur du vagin (figure 1). La connaissance des origines embryologiques a permis de mieux comprendre les relations cyto-hormonales entre dérivés mulleriens (utérus, partie supérieure du vagin) et dérivés entoblastiques cloacaux (partie inférieure du vagin). Ainsi, en réalisant un frottis cervico- vaginal à visée hormonale, il faut effectuer le prélèvement au niveau de la partie du vagin ayant la même origine embryologique que l’utérus.

Rappel Anatomique 

Configuration
L’utérus comprend le corps utérin, l’isthme et le col de l’utérus. Le col de l’utérus se situe entre le vagin en bas et la cavité utérine en haut. Il est fixé sur le segment supérieur du vagin et s’appuie, dans un plan oblique en bas et en avant sur la paroi postérieure du vagin. Sa morphologie varie selon l’âge de la femme et la période de la vie génitale [71]. Le col est plus étroit que le corps, grossièrement cylindrique. Il mesure 2 à 3 cm de longueur, 2 à 3 cm d’épaisseur, et la largeur du canal cervical est de 2 à 3 mm. Il se rétrécit légèrement à ses deux extrémités à la manière d’un barillet auquel il est souvent comparé.

L’insertion du vagin délimite à son niveau trois portions  :
❖ une portion sus-vaginale ;
❖ une portion vaginale ;
❖ une portion intra-vaginale qui fait saillie dans la cavité vaginale, visualisable au cours de l’examen au spéculum et accessible au toucher vaginal. Elle a la forme d’un cône tronqué, communiquant avec le vagin par l’orifice externe du col (figure 2). L’orifice externe du col, situé au sommet du museau de tanche est fermé, petit, circulaire, élastique et ferme chez la nullipare et un aspect déchiqueté chez la multipare. Le canal cervical est fusiforme mais aplati d’avant en arrière. Les parois présentent des plis : plis palmés ou « arbre de vie ».

Moyens de fixité
Le col utérin est fixe, tandis que le corps utérin est mobile. Il est maintenu en place par trois éléments [70, 71] :
❖ les paramètres, tissus céllulo-graisseux qui s’étendent de la face latérale du col, de l’isthme au 1/3 supérieur du vagin, à la paroi pelvienne et qui contiennent l’uretère, l’artère utérine et ses branches collatérales, l’artère vaginale, les veines et les lymphatiques (figure 3) ;
❖ le vagin ;
❖ les lames sacro-recto-génito-pubiennes.

Rapports

Les rapports expliquent l’extension locorégionale des cancers invasifs du col. Le col de l’utérus présente à décrire 2 zones topographiques : la portion sus vaginale et la portion sous-vaginale, séparées par la ligne d’insertion du vagin sur le col.
❖ Les rapports de la portion sus-vaginale se font :
– latéralement avec les paramètres en regard du col de l’utérus ;
– en avant avec la vessie qui est au contact du col ;
– en arrière avec l’ampoule rectale qui répond au col par l’intermédiaire du cul-de-sac recto génital de Douglas (figure 3).
❖ Les rapports de la portion intra-vaginale
Le museau de tanche repose directement sur la paroi postérieure du vagin et son axe est perpendiculaire à celui du vagin. Les rapports se font avec la ligne d’insertion du vagin sur le col, et par l’intermédiaire du vagin, avec :
– latéralement, la partie toute inférieure des paramètres et aux lames sacro-recto génito- pubiennes ;
– en avant, la face postérieure de la vessie ;
– en arrière, la face antérieure du rectum par l’intermédiaire du cul-desac recto génital de Douglas en haut, et du septum rectovaginal tout en bas [70].

Vascularisation et innervation

Le col de l’utérus est richement vascularisé. Les artères proviennent essentiellement de l’artère utérine, branche de l’artère iliaque interne et accessoirement de l’artère ovarique et de l’artère du ligament rond [71]. L’artère utérine naît du tronc ventral de l’artère iliaque interne. On lui décrit 3 segments par rapport aux ligaments larges :
– un segment pariétal ou rétro ligamentaire, presque vertical, plaqué contre la paroi pelvienne ;
– un segment paramétrial ou sous-ligamentaire, oblique en caudal, en médial et en ventral, en direction du col où elle va décrire une crosse qui enjambe l’uretère ;
– un segment mésométrial ou intra-ligamentaire dans lequel elle longe le bord latéral de l’utérus entre les deux feuillets, ventral et dorsal, du ligament large, à l’intérieur du mésométrium (figure 4).

Elle se termine au niveau de la corne de l’utérus. Les veines se drainent dans les veines utérines, les veines ovariques et les veines du ligament rond jusqu’à la veine iliaque interne. Elles forment deux systèmes, le système antérieur pré-urétéral et le système postérieur rétro-urétéral [70]. Le col de l’utérus a un riche réseau lymphatique. Le drainage cervical part du réseau collecteur péri cervical et se jette dans trois pédicules principaux [55, 78] :
– le pédicule pré urétéral, qui traverse le paramètre et atteint les ganglions iliaques externes (ganglion obturateur de Leveuf et Godard sous la veine).
– Ils se drainent dans les ganglions situés au niveau de la bifurcation iliaque externe et iliaque interne ;
– le pédicule iliaque interne, en arrière de l’uretère, se jette dans les lymphatiques iliaques internes (hypogastriques) ;
– le pédicule sacral se porte en arrière au sein des ligaments utéro sacrés, se jette dans les lymphatiques sacraux et dans ceux du promontoire dans l’angle de la bifurcation aortique.

Les nerfs proviennent du plexus hypogastrique inférieur. Le col de l’utérus contient aussi des fibres sensibles qui jouent un rôle dans l’eupareunie [70]. Les terminaisons nerveuses sont essentiellement constituées par les fibres parasympathiques, d’où la possibilité de choc vagal en cas de stimulation profonde de l’endocol. L’exocol est pauvre en fibres nerveuses ce qui rend la cryothérapie et les biopsies cervicales indolores.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. DEFINITIONS
1.1. Cancer du col de l’utérus
1.2. Dépistage
1.3. Principes et stratégies de dépistage
2. EPIDEMIOLOGIE DU CANCER DU COL UTERIN
3. RAPPELS SUR LE COL DE L’UTERUS
3.1. Rappel embryologique
3.2. Rappel Anatomique
3.2.1. Configuration
3.2.2. Moyens de fixité
3.2.3. Rapports
3.2.4. Vascularisation et innervation
3. 3. Rappel histologique
3.3.1. Exocol
3.3.2. Endocol ou canal endocervical
3.3.3. Zone de jonction
3.4. Rappels cytologiques
3.5. Rappels physiologiques
4. HISTOIRE NATURELLE DU CANCER DU COL
4.1. Rôle du papillomavirus humain
4.2. Autres facteurs de la carcinogénèse
4.2.1. Facteurs sexuels, gynécologiques et obstétricaux
4.2.2. Tabagisme
4.2.3. Facteurs immunitaires
4.2.4. Prédispositions génétiques
4.2.5. Facteurs diététiques
4.2.6. Carcinogènes environnementaux
4.2.7. Microbiote Vaginal
5. MOYENS DE DEPISTAGE
5.1. Inspection visuelle après application d’acide acétique (IVA)
5.1.1. Principes
5.1.2. Conditions et technique
5.1.3. Résultats
5.2. Inspection visuelle au lugol (IVL) ou Test de Schiller
5.2.1. Principes
5.2.2. Conditions et technique
5.2.3. Résultats
5.3. Frottis cervico vaginal
5.3.1. Principes
5.3.2. Matériel
5.3.3. Technique
5.3.4. Résultats et interprétations
5.4. Colposcopie
5.4.1. Indications
5.4.2. Matériel
5.4.3. Technique de la colposcopie
5.4.4. Résultats
5.5. Test Viral HPV
5.6. Biomarqueurs du cancer du col utérin
5.6.1. Protéine p16
5.6.2. Protéine Ki 67
5.6.3. ProEx C
6. MOYENS ET ATTITUDES THERAPEUTIQUES
6.1. Moyens curatifs
6.1.1. Traitements destructeurs
6.1.2 Traitements d’exérèse
6.1.3. Radiothérapie
6.1.4. Chimiothérapie
6.2. Attitudes thérapeutiques
6.2.1. Lésions précancéreuses dépistées à l’IVA et l’IVL
6.2.2. Dysplasies cervicales
6.2.3. Carcinome in situ
6.2.4. Surveillance post-thérapeutique
6.3. Prévention primaire du cancer du col
6.3.1. Information, éducation et communication
6.3.2. Vaccination prophylactique
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. OBJECTIFS
2. CADRE D’ETUDE
2.1. Situation géographique du CSNC
2.2. Organisation du CSNC
2.3. Personnel du CSNC
2.4. Activités du CSNC
2.4.1. Activités de soins
2.4.2. Enseignements
2.4.3. Activités de recherche
3. PATIENTES ET METHODES
3.1. Type et période d’étude
3.2. Population d’étude
3.2.1. Critères d’inclusion
3.2.2. Critères de non inclusion
3.3. Echantillonnage
3.4. Processus de collecte des données
3.5. Analyse des données
4. RESULTATS
4.1. Résultats descriptifs
4.1.1. Effectif
4.1.2. Age
4.1.3. Antécédents
4.1.4. Données de l’inspection visuelle du col
4.1.5. Données de la colposcopie
4.1.6. Données histologiques
4.2. Résultats analytiques
4.2.1. Corrélation entre tests visuels positifs et antécédents gynécologiques et obstétricaux
4.2.2. Distribution des colposcopies anormales en fonction des antécédents gynécologiques et obstétricaux
4.2.3. Performance des tests de dépistage IVA et IVL
5. DISCUSSION
5.1. Limites de l’étude
5.2. Aspects épidémiologiques
5.3. Résultats IVA- IVL
5.4. Aspects colposcopiques
5.5. Aspects histologiques
5.6. Performance des tests visuels
5.7. Aspects thérapeutiques
5.8. Aspects pronostiques
CONCLUSION

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