La violence à l’égard des femmes peut être définie comme « une violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et désigne tous les actes de violences fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée » (1). Le gouvernement actuel a mis en place le 5ème plan de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux femmes (2017-2019), dans le but de permettre à toutes les femmes victimes de violences, d’accéder à leurs droits: le droit d’être protégées, le droit d’être accompagnées, pour sortir des violences et se reconstruire. Il se décline en 3 principaux objectifs : sécuriser et renforcer les dispositifs qui ont fait leurs preuves pour améliorer le parcours des femmes victimes de violences et assurer l’accès à leurs droits, renforcer l’action publique là où les besoins sont les plus importants, déraciner les violences par la lutte contre le sexisme qui banalise la culture des violences et du viol. (3)
La violence conjugale s’inscrit dans la problématique des violences faites aux femmes. Elle désigne tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille, du foyer, entre des anciens ou actuels conjoints/ partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime (1). Le champ des violences conjugales s’étend plus largement que cette définition : il peut en effet s’agir de violences verbales mais aussi matérielles, administratives, de négligence, de privation de soins et de liberté… Elle touche majoritairement les femmes. C’est un processus au cours duquel un partenaire ou expartenaire utilise la force ou la contrainte pour perpétuer et/ou promouvoir des relations hiérarchisées et de domination, adopte des comportements agressifs, violents et destructeurs. Ces violences sont intentionnelles, liées à un rapport de force. Depuis fin 2014, la France est devenue le 13ème Etat à ratifier la convention du Conseil de l’Europe (dite convention d’Istanbul) sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique. La France s’est donc à ce moment, engagée à mieux prévenir les violences faites aux femmes, poursuivre les auteurs, et protéger de façon plus efficace les victimes de ces violences.
Formation des professionnels (question 19 à 22)
Dans notre population, 94% pensent ne pas avoir été suffisamment formé.e.s au dépistage des violences chez la femme enceinte (lors de leur formation initiale) (Question 19). Pourtant, la grande majorité des sages-femmes sont confronté.e.s à des femmes victimes de violences conjugales (nous rappelons que dans notre population, 84.4% ont déjà été confronté.e.s à une patiente victime de violences conjugales). 23 personnes (soit 72% de notre population) estiment avoir bénéficié de moins de 2h de formation au cours de leur formation initiale, dont 13 personnes disent n’avoir reçu aucune heure de formation à ce sujet. (Question 20).
44% (14 personnes) n’ont pas effectué de démarche personnelle pour faire une formation sur le dépistage des violences. Sur les 56% ayant effectué cette démarche, certain.e.s se sont formé.e.s seul.e.s à l’aide de MOOC (Massive Open Online Cours), il s’agit de cours en ligne en accès libre sur internet ; mais aussi à l’aide du site internet du Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes et de lectures personnelles. D’autre ont participé à des formations sur l’EIPP (Entretien Individuel Prénatal Précoce) dont une partie traite des violences conjugales, à des formations organisées par le CIDFF (Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles) et la MIPROF (Mission Interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains), ou encore au Diplôme Universitaire de gynécologie de prévention et de régulation des naissances.
Limites de l’étude et points forts
Une des limites de notre étude est le caractère déclaratif de notre questionnaire. En effet, nous faisons confiance aux réponses de la population. Il aurait donc peut-être été pertinent d’approfondir les questions ou poser des questions plus détaillées. Certaines questions auraient demandé plus de précisions, par exemple la question 5 « La définition de « violences conjugales » est-elle claire pour vous ? » aurait pu être suivie d’une question demandant une définition selon leurs représentations ; ou encore la question 18 « Avez-vous connaissance des outils que vous pouvez utiliser lorsque vous dépistez une situation de violences conjugales ? », nous aurions pu demander de détailler ces outils, afin d’avoir une vision plus précise des connaissances de la population.
Un des points fort de notre étude repose pour une partie sur le fait que le questionnaire propose des questions ouvertes et fermées, permettant ainsi aux répondants de pouvoir s’exprimer le plus librement possible. De plus, les violences faites aux femmes est un sujet d’actualité dont les médias et réseaux sociaux traitent beaucoup (affaire Weinstein sur le harcèlement et agressions sexuelles, les hashtag « #BalanceTonPorc, #MeToo) depuis la fin de l’année 2017. La parole des femmes se libère, de plus en plus de femmes osent prendre la parole et évoquer les violences subies. Enfin, c’est également un enjeu politique, puisque le gouvernement actuel met en place le 5ème plan de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux femmes, dont les objectifs doivent être atteints en 2019.
Caractéristiques de la population
La majorité des sages-femmes ayant répondu au questionnaire sont des sages-femmes libérales (68.8%). La plupart des sages-femmes ont moins de 5ans d’expérience dans le domaine de la consultation prénatale, et dans notre étude, nous remarquons que ce sont les sages-femmes ayant le moins d’expérience qui ne dépistent pas de façon systématique les violences conjugales au cours de la grossesse. Les années d’expériences permettraient d’avoir plus d’assurance pour accompagner ces patientes. Dans notre étude, dans la partie de la population qui dit dépister les violences conjugales de façon systématique (37.5%), 67% ont plus de 5 années d’expériences en consultation prénatale. Nous pouvons penser que le fait d’avoir plus d’années d’exercice a exposé davantage les profesionnel.le.s à des situations complexes, induisant un dépistage systématique de leur part ?
Dépistage non systématique des violences
A travers notre étude, nous remarquons que le dépistage des violences conjugales pendant la grossesse n’est pas fait de façon systématique. En effet, seul 37.5% de la population effectue un dépistage systématique. Ceci confirme notre hypothèse principale qui était que les sages-femmes ne dépistent pas de façon systématique les violences conjugales au cours de la grossesse. Ce sont des résultats insatisfaisants lorsqu’on sait que 6 à 20% des femmes enceintes sont victimes de violences conjugales pendant la grossesse, et que dans 40% des cas, la grossesse est un facteur déclencheur de violences conjugales (7). En effet, il y a deux moments à risques d’apparition ou d’aggravation des violences au sein d’un couple : la grossesse et la rupture conjugale/ premiers temps de la séparation. De plus, il fait partie des devoirs et compétences des sages-femmes de dépister ces violences et d’accompagner/ orienter ces femmes.
Freins au dépistage
Méconnaissance du réseau d’accompagnement
Au cours de notre questionnaire, nous avons demandé pourquoi les sages-femmes ne pratiquaient pas un dépistage systématique des violences conjugales lors des consultations de grossesse. Une des réponses était « Je ne saurai pas quoi faire si la personne me répond « oui » ». Ceci démontre le caractère complexe de ces situations où l’accompagnement de ces patientes relève à la fois du domaine médical, social, mais aussi judicaire . La « peur de oui », « que faire dans ce cas ? » représente la méconnaissance des professionnels du maillage en réseau nécessaire autour de ces patientes. Les professionnels ressources gravitant autour de ces patientes ne sont pas identifié par les sages-femmes: les travailleurs sociaux, gendarmerie, police, avocats, psychologue, médecin. En effet, dans notre questionnaire, à la question 17 « Lorsque vous dépistez une situation de violences conjugales lors d’une consultation prénatale, quelle est votre prise en charge immédiate ? », seulement 6 personnes sur 32 proposent à la femme de déposer plainte. Pour la partie de la population qui n’effectue pas ce dépistage systématique, les raisons évoquées sont les suivantes : « Je suis peu confrontée au problème », «je n’ai pas pris le temps de réfléchir à comment l’aborder/ comment faire », « par manque de temps », « je ne saurais pas quoi faire si la femme me répond « oui » », « je ne me sens pas à l’aise avec ce sujet ». . Le rappel à la loi permet de réhabiliter la patiente en tant qu’acteur de sa vie, mais aussi permet de reconnaître son statut de victime, de nommer l’agresseur comme seul responsable des violences.
Méconnaissance du phénomène d’emprise dans lequel se trouvent les patientes De plus, de part le phénomène d’emprise qu’exerce le conjoint sur la femme enceinte, en la discréditant en permanence, en lui répétant plusieurs fois que personne ne la croira voire qu’elle ment pour que l’on s’intéresse à elle, il est peu probable que la femme prenne ellemême l’initiative de parler spontanément de la situation de violence qu’elle vit (9). Selon le moment du cycle de la violence , la femme aura plus ou moins de facilités à exprimer son ressenti. C’est donc à nous, sages-femmes, professionnel.le.s de la santé des femmes, d’amener le sujet en consultation. Lors de consultations, il peut être intéressant d’utiliser le cycle comme un outil pédagogique pour aider la patiente à identifier les différents moments où son agresseur est violent avec elle, en nommant avec la patiente à quel moment du cycle il se situe. Le cycle de la violence pourrait être décrit de la façon suivante: Au début, l’agresseur n’est pas violent, le couple est fusionnel. Progressivement, il y a une accumulation de stress/ travail/ frustration de la part de l’agresseur, qui se déresponsabilise et accuse la femme d’incompétence. Puis, la tension montant de plus en plus, on aura d’abord des violences verbales (« tu ne sers à rien », « tu n’es pas une bonne mère »…), économiques (l’homme lui prend tous ses moyens de paiements, fermeture de comptes, interdiction d’avoir un emploi…) … Il y a un continuum des violences, les violences physiques (coups, gifles, blessures…) et violences sexuelles (viols, agressions sexuelles…) sont le passage à « l’acte ultime». Le conjoint justifie ses violences en expliquant que c’est de la faute de sa femme, c’est de sa responsabilité : « Tu savais que j’étais fatigué, il ne fallait pas m’énerver ». Enfin, il y a la phase des « regrets ». L’homme demande pardon, s’excuse, dit qu’il ne recommencera plus, lui promet de changer, ce qui redonne espoir à la femme, la dissuade de partir. Au fur et à mesure que leur relation avance, cette phase devient de plus en plus courte et fini par ne plus d’exister. Le cycle reprend: tout va mieux dans le couple, la femme a accepté de pardonner, l’homme est gentil avec elle, c’est la « lune de miel ».
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME
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