Depistage des troubles semantiques dans les maladies d’alzheimer et apparentees

L’atteinte de la mémoire sémantique (MS) est maintenant bien connue dans le domaine des pathologies neurodégénératives. Elle peut être précoce mais pas nécessairement au premier plan, tardive et associée à d’autres troubles cognitifs diffus, et constitue l’atteinte principale de la démence sémantique (DS). L’évaluation de la mémoire sémantique en pratique clinique reste cependant l’objet de débats animés quant au choix des tests à utiliser et leurs interprétations. De nombreux tests plus ou moins bien standardisés ont été élaborés dans l’objectif de mieux dépister ces troubles et quelques tentatives assez récentes du GRECO ont vu le jour en France pour répondre à cette question. Aucune étude à notre connaissance n’a cependant tenté d’évaluer la meilleure valeur discriminante des tests à notre disposition ou de leur combinaison.

La mémoire sémantique

Définition

La mémoire sémantique désigne l’ensemble des connaissances générales d’un individu sur le monde. Ces connaissances générales peuvent être organisées de plusieurs manières : on pourra opposer les items uniques, par exemple la reconnaissance d’une personne célèbre (Brigitte Bardot) ou un lieu unique (la Tour Eiffel) aux items communs, par exemple la reconnaissance d’un vélo. On peut aussi distinguer les items concrets, c’est-à-dire matériels et accessibles à nos sens (un aliment, un animal, une fleur …), des items abstraits correspondant à des concepts et par définition non matériels (la liberté, l’amour, le bonheur …). Dans son modèle d’organisation des systèmes de mémoire, Tulving distingue (Tulving, 1972) :
• La mémoire antérograde, correspondant aux connaissances qui s’acquièrent de manière nouvelle au cours du temps (après un moment donné).
• La mémoire rétrograde, correspondant aux connaissances acquises dans le passé (avant un moment donné).

Au sein de la mémoire rétrograde, il différencie :
• La mémoire épisodique (ME) associée à un contexte personnel (par exemple son premier vélo).
• La MS décontextualisée, c’est-à-dire que son évocation ne fait pas référence à un souvenir propre à l’individu.

La MS est commune (partagée par différents sujets) et soumise à une variabilité interculturelle. La ME est soumise à une variabilité interpersonnelle. Ainsi, la vue d’un vélo pourra faire remémorer un souvenir individuel relatant un évènement de vie précis (la couleur de son premier vélo par exemple) mais la reconnaissance de cet objet à 2 roues en tant que « vélo » sera commune à plusieurs individus et dissociée de tout contexte personnalisé. La reconnaissance de cet objet sera en lien avec ses traits, c’est-à-dire ses caractéristiques : présence de 2 roues, d’un guidon, de pédales, moyen de déplacement, pratique sportive … Elle est multi modalitaire, c’est-à-dire que des modalités sensorielles différentes peuvent mener à l’identification : la présentation en image, la lecture du mot, le tintement d’une sonnette… Certains auteurs proposent une organisation hiérarchique des connaissances sémantiques, avec des items regroupés au sein de catégories partageant des traits communs (Laisney et al., 2011). Plus les traits sont spécifiques, plus ils mènent à une identification fine. Par exemple, la catégorie des félins comprend un ensemble d’items d’animaux à fourrure ayant 4 pattes mais les traits tels que la présence de rayures ou d’une crinière permettront de différencier le tigre du lion.

Organisation

Si Tulving considère que ME et MS se distinguent, les liens qu’elles partagent demeurent peu clairs. En effet, en 2001, Tulving propose une organisation hiérarchique des systèmes de mémoire (modèle Sériel Parallèle Indépendant) dans lequel la ME est un sous-système de la MS . Selon ces considérations, la ME ne peut pas fonctionner de manière normale s’il existe un déficit sémantique (Tulving, 2001). Toutefois, d’autres auteurs rapportent une ME  conservée chez des patients atteints de Démence Sémantique (DS) (Adlam, Patterson, & Hodges, 2009; Eikelboom et al., 2018; Irish et al., 2016).

Ainsi, plusieurs théories d’organisation de la MS ont été proposées. Dans le modèle de la consolidation, ME et MS ne sont pas 2 systèmes indépendants (Alvarez & Squire, 1994). Selon Squire, l’encodage initial du concept repose sur l’hippocampe avec en parallèle la création d’une trace néocorticale par activation de diverses aires primaires associatives liées au concept. Avec la répétition de l’exposition au concept et le temps, ces traces s’autonomisent. La MS repose alors uniquement sur les structures néocorticales (Squire & Alvarez, 1995). Les concepts les plus souvent rencontrés seraient plus robustes aux lésions temporales car supportés par un réseau neuronal néocortical plus fort et plus autonome (Langlois, Joubert, Benoit, Dostie, & Rouleau, 2016). Cette conception est en accord avec certains auteurs qui suggèrent que la mémoire sémantique serait le système mnésique le mieux préservé au cours du vieillissement, voire même enrichi avec l’âge (Park et al., 2002) grâce à la répétition des expériences tout au long de la vie. Ce modèle permet également d’expliquer la variabilité  interindividuelle de la MS.

D’autres modèles reposant sur la théorie sensori-motrice ont été proposés par la suite. Dans ce modèle, l’apprentissage reposerait sur deux principales modalités : sensorielle (la vue, l’ouïe, l’audition …) et fonctionnelle (utilisation de l’objet) (Elizabeth K. Warrington & Shallice, 1984). Le concept présenté entraine l’activation de différentes aires néocorticales en fonction de ses traits caractéristiques avec création d’un pattern d’activation propre au concept : par exemple, le concept de vélo activera les aires primaires visuelles, auditives mais aussi motrices. Lorsque ce concept est proposé de nouveau selon une modalité particulière, il y a activation du pattern de connexion permettant la reconnaissance (Patterson, Nestor, & Rogers, 2007). Damasio propose un modèle d’organisation reposant sur la présence de « hubs » (figure 2). L’activation simultanée de plusieurs aires primaires convergerait vers des « hubs » intermédiaires siégeant dans les aires associatives primaires elles-mêmes interconnectées et convergeant vers des « hubs » secondaires (figure 3). Lors de la reconnaissance, l’activation du pattern est réalisé grâce à ces hubs pour permettre l’identification du concept (Damasio, 1989). La théorie sensori-motrice est confortée par plusieurs études en Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) fonctionnelle démontrant que lors de tâche d’évocation sémantique, les aires sensorielles correspondant aux attributs de l’item sont activées : par exemple, l’évocation du vélo entraine une activation de l’aire motrice primaire, celle du piano active les aires auditives (Kiefer & Pulvermüller, 2012). Selon Warrington, plus un item sollicite des modalités différentes plus celui-ci est robuste. En effet, dans les atteintes sémantiques retrouvées dans certaines maladies neurodégénératives que nous détaillerons plus tard, il existe des performances plus dégradées en dénomination d’items naturels (une rose) que d’items manufacturés (un tournevis). Cette dissociation s’expliquerait par le fait que les premiers reposent majoritairement sur des traits visuels alors que les seconds font également appel à des traits fonctionnels associés à leur utilisation (Libon et al., 2013).

Plusieurs théories et modélisations ont donc tenté d’expliquer le fonctionnement sémantique bien qu’aucune n’ait permis de comprendre l’ensemble des observations rencontrées chez les patients. Ces modèles s’accordent toutefois sur l’existence d’une représentation multimodale reposant sur des traits caractéristiques. De plus, la MS ne semble pas reposée sur une région cérébrale unique mais bien sur un réseau diffus partagé entre les différentes aires sensorielles primaires et associatives activées pendant l’évocation d’un concept.

Support anatomique

Il est communément admis que le principal siège anatomique de la mémoire sémantique se situe au niveau des lobes temporaux. Certains auteurs proposent une différentiation de leur fonction : le lobe temporal droit serait spécialisé dans le traitement visuel et le lobe temporal gauche dans le traitement verbal des informations sémantiques (Rice, Caswell, Moore, Hoffman, & Lambon Ralph, 2018). Un processus lésionnel au dépend du lobe temporal gauche, en particulier les parties antérieure et médiale, serait le plus susceptible d’engendrer un trouble sémantique comme suggéré par l’atrophie préférentielle de cette région chez les patients atteints de DS (Libon, 2013, Lambon-Ralph 2010, Rohrer and Rosen 2013). Toutefois, une atteinte unilatérale n’est que rarement associée à un déficit sémantique significatif (Lambon Ralph, Cipolotti, Manes, & Patterson, 2010), suggérant un système connecté plus robuste comme évoqué plus haut. En 2009, Cloutman avance que le cortex temporal supérieur gauche serait la région permettant l’association lexicale d’un concept en fonction de ces traits caractéristiques. À partir de l’étude de patients ayant fait un infarctus sylvien gauche, une association a été retrouvée entre l’atteinte temporale supérieure gauche et la présence d’une atteinte de la MS alors que l’atteinte temporale inférieure était associée à un déficit de l’accès (Cloutman et al., 2009). Ainsi, certains auteurs situent le « hub » central, zone de convergence des informations issues des différentes aires sensorielles primaires activées dans la partie antérieure et médiale du lobe temporal gauche (Davies, Graham, Xuereb, Williams, & Hodges, 2004; Patterson et al., 2007; Tomasello, Garagnani, Wennekers, & Pulvermüller, 2017). Plusieurs études utilisant l’IRM fonctionnelle ont permis de montrer l’activation d’aires sensorielles en fonction des traits des items présentés : les aires motrices sont activées lors des tâches de dénomination de verbes d’action (Zhang et al., 2018), les aires olfactives lors de la lecture de nom d’odeurs (González et al., 2006) ou encore le cortex auditif lors de la lecture d’item émettant des sons (comme un téléphone) (Hoenig, Grothe, Sim, Kiefer, & Herrnberger, 2008). L’atteinte d’un de ces hubs expliquerait l’atteinte multi modalitaire de la MS chez les patients atteints de DS alors qu’une atteinte concernant une région ou un faisceau spécifique à une modalité serait responsable d’une atteinte uni-modalitaire (Patterson et al., 2007; Reilly, Peele, Antonucci, & Grossman, 2012). Certains auteurs proposent une spécification croissante des parties des plus antérieures du lobe temporal : plus le concept possède des traits spécifiques (tel qu’un item unique) plus il est stocké dans les parties antérieures du lobe temporal (Gorno-Tempini, Wenman, Price, Rudge, & Cipolotti, 2001).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

I. Introduction
1) La mémoire sémantique
a. Définition
b. Organisation
c. Support anatomique
2) Évaluation du fonctionnement sémantique
a. Tests de langage
i. Dénomination orale
ii. Appariement sémantique
iii. Jugement sémantique
iv. Fluences verbales
v. Autres tests sémantiques
vi. Batteries
b. Outils paracliniques
3) Les atteintes sémantiques dans les pathologies neurodégénératives
a. Maladie d’Alzheimer
b. Les dégénérescences lobaires fronto-temporales (DLFT)
c. Autres pathologies neurodégénératives
4) Problématique
II. Objectifs
III. Méthode
1) Population
2) Données démographiques
3) Données neuropsychologiques
4) Bilan orthophonique
5) Test sémantiques d’intérêt
6) Imagerie
7) Analyses statistiques
IV. Résultats
1) Données démographiques
2) Performances aux tests sémantiques
3) Données neuropsychologiques
4) Données d’imagerie
V. Discussion
1) Performance de notre algorithme
a. Valeur diagnostique
b. Durée de passation
2) Caractéristiques sociodémographiques générales
3) Caractéristiques par pathologie
a. Répartition de notre effectif
b. Présence d’une plainte de langage
c. Sujets avec maladie d’Alzheimer
d. Sujets avec variant logopénique d’APP
e. Sujets avec démence sémantique
f. Sujets avec variants comportementaux de DLFTc
g. Sujets avec PSP
4) Particularité des tests sémantiques d’intérêt
a. Épreuves de vérification du GREMOTS
b. Reconnaissance des visages célèbres du GREMOTS
c. Épreuves d’appariement de la BECS et PPTT
5) Association aux performances neuropsychologiques
a. Performances exécutives
b. Performance en mémoire épisodique verbale
6) Données morphologiques
7) Limites
VI. Conclusion
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *